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Les orgues de la région de Strasbourg
Strasbourg, St-Guillaume
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Buffet classé Monument Historique, 15/04/1987.
Strasbourg, St-Guillaume, le 29/12/2012.Strasbourg, St-Guillaume, le 29/12/2012.

L'orgue St-Guillaume est une "figure" du monde de la musique en Alsace : un instrument construit avec un projet bien précis, et dans une esthétique inspirée des Silbermann "de Saxe" très peu représentée dans la région. L'orgue que l'on peut entendre aujourd'hui est l'aboutissement d'une histoire riche, intimement liée à celle de l'édifice qui l'abrite, et bien sûr de la communauté qui l'anime. Un orgue d'exception, dans un endroit d'exception. Le voyage qui permet sa découverte commence avant la guerre de Trente ans, et finit sur place (pour tous ceux qui le peuvent), dans l'aura des pierres et des boiseries séculaires, à la rencontre des acteurs locaux, et en musique. Car les mots et les photos ont leurs limites...

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L'orgue de facteur inconnu (avant 1611)
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Historique

Un orgue est attesté à St-Guillaume avant 1611, puisque à cette date un nouvel instrument vint prendre la place (littéralement : on sait qu'il a été placé au même endroit) d'un autre, plus ancien. [IHOA] [Lobstein]

La page 87 de l'ouvrage de Lobstein, où
                    commence le chapitre dédié à St-Guillaume.La page 87 de l'ouvrage de Lobstein, où commence le chapitre dédié à St-Guillaume.

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L'orgue de facteur inconnu (1611)
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Historique

De ce nouvel orgue, posé en 1611, on ne sait pratiquement rien. [IHOA] [Lobstein]

En 1643, Hans Jacob Baldner vint faire des travaux conséquents à St-Guillaume. [IHOA] [MSchaeferSilb]

Il s'agissait peut-être même d'un orgue neuf. On sait que cet instrument était placé "en nid d'hirondelle", c'est-à-dire accroché à un mur (comme l'orgue de la cathédrale). C'est Silbermann, qui, en démontant l'orgue, l'a attribué à Baldner.

L'orgue Baldner fut réparé une première fois en 1656. [IHOA]

Il y eut une nouvelle réparation en 1684, menée par un certain Carl Spies. [IHOA] [MSchaeferSilb]

On reverra Spies à St-Nicolas en 1690, et St-Thomas en 1692. [MSchaeferSilb]

On arrive ensuite dans une période ("pré-Silbermann") où il n'y eut plus vraiment de facteur résident à Strasbourg (Ring n'ayant pas exercé longtemps). Aussi, est-ce un tonnelier, Johann Conrad Besthorn, qui vint réparer l'orgue en 1693 et 1702. [IHOA] [MSchaeferSilb]

Bien que tonnelier, Besthorn, originaire de Zerbst-an-der-Nuthe, avait déjà entretenu l'orgue de Bouxwiller en 1698. Il faisait donc la "maintenance" des travaux de Baldner.

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Historique

En 1726, c'est évidemment vers André Silbermann que l'on se tourna pour construire un orgue neuf. Il le livra en 1728, et l'inauguration eut lieu le premier dimanche de l'avent. [IHOA] [MSchaeferSilb] [ArchSilb] [RSA] [JNO1991]

André Silbermann ne conserva rien de l'orgue Baldner qu'il remplaça. Ce n'avait pas été une affaire facile, car non seulement son concurrent Georg Friederich Merckel était paroissien de St-Guillaume, mais son beau-père n'était autre que le "Herr Pfarrer" (pasteur) Ölingers de St-Guillaume. Révélateur de l'ambiance lors du choix du facteur est un petit poème, écrit par Johann Huber à l'occasion d'une réunion consacrée au choix du facteur. Huber était alors prédicateur à St-Guillaume, et soutenait André Silbermann. Jean-André a conservé le poème dans ses archives : "Wan wir wolten haben ein Werckel / So gäb ich meine Stimm dem Merckel / Da es aber ein Werk trifft an / So gib mein Stimm dem Silbermann" (Dans une traduction libre : "Pour un petit boulot, je voterais Merckel, mais pour du bon boulot, je vote Silbermann.") Ölinger vota bien sûr pour son beau-fils, mais abandonna vite lorsque Huber, grâce au poème, rallia tous les autres à la cause de Silbermann. Les "histoires d'orgues" du 18 ème n'avaient rien à envier à celles de notre époque ! [ArchSilb] [RSA] [JNO1991]

Une première version du devis a été retrouvée : il ne comportait pas de 16' manuel, et la pédale était plus habituelle, avec deux Fonds de 16' (Flûte ouverte et Bourdon), une Octavebasse 8' et une Trompette. [MSchaeferSilb]

Il faut se souvenir que les orgues "classiques français", définis à l'origine pour un usage "catholique" (c'est à dire qu'ils étaient surtout destinés à "commenter" la liturgie), n'étaient pas idéaux pour accompagner le chant. Des aménagements étaient donc souhaitables pour parvenir à un instrument adapté au culte luthérien et donc à l'accompagnement du chant choral. En particulier, un Cromorne, jeu "ornemental" par excellence, n'avait pas grand chose à faire ici.

En 1734 et 1754, Jean-André Silbermann ajouta deux jeux au grand-orgue, probablement sur des chapes vides prévues par son père : Voix humaine, puis Trompette. [ArchSilb]

C'est donc l'instrument que visita Charles-Joseph Riepp en 1760. Riepp avait souhaité visiter un des orgues d'André Silbermann, et c'est à Saint-Guillaume que l'emmena son fils Jean-André. Riepp tomba en admiration devant la Trompette (un des deux jeux de Jean-André : on peut être un grand facteur et aimer la diplomatie). [RSA] [JNO1991]

Après la fermeture des ateliers Silbermann, l'entretien échut aux Sauer, mais c'est Martin Wetzel qui effectua la première transformation d'envergure, et ce dès 1845. [IHOA] [IHOA] [RSA] [JNO1991]

Une seconde suivit en 1863. Les transformations de Wetzel, minimisées par les publications de la seconde moitié du 20 ème siècle (qui se délectaient de "faire porter le chapeau" de la destruction d'un orgue Silbermann par Koulen et/ou Walcker) porta quand même sur 8 jeux (en deux fois). Soit plus d'un tiers de la composition. [IHOA] [RSA] [JNO1991]

L'instrument fut endommagé durant la guerre de 1870. [ITOA]

C'est encore la maison Wetzel qui fut chargée des réparations, après 1870. [ITOA] [JNO1991]

En 1881, Heinrich Koulen ajouta un récit expressif, changea quelques Fonds au grand-orgue, et posa une Posaune 32'. [IHOA] [Rupp] [ITOA] [RSA] [JNO1991]

Et voilà donc l'orgue que connut Emile Rupp dans sa jeunesse, et qui le marqua si profondément. Or, ce qui a influencé Rupp a forcément laissé une trace significative dans tout l'Orgue alsacien du 20 ème siècle.

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Historique

C'est en 1898 que fut posé l'orgue Eberhard Friedrich Walcker du lieu. [IHOA] [ITOA] [RSA] [JNO1991]

C'était l'opus 804 de la maison de Ludwigsburg, doté de 52 jeux sur 3 claviers et pédale. C'est donc cet instrument que joua Max Reger. St-Guillaume était déjà le centre d'une activité culturelle intense : Ernest Münch était le titulaire (depuis 1885). [ITOA] [JNO1991]

La rue voisine de l'édifice porte son nom, et rend hommage à ce grand musicien, fondateur du choeur de St-Guillaume et ami d'Albert Schweitzer (qui avait appris l'orgue avec son frère Eugène Münch, organiste à Mulhouse). Ernest Münch est aussi le père de Charles, le chef d'orchestre.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités allemandes en 1917. [IHOA] [ITOA]

C'est alors Georges Schwenkedel qui entretint et transforma l'instrument, une première fois en 1926, une deuxième en 1935. [IHOA] [JNO1991]

Georges Schwenkedel procéda encore à des travaux en 1938. [IHOA] [ITOA] [RSA] [JNO1991]

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Historique

L'orgue a été reconstruit, en trois étapes, la première en 1955, par Ernest Muhleisen. [IHOA] [ITOA] [RSA] [JNO1991]

Le grand instrument (IV/P 74j, doté d'une console indépendante) vit une dernière intervention en 1957. [IHOA] [ITOA]

Mais bien sûr, ce grand orgue néo-classique, construit sur une base romantique allemande dans un buffet du 18 ème (ou plutôt derrière, d'après les photos), ne correspondait plus du tout aux aspirations artistiques de l'époque. Les orgues de ville, de toutes façons, sont appelés à évoluer. Vu la démesure du projet, on peut se dire qu'il n'a jamais été possible de trouver les moyens de le mener à bien totalement. Quelque part, il resta inachevé. En moins de 30 ans se dessina le projet d'une reconstruction complète. Inutile de dire que dans cet instrument, et ce depuis bien longtemps, il n'y avait plus le moindre tuyau de Silbermann...

En fait, la tradition veut qu'il y ait eu 1 (un) tuyau Silbermann dans l'instrument : un Bourdon à cheminée, à l'écho. Toutefois, il provenait des stocks Muhleisen, et non de l'orgue de 1728.

Voici la composition que trouva l'inventaire des orgues de 1986 (incluant 3 batteries d'anches):

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Historique

C'est en 1987 qu'Yves Koenig, avec l'assistance de Kristian Wegscheider, reconstruisit l'orgue de St-Guillaume, dans une esthétique inspirée par celle de Gottfried Silbermann. [IHOA] [ITOA] [RSA] [JNO1991]

Les orgues Silbermann d'Alsace (d'André et de Jean-André) sont d'esthétique classique française. Gottfried, le frère d'André, bien qu'ayant un peu travaillé avec son frère à Strasbourg au tout début 18 ème, était retourné en Saxe, où il connut le succès que l'on sait. Dans les années 1980, beaucoup considéraient comme "idéal pour jouer Bach" tout instrument du 18 ème. Il fallut donc beaucoup d'énergie aux organistes et aux facteurs pour faire comprendre que les orgues des Silbermann alsaciens étaient plutôt faits pour jouer Couperin et Dandrieu. De fait, la mise en pratique des idées de Gottfried produit des instruments assurément plus adaptés à l'oeuvre du Cantor de Leipzig (soit dit sans entrer dans un débat au sujet de l'orgue idéal pour jouer Bach...)

Notons qu'il n'a évidemment jamais été question de faire une "copie" d'un orgue de Gottfried (évidemment : vu qu'il y a un positif de dos). Il s'agit bien d'une "reconstruction", dans ce style, et absolument pas de "reconstitution".

L'oeuvre de Gottfried Silbermann a été fortement décrite, théorisée, et on aura aucun mal à trouver de multiples détails. Reste à comprendre pourquoi il a été fait le choix d'une telle esthétique de Gottfried à St-Guillaume.

L'orgue Koenig de St-Guillaume, inspiré par Gottfried Silbermann de Saxe, a été inauguré le 06/12/1987 par Michel Chapuis. La composition d'origine est la même que celle d'aujourd'hui. [JNO1991]

La tribune étant utilisée par l'important choeur de St-Guillaume, l'orgue néo-classique avait été installé au fond de l'immense tribune (le positif était bien sûr postiche). Avec une transmission mécanique et un positif de dos, un tel écartement des buffet n'était pas envisageable (et représentait de toutes façons une configuration désastreuse du point de vue acoustique). Le buffet a donc été monté sur rails : il peut rejoindre le fond le la tribune, emportant la tuyauterie du positif de dos. Une façade postiche peut être logée dans la partie frontale du positif, qui reste en place.

En 2012, l'orgue bénéficia d'un relevage. Le projet alla cependant plus loin, car il fut décidé d'optimiser l'harmonisation. Les travaux furent évidemment menés par Yves Koenig. Suite à ce travail, l'orgue a été inauguré par Francis Jacob (Strasbourg, conservatoire, et Saessolsheim), le 05/10/2012. [Visite]

Schématiquement, il s'agissait de renforcer les fondamentales, en agissant sur les Fonds, et de "repositionner" les 2' (dans le plein-jeu). Le plein-jeu lui-même n'a pratiquement pas vu son harmonisation retouchée. La mécanique aussi a été révisée.

Reste le résultat ; et là, plus qu'ailleurs, il faut aller sur place. Même pour qui en a vu et joué beaucoup, cet orgue est impressionnant. Il y a d'abord son écrin : St-Guillaume est un sanctuaire à bien des points de vue ; un endroit qui force le respect, dont on peut sentir à quel point il est chargé d'histoire et d'intelligence. Dans cette nef, même de façon ténue, résonnent encore, un peu, les notes jouées par Reger, Münch, Chapuis, Isoir...
Ensuite, on ne peut être que frappé par le côté "pur sang" de la machine. Un orgue comme ça, ça se mérite : d'abord, ce n'est pas du tout facile à registrer ! Et avant même d'oser enfoncer une touche, on se rend compte que la rencontre sera une vraie épreuve de sensibilité. Enfin, l'exceptionnelle qualité mécanique et sonore ne pardonne rien : la polyphonie est transparente ! Ici, on ne triche pas : la musique se mérite par le travail. [Visite]

Le buffet

C'est le dernier buffet commandé par André Silbermann à Andreas Bender, et sûrement un des plus réussis, tant par le dessin (l'harmonie des proportions et l'ornementation) que par la qualité de fabrication. Sa "signature" visuelle est définie par les couronnements, particulièrement développés, audacieux et harmonieux.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2012
Positif de dos, 51 n. (C-d''')
1'3/5 et 4/5'
C c c' c''
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 1'1/3 2'
Grand-orgue, 51 n. (C-d''')
C c c' c''
1'1/3 2' 2'2/3 4'
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 1'1/3 2'
1/2' 2/3' 1' 1'1/3
Tiroir
Pédale, 27 n. (C-d')
I/P
Tirant et mini-pédale
Tirant et mini-pédale
[Visite]
Console:

Console en fenêtre frontale. Tous les tirants dans la console, de section carrée avec pommeaux tournés noirs à points blancs. Claviers noirs avec frontons ouvragés. Pédalier avec feintes à bec. Commande double des tirasses par tirants et petites pédales situées à gauche.

Ordre et orthographe des tirants :

PRINCIPAL,
8. Fuß
CORNET,
5. Fach
Bordun,
8. Fuß
Spitz,,flöthe,
4. Fuß
OCTAVA,
2. Fuß
TERTIA,
v 2. Fuß
TROMPET,
8. Fuß
OCTAVBAß,
8. Fuß
CALCANT
 
PRINCIPAL,
4. Fuß
Gedackt,
8. Fuß
Rohr,,flöthe,
4. Fuß
SESQUIALTERA
SUFFLET,
1. Fuß
VOX HUMANA,
8. Fuß
PRINCIPALBAß,
16. Fuß
TROMPETENBAß,
8. Fuß
 
OCTAVA,
2. Fuß
Quintaden,
8. Fuß
Nasat,
3. Fuß
QUINTA,
3. Fuß
CIMBEL,
2. Fach
PEDALKOPPEL
zum Rückpositiv
TREMULANT
POSAUNENBAß,
16. fuß
OCTAVA,
4. Fuß
Viol di Gamba,
8. Fuß
Rohr,,flöthe,
8. Fuß
QUINTA,
3. Fuß
Gemshorn,
4. Fuß
MIXTUR,
4. Fach
PEDALKOPPEL
zum Haupwerk
OCTAVBAß,
4. fuß
CLARINBAß,
4. fuß
Transmission: mécanique suspendue (1987).
Sommiers: à gravures, 1987.
Soufflerie: un cunéiforme sert de réservoir.
Tuyauterie: coupée au ton, Bourdons à calottes soudées. Tempérament : Neidhardt 1724 für ein Dorf (c'était Bach-Kellner de 1987 à 2011). Diapason : La 442 Hz.

Sites Webographie :

Culture Activités culturelles :

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670482027P06
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