Cet instrument a été construit par Edmond-Alexandre Roethinger en 1929 dans un buffet néo-gothique placé à fleur de tribune. L'édifice, construit en 1870 par Aristide Poisat (comme les églises de Courtavon ou d'Ensisheim), ne manque pas d'allure, avec sa structure métallique. Les autels du 19ème, dit-on, viendraient de Masevaux.
Historique
C'est en 1929 qu'Edmond-Alexandre Roethinger posa cet instrument, qui est le premier de Liebsdorf (la paroisse n'est devenue indépendante de Durlinsdorf qu'en 1870. [IHOA] [Barth]
La composition est très proche de celle de l'orgue de Ferrette (1926). Parmi les différences, on note l'absence, ici, du 16' ouvert de pédale, et - fait significatif - la nature de l'anche du second clavier : au lieu d'une très romantique Trompette (harmonique), on trouve ici un très néo-classique Cromorne.
Une autre différence significative (mais qui ne se voit pas) : les octaves aiguës sont réelles (le récit a 68 notes). Cela montre qu'en 1929, l'accouplement II/I 4' était encore plus fondamental : conquérir les aigus (tout en gardant de fortes fondamentales) était une ligne directrice de la pensée néo-classique naissante.
En près de 90 ans, cet orgue n'a pas nécessité d'intervention majeure : un démenti cinglant supplémentaire aux détracteurs de la transmission pneumatique, accusée d'être "fragile". Ce qui est sûr, c'est qu'on a connu des mécaniques moins fiables (et moins agréables à l'usage). Aujourd'hui, naturellement, cet instrument aurait bien besoin d'un bon relevage.
Le buffet
Ce buffet néo-gothique, assez simple, fait beaucoup penser à ceux de l'orgue Dalstein-Haerpfer de la chapelle protestante de l'hôpital civil de Strasbourg (1910, aujourd'hui disparu, car remplacé en 1974 par un instrument "comme il faut") ou de l'orgue Gebrüder Link de Merkwiller-Pechelbronn (église protestante, 1905). Le style n'est donc pas exclusif à Roethinger, mais correspond à une tendance générale pratiquée par l'orgue alsacien du début du 20ème siècle.
Trois tourelles plates, à chevrons, encadrent deux plates-faces plus étroites. L'élément "identifiant" est la présence de hauts pinacles. Il y a aussi des créneaux.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante, placée du côté gauche de l'orgue, orthogonalement au buffet et tournée vers celui-ci. (Le buffet est à fleur de tribune). Son flanc droit est contre la rambarde. Elle fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos à étiquettes centrales rondes, placés en ligne (sans espace entre les plans sonores) au-dessus du second clavier. Le nom des jeux apparaît sur fond blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et jaune pour la pédale. Le mot "pieds" est abrégé en lettres ("8 pds"), sauf pour les Mutations.
Claviers blancs à frontons biseautés. Commande des tirasses et accouplements par pédales-cuillers à accrocher rectangulaires, en bois recouvert de métal, et repérées par des étiquettes rectangulaires en matière plastique beige. De gauche à droite : "Octaves aiguës Réc.-Grand Orgue" (II/I 4'), "Octaves graves Réc.-Grand Orgue" (II/I 16'), "Pédale - Récit" (II/P), "Pédale - Grand Orgue" (II/P), "Récit - Grand Orgue" (II/I), "Récit / Grand Orgue" (II/I). Viennent ensuite les pédales basculantes du crescendo ("Crescendo-Général") et de commande de la boîte ("Expression"). Le trémolo du récit se commande par un domino, le dernier à droite, après ceux de pédale.
Commande des combinaisons fixes par pistons, situés au centre sous le premier clavier, et repérés par de petites porcelaines rondes placées en-dessous : "P", "MF", "F", "Grand Jeu", "Plein Jeu", "Annulateur" (qui est orangé alors que les autres sont blancs), puis le piston de l'appel du crescendo "Cresc. gen".
Il y a une plaque d'adresse constituée de deux inscriptions en laiton. Elles sont disposées comme à Saint-Bernard ou Ferrette, en haut de la console, de chaque côté : à gauche :
Et à droite :
Pneumatique, notes et jeux.
A membranes. Le grand-orgue est diatonique, en mitre (basses au centre) derrière la façade, légèrement décalé à gauche. Le récit est à l'arrière, au même niveau ; ils est disposé de la même façon. La pédale est logée contre le flanc droit de l'instrument, avec les basses au fond, et un demi-tour à l'avant (les aigus repartant vers le fond).
Quel dommage que, pendant plusieurs décennies, ces orgues des années 20-30 aient été discrédités par les "experts". Victimes d'une "pensée unique" forcément "baroque", instituant la transmission mécanique comme un dogme, ils ont souffert d'un long manque d'intérêt, puis d'entretien. De façon ironique et injuste, nombreux sont ces instruments qui, empoussiérés et souffrant de problèmes normaux dus à l'usure, semblent confirmer une réputation de "fragilité" ou de "peu d'intérêt". La réalité, quand on prend le temps de les étudier, est toute autre : ce sont des orgues originaux, aux timbres intéressants, aux nombreuses possibilités. Qui fonctionnent encore plutôt correctement, et font donc preuve d'une grande robustesse. Un démenti cinglant aux vieilles idées reçues. Celui de Liebsdorf, après un bon nettoyage et quelques réparation, redeviendrait un instrument enthousiasmant, et contribuerait ainsi à rehausser l'image injustement ternie du patrimoine des années 1920-1930.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Christian Froehly.
Données techniques et photos du 07/09/2019.
Données techniques et photos du 01/01/2008.
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