Cet instrument d'Edmond-Alexandre Roethinger a été construit en 1926, dans un écrin tout à fait remarquable : l'édifice, chargé d'histoire, est plein de spécificités. L'une d'elles est qu'on y accède par un escalier ; l'ambiance est vraiment unique. Les éléments les plus anciens de cette église remontent au XIIème siècle ; et les apports du premier tiers du 20ème siècle sont en totale harmonie avec eux.
Historique
Le premier orgue de Ferrette est arrivé en 1727 : un certain Nicolas Clady (de Mulhouse) y installa en effet un instrument déjà vénérable, qui venait probablement de Mulhouse, St-Etienne. Si c'est exact, il s'agissait de l'instrument qui avait été construit par Hans Werner Mudderer en 1616. [IHOA] [Barth] [PMSAEA83]
L'opération avait été initiée par Léonin Grieinger, instituteur à Ferrette, qui devint l'organiste ce cet instrument. [PMSAEA83]
Il y une une réparation, en 1736, menée par Jean-Baptiste Waltrin. De 1750 à 1786, l'organiste de Ferrette s'appelait Richard Morand. [IHOA] [PMSAEA83]
Historique
En 1778, Jacque Besançon fournit à Ferrette un orgue neuf. [IHOA] [PMSAEA83]
En 1785, Jacque Besançon fit des réparations à son instrument. [PMSAEA83]
On connaît à nouveau le nom de l'organiste de Ferrette en 1825 : Bernard Müller (natif de la localité). [IHOA]
L'instrument a été réparé en 1875, par Ferdinand Haberthür, un facteur établi non loin de Soleure, assisté d'un autre facteur nommé Scherrer. [IHOA] [Barth]
En 1892, lors de l'enquête-inventaire, l'orgue était déclaré dans un état "misérable" ("armselige Orgel"). [PMSAEA83] [Barth]
On en perd toute trace après 1917, lors de la démolition de l'ancienne nef. Il aurait été vendu par la commune, mais on ne sait pas à qui. En 1914, la nouvelle nef était achevée. [PMSAEA83]
Historique
C'est en 1926 qu'Edmond-Alexandre Roethinger construisit l' instrument actuel, de 18 jeux sur 2 claviers et pédale. [IHOA] [Barth] [PMSAEA83]
La composition est due à François-Xavier Mathias. Du coup, on ne s'étonne guère du choix de Roethinger (et non Joseph Rinckenbach, par exemple), car Mathias était un infatigable promoteur de la maison strasbourgeoise. Cette composition fut visiblement appréciée : en 1931 le curé de Ferrette témoigna : "Orgues fort belles, car la composition des registres a été faite par le chanoine Mathias, grand Maître". [PMSAEA83]
Un domino à la console, portant le nom "Fourniture", ne correspond pas réellement à un jeu, mais à un appel du "Cornet décomposé" : la Quinte, le 2' et la Tierce. Roethinger adoptera la même solution, plus part, sous la désignation "Harmonia aetheria" : on la trouve à Mittlach ou Liebsdorf (tous deux de 1929).
L'instrument a été réparé par Curt Schwenkedel en 1958. [JMGagniere]
Sur l'initiative du curé doyen Roger Koenig, également curé de Bouxwiller et Werentzhouse (qui a soutenu l'entretien des instruments de ses trois paroisses au cours des années 80), l'orgue bénéficia d'un relevage en 1987. [JMGagniere]
Malheureusement, en 1993, suite à une attaque des vers à bois (qui ont perforé plusieurs relais de commande), le grand-orgue était devenu pratiquement muet dans le milieu du clavier. Après remplacement des 85 soufflets de commande, le 28/09/1998, et la réparation des relais (traitement en profondeur contre les vers à bois + encollage de papier bleu) l'instrument est redevenu jouable. [JMGagniere]
Le buffet
Pour dégager la grande baie en ogive du fond de la tribune, le buffet néo-gothique est séparé en deux corps constitués de boiseries néo-gothiques. Une grande souplesse de disposition est en effet l'un des nombreux avantages de la traction pneumatique par rapport à la mécanique.
Notons que le mur du fond n'est pas orthogonal à l'axe de la nef, mais légèrement de biais. Du coup, l'orgue, qui lui est placé orthogonalement, est plus profond du côté gauche que du côté droit.
Les tuyaux de façade (en étain) ne sont pas uniquement constitués de Principaux, comme d'habitude, mais de tuyaux de la Gambe et de la montre du grand-orgue à gauche, et de la Flûte 16 et du Violoncelle de pédale à droite.
Dans la baie du fond est monté un vitrail représentant les seigneurs de Ferrette recevant le pape alsacien Léon IX. Il a été réalisé par les frères Ott en 1913. Il faut d'ailleurs être dans l'orgue pour en lire la légende : "Empfang des Papstes Leo IX durch die Grafen von Pfirt - 1050". ("Pfirt" = "Ferrette".)
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos à étiquettes centrales rondes, placés en ligne (sans espace entre les plans sonores) au-dessus du second clavier. Le nom des jeu apparaît sur un fond blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et jaune pour la pédale. Le mot "pieds" est abrégé en lettres ("8 pds").
Claviers blancs. Commande des tirasses et accouplements par pédales-cuillers à accrocher rectangulaires, en bois recouvert de métal, et repérées par de grandes porcelaines rondes, bicolores pour respecter le code de couleur (récit rose, pédale jaune, grand-orgue blanc). De gauche à droite : "Récit / Pédale" (II/P), "Grand Orgue / Pédale" (I/P), "Oct. aiguës Récit / Grand Orgue" (II/I 4'), "Oct. graves Récit / Grand Orgue" (II/I 16'), "Récit / Grand Orgue" (II/I). Vient ensuite la pédale basculante de commande de la boîte ("Expression Récit"), puis la pédale-cuiller commandant le trémolo du récit "Trémolo Récit".
Commande des combinaisons fixes par pistons, situés au centre sous le premier clavier, et repérés par de petites porcelaines rondes à gauche de chaque piston : "P.", "MF.", "F.", "Plein jeu", "Grand Jeu", et "A." pour l'annulateur, qui est noir alors que les autres sont blancs.
Il y a une plaque d'adresse constituée de deux inscriptions en lettres dorées. Elles sont disposées comme à Saint-Bernard, en haut de la console, de chaque côté : à gauche :
Et à droite :
Cette console est très voisine de celles de Marlenheim et Saint-Bernard.
Pneumatique, notes et jeux.
A membranes. Contrairement à ce qu'on a pu lire, la partie droite n'abrite que la pédale. Le grand-orgue, le récit et le soufflet principal sont dans le buffet de gauche, qui est bien plus profond.
Le grand-orgue est chromatique, basses à gauche. Le récit est disposé de la même façon, dans le fond, et à peine plus haut. Il y a deux sommiers de 5 chapes.
C'est vraiment un instrument attachant. Il est actuellement (2019) très empoussiéré et manque de vent en raison de nombreuses fuites. Mais un petit relevage serait extrêmement prometteur. Bien plus que beaucoup d'instruments "célèbres" car certains de leurs composants (voir leur seul buffet) remontent au 18ème, ces orgues des années 1920-30 racontent l'histoire de l'orgue alsacien, et de cette approche originale et unique du "néo-classique", héritière de la Réforme alsacienne de l'Orgue. Les idées de F.X. Mathias, mises en pratique par Roethinger méritent vraiment d'être pérennisées : ces orgues sont d'un intérêt historique considérable (même si beaucoup d' "experts" sont complètement passés à côté pendant des décennies). En plus, c'est un excellent instrument de musique, capable d'adresser un répertoire large et original.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Yves Rebreyend.
Données techniques et photos du 07/09/2019.
Photos du 07/11/2019?
Données historiques et techniques.
Truffé de parti-pris, d'ironie et d'opinions personnelles non étayées, cet article a le seul mérite de présenter quelques faits sur les instruments disparus. On peut quand même se demander quel est l'intérêt, même historique, à documenter la moindre réparation sur des instruments disparus, pour finalement passer complètement à côté de l'orgue actuel, plein de qualités, mais considéré avec dédain à cause des préjugés des années 60. (Il est pneumatique.) Malheureusement, ces articles ont sûrement fait plus de mal que de bien à l'orgue alsacien, en propageant le mythe de "l'âge d'or perdu" (suivi par la fameuse "décadence"). Ce mythe a finalement eu pour effet de discréditer le patrimoine existant et de décourager son entretien, en laissant croire que les seuls orgues valables sont ceux d'avant 1870. L'article se conclut par : [l'orgue ne] "mérite pas le détour", si bien qu'on se demande si l'auteur a seulement pris la peine de l'écouter.
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