Quand, vers 1838, la commune de Zillisheim voulut un orgue, ce furent évidemment les Callinet qui furent contactés. Mais les Callinet avaient très certainement un carnet de commande trop rempli, et incompatible avec les délais souhaités. On alla donc chercher Joseph STIEHR (à Seltz, rappelons-le). Mais l'idéal de l'orgue, à l'époque et dans le Haut-Rhin, ce ne pouvait être autre chose qu'un Callinet. Les habitants de Zillisheim demandèrent donc à Joseph Stiehr de leur construire... un Callinet. L'instrument eut une histoire mouvementée, jusqu'à sa récente reconstruction, par Michel GAILLARD de la Maison AUBERTIN.

Zillisheim, le 29/05/2005.

Zillisheim voulut son premier orgue juste avant la Révolution. Il faillit être construit par Jaque BESANÇON : Médard BARTH rapporte que celui-ci fit un devis daté du 25/08/1784. Mais la tourmente révolutionnaire passa par là : l'intendant de la GALAIZIERE ne l'approuva pas. L'affaire traîna et le projet fut finalement abandonné. S'il avait été réalisé, c'eut été probablement le dernier orgue Besançon. Veuf et sans enfants, Jacque Besançon prit alors sa retraite, qui dura... 27 ans. Après la Révolution, il y avait des "affaires" à saisir pour qui cherchait un orgue. Ainsi, Zillisheim acheta vers 1792 l'orgue Johann-Georg ROHRER, 1744, des Dominicaines de Schönensteinbach. En 1841, cet instrument fut transféré à Aspach, où il disparut finalement vers 1875, remplacé par un orgue Jean-Frédéric VERSCHNEIDER.

     Pour le nouvel orgue de Zillisheim, ce fut Stiehr qui remporta l'affaire.
L'imitation des Callinet commença par le devis : celui-ci est repris (recopié mot-pour mot) de l'un des quatre devis imprimés des Callinet. Ce n'est pas le fait de Stiehr, mais bien des commanditaires.
Le dessin du Buffet (le Positif n'était pas au-dessus, mais en Positif de dos) est calqué sur les oeuvres Callinet, et le dessin a été imposé au facteur. On pourra le comparer à celui de Wisches.

Les claviers de 54 notes, et surtout la Pédale de 25 notes correspondent aux standards Callinet.
Mais l'expert local conseillant la commune se distingua surtout avec la Composition demandée :

Sur une base de Composition Callinet (il n'y manque ni le Sifflet, ni le Grand Cornet, ni les Anches de Pédale, et pas même la fameuse Flûte traverse), voici apparaître deux "originalités" au nom exotique :

• une "Filomelle" de Pédale
• une "Chalémie" au Positif
  

Mais il fallait mettre deux vrais Jeux derrière ces dénominations . Stiehr tint plus compte de la position logique de ces Jeux dans la Composition que de leur origine étymologique probable : Stiehr était un artisan, et accordait à coup sûr plus d'importance au son produit par son orgue qu'aux mots sur les étiquettes :

• Si la "Philoméla" est un jeu connu (une Flûte), la Filomelle demandée ici occupe logiquement la place d'une "Gambe d'attaque" (celles qui sont destinées à produire un petit "coup d'archet" lors de l'émission du son).
  Il est donc probable que Stiehr confectionna une Gambe pour la Filomelle.
  

  Mais il est aussi possible que, l'accent aidant, ce mot ait été rapproché phonétiquement de "Violoncelle" : voir à ce sujet l'inscription retrouvée sur le Violoncelle/Contrebasse de Riquewihr, église protestante.

• Par contre, "Chamélie", c'est sûrement la francisation de "Schalmei" (Chalumeau), donc à l'évidence une Anche.
  Mais Stiehr devait surtout penser qu'il pouvait manquer à ce positif une petite flûte de 2 pieds. Vu le prix (60 Frs, alors que le Nasard en valait 70), et en 2 pieds, Stiehr construisit à l'évidence un Jeu à Bouche. Et comme il y a déjà une Doublette, ce devait être une Flûte 2'.
  

Le traité fut conclus, et approuvé par le Préfet le 28/09/1839. L'orgue reçu le 12/101841 par le Père Léon STOECKLIN et Martin VOGT :

"Nous avons trouvé tout le jeu très bien fait et doux en même temps; les différentes voix et jeux très agréables et fort harmonieux. Le facteur mérite donc tous les éloges et comme artiste comme homme juste et ouvrier consciencieux..."

     Mais l'église fut reconstruite en 1867. Cette année-là, François Antoine BERGER remonta l'orgue dans la nouvelle église, et, comme il y avait la place en hauteur, plaça le Positif de dos au-dessus du Grand Buffet, en "Positif de Couronne". Si Stiehr a effectivement construit des Positifs ainsi placés (à Bischoffsheim par exemple), celui de Zillisheim n'était à l'évidence pas conçu pour.
Berger répara aussi la Soufflerie.

Voici un schéma du Buffet de Zillisheim après l'intervention de Berger. Les 7 Tourelles sont rondes, à 5 Tuyaux, de façon très classique. Les chiffres indiquent le nombre de tuyaux, et les lignes l'alignement des Bouches.

     Joseph Antoine Berger fit une réparation en 1888. C'est probablement lui, et à cette date, qui remplaça la Fourniture de Pédale par une Bombarde 16'.

Durant la première Guerre mondiale, le village fut évacué, et dès Janvier 1916 ce sont tous les tuyaux métalliques (et pas seulement la façade) qui ont été réquisitionnés par les autorités allemandes.

En 1927, Georges SCHWENKEDEL nota la composition suivante :

     En 1928, Edmond-Alexandre Roethinger construisit un orgue pneumatique neuf dans le Buffet Stiehr, en appliquant les préceptes de la "Réforme alsacienne de l'orgue" et en lui donnant une Composition qu'on peut déjà qualifier de "Néo-classique". L'inauguration eut lieu le 04/11/1928.

En 1973, il y eut un relevage par Curt SCHWENKEDEL, et en 1976 un autre par Laurent STEINMETZ.

Zillisheim, le 01/03/2003

Voici la Composition en 2002 :

     En 2005, l'instrument a été restauré et agrandi par Michel GAILLARD, de la Maison AUBERTIN, et le Positif de dos a été Restauré.

Dans le cahier de charges était stipulé de conserver tous les jeux Roethinger de 1928, ainsi que les Sommiers et leur traction (mais agencés différement). Le rétablissement du Buffet dans son état d'orgine a été une priorité, et c'est ce déplacement en Positif de dos qui a permis de rajouter un troisième clavier (toujours à traction pneumatique).

Une façade neuve, en étain, a été posée.

     L'orgue a été inauguré le 29/05/2005 par Olivier LATRY.

Transmission : Pneumatique (mais Console en fenêtre). Sommiers à Cônes.
Il y a six Combinaisons ajustables.
Le "Clarimorne" est probablement, quelque part, un clin d'oeil à la Chamélie et au Filomelle.

     Sur cette Console, on trouvait en 2002 un accessoire de registration appelé Pédale - Piano automatique. La registration de la Pédale se faisant souvent en fonction de celle du Grand-orgue (pour jouer la Basse avec celui-ci), la Basse devint souvent trop puissante si l'on repasse au Récit. Seule solution manuelle : "alléger" la registration de la Pédale et supprimer la Tirasse du Grand-orgue.
C'est ce que fait automatiquement cet accessoire : quand on touche le Récit, le système renvoie la Tirasse G.O. ainsi que tous les Jeux de Pédale, à l'exception de la Soubasse 16'. Lorsque l'on repasse au Grand-orgue, les Jeux et la Tirasse sont automatiquement rappelés.

Sources :

• "Les grandes orgues de Zillisheim", plaquette distribuée lors de l'inauguration.
• Remerciements à Sébastien BRAILLON
• P. MEYER-SIAT, "Stiehr-Mockers", AEA XX (1972-73)
• P. MEYER-SIAT, "Jaque Besançon", AEA XLII (1983)
• M. BARTH, "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert", AEA XV (1965-66)
• "Musique et tourisme", plaquette de la DOHA, 2002

Activités culturelles :

• 29/05/2005 : concert inaugural, par Olivier LATRY (Paris, Notre-Dame).
• Zillisheim est avec Flaxlanden l'un des lieux privilégiés où se tiennent régulièrement et avec succès les concerts "Autour de l'Orgue".