
Jean-André Silbermann à 30 ans
Pastel de J.B.Frey (1742).
Il ne semble pas exister de portrait d'André.
Les Silbermann sont assurément les plus connus des facteurs d'orgues alsaciens. En 80 ans (1703-1783) d'activité à Strasbourg, cette famille a réalisé 91 instruments, d'une qualité bien supérieure aux standards de leurs contemporains. Matériaux de choix, étain "anglais", étude approfondie de la facture, des édifices, de l'acoustique, mais aussi étude sociale de leurs commanditaires : les Silbermann ont assurément su se donner les moyens de produire une oeuvre destinée à traverser les siècles.
Des livres sur le sujet, il y en a beaucoup, mais un seul de fondamental : la transcription des fameuses "Archives Silbermann" par Marc Schaefer, parue en 1994. Depuis, le volume de la bibliographie correspondante s'accroît régulièrement, mais sans rien de bien nouveau à chaque fois : redites, compilations, récapitulations, hagiographie, larmes sur les orgues disparus... A la décharge des auteurs, il faut reconnaître que les Silbermann ont cessé d'exercer la facture d'orgues il y a environ 230 ans... Et puis, c'est ce qui se vend : on peut en effet douter qu'un ouvrage sur Koulen ou Wegmann devienne un best-seller (et pourtant, leurs histoires sont autrement plus passionnantes).
Bien sûr, il est hors de question sur ce site de se passer d'une "page" à leur sujet, même si elle est sûrement la moins nécessaire de toutes. Une page qui, comme les autres, présentera la famille et reprendra la liste de leurs principaux travaux par ordre chronologique. Et essayera aussi d'esquisser ce que jamais personne n'a pu écrire, sous peine de se voir refuser l'Imprimatur...
Deux frères venus de Saxe
André Silbermann (1678-1734) et son petit frère Gottfried (1683-1753) étaient originaires de Kleinbobritzsch (Saxe). La "Stadt Frauenstein", un rien taquine pour nos hagiographes alsaciens, s'intitule elle-même "Kleinbobritzsch - Geburtsort Gottfried Silbermanns". De fait, Gottfried (et André) avaient appris la menuiserie à Freyberg. Mais c'est André (et pas Gottfried) qui avait appris la facture d'orgue. (On ne sait trop comment, d'ailleurs, vu que les livres sur les Silbermann étaient encore rares à l'époque.) Considérant avec pertinence le marché de l'orgue alsacien (paroisses urbaines, mais surtout communautés religieuses) et la quasi-absence de facteur local, André décida d'aller tester l'accueil qui recevrait à Strasbourg. Il fut bon.
A Bouxwiller, St-Léger, on a retrouvé l'inscription suivante : "Andreas Silbermann von Freyberg aus Sachsen hat diese Orgel Anno 1699 renoviert". André travaillait sûrement pour Friedrich Ring ("Rinck").
L'installation officielle de Silbermann à Strasbourg date de 1701. Ring mourut le 14 Mars 1701, et du coup, la concurrence, il fallait aller jusqu'à Metz pour en trouver : Claude Legros. Dès 1702, André était bourgeois de sa bonne ville.
André avait alors besoin de son frère. Alors, ils conclurent un pacte et élaborèrent un plan : André devait finir de former Gottfried, puis aller se perfectionner en facture d'orgues "française" à Paris ; pendant ce temps, Gottfried "tiendrait la boutique" (car il ne s'agissait pas de laisser filer cette magnifique opportunité) ; ensuite, Gottfried allait retourner en Saxe pour y construire les plus beaux orgues de Saxe, et André rester en Alsace pour y construire les plus beaux orgues d'Alsace. Voilà. Eh bien, le plan fut exécuté à la perfection.
Principaux travaux d'André avec Gottfried
A Paris, chez Thierry, on dépasse les Clicquot
André quitta Strasbourg pour Paris le 22 avril 1704 avec la "Landkutsche", sans savoir parler Français. A Paris, chez François Thierry, il apprit à maîtriser l'orgue classique français : buffet, esthétique sonore ("frantzöschen Orgel-Gusto") : ces anches très spécifiques et ces compositions bâties autour de Cornets. Mais sa véritable surprise, c'est que les facteurs parisiens pratiquaient la sous-traitance : certaines fonctions (soufflerie, tuyaux...) étaient confectionnées par des spécialistes. Il avait eu pas mal de chance de trouver en Thierry quelqu'un "qui sache tout faire" ! Pour adapter ces orgues à l'Alsace, il suffisait de les munir d'une pédale indépendante (avec un pédalier sur lequel on peut vraiment jouer). Voilà pour la "Synthèse géniale entre l'Orgue Classique Français et la Tradition Nordique et Germanique". Cette compétence, une fois acquise à Paris par André, resta sa profession de foi. Il ne changea rien. Il n'était ni un visionnaire ni un aventurier : il implémentait. Il "délivrait" comme on dirait aujourd'hui. Et cela n'a rien de péjoratif : ce n'était pas un temps pour l'investigation (peut-on imaginer aujourd'hui le travail que représente un seul de ces orgues si l'on ne dispose que de l'outillage disponible en 1700 ?) André était assurément un travailleur acharné, qui allait directement à l'essentiel. Thierry aurait bien voulu le garder. Il était de retour à Strasbourg le 3 mai 1706. [ArchSilb:p329]
1707 :
Strasbourg, St-Nicolas
Instrument démonté en 1967.
Il s'agit de l'orgue qu'André construisit pour sa propre paroisse, logé dans le buffet de l'orgue précédent. On ne reviendra pas ici sur le long (et triste) historique de cet instrument. Ce qui est important pour la suite, c'est qu'au conseil de St-Nicolas officiait un certain Caspar Schmidt, dont André Silbermann épousera la fille, Anna Maria (à St-Nicolas le 13/06/1708). Le premier enfant du couple fut Anna Maria II (née le 18/03/1708).
[IHOA:p194b-195a]
[ITOA:4p726-30]
[ArchSilb:p332-3,488]
En 1707, il y eut aussi un travail sur la pédale de l'orgue Claude Legros, 1702, du Temple Neuf à Strasbourg, aujourd'hui situé à Ribeauvillé. Il faut rappeler que cet instrument (commencé par Friedrich Ring) est le premier orgue d'esthétique "classique française" construit en Alsace. [HOIE:p40]
De 1707 date aussi le premier "Cabinet d'orgue" (positif), celui du Collège St-Guillaume, que les deux frères réalisèrent aussi ensemble.
Principaux travaux d'André Silbermann
1709 :
Strasbourg, Eglise protestante St-Pierre-le-Vieux
Remplacé par Eberhard Friedrich Walcker (1898).
L'édifice est ancien, très ancien. Au 19ème, il était même vieux, et, au cours de la seconde moitié du siècle, carrément délabré. Un endroit où les orgues ne durent pas des siècles. L'édifice fut enfin rénové en 1880. En 1898, on voulut évidemment un orgue neuf (dans le buffet d'Andreas Bender), et bien sûr sans positif de dos (d'ailleurs objectivement fort inadapté à l'usage). Walcker n'a rien gardé de la partie instrumentale de Silbermann, tout comme Silbermann n'avait rien gardé de la partie instrumentale d'Anton Meuttinger.
[IHOA:p196b-7a]
[ITOA:4p750]
[Lobstein:p72-6]
[ArchSilb:p333-4,488-9]
[Barth:p351]
[PMSSTIEHR:p544-5]
[HOIE:p46-7]
1711 : Cathédrale (Münster) de Bâle (CH)
André Silbermann construisit deux orgues pour la ville de Bâle : celui du "Münster" (II/P 21j)
fut logé dans un buffet ancien en nid d'hirondelle. L'orgue a été démonté dès 1855, puis installé à l'église St-Martin en 1857, où il disparut. Les portes peintes de l'instrument précédent (qui servaient à clore le buffet en nid d'hirondelle durant le Carême) se trouvent au Kunstmuseum de Bâle.
[www.predigerkirche-musik.ch]
[ArchSilb:p481-2]
1712 : St-Peter de Bâle (CH)
Le deuxième orgue bâlois d'André (III/P 26j), pratiquement contemporain du précédent, a été remplacé en 1895. Mais l'histoire n'était pas finie : en 1968, l'édifice reçut un orgue neuf de Niedhart et Lhôte, logé dans le buffet de l'orgue Jean-André Silbermann, 1770, de Bâle, St-Theodor.
[www.predigerkirche-musik.ch]
[ArchSilb:p335-6]
1716 :
Strasbourg, St-Etienne
Remplacé par Jean-Conrad Sauer (1826), déménagé à Bischheim,
église protestante.
Il s'agissait d'un orgue pour les Visitandines, destiné à remplacer un orgue plus ancien, en mauvais état. Pendant la révolution, cet instrument fut déménagé à
Bischheim, où il a été reconstruit deux fois.
[IHOA:p186b-7a]
[ITOA:3,4p55,677-9,690]
[ArchSilb:p490]
[AEA60:p1485-1502]
[AEA95:p238-42]
[MTFPelerinages:p239-40]
[PMSSTIEHR:p281,729-30]
[RA1937:p5,23-25]
[HOIE:p52]
[Caecilia:1964-4p149]
1716 :
Strasbourg, Cathédrale Notre-Dame Nef
Remplacé par Heinrich Koulen (1897).
C'était un instrument plutôt important, logé dans un buffet très spécifique (en nid d'hirondelle, très peu profond, et très haut). L'orgue Silbermann a été confié en 1833 et 1842 à George Wegmann, qui y laissa sa réputation et dut fuir l'Alsace, puis en 1897 à Heinrich Koulen, qui y laissa sa réputation et dut fuir l'Alsace aussi.
[IHOA:p183b-4a]
[ITOA:4p661-74]
[ArchSilb:p348-54,489]
1718 :
Strasbourg, Ste-Madeleine
Disparu en 1876. Remplacé par Jean-Conrad Sauer (1803), déménagé à Lampertheim,
St-Arbogast.
Il s'agissait de l'église du couvent Ste-Madeleine, édifiée au 15ème siècle. Cet instrument a fait l'objet de toutes les attentions des experts : il s'agissait de déterminer si la Voix humaine était au grand-orgue ou à l'écho (on rencontre en particulier une preuve constituée par un manuscrit de... 1541). Mais la révolution avait eu une approche un rien plus pragmatique : en 1799, l'orgue fut transféré à
Lampertheim (ancienne église mixte). Il disparut en 1876, à la démolition de cet édifice, mais forcément pas pour tout le monde, puisqu'il fut vendu le 20/03/1876, mais on ne sait pas à qui. Quant à la vénérable église du couvent Ste-Madeleine, elle disparut à son tour dans le grand incendie du 06/08/1904.
[IHOA:p191a, 97a]
[ITOA:4p705]
[Lobstein:p90-91]
[PMSSTIEHR:p672-3,659-60]
[ArchSilb:p359-60]
[LORGUE:122-123p128-30]
[RMuller:p163]
1718 : St-Leonardt de Bâle (CH)
Le troisième orgue bâlois d'André (I/P 15j), était un "8 pieds" (Bourdon 16' manuel) avec un seul manuel à l'origine (doté d'une Flûte 4', celui-ci avait 12 jeux). Cet orgue a été achevé le jour de la St-Sylvestre 1718, et inauguré le Jour de l'An 1719. En 1771, Jean-André le dota d'un positif de dos (les 7 jeux habituels). Fortement modifié en 1863, l'instrument a été reconstruit par la maison Kuhn en 1969. Le buffet est authentique ; partie instrumentale est de Kuhn, avec composition d'origine, sauf à la pédale (complétée).
[www.predigerkirche-musik.ch]
[ArchSilb:p336-7,455,482]
1720 :
Wissembourg, Eglise luthérienne St-Jean
(Détruit en 1945). Remplacé par Ernest Muhleisen (1961).
L'orgue Silbermann (II/P 14j) - que Moeller avait doté d'un positif - fut détruit par faits de guerre le 22/01/1945, soit 3 jours avant la fin de l'opération "Nordwind", l'ordre de repli ayant été donné aux forces allemandes le 25 janvier). L'édifice avait été atteint par deux bombes. Sur la photo de l'orgue Silbermann/Moeller publiée par l'inventaire des orgues d'Alsace, l'instrument ne paraît pas si irrécupérable que ça. Mais il faut se souvenir que l'édifice ne put être reconstruit qu'en 1958. Après 13 ans d'exposition aux intempéries ou enfermé dans les caisses, on peut imaginer l'état dans lequel se trouvait le matériel restant. De fait, seuls quelques tuyaux métalliques ont été sauvés.
[IHOA:p223a-b]
[ITOA:4p875]
[PMSMOELLER:p62-3]
[ArchSilb:p355-7,446,492]
1721 :
Boersch (région de Rosheim), Collégiale St-Léonard
Instrument déménagé à Ottrott, Sts-Simon-et-Jude.
La Collégiale St-Léonard, près de Boersch reçut un petit orgue Silbermann (inachevé). L'instrument était célèbre pour l'une des facéties dont les Silbermann (père et fils) étaient friands dès qu'il s'agissait de décrédibiliser un collègue : sur la cloison arrière, Georg Friedrich Merckel, auquel on avait demandé d'accorder l'instrument, avait fort honnêtement noté
"Ich Georg Friedrich Merckel habe diese Orgel gestimbt" ; et André Silbermann d'ajouter, en 1733,
"und verderbt" ("et esquinté"). L'instrument a été déménagé à
Ottrott où il fut complété.
[IHOA:p159b-60a]
[ITOA:4p490]
[ArchSilb:p358-9]
1722 : Altenheim (D)
Le petit (I/P 8j)
instrument que Joseph Chaxel installa à
Bolsenheim en 1811 avait été construit par André Silbermann pour Altenheim (D). Cet orgue étant bien trop limité pour le nouvel édifice, il fut vendu en 1889 à Franz Xaver Kriess, et disparut à ce moment là.
[ArchSilb:p362-3,479]
1724 :
Bischwiller, Eglise protestante
Remplacé par Stiehr-Mockers (1867).
L'orgue Silbermann du lieu était un petit instrument (I/P 13j). Un second clavier permettait d'emprunter le Bourdon, le Prestant, le Nasard, le Cornet et la Trompette du manuel, mais ne disposait pas de jeu propre. Il se situait sur la tribune au-dessus du choeur. Le buffet possédait deux plates-faces et trois tourelles, dont la plus petite se trouvait au milieu, et portait deux lions tenant les armoiries du duc Christian III. L'instrument fut par la suite muni d'un positif de dos, puis d'un troisième clavier, et doit en toute logique être attribué à la maison Stiehr-Mockers.
[IHOA:p39a]
[ITOA:3p61-2]
[ArchSilb:p360-2,482-3]
1728 :
Strasbourg, St-Guillaume
Remplacé par Eberhard Friedrich Walcker (1898).
André Silbermann ne conserva rien de l'orgue Baldner qu'il remplaça. C'était "chaud" car son concurrent George Friedrich Merckel était paroissien de St-Guillaume. Il ne le resta d'ailleurs pas, suite à l'attribution de cette affaire à Silbermann. Jean-André compléta l'instrument (en plusieurs fois). St-Guillaume, haut lieu de la culture depuis très longtemps, vit passer les facteurs les plus renommés : Heinrich Koulen, Eberhadt-Friedrich Walcker, Ernest Muhleisen. Finalement, en 1987 (il ne restait pas un tuyau d'origine dans l'instrument), Yves Koenig construisit un orgue dans l'esprit des Silbermann "de Saxe" (pas "Classique français" comme les orgues d'André et de Jean-André). Ce fut une réussite absolument exceptionnelle.
[IHOA:p187b]
[ITOA:4p692-3]
[ArchSilb:p137-8,365-6,491-2]
[MSchaeferSilb:p19-20,22,27,120,330-2]
[Lobstein:p87]
[Rupp:p332]
Durant les deux semaines que dura leur séjour, Jean-André et son père ont été cordialement reçus et installés à Vieux-Thann par le sympathique Reginaldus Steyer. Cet accueil, associé à l'ambiance de la région, faite de légendes et de mystères, a beaucoup marqué Jean-André, qui fut non seulement facteur d'orgues, mais aussi historien. Et c'est peut-être ici que naquit cette vocation, car c'est pendant le montage de l'orgue de Dominicaines qu'il commença a rédiger ses fameuses "archives", en commençant par décrire dans un cahier les orgues construits par son père. [ArchSilb]
Le 20/07/1732, Jean-André et son père retournèrent à Vieux-Thann (à l'occasion de la construction de l'orgue des Dominicains de Colmar). La diligence fut victime d'un incident lié à la présence d'une vache sur la chaussée et les chevaux tombèrent l'un sur l'autre. Le cocher fut formel quant à son origine surnaturelle : il affirma qu'il s'agissait d'un méfait provoqué par une sorcière. [ArchSilb]
Il est communément admis que l'instrument de Vieux-Thann disparut pendant la Révolution. Mais un orgue est attesté en 1808, et encore en 1892 (lors de l'enquête-inventaire). S'agissait-il du Silbermann ou d'un autre orgue "rencontré" après les troubles de la Révolution (une époque au cours de laquelle les orgues bougèrent beaucoup) ? Le mystère reste entier. [IHOA]
[Barth]
1730 :
Altorf (région de Molsheim), St-Cyriaque
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(17/05/1971).
L'abbaye bénédictine d'Altorf reçut son orgue Silbermann en 1730 - l'instrument avait été commencé pour les Franciscains de Sarrebourg. Le second clavier était un dessus écho (Cornet, Flûte 8, Trompette). Il a été plusieurs fois modifié, et doté d'un récit (complet) par Rinckenbach. En 1999, Richard Dott l'a restauré en l'état de 1884, en conservant bien sûr le récit.
[IHOA:p26a]
[ITOA:3p8-10]
[ArchSilb:p367,459,480]
1732 :
Colmar, St-Matthieu Tribune
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(1986).
Cet instrument (III/P 24j) (16' bouché au grand-orgue et 16' ouvert à la pédale) marque un changement de fournisseur pour les buffets : Silbermann avait jusque là passé commande à Andreas Bender, mais ce dernier avait commis l'affront de fournir un buffet pour Joseph Waltrin (et Rohrer) (pour y loger leur orgue de Haslash). André Silbermann avait certes bon caractère, mais il ne fallait pas pousser : le buffet pour Colmar fut commandé à Anton I Ketterer. Bender n'avait qu'à pas vouloir avoir plus d'un client... Notons que le positif de dos n'avait à l'origine que deux tourelles. L'instrument a été restauré en 1999 dans son état (Silbermann/Stiehr) de 1862 par Richard Dott.
[IHOA:p49a]
[ITOA:2p83-4]
[ArchSilb:p369-71,483-4]
1732 :
Leutenheim (région de Bischwiller), Abbaye de Koenigsbrück
Instrument disparu pendant la Révolution.
L'orgue qu'André Silbermann livra aux Cisterciennes était un petit instrument (I 8j). Jean-André Silbermann ne le classa toutefois pas dans les "positifs" réalisés par son père. Le couvent fut détruit à la Révolution de façon si méthodique que, pendant longtemps, on ne savait même plus où il se situait... On s'était arraché en particulier une statue de la Vierge (Leutenheim), et
Rountzenheim
demanda par deux fois à racheter l'orgue Silbermann. Sans succès : l'instrument fut expertisé le 6 août, mais le 24/08/1793, le mobilier fut "mis à l'abri" à Fort-Louis (à l'époque "Fort-Vauban"). Une chose est cependant sûre : ce n'est pas l'orgue qui se trouve aujourd'hui à
Wintzenbach.
[IHOA:p93b,222a]
[ArchSilb:p371-2,485]
[ITOA:4p861-2]
1733 :
Rosheim, Sts-Pierre-et-Paul
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(31/07/1973).
André Silbermann construisit pour l'église romane de Rosheim son dernier instrument. Il était logé à en tribune, de façon traditionnelle, dans le magnifique buffet qu'on peut aujourd'hui admirer à
Waldolwisheim (il contient un orgue Stiehr). En 1859, les Savonarole de service, trouvant indécente une tribune et un buffet d'orgue "classique" dans un édifice roman très "pur", décidèrent la destruction de la tribune et le démontage de l'orgue. On bricola donc le vénérable édifice y adjoindre une "pièce d'orgue", invisible depuis la nef, mais qui permettait de ne plus outrager les fidèles par l'exhibition indécente de volutes en rocaille. Le buffet devenait donc aussi inutile qu'inadapté : on en fit faire un "minimaliste" en sapin. De plus, à l'origine plutôt importante (III/P 23j), la partie instrumentale eut à subir une sérieuse cure d'amaigrissement pour pouvoir rester invisible. D'autres surent en profiter : le reste fut dispersé. On en retrouve bien sûr à Waldolwisheim (buffet et pédale), mais aussi à
Lixhausen (écho). Quant au "cryptorgue" Silbermann/Stiehr de Rosheim, il n'a malheureusement plus beaucoup d'intérêt...
[IHOA:p152b-3a, 214a]
[ITOA:4p542-4, 817-9]
[HOIE:p68]
[ArchSilb:p372,455-6,486-7]
Principaux travaux de Jean-André Silbermann

Jean-André Silbermann (1712-1783).
Après la mort d'André (16/03/1734), Jean-André se trouva dans une situation un peu délicate, car une rumeur courait : on disait qu'il ne savait construire que des clavecins, et ne maîtrisait pas la facture d'orgues. Mais, outre la facture de clavecins et d'orgues, Jean-André maîtrisait parfaitement la Communication, aussi bien que les conseillers modernes : il construisit un "cabinet d'orgue", qu'il plaça par la suite sur le jubé de St-Thomas (28/06/1737), qui lui servit de somptueux "showroom". (Voir le chapitre sur les positifs) [IOLMO:Mo-Sap870-1]
1737 :
Barr, Eglise protestante
Remplacé par Jean-André Silbermann (1739), déménagé à Ottrott,
chapelle Ste-Odile du Mont Ste Odile.
C'est le "positif du Mont Ste-Odile" que l'on retrouvera dans le chapitre sur les
positifs, mais qui a été laissé dans la chronologie en raison de son importance. Comme la plupart de ces petits instruments transportables, il fut pas mal transporté : sa première affectation, en 1737, avait été pour
Barr, comme instrument provisoire, en attendant la livraison de l'orgue Silbermann, 1739, du lieu - celui qui se trouve aujourd'hui à
Saint-Pierre ; mais il avait peut-être déjà quelques années. On le retrouve ensuite à Strasbourg, d'abord dans l'auditorium de l'Université, puis entreposé au Grand Séminaire. En 1861, on le signale à Blancherupt, où il est joué par Joseph Vilmin. Le fils de ce dernier offrit ce qui en restait à François-Xavier Mathias en 1931 : il était destiné à orner son institut St-Léon IX. En fait, l'orgue atterrit (après une reconstruction par Roethinger) dans le choeur de
Strasbourg,
Ste-Madeleine, où officiait Joseph Mathias, le frère du précédent. Après la seconde guerre mondiale, l'instrument fut placé à la
chapelle Ste-Odile du Mont Ste Odile (au 1er étage).
[ITOA:3p24-6]
[ITOA:4p493]
[IHOA:p31b,162a,39b-40a]
[PMSSTIEHR:p405-10]
[HOIE:p248-9]
[ArchSilb:p454,460,496-7,516]
[MSchaeferSilb:p133,135]
1738 :
Colmar, Dominicaines (Unterlinden)
Instrument déménagé à Eschentzwiller, Sts-Pierre-et-Paul.
Et voici la première tourelle centrale tri-lobée, qui est la "signature" des buffets de Jean-André. Cet instrument fut construit pour les Dominicaines de Colmar (couvent d'Unterlinden), et était conçu sans positif de dos. Ce dernier fut ajouté en 1743. En 1792, l'instrument fit l'objet de la convoitise de Joachim Henry, bien introduit dans les réseaux révolutionnaires, qui fit pas mal de bonnes affaires. Il le revendit à
Eschentzwiller. L'orgue a été beaucoup modifié par la suite, mais reste passionnant.
[IHOA:p49a]
[ITOA:2p106]
[ArchSilb:p498-9,436-7,454-5]
[PMSAEA85:p277-8]
1739 :
Barr, Eglise protestante
Remplacé par Ferdinand et Xavier Stiehr (1852), déménagé à Saint-Pierre,
St-Arbogast.
Après le positif temporaire de 1737, Jean-André plaça à Barr un instrument de talle plutôt limitée (I/P 11j) (quatre pieds). Trompette de pédale, Mutations, Cornet et Cromorne (coupé en basse+dessus) furent placés en dernier. Après l'agrandissement de l'édifice, (1850) il fallut trouver plus grand, ce que Stiehr fournit. Le maire Charles Dietz crut qu'on avait détruit le vieil orgue Silbermann (qu'il avait pourtant reconnu comme un instrument de valeur). En fait, le petit instrument prit le chemin de
Saint-Pierre, où on peut encore voir son buffet.
[ITOA:3p24-6]
[ITOA:4p493]
[IHOA:p31b,162a,39b-40a]
[PMSSTIEHR:p405-10]
[HOIE:p248-9]
[ArchSilb:p454,460,496-7,516]
[MSchaeferSilb:p133,135]
1741 :
Strasbourg, St-Thomas Tribune
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(24/09/1971).
A
Colmar pour les
Dominicaines (Unterlinden), Jean-André avait placé une tourelle centrale tri-lobée au grand-orgue ; à l'
abbaye de Marbach, c'était au positif. Il restait à dessiner un buffet avec cette fameuse signature visuelle aux deux corps du buffet. Ce fut fait ici, et réalisé par Riedinger. Cet instrument fut, comme tous ceux situés en zone urbaine, fortement modifié au cours de son histoire. Malgré cela, et depuis sa restauration par Alfred Kern en l'état de 1741 (à quelques détails près) c'est un des mieux conservé des orgues de Jean-André. (Rappelons-le : les deux orgues Silbermann d'Alsace qui puissent être qualifiés d'authentiques sont tous deux de son père André, et aucun instrument de Jean-André ne nous est parvenu "en l'état".)
[IHOA:p202a-b]
[ITOA:4p762-7]
[ArchSilb:p132,269,435,543,511]
[HOIE:p74]
Voyage d'étude
Chef d'entreprise à 22 ans (1734), Jean-André dut attendre 7 ans, mais entreprit tout de même un voyage d'étude, chez son oncle Gottfried (de février à juin 1741, juste après avoir fini l'orgue de St-Thomas). Il avait déjà signé le contrat pour son orgue d'Ensisheim.
On a pu lire que ce voyage d'étude était aussi son voyage de noces. Mais Jean-André n'épousa Anna Salomé Mannberger que le 22/08/1742.
1742 :
Ensisheim, St-Martin
Détruit dès 1854. Remplacé (1864).
C'était un orgue plutôt important (III/P 28j) (avec un Bourdon 16' manuel ; le premier a avoir été doté d'un Carillon) qui fut détruit lorsque le clocher de l'édifice lui tomba dessus, en 1854. Une histoire assez extraordinaire : l'église avait été interdite par le préfet le 11 septembre 1854, et s'écroula le 5 novembre. Contrairement à l'orgue Silbermann, la fameuse météorite fut sauvée (notons qu'elle est quand même moins sensible à l'écrasement). Deux peintures (anonymes en raison d'illisibilité de la signature) montrent l'église avant et après le sinistre, et délivrent une version romantique du "poids des mots, choc des ph... illustrations". Mais l'histoire se finit bien : dans la nouvelle église d'Ensisheim, Martin Rinckenbach plaça ce qui est probablement le plus bel orgue d'Alsace. Quant à la robuste "chondrite à olivine et hypersthène" (!), bien qu'elle ait - dit-on - maigri au cours des siècles de 150 à 55kg, c'est tout de même un objet assez impressionnant !
[LR1907:p83]
[IHOA:p56b]
[ITOA:2p104]
[ArchSilb:p99-100,453-4,500-1]
[Barth:p188-9]
[PMSSUND1986:p183-90]
1743 :
Strasbourg, Clinique de la Toussaint
Détruit en 1945. Remplacé (1854), déménagé à Herbsheim,
Ste-Barbe.
Déménagé à
Herbsheim à la Révolution, réparé en 1809 par François-Joseph Fischer, cet orgue fut transformé en 1925 par Edmond-Alexandre Roethinger, et totalement détruit en janvier 1945. Il en reste une sculpture figurant un panier de fleurs, que l'inventaire des orgues du Bas-Rhin attribue d'ailleurs plutôt à Sébastien Krämer.
[IHOA:p76b, 203a]
[ITOA:3-4p253,770]
[ArchSilb:p437,455,511-2]
1746 : Saint-Quirin (57)
Le petit orgue de Saint-Quirin était pratiquement jumeau de son contemporain de Guémar (1746, aujourd'hui à
Griesheim-sur-Souffel). Comme pour celui-de
St-Jean-Saverne (1747), le buffet est constitué d'une tourelle centrale tri-lobée, juste flanquée de deux plates-faces. Ces trois petits instruments sont donc visuellement très "identifiables". Notons que ce n'est pas à l'époque romantique (1850-1900) que cet orgue fut altéré (comme on a pu le lire). Répéter ce genre de choses est à la fois une erreur et une injustice : l'orgue de Saint-Quirin a été transformé en 1904 et 1942. En 1904, Staudt procéda surtout à un changement de diapason, et à deux changements de jeux (Fourniture et Cymbale contre Gambe et Voix céleste). Par contre en 1942, l'orgue fut très sérieusement altéré : remplacement de la pédale, élargissement de l'écho (zinc+spotted), trémolo pneumatique, et... rétablissement d'une Fourniture et d'une Cymbale. C'est en voyant cela que Pierre Jacquot lança son cri désespéré :
"les boches ont payé ce travail 24 000 RM, soit au moins 480 000 F" (c'était en 1945, on lui pardonnera donc le choix des mots, mais l'évaluation technico-commerciale est sans appel). C'est ce qu'à l'époque on appelait une "restauration", et il s'agit bien d'une transformation typiquement "néo-classique". L'orgue de Saint-Quirin fut donc victime de la "mode" néo-classique au milieu du 20ème siècle, et pas du romantisme. Et ce qui sauva l'orgue de Saint-Quirin par la suite, ce sont les improvisations et les enregistrements de Michel Chapuis, puis le travail conjugué de Marc Schaefer et Alfred Kern. A la console se trouvent des étiquettes originales de Jean-André Silbermann.
[ArchSilb:p421-3,508-9]
[ILMO:Mo-Sap1845-51]
1749 :
Strasbourg, Temple Neuf
Détruit en 1870. Remplacé par Joseph Merklin (1877).
On ne reviendra pas ici sur ce qui s'est passé le 24 août 1870 : l'instrument qui périt dans les flammes ce jour-là, aux côtés de l'Hortus Deliciarum, était sûrement le chef d'oeuvre de Jean-André Silbermann, ou tout au moins un de ses orgues préférés : ce fut l'un des deux qu'il décida de faire visiter au jeune Mozart, alors en voyage à Strasbourg, en octobre 1778. L'orgue de 1749 (III/P 46j) était doté d'un Oberwerk complet, d'un 16' ouvert à la pédale, mais n'était pas un vrai "seize pieds" puisque son grand-orgue était fondé sur un Bourdon 16'. Des quatre orgue de "seize-pieds" (c'est-à-dire munis d'un Principal 16' au grand-orgue) construits en Alsace au 18ème, un seul le fut par les Silbermann : celui de la cathédrale de Strasbourg (les autres,
Wissembourg,
Neuwiller-lès-Saverne et
Guebwiller ont été construits respectivement par Louis Dubois (1766), Nicolas Dupont (1778) et Joseph Rabiny (1785). Le dessin du buffet n'est pas sans rappeler l'orgue Ring du lieu (déménagé en 1749 à
Ribeauvillé) : la structure était identique, mais les tourelles latérales étaient moins larges et dépourvues de "2ème étage", et le positif de dos avait trois tourelles.
[ArchSilb:p402-7,512,118]
[MSTempleNeuf:p95-122]
[YMParisAlsace:p68-78]
[IHOA:p200b-2a]
[ITOA:4p760-1]
[Rupp:p322-3]
[AOOrgelnJAS:pI,25]
[Barth:p353-4]
[HOIE:p40-1]
[PMSRHW:p230-1]
[RMuller:p158]
1750 :
Soultz-Haut-Rhin, St-Maurice
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(1991).
L'orgue de Soultz, achevé l'année de la mort de J.S. Bach, avait été complété par Callinet, et fortement modifié en 1925. La mécanique (et l'écho) ont dû être entièrement reconstruits, au cours d'une restauration menée par Curt Schwenkedel entre 1960 et 1970. Ce fut le moment des travaux - désormais célèbres - de Philippe Hartmann, qui utilisa les indices historiques pour établir l'harmonisation et le tempérament très spécifique de l'instrument (c'est un tempérament "mésotonique", mais avec 3 tierces pures dans la partition). Le positif de cet instrument est doté d'un de ces fameux dessus de Carillon (cette Mixture composée d'une Neuvième et d'une Tierce 1'3/5). Soultz, c'est aussi l'orgue de Théodore Thurner.
[IHOA:p176a]
[ITOA:2p428-9]
[HOIE:p82]
[ArchSilb:p407-8,514]
1751 :
Selestat, Dominicaines de Sylo (ancien hôpital St-Quirin)
Instrument déménagé à Sundhouse, église protestante.
Dans les hauteurs de Riquewihr, non loin du château du Bilstein, se trouvait un ancien couvent de Dominicaines, en un lieu appelé "St-Nicolas de Sylo". On retrouve des vestiges de l'église, mais celle-ci n'a jamais abrité d'orgue Silbermann, puisque les soeurs en furent chassées dès 1254 par un nobliau acariâtre qui finit par faire incendier leurs bâtiments. Elles vinrent trouver refuge à Sélestat, dans le couvent qui devint l'actuel hôpital, avec son fameux cloître gothique. La "nouvelle" église des Dominicaines fut achevée en 1286, et dotée en 1701 d'un orgue du fameux Frère Lai d'Ebersmunster. Jean-André Silbermann y posa un orgue plutôt important (III/P 20j) (avec un dessus d'écho). En 1793, cet instrument fut déménagé à
Sundhouse où il fut transformé à plusieurs reprises (buffet et partie instrumentale). Cependant, et grâce à un récent relevage (2009) fort réussi, l'orgue de Sundhouse est resté très attachant.
[ArchSilb:p103-4,411-2,476-7,510-1]
[IHOA:p171b-72a,204a]
[HOIE:p80]
[ITOA:4p781-2]
1751 :
Muttersholtz (région de Marckolsheim), Eglise protestante
Remplacé par Martin et Joseph Rinckenbach (1905).
Le projet d'un orgue vit le jour le 25/06/1748, lancé par le Père Johann Michel Wild de Muttersholtz. L'instrument avait 10 jeux : Jean-André a noté qu'il avait la même composition que celui de
Scherwiller, plus un jeu, mais sans Cromorne (donc probablement deux jeux de pédale). Il fut assemblé sur place en mars et avril 1751 par Daniel Silbermann. C'est l'orgue que connut le compositeur Jean-Louis Adam (03/12/1758-08/04/1848), enfant de Muttersholtz, qui eut comme professeur l'organiste strasbourgeois Sixte Hepp. Adam est l'auteur d'une "méthode de piano-forté". Vers 1875, le Sélestadien Matthaeus Moessmer remplaça la soufflerie et fit probablement d'autres réparations. En 1904, c'est un orgue neuf que Joseph Rinckenbach posa à Muttersholtz. Le buffet fut conservé, mais à été fortement remanié.
[IHOA:p123b]
[ITOA:3p409]
[ArchSilb:p95,505-6]
[MSchaeferSilb:p87,90,156]
[PMSAS1973:p103-8]
[Barth:p271]
[RMuller:p1-2]
1751 :
Selestat, Franciscains
Instrument déménagé à Stotzheim, St-Nicolas.
Partie instrumentale remplacée en 1904.
Les orgues de congrégations religieuses ayant été confisqués à la Révolution, leur acquisition (via des spéculateurs) par des communes semblait être "une bonne affaire" pour celles-ci. Malheureusement, ces instruments étaient souvent inadaptés à leur nouvel édifice ou leur nouvel usage. La plupart ont donc vu leur partie instrumentale fortement modifiée, voir remplacée, comme celui-ci, après qu'il fut déménagé à
Stotzheim. Il ne reste de l'orgue Silbermann que le buffet, mais l'instrument de 1905 est d'une très grande qualité, et très adapté à l'édifice. Il a malheureusement perdu quelques jeux dans les années 1970.
[ArchSilb:p411-2,476-7,510-1]
[IHOA:p171a]
[ITOA:4p654]
1751 :
Kaysersberg, Clarisses d'Alspach
Instrument déménagé à Katzenthal, St-Nicolas.
Détruit en 1945.
Il y avait déjà un orgue couvent des Clarisses d'Alspach (Kaysersberg) quand Silbermann vient poser le sien. L'abbesse lui demanda s'il était possible de remonter le vieil instrument chez les Franciscains, car elle voulait leur en faire cadeau. Silbermann effectua ce remontage et l'accord gratuitement (en fait sa rétribution et celle de ses compagnons, dont Daniel, fut une bonne "teuf" organisée par les Franciscains en remerciement). Quant au petit (9 jeux + dessus de Cornet d'écho, plus deux 8' de pédale) orgue Silbermann, il fut déménagé à la Révolution à
Katzenthal, où il fut finalement détruit par faits de guerre en 1945.
[ArchSilb:p80,377-8]
[IHOA:p25a]
[PMSBERGANTZEL:p239-40]
1752 : Villigen (D)
La composition de cet instrument est connue, mais pas le dessin de son buffet : il fut vendu en 1808 à Karlsruhe où on le remonta dans un nouveau buffet. L'instrument a été démonté en 1904 et a totalement disparu. En 2002, Gaston Kern - sur les données de Marc Schaefer - construisit pour Villingen un orgue neuf inspiré de celui de Jean-André Silbermann de 1752. La composition d'origine fut complétée (deux jeux de basse à l'écho, pédale beaucoup plus fournie, Larigot au positif et... Flûte 4' pour le grand-orgue. Pour le buffet, il fut décidé de reprendre le dessin de celui de
Mulhouse,
église réformée St-Jean (c'est à dire le buffet que Silbermann fit construire pour son orgue de
église réformée St-Etienne, 1766).
[www.silbermann-orgel.de]
[www.swr.de]
[ArchSilb:p423-7,514-5]
1753 : Stiftskirche de Baden-Baden (D), tribune
De 1753 date le premier orgue (celui placé en tribune) que Jean-André construisit pour la Stiftskirche de Baden-Baden (D). Transformé en 1867, l'instrument fut déménagé à Karlsruhe (St-Cyriakus), et entièrement reconstruit en 1867 et 1906 (Voit ; sans positif de dos). Il ne reste de 1753 que le grand corps de son buffet, qui avait été construit par Martin Aigler, de Rastatt, avec une tourelle centrale tri-lobée (et peut-être le Bourdon du grand-orgue). L'orgue Voit est heureusement classé. A Baden-Baden, plusieurs orgues se sont succédés depuis, l'actuel étant celui de Johannes Rohlf, de Neubulach.
[www.philipp-pelster.de]
[www.se-badenbaden-mitte.de]
[www.swr.de]
[ArchSilb:p375-7,495]
1754 : Stiftskirche de Baden-Baden (D), choeur
Silbermann construisit dans la foulée un second instrument pour Baden-Baden : c'était un orgue de choeur (I 4j) (B8P4D2Fo3(1')). Il a été détruit en 1944.
[ArchSilb:p495]
[de.wikipedia.org]
1754 :
Woerth, Eglise protestante
Instrument disparu en 1898, buffet probablement retrouvé. Remplacé par Eberhard Friedrich Walcker (1899).
On a lu pas mal de choses sur ce petit instrument, disparu en 1899. Silbermann le note à 9 jeux manuels (les habituels, mais avec une Cymbale à la place du Cromorne) et 3 à la pédale (16', 8', Trompette). Jean-André était-il particulièrement attaché à cet instrument ? Toujours est-il que suite au fait qu'il savait que Rohrer avait proposé de s'en occuper, il a laissé cet énigmatique commentaire :
"[29/08/1776] Ich werde sie das letzte Mahl gestimbt haben. Wie in künfftigen Zeiten mit umgegangen werden wird, weis ich nich" (
"Ca sera la dernière fois que je l'accorde. Je ne sais pas ce qu'il va devenir"). En 1898, le "simultaneum" prit fin : on construisit une église catholique neuve (dotée d'un chef d'oeuvre de Roethinger - l'opus 11 - dans son admirable buffet de Weyl) et l'église désormais protestante fit construire un orgue romantique (II/P 18j) par Eberhard Friedrich Walcker. Malheureusement, cet instrument d'exception fut gravement altéré en 1958. Malgré une heureuse - mais insuffisante - initiative en 2001, ce pauvre instrument est toujours affublé d'une Cymbale et d'une Sesquialtera (!), la belle Mixture grave est complètement recoupée, la Gambe de Walcker a été elle aussi recoupée pour donner un "Prestant", et il n'y a plus de Violoncelle de pédale... Réparer les errements de 1958 n'est probablement pas pour demain. Quant à l'orgue Silbermann, on a probablement fini par retrouver sa trace : Marc Schaefer a émis l'hypothèse que son buffet est certainement celui de l'instrument que Norbert Dufourcq à offert en 1994 à l'abbaye Notre-Dame du Bec (Le Bec Hellouin, 27).
[orgues-normandie.com]
[IHOA:p225b]
[ITOA:4p883]
[ArchSilb:p429-31,515-6]
1755 :
Colmar, Collégiale St-Martin Tribune
Remplacé par Martin et Joseph Rinckenbach (1911).
L'orgue Silbermann, dont on peut toujours voir le buffet aujourd'hui, (III/P 38j, sans Flûte 4' au grand-orgue) avait été complété par Joseph Callinet (IV/P 48j) en 1828. Joseph Rinckenbach dota par la suite Colmar (en 1911) de son plus grand orgue (III/P 82j), muni d'un écho placé sous la voûte, au-dessus du transept. Les témoignages de l'époque confirment que c'était un orgue symphonique exceptionnel. Mais il occupait un buffet Silbermann, ce qui causa sa perte. En 1976, l'orgue Rinckenbach avait été déclaré "hors d'usage" ; puis il fut démonté. Les tuyaux Silbermann restants (12 jeux en tout, avec certains tuyaux de Callinet) ont été remis à l'église des
Dominicains de
Colmar. Ils étaient destinés à compléter le Silbermann autrefois construit pour
Selestat,
St-Georges, qui est actuellement démonté (et entreposé chez un facteur en attendant sa reconstruction). Mais juste avant sa démolition, et orgue "hors d'usage" fut encore joué, et de bien belle façon ! Peu se souviennent des commentaires alors entendus (en Alsacien) : "Il n'était pas si mal, cet orgue..." Et on frémit en pensant à ce qu'il aurait pu être après un bon Relevage. Combien ont pleuré ce qui a été fait en 1911 sans se rendre compte qu'on a fait exactement la même chose en 1976 : détruire un orgue d'exception pour faire du neuf. Aujourd'hui, on trouve ici un orgue inspiré par Arp Schnitger (rien à voir, donc, avec Jean-André Silbermann), certes prestigieux, mais tout aussi inadapté à son buffet d'inspiration classique française que ne l'était le chef d'oeuvre perdu de Joseph Rinckenbach.
[IHOA:p48b-9a]
[ITOA:2p72-3]
[HOIE:p92]
[ArchSilb:p387-90,500]
1755 :
Orbey (région de Lapoutroie), Ancienne abbaye de Pairis
Instrument déménagé à Turckheim, St-Anne.
C'est un destin assez exceptionnel que celui de l'orgue construit pour les Bernardins de Pairis : le feu fut pour la première fois à l'oeuvre avant même la pose de l'instrument (mais après que le contrat ne fut signé : 1751). Il fallut attendre la reconstruction de l'église (1755) pour livrer un orgue (II/0P 18j) très spécifique puisque dépourvu de pédale séparée : les 9 jeux habituels au grand-orgue - pas de flûte 4' - étaient complétés d'une Cymbale et d'une Voix humaine. Cette dernière avait été commandée tardivement, et devait être construite sur le modèle de
Colmar,
collégiale St-Martin (qui avait dû beaucoup plaire aux commanditaires de Pairis). Le positif avait les 7 jeux habituels, et le pédalier ne fonctionnait qu'en tirasse. A la Révolution, l'orgue fut déménagé à
Turckheim
par le fameux Joachim Henry, l'un des "spécialistes" du négoce des orgues confisqués par la Révolution. Là aussi, il ne se borna pas à spéculer et à déménager, mais pratiqua ses habituels croisements, mélanges, boutures et greffons. En 1840, Joseph Callinet découvre une pédale indépendante et un Clairon manuel. Les frères Callinet ajoutèrent un récit très bien intégré au reste de l'instrument. En 1978, le feu frappa une deuxième fois (façade, positif et grand-orgue. Le récit, dont la boîte expressive avait été laissée fermée, fut épargné (ce n'est pas un cas isolé : voir
Orschwiller). Alfred Kern réalisa ici une restauration en l'état de 1840 qui fut une exceptionnelle réussite. L'instrument, extrêmement plaisant à jouer et à entendre, offre à la fois les sonorités du 18ème et ce magnifique récit de Callinet. C'est l'un des orgues les plus attachants de la région.
[ArchSilb:p51,61,419-21,508,510]
[IHOA:p140a, 207b]
[ITOA:2p456-7]
1758 : Kehl (D)
Le petit orgue (I/P 10j) que Jean-André Silbermann posa à Kehl (D, commune voisine de Strasbourg, située juste à la frontière) est le premier à avoir été détruit "par faits de guerre" : en juin 1796, le général Jean Victor Marie Moreau prit Kehl avec ses troupes Bonapartistes. Parmi les conséquences historiques : le nom de Kehl sur l'Arc de triomphe de l'Etoile, et la destruction du village, incluant petit orgue Silbermann. Le mois de janvier suivant, Louis Charles Antoine Desaix reperd la place forte. Cette fois, l'Arc est muet sur le sujet, et il n'y avait plus grand chose à détruire.
L'orgue Silbermann - dont le destin voulut donc qu'il n'atteint même pas la quarantaine - était venu remplacer un petit instrument de Georg Friedrich Merckel (I/P 11j) (en gardant le buffet). Silbermann n'était pas tendre avec ses concurrents, ses cibles étant surtout Rohrer et Merckel. Toutefois, il ne savait pas encore, quand il expertisa l'instrument de Kehl, que celui-ci était à attribuer à Merckel. C'est donc en toute "impartialité" qu'il énumère tous les défauts techniques de l'instrument et le qualifie de "liderlichen Arbeit" ("travail lamentable") pour lequel une réparation était impossible. En 1756, l'instrument était définitivement muet. [ArchSilb:p236,393-4,502-3]
La composition de l'orgue Silbermann était spécifique (manuel de 8 jeux : les 7 d'un positif, moins l'anche, plus un Cornet de 5 rangs et une Cymbale 2 rangs, et pédale en 8' et 4'). Sûrement parce que le Merckel était disposé comme suit :
Composition, Merckel
Manuel
Pédale
Sans tirant
Sans tirant
Tremblant
Silbermann a donc élaboré la nouvelle composition à partir de l'ancienne, mais en retirant la Flûte 4', et en fondant la pédale sur 8' 4'. Vous voyez bien qu'il n'y a rien d'impossible avec de tels facteurs.
1759 : Amtenhausen auf der Baar (D)
De 1759 date l'orgue construit pour l'abbaye bénédictine d'Amtenhausen auf der Baar (D, dans la proche Forêt-Noire). Avec 12 jeux sur un seul manuel et pédale accrochée, cet instrument avait aussi une composition spécifique (Trompette et Basson). Il venait aussi remplacer un instrument plus ancien, construit par Andreas Schuster (avec octave courte). Et, là aussi, Silbermann garda le buffet. Suite à la sécularisation de 1803, l'orgue déménagea au couvent du "Maria Hof" de Neudingen (D). L'instrument fut détruit lors de l'incendie du couvent le 23/03/1852.
[www.suedkurier.de]
[ArchSilb:p257,378-80]
1759 :
Scherwiller (région de Sélestat), Sts-Pierre-et-Paul
Déménagé en 1921, puis disparu. Remplacé par Joseph Rinckenbach (1921).
L'ancienne église de Scherwiller (celle de 1725) avait été dotée d'un petit orgue Silbermann (I/0P 9j), achevé (d'après les notes de Jean-André) le 7 Août 1759 à 8 heures du matin (Silbermann se levait vers 5h, la journée était donc bien avancée). On y trouvait les 9 jeux habituels d'un manuel en 4 pieds. Il n'y avait pas de pédale indépendante, et le pédalier était accroché. Il devait sûrement beaucoup ressembler (en un tout petit peu plus petit) à son contemporain de
Rosheim
(aujourd'hui à
Hessenheim). Bien qu'agrandi par la maison Verschneider-Krempf en 1871, il devait paraître minuscule dans la grande nef de la nouvelle église de 1899. C'est Franz Xaver Kriess qui l'y avait installé. Ce ne fut bien sur que provisoire ; l'endroit où il fut déménagé en 1921 doit encore être vérifié. Aujourd'hui, l'édifice abrite un des chef d'oeuvres de Joseph Rinckenbach (1921), qui est quelque part "sa profession de foi" organistique d'après 1918.
[IHOA:p166a]
[ITOA:4p596]
[ArchSilb:p412-3,509-10]
[MSchaeferSilb:p88,168]
[PMSAS1978:p105-10]
[DepliantLapreste:p2]
[PlaquetteRinckenbach1939:p5-6]
[Barth:p332]
[Cathedrale1925:p31]
[RMuller:p153,58]
1760 :
Rosheim, St-Etienne
Remplacé par Stiehr-Mockers (1860), déménagé à Hessenheim,
St-Laurent.
Cet instrument (I/0P 11j) était muni, en plus de 9 jeux habituels d'un manuel en 4 pieds, d'une Montre 8' et d'un Sifflet (pas de pédale indépendante). Il venait remplacer le 4ème
positif d'André Silbermann (qui partit pour
Grendelbruch). Comme beaucoup de ses contemporains, cet orgue fut réinstallé dans son église après agrandissement, mais il se trouva être beaucoup trop limité pour remplir la nouvelle nef. Joseph Stiehr posa un grand orgue neuf à Rosheim dès 1860, et déménagea le petit Silbermann à
Hessenheim, où il le munit d'une pédale indépendante et d'un Salicional. Malgré d'autres modifications ultérieures, cet orgue Silbermann a gardé à Hessenheim un grand intérêt historique.
[Barth:p313-4]
[IHOA:p152b, 77b]
[ITOA:4p545-6]
[ITOA:3p255]
[ArchSilb:p401-2,509]
[PMSSTIEHR:p490-3]
[HOIE:p98,266]
[PMSSTIEHR75:p362]
1760 :
Hipsheim (région d'Erstein), St-Georges et St-Ludan
Remplacé par Martin Rinckenbach (1899).
Voici encore un petit orgue Silbermann dont l'histoire a voulu qu'il devienne un des instruments les plus attachants d'Alsace. Placé dans un site exceptionnel (lieu de pèlerinage et chargé d'histoire), l'orgue de Jean-André n'était guère qu'un positif (I/0P 8j) (les 7 jeux habituels complétés par une Cymbale à 2 rangs). Il n'y avait pas de pédale indépendante, comme tous ceux de la série de quatre (Amtenhausen,
Scherwiller,
Rosheim,
Hipsheim) construits en 1759-1760 (peut être parce que le marché pour Arlesheim avait été signé le 2/11/1759 et que le grand 3-claviers mobilisait déjà les ressources ?). C'est Martin Rinckenbach, en 1899, qui compléta l'instrument en lui ajoutant un second clavier et une pédale, et le dota d'une somptueuse harmonie parfaitement en accord avec son prestigieux entourage.
[IHOA:p78b]
[ITOA:3p259]
[HOIE:p100-1]
[ArchSilb:p503]
[Barth:p324-5]
1761 : Arlesheim (CH)
L'orgue d'Arlesheim (CH) (près de Bâle) est l'un des plus célèbres de Jean-André, et aussi un des plus grands (III/P 36j). Après sa fameuse vente ratée (1795-1798), l'orgue reçut la visite des plus grands (Weigle, Goll, Zimmermann) avant d'être confié à Metzler qui fut l'auteur de son retour au style d'origine (1962), mais d'une harmonisation bien sûr spécifique. Un des jeux provient de l'ancien orgue de St-Theodor de Bâle. C'est sur cet instrument Silbermann/Metzler que Lionel Rogg enregistra son intégrale de Bach. L'orgue Silbermann/Metzler a été relevé en 2005 par Gaston Kern.
[ArchSilb:p380,494-5]
[SuisseProfonde]
1762 :
Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath.
Remplacé par Stiehr (1865), déménagé à Soultz-les-Bains,
St-Maurice.
Entre la paroisse St-Pierre-le-Jeune et André, le père de Jean-André Silbermann, il y eut une suite de rendez-vous ratés. Il s'agit ici d'un orgue placé dans le choeur catholique de l'église historique (aujourd'hui protestante ; la grande église catholique St-Pierre-le-Jeune, de style néo-byzantin, rue St-Léon, n'ayant été construite qu'en 1894). (Il ne faut donc pas confondre cet instrument avec celui que Jean-André construira pour la nef - protestante - de l'édifice historique en 1780.) C'était un instrument de taille moyenne (II/P 16j) avec un grand dessus d'écho en La (il avait peut-être même 17 jeux si la Trompette de pédale avait finalement été posée). Il une vraie chance : celui de quitter la ville dès 1865, date à laquelle il fut déménagé à
Soultz-les-Bains. Malgré un changement de diapason, il y fut remarquablement bien conservé. En 2008, il a été restauré en l'état de 1848 (i.e. avec un récit complet tel que laissé par Stiehr) par la maison Kern (ateliers d’Hatmatt) sous la maîtrise d'oeuvre de Christian Lutz. L'orgue - l'un des mieux conservés de la production de Jean-André - a été inauguré le 20/09/2008 par Marc Schaefer (Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune, prot. ce qui est un joli clin d'oeil à l'Histoire) et le 21/09/2008 par Sylvain Ciaravolo.
[IHOA:p196b,39b,176b]
[ITOA:4p749,643-5]
[Barth:p349]
[HOIE:p108]
[ArchSilb:p413-4,513]
[PMSAEA85:p213-5]
[PMSAM80:p167-71]
[PMSSTIEHR:p509,562-3]
1763 :
Strasbourg, St-Jean
Déménagé à Mannheim (D) et détruit en 1943. Remplacé (1819).
Cet orgue de 1763 était très voisin de celui d'Arlesheim. Dès 1795, il fut racheté par la paroisse protestante d'
Illkirch-Graffenstaden, qui avait eu "les yeux plus gros que le ventre", car le "grand 8 pieds" de 3 claviers était beaucoup trop encombrant pour l'édifice. L'année suivante, il fut déménagé à la Konkordienkirche de Mannheim, où il remplaçait un orgue des frères Stumm qui avait brûlé en 1795. Mannheim fut presque entièrement détruite durant la seconde guerre mondiale : en 1943, au cours d'un raid aérien, la Konkordienkirche brûla entièrement, avec son orgue Silbermann. S'il était resté à Strasbourg, l'instrument aurait connu le même sort le 11 août 1944. Une photo montrant le buffet est disponible. Après la guerre, la Konkordienkirche reconstruite reçut le
"Jubiläumsorgel" (Opus 1000) de Weigle (IV/P 51j).
[IHOA:p189b-189a]
[ITOA:4p695-6]
[ArchSilb:p513-4]
[Rupp:p333-4]
En 1765, Conrad Sauer vint rejoindre l'atelier de Jean-André Silbermann.
1765 :
Wissembourg, Ancienne église St-Michel
Instrument détruit à la révolution.
Les orgues alsaciens à avoir été détruits pendant la Révolution ne furent pas nombreux. Beaucoup ont été vendus et déplacés, et il en fut même construit... Mais cet instrument (I/P 12j) fit exception : il a été réduit en pièces, et l'édifice lui-même démoli.
[ArchSilb:p428,515]
[IHOA:p223a-b]
1765 :
Châtenois (région de Sélestat), St-Georges
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(13/04/1973).
L'orgue de Châtenois reste l'un des instruments les mieux conservés de Jean-André, bien qu'il n'ait pas conservé son harmonisation d'origine. Il représente une étape fondamentale dans l'évolution de la production Silbermann, puisqu'il dispose de deux jeux de 1' (un par manuel), allant de pair avec une nouvelle composition des mixtures. Le Sifflet 1' du grand-orgue, séparable en basse+dessus, est quelque part annonciateur des plein-jeux progressifs (si on ne met que le dessus). A l'origine, l'écho n'était qu'un dessus, et la pédale limitée à une octave. Après quelques modifications (Wetzel et probablement Aloïse Lorentz), Alfred Kern intervint en 1973 pour restaurer l'instrument dans son état de 1765, mais avec un écho complété dans les basses avec 3 jeux, et un pédalier de 2 octaves muni d'une tirasse.
[IHOA:p46a]
[ITOA:3p97-8]
[HOIE:p112]
[ArchSilb:p394-5,503]
1766 :
Mulhouse, Eglise réformée St-Etienne
Remplacé par Eberhard Friedrich Walcker (1866), déménagé à Mulhouse,
église réformée St-Jean.
C'est l'orgue dont le buffet est actuellement à
Mulhouse,
église réformée St-Jean
(il a servi de modèle pour la reconstitution de celui de Villingen). Après la destruction de l'édifice dans lequel il était installé, en 1859, l'orgue ne trouva pas tout de suite preneur : il avait été démonté par Bernhard Merklin le 02/11/1858, puis entreposé dans les combles l'église réformée St-Jean pendant 10 ans, car on y disposait déjà d'un orgue George Wegmann, 1835. Ce n'est qu'en 1867 que l'on montra de l'intérêt pour l'orgue Silbermann. En 1886, après une reconstruction par la maison Dalstein-Haerpfer, il n'y resta qu'un seul et unique tuyau Silbermann. L'instrument a été reconstitué Alfred Kern, 1972.
[IHOA:p118b]
[ITOA:2p23-24,272-273,275]
[Wangemann:p497-8]
[ArchSilb:p396-401]
[Vogeleis:p129]
[HOIE:p62]
[PMSAEA83:p253]
[Rupp:p142]
1767 :
Gambsheim (région de Brumath), Sts-Nazaire-et-Celse
Buffet détruit en 1944-1945. Remplacé par Stiehr (1864).
Retour du jeu de 1' à l'écho pour cet orgue (comme à
Châtenois), mais pas au grand-orgue : ce n'était après tout qu'un "quatre-pieds" (II/P 18j), avec les 9 jeux habituels au grand-orgue quand un Bourdon 8' sert de fondement, le "Cornet d'écho de 6 rangs", et 3 jeux de pédale (dont une Trompette). Après la transformation de l'édifice en hôpital à la Révolution, le mobilier avait été très endommagé. C'est pour Gambsheim que fut produit le fameux projet parisien de Stoltz et Schaaf (1858). Il ne fut malheureusement jamais réalisé : il aurait pourtant pu changer le destin de l'orgue romantique en Alsace. En 1864, Stiehr posa un instrument neuf dans le buffet de l'orgue Silbermann (en ré-employant 6 jeux). Mais l'édifice fut détruit (avec son orgue) pendant la seconde guerre mondiale.
[IHOA:p63b]
[ITOA:3p191]
[ArchSilb:p428-9,497]
1768 :
Selestat, St-Georges
Orgue démonté et entreposé. Remplacé par Martin Rinckenbach (1896).
C'est l'un des "crève-coeur" de l'orgue alsacien ; une histoire qu'il est toujours difficile à comprendre. André Silbermann avait déjà placé un orgue à Sélestat, St-Georges en 1726 (c'est celui qui se trouve actuellement à
Niedermorschwihr). Le grand instrument (II/P 34j) construit par son fils Jean-André en 1768 fut utilisé pour la première fois le 3 août (avec 13 jeux) lors l'office donné à l'occasion des funérailles de la reine Marie Leszczynska : c'est son créateur lui-même qui tint les claviers. Comme à
Châtenois, il y avait à nouveau ces deux jeux de 1' (un Sifflet 1' au grand-orgue et un Flageolet 1' à l'écho). Une autre nouveauté (quoi ce cela semble déjà avoir été le cas à Mulhouse deux ans auparavant) : les claviers vont à présent jusqu'au Ré (les claviers complets ont 51 notes au lieu de 49 : C-d'''). Transformé (presque reconstruit) par la maison Callinet (1840), l'orgue a été déménagé aux
Dominicains de
Colmar (l'église venait d'être rendue au culte) par Martin Rinckenbach avant qu'il ne pose son orgue neuf de 1896 à Sélestat. A une date indéterminée (1950-65) fut menée une tentative de néo-classicisation -inachevée- de cet instrument alors muni de couleurs plutôt romantiques. Et voici que le récit fut vidé de ses tuyaux, la boîte expressive déposée : en 1968, il ne comportait plus qu'un Bourdon 8', le Geigenprincipal recoupé en 4 pied, et un Cromorne... en Spotted. Mais ce n'était pas fini : en 1976 fut construit le nouvel orgue de la
collégiale St-Martin. La partie instrumentale du chef d'oeuvre de Joseph Rinckenbach démonté ayant contenu quelques jeux Silbermann, on essaya de les placer au mieux dans un autre orgue Silbermann. C'est ainsi que 12 jeux furent amenés aux Dominicains, où ils intégrèrent les restes du Silbermann de 1768 : trois Bourdons (deux de 8', un de 16') deux Flûtes 4' : une ouverte, une bouchée, un Nasard, une Doublette, une Tierce, un Larigo,t un grand dessus de Cornet de 5 rangs, une Doublette et un Sifflet. Et bien sûr, dans le joyeux mélange, d'autres jeux "disparurent" (une Doublette a été placée dans un orgue privé). Lorsque les Dominicains de Colmar devinrent un musée (on peut y voir la célèbre Vierge au Buisson de Roses), l'orgue Silbermann, 1768, et les jeux de 1755 furent entreposés, en attendant une hypothétique reconstruction.
[LR1907:p83]
[IHOA:p170a]
[ITOA:4,2p624-5,76-7]
[HOIE:p126]
[ArchSilb:p95,416-19,511]
[Vogeleis:p143,163,173,516,528,546,654,660,730,205]
[PMSAS1975:p143]
[AC1969:p96-125]
[Barth:p334]
[PMSCALL:p251-2]
1769 : Predigerkirche de Bâle (CH)
L'orgue de la Predigerkirche (à l'époque église française St-Jean) de Bâle (II/P 24j) a été achevé en 1769, mais le clavier de grand-orgue et la pédale avaient été été posés dès 1767. Modifié par la maison Goll à l'occasion de son déplacement du jubé à une tribune ouest nouvellement construite, l'orgue a été restauré par Metzler dans son état de 1769 (à part l'étendue de la pédale et 4 jeux ajoutés). Au grand-orgue (de 51 notes), à nouveau ce Sifflet 1' (séparable en basses+dessus).
[www.predigerkirche-musik.ch]
[ArchSilb:p380-4,495-6]
1769 : Ettenheimmünster (D)
Cet instrument, fort bien conservé, était originellement placé dans l'église de l'abbaye bénédictine. Avec sa tourelle centrale tri-lobée, son Sifflet 1' et tous ses plans sonores allant jusqu'au Ré (pédale de 15 notes), cet instrument était caractéristique de cette fin de décennie (II/P 22j). En 1804, il fut déplacé dans la magnifique église baroque St-Landelin. Un peu romantisé au cours du 19ème siècle, l'instrument fut restauré en 1964 par la maison Muhleisen dans l'état de 1769 (à part l'ajout d'un Clairon et l'élargissement de la pédale, portée à 27 notes).
[www.swr.de]
[ArchSilb:p392-3,501]
1770 : St-Theodor de Bâle (CH)
Un autre orgue bâlois est celui construit pour l'église St-Theodor (III/P 30j). Privé de son positif de dos à la fin du 19ème (certainement lors de la démolition du jubé sur lequel il était installé), l'instrument fut par la suite démantelé. Après de nombreuses péripéties, le buffet (les deux corps, avec leur façade d'origine) fut remonté à Bâle, St-Peter, où il abrita un orgue neuf. Des tuyaux Silbermann retrouvés à l'occasion ont permis de fournir un jeu à Arlesheim, tandis que d'autres - non utilisables en l'état - sont exposés au musée historique de Bâle.
[www.predigerkirche-musik.ch]
[ArchSilb:p496]
1770 : Riegel-am-Kaiserstuhl (D)
Ce petit instrument (I/P 15j) était quand même muni du fameux Sifflet 1' (séparable en basse+dessus) au manuel (de 51 notes). Son pédalier de 15 notes en faisait aussi un instrument caractéristique de cette période. Il disparut dans un terrible incendie le 28/10/1936, avec les autres trésors abrités par l'édifice.
[de.wikipedia.org]
[ArchSilb:p509]
1771 :
Guebwiller, Dominicaines (Engelpforten)
Instrument déménagé à Walbach, St-Jacques.
Reconstitué en 1991 et 2002.
L'orgue des Dominicaines d' "Engelpforten" (ou "Engelsport") (I/0P 11j) (sans jeu propre à la pédale), malgré sa petite taille, était doté de trois caractéristiques héritées du voyage de Jean-André en Saxe : la Flûte 4' est bien là, ainsi que la basse de Basson et le Sifflet 1' (basse+dessus). Le fait que ces caractéristiques apparaissent dans les instruments de petite taille prouve leur caractère fondamental dans la pensée esthétique de leur créateur. L'orgue a été déménagé à
Walbach par Joachim Henry, avec les conséquences habituelles : il ne resta bientôt plus grand chose de Silbermann dans le buffet. Antoine Bois reconstruisit l'instrument dans l'esprit Silbermann en 1991 (et 2002) de bien belle façon. Mais entre temps, quel gâchis : au passage, Walbach perdit un instrument post-romantique de 1900/1927, qui devait être de toute beauté, et n'avait pour défaut que celui d'avoir été mal entretenu et d'occuper un buffet du 18ème...
[ArchSilb:p501-2]
[IHOA:p68b,213a-b]
[HOIE:p128]
[ITOA:2p469]
1772 :
Colmar, Catherinettes
Instrument déménagé à Altkirch, Notre-Dame de l'Assomption.
Remplacé en 1884.
Malgré une différence évidente de taille, cet orgue devait être très voisin du précédent, construit pour les Dominicaines de Guebwiller. Sur la base d'un "noyau" constitué de l'instrument précédent, on y a ajouté un positif de dos, un écho, et une Montre en 8'. Les orgues Silbermann étaient un peu "modulables" : ensuite, tout n'était que question d'harmonisation. Comme il y avait une Flûte 4' au positif, le grand-orgue en était dépourvu, et reçut un Larigot 1'1/3 : l'orgue classique déteste les "doublons" qui partagent les mêmes harmoniques (on parle de "structure pyramidale"). A la Révolution, l'instrument a été acquis par
Altkirch, où il fut placé dans l'ancienne église
Notre-Dame de l'Assomption. La partie instrumentale fut remplacée par Heinrich Koulen en 1884, puis l'instrument fut dégradé lors de la 1ère guerre mondiale (et privé de sa façade). En 1924, l'orgue neuf de Joseph Rinckenbach fut logé dans un buffet Rudmann et Guthmann inspiré par le style Silbermann. On dit même que la petite tourelle tri-lobée d'une des ailes est en fait la tourelle centrale du buffet de Colmar.
[ArchSilb:p499,500]
[PMSAEA85:p265-9]
[IHOA:p25b, 47a]
[ITOA:2p3]
1775 : Abbaye de Sankt-Blasien (D)
Ce grand instrument (II/P 46j) est l'un des rares à être un "seize pieds". C'est l'un des plus célèbres orgues de Jean-André, bien qu'il soit aujourd'hui disparu. Dessus de Carillon 2 rgs au positif. Le Sifflet 1' se trouve à l'Oberwerk (qu'on peut accoupler au grand-orgue), tout comme la basse de Basson (le dessus correspondant est une Trompette). Cet Oberwerk est d'ailleurs composé exactement comme un grand-orgue (second Hauptwerk), mais sur un Bourdon 16' au lieu d'un Principal. Le "vrai" grand-orgue est muni d'une Trompette et d'un Clairon, mais aussi d'une Grosse quinte 5'1/3 et d'une Grosse tierce 3'1/5 destinées à assumer totalement son fondement en 16' (la "pyramide" commence plus bas). Celui qui déménagea l'orgue après la sécularisation (1808) est bien connu du monde de l'orgue alsacien, puisqu'il s'agit de Ferdinand Stieffell, le maître de Michel Stiehr. Malheureusement, c'est à Karlsruhe, St-Etienne qu'il remonta le grand instrument, et cet édifice fut totalement détruit en 1944.
[www.dom-st-blasien.de]
[ArchSilb]
1776 :
Meissenheim (D) (région d'Erstein), Eglise protestante
Instrument actuel.
Malgré sa taille limitée (I/P 13j), cet orgue est fondé sur une Montre 8'. La présence d'une Flûte à côté du Prestant trahit sa construction après 1734, mais le clavier n'allant que jusqu'au Do, ainsi que l'absence de jeu en 1' pourrait laisser croire à une construction antérieure. Est-ce parce qu'il s'agissait ici d'une église paroissiale ? Trop petit à l'origine, l'instrument a été pas mal modifié par la suite (composition, console...) La maison Muhleisen lui a redonné dans les années 1960 son esthétique d'origine, et lui ajouta un (fort logique) écho.
[www.ekimeissenheim.de]
[ArchSilb:p506]
1777 : Augustins de Sankt-Mergen (D)
Manuel jusqu'au Ré, Larigot 1'1/3, basse de Basson : l'orgue de Sankt-Mergen était bien plus "inscrit" dans son époque que le précédent. Comme lui, malgré sa taille limitée (I/P 11j), il était fondé sur une Montre 8'. La petite pédale d'une octave était empruntée au manuel. La sécularisation eut lieu en 1806, mais tout resta en place (car c'est de lieu de pèlerinage). Un peu plus d'un siècle plus tard, un incendie allumé par la foudre détruisit une partie des anciens bâtiments monastiques, dont l'église, et l'orgue Silbermann.
[www.sankt-maergen.de]
[ArchSilb]
1778 :
Bouxwiller, Eglise protestante
Remplacé par Dalstein-Haerpfer (1913).
Un premier orgue Silbermann avait été construit par André en 1699 (c'est à dire dès son arrivée en Alsace) dans le buffet de l'orgue précédent (Hans Jacob Baldner, 1668). Cet instrument fut déménagé dans la nouvelle église catholique (1777), tandis que l'édifice historique, consacré alors au seul culte protestant, se vit doter d'un orgue neuf (II/P 25j). Flûte 4' au Positif, Sifflet 1' au grand-orgue, claviers jusqu'au Ré (mais petite pédale 20 notes avec deux 16' et deux 8'). Transformé en 1876 et 1913, il retrouva son esthétique d'origine en 1968, quand Alfred Kern le restaura dans son état de 1778 (mais avec une pédale étendue, et munie de 3 jeux supplémentaires). Bouxwiller est célèbre dans le monde de l'orgue car Marc Schaefer y a retrouvé une table de registrations de la main de Jean-André Silbermann.
[RLRegistrations]
[IHOA:p42a]
[ITOA:3p77-8]
[HOIE:p140]
[ArchSilb:p497]
1779 :
Blodelsheim (région d'Ensisheim), St-Blaise
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(24/11/1978).
Comme beaucoup de ses contemporains, ce petit instrument (I/P 10j) ne disposait pas de jeu propre à la pédale. Le petit pédalier, limité à une octave, "emprunte" 4 jeux du manuel, sans qu'il n'y ait de tirant spécifique : ils ne parlent à la pédale que s'ils sont tirés pour le manuel. C'est en quelque sorte une tirasse limitée à 4 jeux. Pour rendre le dispositif plus cohérent, l'octave grave du Bourdon est en fait une Flûte (ouverte), pour être moins "sourde" à la pédale. L'instrument fut rapidement muni d'une indispensable pédale indépendante (François Callinet ?), puis transformé à l'occasion de son installation dans le nouvel édifice (François Antoine Berger, 1862). D'autres modifications liées au remplacement de la façade (et une tentative pour placer une Montre 8') conduisirent à la perte du fameux Sifflet 1'. En 1983, Alfred Kern restaura partiellement l'orgue en son état de 1779 (sauf la pédale, qui est de Berger).
[IHOA:p40a,151a]
[ITOA:2p44-5]
[ArchSilb:p498]
[MSchaeferSilb:p193,202]
1779 : Franciscains d'Offenburg (D)
C'est dans un buffet plus ancien que fut logé l'instrument muni d'un positif intérieur complet, destiné au couvent
"Unserer Lieben Frau". En 1895-1896 Heinrich Koulen fit quelques transformations, et en 1968 c'est la maison Klais de Bonn qui le rénova.
[www.offenburg.de]
[www.badische-zeitung.de]
[ArchSilb:p71,192]
1780 :
Strasbourg, Eglise protestante St-Pierre-le-Jeune
Remplacé par Edmond-Alexandre Roethinger (1902).
C'était là l'épilogue du fameux feuilleton "St-Pierre-le-Jeune et les Silbermann" : après le prêt d'un positif par André de 1719 à 1725 (infructueux : le chapitre s'adressa à la concurrence en la personne de Waltrin), la fourniture d'un orgue pour le choeur (catholique) en 1762, puis une seconde éviction en 1771 (où ce fut Toussaint qui fut retenu pour déplacer et reconstruire l'orgue Waltrin), l'affaire fut finalement signée fin juillet 1779. Mais à une condition : Silbermann ne voulait rien avoir à faire avec ce qui restait du Waltrin/Toussaint (déclaré irréparable). Si bien que c'est... Toussaint qui déménagea l'instrument dans le choeur du Temple-neuf ! Après cette longue suite de rendez-vous ratés, on pouvait penser que l'affaire se finirait par un grand instrument. Mais c'est en fait un tout petit orgue (selon les standards citadins), en "huit pieds" certes, mais avec un seul manuel, et 16 jeux seulement (I/P 16j) qui fut construit. Il était posé sur une tribune ouest. Dès lors, il était sûr que cet instrument n'avait pas beaucoup d'avenir en l'état : dès 1819, Jean-Conrad Sauer lui ajouta un positif de dos. Ensuite, il fut victime de la foudre, et des inévitables agrandissement et changements de jeux (qui frappent en laissant beaucoup moins de place au hasard). Roethinger reconstruisit l'instrument à l'occasion de son transfert sur le jubé, et en fit un orgue "double face". On parvint enfin à une situation stable et cohérente en... 1950, quand Ernest Muhleisen accéda à l'instrument. Fait extraordinaire pour l'époque, il décida, assisté d'Alfred Kern, d'aller dans le sens d'une restauration, au sens que l'on donne aujourd'hui à ce mot. (Mais bien entendu sans pousser la démarche à l'extrême : il ne s'agissait pas de revenir à la disposition de 1780.) C'est l'opus 2 d'Ernest Muhleisen, l'acte fondateur de l'esthétique "néo-baroque" en Alsace, et l'orgue sur lequel Helmut Walcha a enregistré son intégrale de J.S. Bach. C'est aussi l'orgue de Marc Schaefer, cher au coeur de tous les organistes alsaciens.
[IHOA:p196a]
[ITOA:4p744-8]
[ArchSilb:p70-1,431,512]
[HOIE:p142]
[PMSAEA85:p237-246]
1781 :
Molsheim, Trinité St-Georges
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(2003).
C'est un instrument très particulier, avec son clavier d'écho complet, coupé en basse+dessus. L'orgue a connu toute la dynastie de facteurs Kriess de Molsheim (dont l'histoire n'a pratiquement retenu que ces transformations d'orgues historiques, mais qu'il serait peut-être intéressant de considérer sous un autre angle, surtout pour l'oeuvre de Franz Xaver). C'était "restaurable" : Alfred Kern a remis en 1971 l'orgue dans son état de 1781 (mais avec une pédale allant jusqu'au Ré). C'est sur cet orgue que Claude Schnitzler a enregistré les 6 toccatas de Muffat.
[MSAM71:p47]
[ArchSilb:p122,316]
[ITOA:3p388-391]
[IHOA:p115a]
[HOIE:p146]
[RSA:p13]
[RMuller:p113-114]
1781 :
Gries (région de Brumath), Eglise protestante
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique
(30/07/1985).
L'orgue de Gries fut le dernier Silbermann en Alsace. Et aussi le dernier à être "redécouvert" : cela date de 1962, quand les études historiques et techniques de Marc Schaefer permirent de rendre à Jean-André cet instrument jusque là attribué à Stiehr. C'est un petit orgue (I/P 12j) (sans anche, avec le fameux Sifflet 1 séparable en basse+dessus) qui a été bien conservé. Alfred Kern l'a restauré en 1967 dans son état de 1781 (sauf l'étendue de pédale, qui était limitée à l'origine à une octave). Marc Schaefer enregistra sur cet orgue des oeuvres de Titelouze, Pachelbel, Telemann, Zipoli, J.G. Walther, J.S. Bach et Haydn.
[IHOA:p67a]
[ITOA:3p214-6]
[ArchSilb:p362]
[MSGries:p130-133]
1783 : Evangelische Stiftskirche de Lahr (D)
Le dernier orgue Silbermann fut achevé par Johann Josias (Jean-André est mort le 11/02/1783). C'était un instrument plutôt important (II/P 27j) avec un Bourdon 16' manuel, un Larigot, une basse de basson, mais pas le fameux Sifflet 1'. Il fut victime d'une incroyable malchance : en 1877, pendant d'importants travaux à son édifice, on l'avait mis à l'abri à l'école... qui fut victime d'un grand incendie.
[www.esp-schoenau.de]
[ArchSilb:p193-4]
Style et façon
Le style classique français
Les Silbermann d'Alsace ont construit des orgues de style classique français. Héritiers de la tradition Thierry ou Clicquot, ces instruments ont été conçus pour le répertoire de Couperin, Daquin, Clérambault, Grigny... Leur rôle était de "commenter" la liturgie, en permettant une optimale exécution des Tierces en tailles, Basses de Cromorne, Dialogues sur les pleins-jeux... Les registrations, parfaitement codifiées (voir Bouxwiller, ci-dessous, 1778), devaient proposer des sonorités radicalement différentes à chaque fois que l'orgue, de sa tribune, prenait la parole, en soliste (généralement pour les versets impairs). Le "tutti" n'y a aucun sens, les jeux étant tous étudiés pour le contraste et pas pour une synthèse complète. On vise à magnifier : le "Plein-jeu" (Principaux et Mixtures, sans anche même à la pédale), le "Grand-jeu" (anches, Prestant, Cornets), le "Fond d'orgue", puis toutes les sonorités de détail, avec un penchant pour les très allégoriques duos Cromorne / Jeu de Tierce.
Il faut aussi se souvenir que les grands organistes de l'époque, une fois qu'ils accédaient à une prestigieuse tribune, publiaient un "livre d'orgue", puis... s'arrêtaient là. L'essentiel de leurs prestations étaient alors improvisées (même si les "codes" étaient plutôt stricts). Le répertoire avait plutôt un rôle pédagogique d'illustration de l'art de toucher l'orgue : ces instruments sont bel et bien conçus pour l'improvisation. En tous cas pas pour accompagner le chant d'une assemblée...
La fidélité au style
Si, durant les 80 ans d'activité cumulée d'André et Jean-André, leur style a évidemment évolué, force est de constater que même les tendances les plus marquées sont limitées : André a légèrement "élargi" (flûté) ses Tailles, et Jean-André a beaucoup repensé les Plein-jeux, en introduisant le Sifflet 1' et en travaillant sur les compositions des Mixtures. Mais le fait marquant est bien leur fidélité au style : ni André ni Jean-André ne sont des visionnaires. Leur ambition n'était pas d'innover mais de délivrer, avec de hauts standards de qualité.
Tierces, Nasards et Cornets
Les compositions ont fait l'objet de nombreuses études, et le moindre jeu a été commenté dans le moindre détail - surtout quand l'on considère les plus grands instruments. Mais l'art de la composition des orgues est surtout difficile (et révélateur de la pensée du concepteur) pour les petits instruments. Les compositions Silbermann sont toutes construites autour d'un Jeu de tierce, ou Cornet décomposé.
Jeu de tierce : Bourdon 8', un 4', un Nasard ou une Quinte 2'2/3, un 2' et une Tierce.
Les 7 jeux
En ajoutant à ce Jeu de tierce une Mixture et un Cromorne, on obtient un positif "minimal".
- - 1. Bourdon 8'
- - 2. Prestant 4'
- - 3. Nasard 2'2/3
- - 4. Doublette 2'
- - 5. Tierce 1'3/5
- - 6. Fourniture 3 rgs
- - 7. Cromorne
Variante: le Cromorne est replacé par une Cymbale de 2 rangs. La Flûte 4' est introduite, au positif, après le voyage de Jean-André chez son oncle Gottfried (1741).
Les 8 jeux
Ceci se décline facilement en un "manuel" principal "en quatre pieds", à condition d'y ajouter l'indispensable dessus de Cornet :
- - 1. Bourdon 8'
- - 2. Prestant 4'
- - 3. Nasard 2'2/3
- - 4. Doublette 2'
- - 5. Tierce 1'3/5
- - 6. Cornet 5 rgs (D)
- - 7. Fourniture 3 rgs
- - 8. Cromorne ou Trompette
Les anches sont souvent séparable en basse+dessus, avec deux tirants.
Les 10 jeux
Pour passer "en huit pieds", on a bien sûr besoin de la Montre 8', et d'enrichir le Plein-jeu :
- - 1. Montre 8'
- - 2. Bourdon 8'
- - 3. Prestant 4'
- - 4. Nasard 2'2/3
- - 5. Doublette 2'
- - 6. Tierce 1'3/5
- - 7. Cornet 5 rgs (D)
- - 8. Fourniture 3 rgs
- - 9. Cymbale 2 rgs
- - 10. Trompette
Toujours pas de Flûte 4', donc. Si on continue, ce sera une Voix humaine, puis on envisagera souvent le Clairon 4' ou le passage en 16' bouchés (Bourdon 16' manuel) avant la Flûte 4'. Les compositions "tardives" (après
Châtenois, 1765) comportent souvent un Sifflet 1' (et un Flageolet 1' au positif).
Echos
Caractéristique du style classique français est le dessus d'écho, généralement logé sous le grand orgue dans le soubassement. C'est presque toujours un (dessus) de Jeu de tierce : un Cornet de 5 rangs plus ou moins décomposable, généralement muni de 3 tirants. L'écho est souvent complété d'un dessus de Trompette. Si l'écho est complet, l'anche basse peut être un Basson.
Pédale
Le style Silbermann se distingue de ses origines "classiques françaises" essentiellement par la pédale : elle est le plus souvent séparée, et commandée par un pédalier "à l'allemande", avec des feintes à bec. Il n'y a bien sûr pas de tirasse. Les compositions commencent à deux jeux : une Soubasse 16' et une Flûte 8' (ou, pour les instruments conçus pour de petits édifices, en 8' et un 4'). Jean-André Silbermann appelle "Soubasse" le 16 pieds qu'il soit bouché ou ouvert, et précise souvent "Soubasse bouchée" (Bourdon 16' comme l'entend le vocabulaire moderne) ou "Soubasse ouverte" (Flûte 16'). Le troisième jeu sera une Trompette. Et cela s'arrête là, au moins pour les instruments jusqu'à 30 jeux. (Arlesheim n'avait que 3 jeux de pédale ; Strasbourg, St-Thomas fait exception, surtout avec sa Grande quinte 5'1/3.) La suite logique, toutefois, est en 4 pieds : un jeu à bouche, (appelé "Prestant" par Silbermann, même s'il s'agit plutôt d'une Flûte) et un Clairon.
Soufflerie
C'est bien du côté de l'alimentation en vent que ces instruments souffrent leur plus grande critique. Ni André, ni Jean-André semblent avoir été totalement à l'aise (comme la plupart de leurs contemporains), ni avec la production, ni avec le transport du vent. On se souvient des déboires de Jean-André à St-Thomas. Instabilités et houppements font des grands Silbermann des instruments fort difficiles à jouer (même si les plus expérimentés ont l'air de prendre un évident plaisir à affronter ces difficultés ; on parlera d'ailleurs dans les salons exclusivement de "vent bien vivant"). Il faut dire que le soufflet cunéiforme (conçu pour la forge donc pour offrir un *débit* optimal) n'est pas du tout adapté à l'entretien d'une *pression* régulière, puisque l'angle que fait sa table avec l'horizontale (et donc la pression qu'il délivre) dépend de son remplissage. Le remplacement des cunéiformes par des réservoirs à plis au 19ème fut fort bénéfique pour ces instruments, mais l'avouer est évidemment totalement à l'encontre de l' "historicisme". Il est donc de bon ton de s'extasier sur les "cunéiformes reconstitués" rendant au "vent Silbermann" toute son authenticité... en se souvenant que remplis par un ventilateur, ces cunéiformes ne servent que de (mauvais) réservoir, dont les défauts (non-linéarités) sont heureusement masqués par la puissance du moteur (qui ne les laisse pas trop se décharger).
Tremblants
Il faut aussi noter le goût pour les Tremblants : les orgues Silbermann étaient généralement munis à la fois d'une version "dans le vent" ("doux" / agitateur) appelée "Tremblant lent" et d'une version "à vent perdu" ("fort" / soupape) appelée "Tremblant rapide". Il faut concéder que l'oreille moderne goûte très peu au caractère "ondulant" d'un grand-jeu joué avec un tremblant fort... A Sankt-Blasien, il y avait même trois Tremblants (un spécial pour l'Oberwerk). Ce n'est pas spécifique au Silbermann : Louis Dubois, à Wissembourg, avec placé un Tremblant doux, un fort, et un "moyen" pour les Voix humaines.
Sur mesure
D'une extrême rigueur (en tous cas sans fantaisie), les compositions n'acquièrent un peu de liberté que dans les grands instruments. Mais apparaît aussi une caractéristique importante de cette oeuvre : ces orgues ont été conçu pour leur édifice. Des visites "préliminaires" permettaient d'élaborer un instrument "taillé" pour le lieu. Si cela ne se voit que peu dans la composition (en dehors de l'évident choix du nombre de jeux), cela affectait les Tailles, les compositions des Mixtures, et surtout l'harmonisation. Aussi, n'est-il pas surprenant que les nombreux orgues Silbermann déplacés après la Révolution (ou la "désacralisation") aient été "décevants" dans leur nouvel édifice. Souvent déménagés par des artisans aux compétences très limitées en facture d'orgues (voir par de simples spéculateurs ayant reniflé l'aubaine), ils n'avaient pas été adaptés comme il se doit à leur nouvel environnement.
Les buffets
Les buffets sont sous-traités à des artisans locaux, mais le dessin est toujours fourni par André ou Jean-André, et résulte de l'action "commerciale" (et "symbolique" aussi, doit on dire ; évidemment, les proportions relatives des cotes ont fait l'objet de savantes études). Ils présentent une grande unité de style, déclinée en 3 "types" :
- - celui directement hérité du style parisien (Ebersmunster, Marbach, Arlesheim, Strasbourg (St-Jean)...) à cinq tourelles, mais qui peut être décliné en trois (la majorité des petits instruments est dans ce cas).
- - celui, plus local, articulé autour d'une grande tourelle centrale (les deux du Temple-neuf, Obernai, Ste-Aurélie, Wissembourg (St-Jean), Dominicains de Colmar, St-Guillaume, St-Matthieu, Rosheim, Dominicains de Guebwiller, Temple-neuf, Franciscains de Sélestat, Pairis, Châtenois, Mulhouse, Sélestat (St-Georges), ceux de Bâle, Bouxwiller, St-Pierre-le-Jeune, Molsheim)
- - celui avec la tourelle centrale tri-lobée (Unterlinden, St-Thomas, Saint-Quirin, Guémar, St-Jean-Saverne, Soultz, Dominicaines de Sylo, Baden-Baden, St-Martin (Colmar), St-Pierre-le-Jeune cath., Ettenheimmünser, Dominicaines d'Engelpforten, Catherinettes de Colmar, Meissenheim). Ce style inspire toujours, et de bien belle façon (voir, à Merdigen, l'orgue construit par Waldkircher Orgelbau en 2007).
Les Archives Silbermann
Il est peut-être utile de dire un mot sur les fameuses "Archives Silbermann". Ce sont les notes de Jean-André, dans lesquelles il consignait le journal des activités de son entreprise, mais aussi ses compte-rendus de visites, ainsi que des "informations commerciales", incluant des données sur le parc organistique de l'époque, et sur ses concurrents. Les documents (sous forme de 5 cahiers, plus un complément, et des feuilles volantes) avaient été conservé par la "branche parisienne" des héritiers de Silbermann (Jean Henri), et n'étaient que peu accessibles, ce qui contribua à leur "légende" (résultat de la frustration de pas mal de personnes intéressées par le sujet). Rares étaient les "initiés" qui y avaient eu accès. Il fallait avoir son "réseau" et des amis là où il faut. Et même ces initiés ne s'échangeaient les informations qu'ils y avaient glanées qu'au prix d'âpres négociations. On ne savait même pas où elles étaient cachées ! Parmi ces initiés figurent Charles-Marie Widor (qui y avait peut-être eu accès grâce à son élève Emile Rupp), François-Xavier Mathias (qui en recopia une bonne partie, à la main, évidemment), Félix Raugel. L'approbation écrite de ce dernier fut un temps requise pour consulter les "microfilms" des 5 cahiers à la bibliothèque nationale de Paris (!) Mathias légua ses notes à Joseph Wörsching, qui publia... sans citer Mathias.
Heureusement, ces archives ont été compilées, indexées et annotées par le plus grand spécialiste des Silbermann alsaciens : Marc Schaefer. Son projet, motivé à l'origine par la nécessité de rendre public ce trésor, avait été lancé dès 1965. "Das Silbermann-Archiv" a été publié par les éditions Winterthur en 1994.
Evidemment, leur auteur n'a jamais destiné ses archives à la publication. Ce sont avant tout des notes personnelles. On se souvient que c'est lors de son voyage (avec son père) à Vieux-Thann que Jean-André en eut l'idée, et commença leur rédaction (1729). Elles sont constituées de 8 parties :
1) Orgues d'Alsace
Le "parc organistique" de l'époque (donc des orgues construits par d'autres facteurs). Cette partie comprend un historique des orgues de Strasbourg, St-Pierre-le-Vieux (p.139-44), dont Jean André n'est pas l'auteur : il a été écrit par son ami Jacques Antoine Denoyé (celui qui envoya "aux Amériques" le 8ème positif).
2) Orgues hors Alsace
Cette section est illustrée par de nombreux dessins ; elle comprend des courriers, mais aussi bien sûr des notes prises lors du voyage de Jean-André en Saxe.
3) Facteurs d'orgue
L'analyse de la concurrence. Très précieuse pour disposer d'une vue - évidemment "partisane" - de la facture d'orgues au 18ème. On en retient que Silbermann n'était pas tendre avec ses concurrents, et qu'il savait parfaitement que ses standards de qualité étaient loin d'être partagés par tout le monde. Ces cibles préférées : Waltrin, Rohrer et Merckel. Parmi les rares qui semblent avoir son estime figure Louis Dubois.
Exemple choisi : "Besançon - Aussi un Lorrain, qui a appris le métier et travaillé chez Dubois pendant 10 à 12 ans. Il a racheté l'outillage à la veuve Dubois, et habite Kaysersberg. En 1768 : il a achevé son premier travail, à Villé (il a dû coûter 1000 Thalers). Mr Eppel de Sélestat l'a essayé. Quand j'ai fait l'orgue de la cathédrale de Sélestat, le recteur Fuchs de Scherwiller et Mr Schultz de Châtenois m'en ont parlé de façon très défavorable. En 1769 : il a fini l'orgue des Dominicains de Sélestat. Mr Eppel m'a dit que non seulement il fait un mauvais effet dans une église pourtant très favorable, mais qu'en plus n'est pas de la meilleure facture. Les pères Dominicains que j'ai rencontré par ailleurs à Colmar et à Guebwiller m'ont dit qu'ils n'en sont pas contents, qu'il est très difficile à jouer et s'altérait énormément. Malgré tout cela, Mr Eppel l'a quand même trouvé bon lors de son examen, ce pour quoi les Dominicains ne lui en savent pas gré."
4) Orgues d'André Silbermann
Jean-André décrit les orgues de son père, comme il en avait eu l'idée à Vieux-Thann.
5) Montage des orgues
Un journal des travaux (montage, mais aussi harmonisation).
6) Spécifications
On parlerait aujourd'hui d' "informations commerciales". De nature sensible, le texte était en partie chiffré (au sens moderne du terme). Comme ce chiffrage devait surtout ennuyer son légitime lecteur, celui-ci fit figurer par moments la version en clair... qui permit de décoder le tout.
7) Feuilles diverses
Toute initiative de ce genre comporte son lot d'inclassables et d'inclassés.
8) Le Journal de Strasbourg
Il ne faisait pas partie du fonds parisien. Il contient une description des orgues André et Jean-André Silbermann (la plupart des compositions ayant été ajoutées ou complétées par Johann Josias)
Jean-André ne conservait - et produisait - pas que des écrits concernant l'Orgue et sa facture. Il était passionné d'Histoire, de "curiosités", et entretenait une vaste correspondance. Malheureusement, la majeure partie de ces archives-là n'étaient pas privées en 1870 : elles faisaient partie du fonds de la grande bibliothèque de Strasbourg, dont on connaît le destin. Le caractère "insaisissable" des cahiers consacré aux orgues avait peut-être aussi assuré leur sauvegarde. Jean-André est l'auteur de deux essais historiques : "L'Histoire Locale de Strasbourg" et la "Description du Mont Sainte-Odile".
Enfin, Jean-André était collectionneur. Il avait rassemblé dans son "Cabinet des Curiosités" une collection numismatique (mettant probablement en valeur la spécificité du lys strasbourgeois : il est "épanoui" et certains ont voulu y voir en fait deux crosses d'évêque), une bibliothèque de livres rares et de manuscrits (dont une étude illustrée d'aquarelles sur les poissons et la faune du Rhin), de nombreux objets d'art, une maquette de Strasbourg... Il en a (évidemment) dressé lui-même l'inventaire, en 1778, 122 ans avant la naissance de Prévert.
Les positifs
Les Silbermann ont construit, souvent pour des particuliers, de petits orgues "positifs", compacts et intégrés. Jean-André les appelle "Cabinets d'orgue" : il en décrit 9 réalisés par son père (le premier avec Gottfried), et 2 par lui. Conçus pour être facilement déplacés, ils ont été... beaucoup déplacés. Cela fait parie de leur charme, d'essayer de suivre leurs pérégrinations, et le "jeu de piste" que cela implique en a passionné plus d'un.
Et rebuté tous les autres. Autant l'avouer, ce chapitre n'est pas "casual"... Mais il est sûr que chaque Positif propose un joli voyage dans le temps et la géographie, où l'on rencontre bon nombre de personnages marquants : Rohan, Vigera, Mme d'Andlau, le prince de Nassau. Une fois que le lecteur occasionnel aura passé au chapitre suivant, on commencera une parenthèse "Geek" où on ne confond pas "Jeu de Tierce" et "Cornet décomposé" (alors que dans tout le reste du site, c'est pareil).
Avant tout, après s'être assuré de la proximité d'un tube d'aspirine et d'eau pour la consommer, il est d'usage de donner à ces positifs un numéro, qui n'est pas forcément dans l'ordre de leur fabrication (pour plus de poésie, et parce que cette numérotation vient des "Archives Silbermann"). Ensuite, il est d'usage de leur donner plusieurs noms, en général un par étape identifiée de leur parcours, le premier étant la localisation ou le propriétaire initial. Ou celui qui était prévu, et où justement le positif n'est jamais allé... Pour plus de fun, certains positifs vont se croiser en un même lieu, produisant de délicieuses ambiguïtés. On s'en tirera en comptant les tuyaux ou en observant qu'il manque un Do# grave ici, et pas là.
Voici les 9 d'André :
Premier positif (1707) : "Collège St-Guillaume" ; "Positif de Bourgheim" ; "Positif bleu"
Ce "cabinet d'orgue" avait 2 claviers (un petit récit), et une pédale empruntant le Bourdon. Buffet était en chêne.
Composition, 1707
Manuel, 48 n. (CD-c''')
Basses en bois
Dessus en Montre
A cheminée
Récit, 32 n. (f-c''')
Pédale
Emprunt de I
Tremblant doux
Installé au collège "St-Guillaume" à Strasbourg (l'ancien couvent des Dominicains). Le "positif bleu" semble n'avoir été peint de cette couleur qu'en 1767. Au cours de la Révolution, il fut déplacé à la Cathédrale, dans la chapelle St-Laurent. Il retourna au Collège en 1795, où il fut remplacé en 1852 par Martin Wetzel. Vendu en 1854 à Bourgheim, il y a été installe par la maison Stiehr-Mockers. Il disparut en 1884 ou 1890 lors de la construction de l'orgue Koulen de Bourgheim.
[IHOA:p82,412] [ITOA:3p73] [AEAXX:p.444] [ArchSilb:IV p.45 et VIII p.31]
Deuxième positif (1717) : "Orgue de Mme d'Andlau", ou "Positif d'Olwisheim"
Mme d'Andlau (née Marie Anne Klinglin) s'était remariée à l'influent Maréchal du Bourg. C'est ce dernier qui acheta l'instrument, qui fut placé dans l'Hôtel de Commandants (l'actuel Hôtel de police, rue de la Nuée Bleue) en 1729. L'orgue avait été construit en 1717, mais on ne sait pas où il était placé auparavant. La plate-face du milieu était muette (et permettait l'accès aux tuyaux). Il y avait 2 claviers (ce qui ne correspond pas vraiment à la composition : il y avait peut-être un Cornet de récit), et des volets de fermeture. Le buffet, en chêne, fut plus tard peint et doré : le petit orgue était choyé et très apprécié.
Composition, 1717
Manuel
A cheminée
Façade
En 1734, à la mort de sa propriétaire, le positif fut légué à la paroisse d'Andlau, Sts-Fabien-et-Sébastien (pas l'actuelle Sts-Pierre-et-Paul). Il y a été déménagé en 1735, et repeint pour plus de sobriété. Démonté en 1775 (et remonté en 1776), il est probable qu'il ait été déménagé en 1793 par Sébastien Krämer à Olwisheim. Il a été remplacé en 1878 par l'orgue Georg Hladky, 1786. Le positif Silbermann aurait alors été démantelé : la partie instrumentale a disparu, le buffet servant pendant longtemps d'armoire à l'école.
[IHOA:26b,137b] [ITOA:4p4803] [ArchSilb:337-8,493]
Troisième positif (1722) : "Château de Kolbsheim ", ou "Positif du prince de Nassau"
Il s'agit du positif de Mme la générale Linckin, placé dans son château de Kolbsheim.
L'orgue a été installé au château de Kolbsheim en 1722 par André Silbermann. Démonté de façon approximative en 1733 par un ébéniste et sa propriétaire, il fut remonté par Merckel (car André Silbermann ne voulait pas avoir à gérer tout ce gâchis). Il a été vendu en 1748 au prince de Nassau-Saarbrücken qui le fit placer dans un de ses châteaux. L'instrument disparut durant la Révolution.
Mais en 1818 à Boofzheim, Louis Geib installa un petit orgue de 4 jeux qu'il attribuait à Silbermann. Il pourrait être tentant d'y voir le 3ème positif. Car des orgues de 4 jeux, il n'y en a pas beaucoup : celui de la Stiftskirche de Baden-Baden (D) n'a été détruit qu'en 1944 ; le 4ème positif était à Grendelbruch en 1818 ; le 5 ème était à Friesenheim ; le 6ème à Mittelbergheim (où il avait été doté d'une pédale indépendante) ; le 8ème avait traversé l'Atlantique en 1759. Il ne peut pas non plus d'agir du second positif de Jean-André (le "Cabinet d'orgue de Barr"), car l'orgue de Boofzheim y resta sagement de 1818 à 1903, alors de le "Cabinet d'orgue de Barr" était au Séminaire de Strasbourg en 1858. Seul argument en défaveur de l'hypothèse consistant à identifier le 3ème positif à celui de Boofzheim : le clavier de 51 notes (204 tuyaux : c'est cohérent). De tels claviers n'ont été construits que par Jean-André, et encore seulement à partir des années 1766-1768. L'orgue qui disparu à Boofzheim en 1903 (remplacé par Roethinger) était donc probablement un 3ème positif de Jean-André.
Quatrième positif (1718) : "Positif de St-Pierre-le-Jeune", ou "Positif de Grendelbruch"
Les Registres étaient manoeuvrés sur le côté. Buffet en sapin. Etait destiné à l'origine à Mulhouse.
Composition, 1718
Manuel, 49 n. (C-c''')
Il s'agit du positif qui a été prêté à Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune de 1719 à 1725, dans l'espoir (déçu) de pouvoir y placer un orgue neuf. Il était originellement destiné à Mulhouse, St-Etienne. On le retrouve de 1725 à 1760 à Rosheim, St-Etienne, puis à Grendelbruch. Il a été à nouveau vendu en 1837, mais on ne sait pas à qui.
Cinquième positif (1718) : "Keck le brasseur", ou "Positif d'Ebersmunster", ou "Positif de Friessenheim"
Buffet "classique" à 3 Tourelles ; identique au Sixième positif.
Composition, 1718
Manuel
Basses en bois
Basses en façade
Tremblant doux
Michael Keck était un proche d'André Silbermann ; il tenait l'ancienne brasserie "Au Cerf d'Or", qui était située dans l'actuelle rue du Faubourg national. Très abîmé par les rats en 1757, il fut racheté et relevé par Jean-André Silbermann, avant d'être installé à deux pas de là, au couvent Ste-Barbe (également situé rue du Faubourg national). Déménagé à Ebersmunster (église paroissiale de l'ancien régime) en 1759 par Gottfried et Heinrich Silbermann, il a été vendu en 1799 à Jean-Thiébaut Hurstel, qui le revendit à Friesenheim en 1803. Il y disparut en 1882.
Sixième positif (1720) : "Positif Vigera", ou "positif de Mittelberheim"
Identique au Cinquième positif, mais les Registres pouvaient être manipulés à la fois par le devant et sur le côté.
Composition, 1720
Manuel
Basses en bois
Basses en façade
Tremblant?
Ce positif a été acheté par Johann Heinrich Vigera, "Hafenmeister" (directeur du port) de Strasbourg pour sa femme. Il fut, après la mort de Mme Vigera (vers 1750) installé au Mont Ste-Odile par Jean-André Silbermann. De 4 Jeux (Bourdon 8', Prestant 4', Doublette 2', Fourniture 3 rgs). L'instrument ne resta qu'une vingtaine d'années au Mont Ste-Odile, mais y acquit une curieuse notoriété et se fonda sa propre légende. Ce qui est sûr, c'est que le Positif d'André Silbermann repartit en 1791 pour Mittelbergheim : le déménagement fut fait par Conrad Sauer qui y ajouta deux jeux de Pédale en 1793. On sait aussi qu'il fut vendu ou cédé en 1858 (évidemment à l'occasion de la construction de l'orgue Stiehr). La pédale ajoutée par Sauer a été retrouvée : elle a été posée par la maison Stiehr à Krautwiller en 1864. Il ne revint donc finalement pas au Mont St-Odile, comme l'affirme une légende tenace, reprise par Barth et F.X. Mathias. Selon F.X. Mathias et Médard Barth : pour eux, on retrouve alors le 6ème positif au Séminaire de Strasbourg. Mais c'était une fausse piste : le "positif du Séminaire" n'était autre que le "cabinet d'orgue de barr", soit le second positif de Jean-André ! Il est maintenant pratiquement établi qu'en 1858, l'acquéreur de l'orgue de Mittelbergheim a été Antoine Ringeisen, le célèbre architecte de l'arrondissement de Sélestat. On en perd la trace peu après.
Septimème positif (1719) : "Strasbourg, Toussaint", ou "Posiif de Lettenbach"
Pas de tuyaux de façade.
Composition, 1725
Manuel, 50 n. (CD-d''')
Basses en bois
Basses en bois
Installé au couvent de la Toussaint à Strasbourg en 1725 (on ne sait pas où il était de 1719 à 1725), il fut racheté par Jean-André Silbermann en 1743. En 1747, il a été déménagé à Marmoutier (dans le choeur de l'abbatiale), où il resta brièvement avant d'être installé à Lettenbach (Moselle) (alors annexe de l'abbaye de Marmoutier. C'est la localité de la verrerie, à deux pas de Saint-Quirin ; l'église s'appelle St-Quirin aussi...) Il y était en 1765, puisque le Père Augustin Gast voulait y faire ajouter une façade (Jean-André a même réalisé un dessin). On ne sait pas du tout ce qu'est devenu cet instrument, ni même quand il a disparu. L'intérieur était peint en rouge et orné de fleurs de lys ; ça n'a pas dû l'aider à passer la Révolution...
[IOLMO:Mo-Sa p1852-3]
Huitième positif (1725) : "Cardinal de Rohan", ou "Positif américain"
Buffet à 2 Tourelles, en sapin. Tuyaux soudés.
Composition, 1725
Manuel
Basses en bois
Façade
Tremblant doux
Outre la délicieuse consonance "Terry Pratchettienne" de sa désignation "Le Huitième Positif", c'est l'un des instruments les plus intéressants par le caractère étrange de son historique. Probablement construit dès 1725, il fut vendu en 1733 au Cardinal de Rohan pour y être placé dans son château de Saverne. En 1745, l'instrument fut offert en cadeau de mariage à l'épouse du directeur des Postes de Strasbourg, née Jeanne Marie Victoire Defresney. Après la mort de Jeanne Defresney-Le Brun, survenue dès le 19/03/1746, Jacques Antoine Denoyé déménagea l'instrument de Saverne à Strasbourg (1748) puis l'emballa à nouveau en 1759" pour l'envoyer "en Amérique" (via Marseille). Mais Denoyé est mort cette même année, et l'orgue a disparu. Pour amateurs de mystères, donc. Parmi plusieurs questions intéressantes figure celle-ci : "Denoyé était-il apparenté au facteur Guillermo Denoyé (probablement d'origine alsacienne) qui travailla en Andalousie ?".
[ArchSilb p341,494]
Neuvième positif (1719) : "Positif de Marmoutier", ou "Positif des soeurs grises de Haguenau", ou "Positif de Sessenheim"
Ce neuvième positif ressemble au premier : il possède deux claviers, l'un de 49 notes, l'autre de 25 (pour le Cornet d'Echo). Le Cromorne (et sa basse de Trompette) sont en façade.
Composition, 1719
Manuel, 49 n. (C-c''')
Façade
Echo, 25 n. (c'-c''')
Tremblant doux
Ce positif, commandé pour Marmoutier, n'y alla jamais (contrairement au 7ème...) On le retrouve au château des Rohan à Strasbourg, vers 1970, après avoir successivement été attesté : à Haguenau, Couvent des Soeurs Grises ("Tiercelines") en 1730, à l'église mixte de Sessenheim en 1793 (déménagé par Hladky) (il y a été réparé par Stiehr en 1826), et au musée Goethe de Sessenheim en 1909. Depuis 1930, il fait partie des collections du Musée des Arts Décoratifs (où il a été entreposé sous le délicieux numéro Inv. LXI.38). La partie instrumentale a été classée Monument Historique le 20/10/1976. C'est finalement le seul des 9 d'André qui soit conservé. Restauré en 2011 par Quentin Blumenroeder dans son état de 1826 (mais avec Tierce, comme en 1719, au lieu d'un Salicional), il se trouve à présent à Strasbourg, Ste-Madeleine
(ancien choeur gothique ). Sa tuyauterie a été tellement préservée qu'elle est aujourd'hui un témoin inattendu mais fondamental de la façon d'harmoniser d'André Silbermann, et plus généralement sur sa facture. Un instrument réellement hors du commun.
Et voici les 2 de Jean-André, tous deux construits juste après sa reprise de l'atelier de son père :
Premier positif JAS (1737) : "Positif de St-Thomas"
C'est le petit instrument que Jean-André construisit juste après avoir repris les ateliers de son père, pour prouver qu'il savait construire autre chose que des clavecins.
En 1737, l'instrument fut installé sur le jubé de St-Thomas à Strasbourg (comme orgue provisoire jusqu'en 1741). Après l'avoir récupéré, Jean-André le vendit au baron Jean-Louis de Bayerlé (Directeur de la Monnaie) en 1745. Il fut donc placé dans sa résidence de la Robertsau (le "château des Turckheim"), avant de reprendre la route en 1750 pour Niderwiller (Moselle), où il fut remonté par Silbermann dans le château que Bayerlé s'était fait construire près du nouveau business qu'il s'était monté : une faïencerie. L'instrument ne trouva pas place dans l'église paroissiale Ste-Croix (avant son agrandissement) mais entra à l'aise dans la salle à manger du château... Finalement, l'orgue fut déplacé à l'église. Le baron fut vite repéré par deux compères itinérants qui avaient travaillé à Wadgassen (sûrement deux "anciens" de chez Nollet qui avaient noté que l'escroquerie était plus facile à mettre en musique que l'étain). Les deux chenapans, promettant un gros orgue neuf au baron pour vraiment pas cher, bricolèrent un instrument vite fait (évalué bien bas par Jean-André : "pas un seul tuyau bien harmonisé"). Les compères n'allèrent pas bien loin avec le positif : jusqu'à Hommarting (57) (que Jean-André écrit soit "Humeringen", soit "Haut-Martin"). Il est vrai que Bayerlé leur avait envoyé la maréchaussée aux trousses... Puis vint la Révolution. A Niderwiller, le produit des exploits des deux compères était tellement pitoyable qu'il laissa les Révolutionnaires perplexes : ils renoncèrent à le démolir (soit par pitié, soit parce que toute action l'aurait plus amélioré que dégradé). A Hommarting, par contre, ils ne ratèrent pas le positif de Silbermann : une lettre datée de 1799 annonce que l'orgue est "hors d'état de servir, même en le réparant".
[IOLMO:Mo-Sa p1525-6]
Second positif JAS (avant 1737) : "Cabinet d'orgue de Barr" ou "Positif de Blancherupt" ou "Positif du Mont Sainte-Odile" ou "Positif du Séminaire"
L'instrument, destiné à Barr, a été confondu avec le "Sixième Positif" (ou "Positif Vigera") lorsqu'il réapparut en 1858 au Séminaire de Strasbourg, acquis par l'abbé Simon Ferdinand Mühe. Ce dernier offrit en 1861 son petit orgue à la paroisse de Blancherupt (...ou plutôt à son organiste, son ami Joseph Vilmin). L'instrument perdit sa façade lors de la Réquisition de l'étain par les autorités allemandes en 1917. En 1928, Léon Vilmin (fils de Joseph et curé de St-Pierre-le-Jeune à Strasbourg) racheta ce qui restait du Positif (et qui était dans un triste état, probablement complètement injouable depuis 1924), pour l'offrir à F.X. Mathias pour l'Institut Léon IX. C'est Mathias qui l'attribua à André Silbermann et le prit pour le fameux "Sixième Positif". L'orgue fut envoyé dans les ateliers Roethinger pour une reconstruction complète. Il y resta assez longtemps, selon le témoignage de Jean-Georges Koenig (employé de la Maison Roethinger à l'époque). En tous cas, pas un seul tuyau métallique n'avait échappé aux vicissitudes de cette histoire. Ceux-ci furent remplacés par des tuyaux "du stock ancien" de Roethinger (probablement Marckolsheim). On avait réalisé une façade neuve, mais comme l'étain poli aurait fait "tout neuf", les tuyaux furent réalisés en plomb. Le 07/07/1928, F.X. Mathias fit paraître dans le journal "Der Elsässer" un article au sujet du fameux Positif. C'est Ernest Muhleisen (lui aussi travaillant pour le compte de Roethinger) qui procéda à l'harmonisation. Finalement, l'orgue, une fois restauré en 1931, n'alla pas à l'Institut Léon IX, mais à l'église Ste-Madeleine de Strasbourg où l'institut organisait des concerts (le frère de F.X. Mathias, Joseph, était organiste à Ste-Madeleine de 1925 à la guerre). L'instrument resta dans le transept de Ste-Madeleine de 1931 à 1939. C'est après 1945 que le "Positif du Séminaire" fut déménagé au Mont Ste-Odile, où l'on crut qu'il avait retrouvé sa place. Mais le Positif du Mont Ste-Odile n'est pas le "sechste Positive", 1720, d'André Silbermann : non seulement les Registres de l'actuel orgue de la chapelle romane du Mont Ste-Odile ne peuvent pas être manoeuvrés depuis le coté, mais son quatrième Jeu est un Nasard, et non une Fourniture. Et ce dès l'origine, puisque la Chape de ce Nasard est d'époque. Il s'agit donc très probablement du "Cabinet d'orgue de Barr".
L'héritage des Silbermann
Les Silbermann d'Alsace ont laissé le patrimoine que l'on connaît, mais n'ont pas fait école. L'entreprise strasbourgeoise ne survécut pratiquement pas à Jean-André (1783) : Johann Daniel II (le fils, non le frère de Jean-André) était déjà mort en 1770, Johann Josias - qui portait tous les espoirs, lui qui savait accorder des jeux à 12 ans - mourut en 1786. La facture de pianos fut une activité plus intéressante pour Johann Heinrich. Quant à Jean-André II, on sait qu'il n'avait montré aucun intérêt pour la facture d'orgues. Les Sauer (Conrad, Jean Conrad et Théodore) ne surent pas redonner un élan après la Révolution. Les Wetzel, s'il se sont vus confier l'entretien d'une bonne partie du "parc", ne peuvent pas être considérés comme les successeurs des Silbermann.
Ce fait s'explique peut-être par la fidélité un peu rigide aux traditions qui marque la production Silbermann : après 1820, la facture d'orgues, s'orientant vers un style nouveau (plus tard appelé "de transition") était à l'aube de mutations fondamentales. Les progrès techniques et scientifiques allaient permettre de s'intéresser à des problèmes jusque là irrésolus (alimentation en vent, layes séparées, tirasses), et surtout d'aller beaucoup plus vite dans la construction. Les orgues allaient cesser d'être un instrument de grand luxe réservé aux collectivités et aux congrégations les plus riches. Le répertoire s'élargissait, et se lassait des Cornets, étagements de Principaux et anches "râpeuses" : des timbres plus variés (Gambes, anches douces, Flûtes solistes) étaient nécessaires.
En Alsace, la relève vint de Bourgogne (François Callinet, amenant, avec ses outils de facteur, les gènes du pré-romantique), d'Allemagne (Michel Stiehr, décidé à exploiter l'énorme potentiel des jeux de fonds) et de Suisse (Joseph Bergäntzel revenant après la Révolution avec de belles idées neuves et jetant les bases de l'oeuvre de Rinkenbach).
La production Silbermann influença la facture d'orgues de façon bien plus forte au tout début du 20ème siècle. La très grande qualité de facture des (rares) orgues préservés démontrait de façon évidente le potentiel artistique pouvant être délivré par ces techniques de facture (mécaniques suspendues, sommiers à gravures, tuyaux en étain ou en étoffe martelés...) Le fin mot revint une fois plus aux organistes, trouvant dans le toucher et l'attaque la "matière" irremplaçable à l'épanouissement des phrasés classiques.
Conservation
Du point de vue de la conservation, on l'a vu, peu d'instruments ont été détruits à la Révolution. Mais beaucoup ont été déménagés, généralement avec peu de succès par la suite. La période romantique ne porta pas grande atteinte au patrimoine classique : à part l'inévitable remplacement de quelques Mutations par des Gambes (et l'arrivée salvatrice d'un réservoir à plis parallèle), peu de dégâts furent commis. On pouvait mettre en pratique les idées neuves sans avoir à détruire l'ancien : au cours du 19ème, le marché était dans une logique d'équipement, pas de remplacement. La période "néo-classique" (spécifique en Alsace : 1900-1940 car incluant l'Orgelbewegung, les actions d'Albert Schweitzer et d'Emile Rupp) fut plus délicate, surtout dans les villes. On aimait tant les Silbermann qu'on ne put s'empêcher de les améliorer, et beaucoup se retrouvèrent encombrés de plus de tuyaux que leur buffet ne pouvait en contenir. Et les jeux ont été fortement ré-harmonisés. D'importants dégâts furent commis lors de changements de diapason : les diapason graves (La à 415Hz ou même 392Hz) posaient évidemment des problèmes à l'usage, mais leur changement à 440Hz a eu d'énormes conséquences. Il faut noter qu'aucun orgue Silbermann ne nous est parvenu avec sa partition (tempérament) d'origine. Le "tempérament Silbermann" n'est donc que le fruit de savantes études assorties d'hypothèses.
Seulement deux orgues (tous deux d'André) nous sont parvenus dans un état que l'on puisse qualifier d'authentique : Marmoutier et Ebersmunster. Celui de Niedermorschwihr viendrait sûrement en troisième sur la liste des mieux conservés.
Aucun orgue de Jean-André n'est resté authentique. Toutefois, les mieux conservés sont probablement Wasselonne, Châtenois et Soultz-les-Bains.
Connaissance de la facture
Grâce aux travaux (aussi bien historiques que techniques) de Marc Schaefer, de Michel Chapuis, complétés par la compétence acquise "sur le terrain" par Gaston Kern, la facture des Silbermann est aujourd'hui très bien connue. La reconstruction de l'orgue de Villingen en apporte la preuve. Mais l'orgue neuf d'Aigen (AU, près de Salzbourg) en est un autre exemple : il s'est encore construit des orgues André Silbermann en 2003 ! Le plus amusant dans cette histoire, est qu'on peut se dire qu'André - fidèle aux traditions comme il était - s'il visitait par quelque miracle l'orgue Gaston Kern d'Aigen, ne serait peut-être pas outre mesure surpris... On imagine un commentaire du genre : "Gut. Sehr gut. Und ?"
Webographie :
Sources et bibliographie :