Il s'agit de l'opus 30 de Martin Rinckenbach. Il a un intérêt historique considérable, car il illustre que l'évolution des styles qui avait lieu à la fin du 19ème siècle n'était pas linéaire. A cette époque de grande ouverture d'esprit, on pouvait demander un orgue différent, et même un peu "comme autrefois". Car il y a beaucoup de Valentin Rinckenbach dans cet instrument. Pourquoi ? Sûrement parce qu'à Riespach, on l'a voulu comme ça.
Historique
Un orgue est attesté à Riespach par son payement, le 01/04/1838. On en ignore la provenance. Il y en avait peut-être déjà un depuis 1808. [IHOA] [IHOA]
Historique
En 1891, Martin Rinckenbach dota Riespach de son opus 30, un orgue de 15 jeux sur 2 claviers et pédale. La "Liste Rinckenbach", parue dans Caecilia de juin 1907 donne pour 13 jeux, mais la plaquette de 1939 lui en donne 15, comme l'inventaire de Mathias. [LR1907] [IHOA] [PlaquetteRinckenbach1939] [Mathias] [PMSSUND1987]
Le devis est daté du 26/01/1890, et titré "Kostenanschlag über ein neues Orgelwerk mit 12 (sic) klingenden Stimmen und 16 Register für die Pfarrkirche zu Riespach." Mais c'étaient bien 15 jeux réels qui étaient prévus : [PMSSUND1987]
Une composition plutôt étrange pour un orgue de 1891, surtout un Martin Rinckenbach... Il y a un grand déséquilibre entre les deux claviers, le petit étant sous-dimensionné par rapport au grand-orgue, à 3 jeux seulement. Le Hautbois est... au grand-orgue, et décidément, ce second manuel (qui n'est pas nommé dans le devis, mais simplement appelé "Manual mit 3 Register", est plutôt un positif et pas un récit. D'ailleurs, il est placé en bas (comme un positif de dos). La console devait être "indépendante accolée". C'est du moins ce qu'on peut comprendre par "isolierter Spieltisch mit einbegriffen". Bien que, évidemment, quand une console est accolée, elle n'est pas vraiment indépendante ("isoliert"). Ceci est également atypique, car à l'époque, les console indépendantes "séparées" sont un must, surtout quand l'organiste dirige le chœur.
Le marché a été conclu le 15/09/1890, entre Rinckenbach et le Bürgermeiser Brand. C'était donc un projet de la commune. [PMSSUND1987]
La réception eut lieu le 12/05/1891, par Friedrich Wilhelm Sering, dont le compte-rendu a été conservé. Ce compte-rendu est factuel, détaillé, structuré par thèmes (tuyauterie, vent, traction des notes et des jeux, buffet). Il relève qu'en raison du manque de hauteur, les 5 notes les plus basses du Bourdon 16' manuel (C-E) ont dû être supprimées, et se montre élogieux dans la conclusion : "Aus vorstehenden Bemerkungen ergiebt sich, daß die Orgel zu Riespach als ein sehr gelungenes Werk bezeichnet werden kann. Herrn Rinckenbach gebührt hierfür der Dank der Gemeinde." ("Suivant les remarques ci-dessus, il s'avère que l'orgue de Riespach peut être qualifié de très réussi. Mr. Rinckenbach mérite toute la reconnaissance de la commune.") Sering nous confirme que la pédale a 27 notes, et que la composition réalisée est celle du devis. Par contre, il ne donne pas de précision sur la console indépendante/accolée. [PMSSUND1987]
Riespach et Neuwiller : deux orgues 'nostalgie' ?
Les deux instruments de Riespach et Neuwiller se ressemblent beaucoup. Ils sont contemporains. (Celui de Riespach a été commandé plus tard : opus 30). Les deux ne sont PAS munis d'une console vraiment indépendante (ce qui était pourtant un must incontournable dans les années 1890). A Riespach, le second manuel est clairement... un positif intérieur. Ces deux instruments constituaient certainement une "commande spéciale" : deux orgues un peu "nostalgie", "comme il y a 30 ans", clairement inspirés des créations de Valentin Rinkenbach. On pense à Rodern, qui est un instrument qui a été monté par les fils de Valentin, et fort probablement par Martin.
En tous cas, ces deux instruments occupent une place à part dans l'œuvre de Martin Rinckenbach, et constituent un petit mystère : pourquoi sont-ils tous les deux si semblables et différents des autres ? Est-ce une coïncidence s'ils sont contemporains ? Et pourquoi ce délai de 3 ans entre la commande et la livraison de l'orgue de Neuwiller ? Ils démontrent en tous cas une grande ouverture d'esprit de la maison d'Ammerschwihr : là où on veut un orgue comme il y a 30 ans, on construit un orgue comme il y a 30 ans...
D'ailleurs, l'ultra-conservateur Pie Meyer-Siat, qui n'a normalement d'yeux que pour les instruments d'avant 1870, loue l' "atavisme" de ces deux orgues : "ces deux orgues Rinckenbach sont à peu près identiques et à peu près authentiques, bientôt classables", ou : "Martin Rinckenbach [...] eut la louable et courageuse idée de placer sa bonne traction mécanique dans une traditionnelle console en fenêtre." Sauf qu'avec le recul, on se doute que ce n'était pas du tout son idée. [PMSSUND1987]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 06/03/1917. [PMSSUND1987]
Le 20/10/1928, Georges Schwenkedel nota sur un cahier de notes que l'instrument est de Rinckenbach, à traction mécanique, de 15 registres, et qu'il faut pour commencer le nettoyer et le doter d'un moteur. Puis les travaux additionnels : déplacer la pédale vers le fond de la tribune, à droite (en la munissant d'une traction pneumatique) et lui ajouter un jeu, pour passer à 4. Il note aussi qu'il faut fournir un deuxième devis pour une reconstruction en pneumatique. C'est finalement le premier devis qui fut réalisé, vers 1929, à l'exception de la pose d'un 4ème jeu de pédale. [SchwenkedelNB]
Il y eut une réparation, menée par Christian Guerrier en 1981. L'orgue avait alors 15 jeux. [IHOA]
Vers 1985, Pie Meyer-Siat, lors de sa visite pour son article, note la composition suivante :
La Voix céleste était probablement de Schwenkedel, qui l'a malheureusement placée sur la chape du jeu le plus important du récit, la Flûte harmonique... Le précieux Piccolo harmonique 2' avait disparu (probablement en 1981) au profit d'une vulgaire Flûte 4'. Et il y avait une Trompette "passe-partout" à la place du Basson/Hautbois : avec ces trois changements calamiteux, l'orgue avait perdu son esthétique symphonique...
Au changement de jeux suivant (décidément, on ne pouvait pas laisser ces orgues tranquilles ?), la Voix céleste a été remplacée par une Flûte 4'... pas harmonique. (Peut-être celle du grand-orgue, qui n'était pas d'origine mais présente en 1985). Et, pour finir de mettre de la vinaigrette sur ce Savarin, le grand-orgue a été affublé d'une Doublette 2'... [ITOA]
Il y eut à nouveau un entretien, toujours par Christian Guerrier, en 1991. [IHOA] [ITOA]
L'affirmation de Pie Meyer-Siat "ces deux orgues Rinckenbach sont à peu près identiques et à peu près authentiques, bientôt classables" s'avère dont fausse. En fait, ils n'ont plus grand chose d'authentique, car ils ont fondamentalement perdu leur esthétique d'origine au profit de la "cuisine internationale" des années 1970-1980. Ce qui est sûr, c'est qu'on souhaite de tout cœur qu'ils attirent l'attention, et soient enfin restaurés... même si on sait que dans le contexte actuel, c'est fortement improbable. Les cotes du Piccolo harmonique pourraient être prises à Neuwiller.
Le buffet
Ce buffet à trois tourelles et deux plates-faces est pratiquement identique à celui de Neuwiller ; ils évoquent plus Valentin Rinkenbach que Martin Rinckenbach.
On peut les voir comme une évolution avec une tourelle centrale plate du buffet Valentin Rinkenbach, 1864, de Rodern. On a donc délibérément voulu donner à ces orgues un aspect "années 1860".
Les tourelles latérales sont rondes, à entablement, et munies de culots. La tourelle centrale se distingue par un couronnement sculpté figurant une lyre.
Il y a aussi des jouées finement sculptées, des claires-voies pour les plates-faces, et également des rinceaux supérieurs.
Caractéristiques instrumentales
Console frontale (non indépendante). Tirants de jeux de section carrée (sic) à pommeaux munis de porcelaines dont la plupart sont caractéristiques de Martin Rinckenbach, placés sur les montants de part et d'autre des claviers. La porcelaine du Piccolo harmonique a été conservée (bien que le tirant appelle une vulgaire Doublette). Les trois tirants de pédale, avec le nom des jeux apparaissant en bleu sont en haut à gauche, suivant une habitude de Rinckenbach. Les trois du positif sont en haut à droite. Claviers blancs. Blocs-claviers noirs.
La tirasse et l'accouplement sont commandés par des pédales/cuillers à accrocher, en fer, placés de part et d'autre de la console, au-dessus du pédalier. Elles sont repérées par des étiquettes en plastique. A gauche "Accouplement P." et à droite "Accouplement M."
Plaque d'adresse en position centrale, au-dessus du second clavier, en métal incrusté sur fond noir, encadré :
Le nom et "Ammerschweier" sont en cursives, et "Ammerschweier" ondule entre deux lignes.
Sources et bibliographie :
Photos du 11/11/2006
"30 Riespach 12"
Riespach H.R. Eglise paroissiale 15 jeux
150. Riespach Rinckenbach, 15 Jeux, 2 Clav., Péd., traction Clav. méc., Péd. pneu.
RIESPACH, Kt. Hirsingue. - 1840, Liste, mit O. - Rinckenbach, neue O., 15 Reg., 2 Clav., Ped. MATHIAS 63. - Nach Visit.-Bericht 1892 wurde sie 1891 aufgestellt. - Liste Rinckenbach : O. mit 12 Reg., 2 Clav., Ped.
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