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Les orgues de la région de Strasbourg
Cronenbourg, St-Florent
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Cronenbourg, St-Florent.Photo de Roland Lopes, 06/6/2006.Cronenbourg, St-Florent.
Photo de Roland Lopes, 06/6/2006.

Cet orgue est l'opus 68 d'Edmond-Alexandre Roethinger. Avec sa silhouette caractéristique à 7 plates-faces, il disposait à l'origine, c'est-à-dire en 1913, de 26 jeux "romantiques tardifs" (Spätromantik), sous l'influence du courant esthétique appelé "Réforme alsacienne de l'orgue".

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Historique

L'orgue Edmond-Alexandre Roethinger a été reçu le 02/03/1913. Il était bien entendu doté d'une console indépendante et d'une traction pneumatique, comme pratiquement tous les instruments de l'époque. Il avait 26 jeux à l'origine. [IHOA] [Barth]

Page de garde de la plaquette de 1913.On distingue la console, à gauche.Page de garde de la plaquette de 1913.
On distingue la console, à gauche.

Voici la composition donnée dans la plaquette de mars 1913 :

De nombreuses commandes de la console étaient doublées (boutons manuels et pédales), suite au recommandations du congrès de Vienne. On peut y voir une influence d'Albert Schweitzer. Il est fort regrettable que cette impressionnante console ait été perdue.

C'était vraiment une console disposant de tous les accessoires dont on pouvait rêver à l'époque. La plaquette précise que l'opus 68 a été achevé (à Schiltigheim) en 1912, et propose trois témoignages : M. Mathias (Strasbourg, cathédrale), M. Erb et L. Thomas (Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune). Cela prend 32 lignes à Mathias, mais, respectant la "hiérarchie des organistes", les deux derniers confirment simplement (en 2 et 3 lignes respectivement) qu'ils adhèrent pleinement aux louanges du premier, et n'ont rien à ajouter. Mathias note que Roethinger a offert la combinaison libre pour les accouplements et une Montre plus fournie (a priori, donc, plus de tuyaux parlant en façade que prévu). [RoethingerStFlorent1913]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 27/07/1917. [IHOA]

Ils ont été remplacés en 1923 (par une façade en zinc). [IHOA]

En 1932, Georges Schwenkedel produisit deux devis, tous deux datés du 01/06/1932. [ASchwenkedel]

Le premier est un devis de relevage, complété par l'ajout d'un jeu neuf : un "Cornet" 4-6 rangs à disposer sur un sommier supplémentaire. Ce jeu - qui n'a rien à voir avec un Cornet de l'orgue classique français - est bien dans la tradition Schwenkedel, puisque qu'il s'agit en fait d'une Mixture en étain à 45%, harmonisée de façon brillante "glänzender Wirkung"), complète, progressive et munie d'un rang de Septième (il en reste un, analogue mais reprenant différemment, à Hartmannswiller) :

Composition, Cornet_1932
Grand-orgue
C g e'
2'2/3 4' 8'
2' 2'2/3 4'
1'3/5 2' 2'2/3
1'1/7 1'3/5 2'
- 1'1/7 1'3/5
- - 1'1/7
[ASchwenkedel]

Le second devis, encore plus original, proposait de munir l'instrument d'un positif de dos. En 1932, c'était une chose tout à fait extraordinaire. Ce plan sonore n'avait absolument pas le rôle d'un positif de dos tel qu'on le concevait au 18ème : il était composé tout en douceur pour ne pas "écraser" le reste (ce qui constitue le risque majeur quand on "greffe" un positif de dos sur un orgue romantique) :

Flûte à cheminée 8' (claire et forte), Principal 4' (puissant mais pas fort), Cor de nuit 2', Carillon 3 rangs, Voix humaine et Cromorne. Le Carillon était, de l'aveu même du concepteur, en "effet spécial" "sehr interessenter Wirkung". Il était aussi prévu un tremblant spécifique, puisqu'il y avait une Voix humaine, qui était conçue plutôt comme jeu solo. Le Cromorne, par contre, devait être à même de participer aux mélanges, et devait être traité de façon voisine à une Clarinette : c'est d'ailleurs cet instrument qui était utilisé pour décrire l'harmonisation. [ASchwenkedel]

Montage montrant l'orgue de St-Florent avec le positif de dos projeté en 1932, réalisé d'après le dessin du devis.Montage montrant l'orgue de St-Florent avec le positif de dos projeté en 1932, réalisé d'après le dessin du devis.

L'idée d'un positif de dos "post-romantique" n'était pas une nouveauté dans l'oeuvre de Georges Schwenkedel : lorsqu'il rédigea ce devis, il en avait déjà construit deux, et deux autres étaient en voie d'achèvement. Il est en effet l'auteur d'une "tétralogie" d'orgues post-romantiques à positif de dos (tous situés dans le Haut-Rhin) : Bisel et Seppois-le-Bas (1930), puis Durlinsdorf et Reiningue (1932).

Contrairement aux 4 autres "positifs Schwenkedel", qui sont joués depuis le second clavier, celui pour Cronenbourg devait être joué sur le premier clavier (correspondant au grand-orgue). Le raccordement de la transmission était prévu grâce à des tubulures en plomb posées en dérivation. Un dessin du buffet et un plan étaient joints au devis, montrant une parfaite harmonie de style entre la partie ajoutée et le grand buffet.

Mais ce n'est pas tout : il était prévu que ce positif de dos soit expressif ! Une boîte expressive en sapin de 40 mm d'épaisseur devait entourer la tuyauterie, avec des jalousies à l'avant (derrière une façade probablement muette de 27 tuyaux). [ASchwenkedel]

Le fait que ce positif de dos était prévu pour être expressif nous en apprend encore un peu plus sur la pensée organistique de Georges Schwenkedel. Il aide à interpréter les quatre de la "tétralogie". Il confirme que ce plan sonore n'était absolument pas "néo-classique" (ou néo-baroque). Ici, ce sont bien des jeux "de proximité" (proches de l'auditoire) conçus pour compléter (et non pas pour dialoguer avec) le grand-orgue. Le tout s'inscrit dans une approche romantique de l'édifice sonore. D'où le Cromorne traité en Clarinette, et le Carillon. Munir un tel plan sonore d'un Nasard et d'une Tierce, voir d'une Cymbale, eut été une absurdité. Une erreur qui fut souvent commise par la suite, par de nombreux facteurs - ou leurs commanditaires - qui n'ont pas eu le discernement de Georges Schwenkedel.

L'instrument fut endommagé lors du bombardement de 1940. Georges Schwenkedel, appelé pour faire un devis de réparations, note des dégâts conséquents, dus essentiellement au souffle d'une ou plusieurs explosions (éléments rompus ou décalés). On ne sait pas si son devis vint à exécution ou si l'instrument resta plus ou moins en l'état jusqu'à 1955. Une lettre adressée à la municipalité (occupante, donc), datée du 01/03/1941 et qui accompagnait probablement ce devis, nous apprend que Schwenkedel a rouvert ses ateliers dès août 1940, et repris dix de ses anciens employés. Dans ce courrier, il explique qu'il est urgent qu'on lui donne du travail pour qu'il puisse payer ses salariés, et conclut par la formule... que l'on devait utiliser pendant l'Occupation. [ASchwenkedel]

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Historique

En 1955, l'orgue fut reconstruisit dans une esthétique néo-classique, avec une traction et une console électriques, et un récit fortement recomposé. Certains composants (console, transmission) ont été fournis par la maison Muhleisen, mais il semble que le titulaire de l'orgue ait effectué lui-même une bonne partie des travaux. [IHOA]

Comme beaucoup d'orgues néo-classiques, l'instrument a été doté d'emprunts (surtout à la pédale). Les autres éléments caractéristiques sont un Cornet décomposé de 6 rangs (8', 4', Nasard, 2', Tierce et Larigot) au récit, et une Cymbale (toujours au récit, pour qu'il puisse faire "positif"). Il semble que les jalousies du récit ont été déposées lors de cette opération. Les entailles de timbre des jeux du récit ayant été soudées, la tuyauterie a forcément dû être décalée. [Muhleisen]

Bénéficiant de l'entretien de son organiste, Erwin Sattler, l'instrument n'exigea qu'un petit relevage en 1981. A cette occasion, la maison Muhleisen effectua sur la Montre (en zinc) une opération consistant à la vernir, puis à la lustrer avec de la poudre d'aluminium, ce qui représente une alternative intéressante par rapport au remplacement pur et simple par de nouveaux tuyaux. Le grand-orgue fut nettoyé. [Muhleisen]

Un relevage fut effectué, à nouveau par la maison Muhleisen en 1994 : [Muhleisen]

- Le récit ayant été très (trop) fortement néo-baroquisé en 1955, il a été réharmonisé dans le sens d'une plus grande cohérence avec le grand-orgue, et les jalousies d'expression remontées. Les entailles de timbre ont été restaurées, ce qui a eu pour effet de nécessiter un nouveau décalage, destiné à remettre les tuyaux à leur place normale. [Muhleisen]

- Révision de l'étanchéité des soufflets et des porte-vents.

- Traitement préventif des parties boisées.

- Remplacement du système de transmission électrique par un système électronique.

- Et bien sûr accord général.

Un relevage a encore été effectué en 2014, à nouveau par la maison Muhleisen. Le 09/11/2014 a eu lieu le concert inaugural, regroupant plusieurs organistes autour de Jean-Pierre Bohn. [VWeller]

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2014
Grand-Orgue, 56 n. (C-g''')
Basses en sapin, dessus en spotted avec lèvres redressées et arrondies
C-c' en zinc, cis'-g''' en étain
Octaviante à partir de c
Ancienne Gambe, en zinc avec bagues d’accords et 'Kastenbartt” pour la 2e octave, puis et freins harmoniques
Roethinger ; spotted, avec des 'Kastenbartt' ; lèvres redressées et arrondies
Basses en façade en zinc, dessus intérieur en étain
Etain ; jeu de Stiehr sauf la dernière octave avec tuyaux coniques en spotted (Muhleisen ?)
Etain ; 4 tuyaux de récupération (Stiehr ?) dans la dernière octave
(C-g''')
Progressif et complet
Etain ; coupée au ton (Muhleisen)
C cis g'' c'''
2' 2'2/3 4' 8'
1'1/3 2' 2'2/3 4'
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 1'1/3 2'
Très étroite ; assemblage de tuyaux 'de rencontre'
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
1913
Nachthorn en 1913
1913
1913
1913
1913
1955
1955, sur un sommier spécifique
1955
1913
Pédale, 32 n. (C-g')
En sapin, sauf le Cis, n façade
Emprunt à l'octave du Bourdon 16' g.o.
C-H emprunt du Prestant du g.o., c-g' sur un sommier dédié
Sapin, sauf f'g'
Emprunt à l'octave du g.o. (d'où 4')
Roethinger et Muhleisen, zinc puis étain, 3 pavillons coudés (A,H,cis)
Emprunt du g.o.
Emprunt à l'octave de la Trompette du g.o.
I/P
Par pédale basculante ; 12 positions ; cadran linéaire
Picots ; avec 'annulateur jeu à mains'
Idem
i.e. dominos actifs simultanément sans l'annulateur jeu à mains
i.e. dominos actifs simultanément
[ITOA] [Muhleisen] [APlatz] [VWeller]
Console:
La console de 1955.Photo d'Alexis Platz, vers 2007.La console de 1955.
Photo d'Alexis Platz, vers 2007.

Console indépendante (1955), située à gauche du buffet et orthogonalement à celui-ci, tournée vers le centre de la tribune, fermée par un rideau coulissant. Elle est électrique. Tirage des jeux par dominos blancs. Claviers blancs. Commande de l'expression du récit et du crescendo par pédale basculante. Commande des accouplements des claviers et des tirasses à l'unisson par cuillers à accrocher, situées à gauche des pédales basculantes, au-dessus du pédalier. La tirasse II/P 4' a une commande spécifique : un interrupteur basculant, situé au-dessus du cadran de crescendo.

Cette tirasse II/P 4' a peut-être été ajoutée par la suite. Il est vrai que le fait de disposer d'un Larigot 2/3' à la pédale devait être le Nirvana de l'esthétique néo-classique... Notons toutefois plus sérieusement qu'il semble manquer une cuiller à accrocher - la première. C'est donc peut-être une réparation "pragmatique".

Les accouplements disposent de picots (blancs et rouges), et sont donc programmables dans les combinaisons. Appel des combinaisons, et annulateur des dominos ('Suppr. dom.') par cuillers à accrocher, situées du côté droit. Cadran du crescendo linéaire, en haut à gauche de la console. Voltmètre (à droite).

Plaque d'adresse blanche, en haut et à droite de la console :

E. Mühleisen
Manufacture de Grandes Orgues
Strasbourg-Cronenbourg
Les dominos des jeux du grand-orgue. Photo d'Alexis Platz, vers 2007.Les picots blancs et rouges commandent les combinaisons libres.Les dominos des jeux du grand-orgue. Photo d'Alexis Platz, vers 2007.
Les picots blancs et rouges commandent les combinaisons libres.
Transmission:

électrique (1955).

Sommiers:

à membranes, probablement d'origine, mais électrifiés.

Soufflerie:

Un réservoir à plis, lesté de briques emballées dans du papier (selon une pratique courante dans la 1ère moitié du 20ème siècle). Système de pompage à pied, placé juste devant le réservoir. Le tout est logé dans un local annexe.

Le réservoir et le système de pompage.Photo de Victor Weller, 10/07/2014.Le réservoir et le système de pompage.
Photo de Victor Weller, 10/07/2014.

Pression: 86mm de colonne d'eau pour le grand-orgue, et 103mm pour la pédale.

Tuyauterie:
Le Bourdon est de construction très spécifique,avec des lèvres redressées et arrondies. Il est en spotted. Noter les dents sur le biseau.Photo de Victor Weller, 10/07/2014.Le Bourdon est de construction très spécifique,
avec des lèvres redressées et arrondies. Il est en spotted. Noter les dents sur le biseau.
Photo de Victor Weller, 10/07/2014.

A part la Fourniture, coupée au ton, la tuyauterie comporte encore les entailles de timbre. La réharmonisation de 1955 n'a donc pas été trop affecté le grand-orgue, et a été partiellement réparée au récit.

Une vue de la tribune (l'orgue est en cours de relevage).Sur le mur du fond, à droite de l'image, se situe un second tabernacle facilitant la communion de la chorale.Photo de Victor Weller, 10/07/2014.Une vue de la tribune (l'orgue est en cours de relevage).
Sur le mur du fond, à droite de l'image, se situe un second tabernacle facilitant la communion de la chorale.
Photo de Victor Weller, 10/07/2014.

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670482017P02
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