Georges Schwenkedel construisit son opus 28 pour Seppois-le-Bas en 1930. Le buffet de cet instrument est dû la maison Rudmann et Guthmann, et rappelle beaucoup son contemporain de Bisel, et celui de Durlinsdorf (1932). C'est parce qu'ils sont munis d'un positif de dos, chose plutôt extraordinaire pour les années 30, la tradition du petit buffet s'étant éteinte au cours dernier quart du 19ème siècle.
Historique
Un premier instrument est attesté en 1855. En effet, lors de l'enquête-inventaire de 1840, Seppois-le-Bas répondit qu'il n'y a pas d'orgue, mais en 1855, une lettre de la sous-préfecture y fait référence. On en ignore la provenance. Il était encore utilisé en 1862, car l'organiste et le souffleur étaient rétribués. Cette même année (1862), l'église fut reconstruite et il est probable que, comme en de nombreux autres endroits, l'ancien orgue soit devenu trop petit pour remplir la nouvelle nef. Comme les frères Rinckenbach ne semblent pas l'avoir repris en 1865, on ignore également ce qu'il est devenu. [Barth] [PMSRHW]
Historique
En 1865, les frères Rinkenbach posèrent un orgue neuf. [IHOA] [PMSRHW]
Valentin et Charles Rinkenbach avaient proposé dans leur devis du 02/05/1864 la composition suivante :
Le pédalier avait 25 touches, mais le sommier de pédale seulement 18 notes. Les 7 dernières touches (fis-c') ne fonctionnaient qu'en tirasse (permanente) II/P. Il y avait probablement un accouplement à tiroir et un tremblant. On remarque la grande Flûte harmonique 8' au grand-orgue (et un Nasard). Sinon, la composition est assez voisine de celle de Kirchberg, dont cet instrument était pratiquement contemporain. L'orgue fut reçu le 07/09/1865 par François Antoine Ginck (Heimersdorf) et Ferdinand Seydel (Belfort). [PMSRHW]
Lors de la nouvelle enquête-inventaire, en 1892, Seppois-le-Bas put cette fois répondre : "eine schöne Orgel". [Barth]
L'instrument fut totalement détruit, par faits de guerre, probablement fin 1915. [IHOA]
Il existe des photos de l'église détruite. Les combats avaient commencé dès août 1914, puis le clocher servit de tour de guet. La destruction de l'église semble avoir eu lieu en 1915, et fut suivie du départ des habitants et de l'abandon du village. Il fut une zone de guerre pendant 3 ans. La localité se vit attribuer la croix de guerre. Au retour des habitants, une baraque en bois servit d'église provisoire. [seppoislebas]
Un monument aux morts a été érigé en 1933. Il est orné d'une statue de l'abbé Jean Bochelen (1761-1798), prêtre et vicaire à Seppois, mis à mort le 24/07/1798 à Colmar par les révolutionnaires, pour avoir refusé de leur prêter serment et continué à célébrer la messe pendant la Terreur.
Historique
Pour remplacer le bel orgue détruit, Seppois-le-Bas en voulut un encore plus beau. Et y réussit. Comme en attestent les plaques émaillées de sa console, c'est de 1930 que date l'opus 28 de Georges Schwenkedel. [IHOA] [Visite]
C'est l'un des instruments les plus marquants du post-romantisme en Alsace. Doté d'un positif de dos (spécifique, on le verra, et à 100 lieues de sa version "néo-classique"), c'est le deuxième d'une "tétralogie" d'orgues Schwenkedel ainsi architecturés : les autres sont Bisel (1930), Durlinsdorf (1932) et Reiningue (1932).
Ce positif de dos est joué sur le même manuel que le récit, et, pour que l'édifice sonore ne soit pas "écrasé" par ce clavier, il est composé tout en finesse, avec 4 jeux seulement (à Bisel et Seppois : Quintaton 8', Montre 4', Cor de nuit 2', le tout est complété par un Cromorne). Pour faciliter la registration, la console est munie d'un annulateur faisant taire ou appelant le positif en une seule commande.
Un positif de dos, en 1930, cela devait "faire vieux". Cet audacieux parti-pris esthétique et musical était donc probablement un pari risqué. Quand les buffets de l'époque comportaient des "positifs de dos", ils étaient postiches, et en aucun cas destinés à abriter des tuyaux sonores. Or, comme à Bisel, Durlinsdorf et Reiningue, le positif de dos est ici doté de vrais jeux. Seul Georges Schwenkedel, en Alsace à cette époque à réussi à faire cela.
L'harmonisation et la finesse des timbres ont fait de ce positif une réussite prodigieuse. Notons que pour l'organiste, et en raison d'un phénomène acoustique, c'est aussi une sorte de Fernwerk, car il permet d'apprécier le son revenant de la nef.
La composition d'origine est identique à l'actuelle, à l'exception d'un jeu : il y avait une Contrebasse 16' de pédale (appelée "Contreviolon" ; c'était sûrement un jeu acoustique, avec une quinte 5'1/3) à la place de l'actuelle Bombarde. [Visite]
L'orgue a été relevé en 1986 par Michel Gaillard (manufacture Aubertin de Courtefontaine), qui posa aussi une Bombarde 16' à la place de la Contrebasse 16' de pédale. Une carte de visite disposée à la console rappelle ces travaux. [SBraillon] [Visite]
Le buffet
Le buffet, en chêne, a été réalisé par la maison Rudmann et Guthmann. Il est de style néo-classique. La structure et l'ornementation sont "classiques" : au grand corps, trois tourelles semi-circulaires à entablements - celle du centre étant plus large - encadrent deux plates faces. Au positif, deux tourelles encadrent une grande plate-face. L'ornementation est constituée de motifs végétaux et floraux (jouées, guirlandes).
Ce sont les proportions qui sont totalement étrangères à l'esthétique classique, et révèlent une conception "début 20ème" : l'instrument se déploie en largeur, et la plate-face du positif se permet d'être plus haute que les tourelles.
C'est en quelque sorte une déclinaison avec positif de la structure adoptée à Bernwiller en 1929 (où le buffet a également été construit par Rudmann et Guthmann).
Les frises cannelées sont inspirées des buffets du 19ème, tout comme l'ornementation figurative :
- rideaux à franges et pompons en claires-voies des tourelles,
- trois couples de têtes d'angelots ailées sont disposés au sommet des tourelles du grand corps,
- et deux trophées d'instruments de musique y servent de rinceaux : un violon et un cor à droite, une harpe et un tambour à gauche. Le thème est probablement inspiré du Psaume 150, car il ne manque que la cithare, la danse et les cymbales !
Le positif porte en couronnement un écusson sur lequel figure "Anno domini 1930".
Les tuyaux des tourelles latérales sont munis de freins harmoniques car ils correspondent au Violoncelle 8' de pédale.
Caractéristiques instrumentales
A la console, 'I' fait référence au grand-orgue (bien qu'il y ait un positif de dos), et 'II' au récit expressif (qui est d'ailleurs appelé "Echo"). Le positif de dos, joué sur le second clavier, serait donc 'III', mais cela n'apparait nulle part à la console, vu qu'il ne dispose pas d'accouplements spécifiques.
Console indépendante dos à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos disposés en ligne au-dessus des claviers, munis de porcelaines de couleur permettant d'identifier le plan sonore du jeu : blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, bleu pour le positif de dos, et jaune pour la pédale. Les tirasses et accouplements sont bicolores : "II-I" (II/I), "Ped. I" (I/P), "Ped. II" (II/P), "Super II-I" (II/I 4'), "Sub II-I" (II/I 16'). Claviers blancs. Joues de claviers galbées.
Sélection de la combinaison libre par picots rouges basculants, situés au-dessus de leur domino respectif (les accouplements et tirasses sont donc programmables). Commande des aides à la registration par pistons blancs situés sous le premier clavier, repérés par des porcelaines blanches. De gauche à droite : l'appel "jeux à main" ("Handreg.") qui rend les dominos actifs avec la combinaison libre, l'appel de la combinaison libre ("Fr.Comb."), l'appel du crescendo (porcelaine disparue), l'annulateur du positif ("Positiv ab") puis les combinaisons fixes ("P.", "MF." (porcelaine disparue), "F.", "TT."), et l'annulateur ("Auslöser").
Commande de l'expression du récit ("Echo E.") et du crescendo ("Crescendo") par pédales basculantes (dans cet ordre de gauche à droite), placées très à droite de la console, et repérées par des porcelaines rondes. Commande du trémolo par pédale-cuiller à accrocher, à droite de la pédale de crescendo. Indicateur de crescendo par une plaque émaillée blanche, graduée "0, 1, 3, 5, 7, 9, 12", avec un picot rouge se déplaçant horizontalement.
Banc constitué de deux essences de bois (le plateau est plus clair). Plaque d'adresse en trois éléments émaillés blancs. A gauche des dominos :
A Largitzen, c'était encore "Strasbourg - Cronenbourg".
Au-dessus du D (premier Ré) du second clavier :
Au-dessus du f''' (dernier Fa) du second clavier :
pneumatique tubulaire.
Sommiers à membranes, sauf pour le positif, qui est à coulisses. En fait, il est structuré exactement comme un positif de dos du 18ème (pilotes foulants poussant les soupapes vers le bas), mais commandé par des relais pneumatiques. Il est chromatique, basses à gauche.
Grand-orgue diatonique, basses aux extrémités, placé derrière la façade et au centre.
Récit diatonique, basses aux extrémités, placé derrière le grand-orgue. La boîte est plus basse au centre.
Pédale diatonique, placée le long des deux côtés, orthogonalement à la façade avec les basses à l'arrière.
un réservoir à plis parallèle, en bas, à gauche du récit. Le ventilateur est sous le récit.
Bourdons à calottes mobiles, entailles d'accord ou de timbre sur les jeux le permettant. Cromorne à manchons de réglage. La Harpe éolienne (Aeoline) est munie de freins jusque dans l'extrême aigu (g''').
Cet instrument constitue une approche alternative de l'évolution de l'orgue après le romantisme. Une voie fort prometteuse qui n'a, jusqu'ici, été qu'insuffisamment explorée. Elle est susceptible de créer son propre répertoire. Il est fort souhaitable que cet instrument inspire la création orgues neufs dans les prochaines années, pour aider à les rendre réellement originaux, et que notre époque trouve enfin son style. En attendant, c'est surtout un superbe instrument de musique.
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Sources et bibliographie :
Remerciements à Guillaume Ueberschlag.
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