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Les orgues de la région d'Erstein
Uttenheim, Sts-Pierre-et-Paul
1917 degr > Dégâts
vers 2010 rele > Relevage
Orgue entièrement authentique (sauf la façade).
Uttenheim, l'orgue Kriess, le 05/11/2017.Uttenheim, l'orgue Kriess, le 05/11/2017.

Franz Xaver Kriess, de Molsheim, a construit cet orgue en 1892. Il s'agit d'un instrument d'esthétique romantique, resté authentique, idéal pour l'interprétation du répertoire des années 1870-1920. Il est directement issu d'une tradition établie en Alsace entre 1880 et 1918 : même les instruments de petite taille étaient dotés au minimum de deux claviers et d'un pédalier complet. L'objectif était de doter la région d'orgues non seulement adaptés à l'accompagnement et l'interprétation, mais aussi à l'improvisation et l'enseignement.

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L'orgue Jean Nicolas Toussaint,
1777
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Historique

Un premier orgue avait été construit en 1777 par Jean Nicolas Toussaint (1744-1803), facteur établi à Westhoffen. [IHOA]

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Historique

En 1892, Franz Xaver Kriess construisit pour Uttenheim son opus 8. [IHOA] [Barth]

En 1892, la facture d'orgues alsacienne connaissait de profondes évolutions. Si, pendant les deux premiers tiers du 19ème, on avait pu confier aux instituteurs des orgues à un seul clavier et dotés d'un pédalier incomplet (en grande partie toujours construits selon les standards de 1820), les choses avaient radicalement changé. La possibilité d'accéder au répertoire devenait une condition non négociable, et il fallait donc deux manuels et un pédalier de 27 notes au moins. Réaliser des instruments "complets", même pour les petites paroisses, constituait un réel défi. Les méthodes artisanales pouvaient à la rigueur convenir pour réaliser des instruments de prestige, mais dans la plupart des cas, le cahier des charges était simple : accompagner, travailler, enseigner ; au meilleur coût.

Après avoir construit plusieurs instruments selon les techniques traditionnelles (Fouday, 1890, Wangenbourg, 1891) Franz Xaver Kriess eut l'idée de recourir à la sous-traitance pour travailler sur la base de composants (sommiers, transmission, éléments de console). Ceux-ci étant de qualité, tout en restant abordables. Cela lui permettait de se concentrer sur l'essentiel : l'architecture de l'instrument, son adaptation à l'édifice, et sa soigneuse harmonisation. Plus tard, d'autres facteurs, comme Edmond-Alexandre Roethinger (Erstein), utiliseront le même modèle, en pratiquant un style plus "français".

Soutenu par l'organiste Adolphe Gessner, et bénéficiant de ses "réseaux", Kriess se mit à assembler des sommiers fournis par Weigle, et fournissait des petits instruments parfaitement adaptés à leurs édifices et à leur usage. L'orgue d'Uttenheim est l'un des premiers ainsi réalisés. A l'époque, on parlait d'Uttenheim dans les milieux de la facture d'orgues, comme en atteste une lettre de Gessner datée du 27/04/1897. Bien entendu, on se préoccupait de la fiabilité de la transmission (avec raison, comme pour toute technologie nouvelle). Gessner évoquait les deux orgues du Conservatoire (à sommiers Weigle), qui jouaient tous les jours de 7h à midi, et de 13h à 19h, sans problème. [Masevaux1963]

Ce qui n'est pas étonnant : quand ils surviennent, les problèmes des orgues pneumatiques sont plutôt liés au vieillissement ou à une perte de souplesse des membranes, quand ils ne sont pas assez joués ! Ce qui n'était visiblement pas le cas au Conservatoire. On vérifie en passant que "cela travaillait dur", là-bas : les progrès de la pratique musicale en Alsace à l'époque, ne sont évidemment pas dus au hasard. On comprend mieux, aussi, pourquoi des orgues techniquement "à la hauteur" étaient rapidement devenus nécessaires : on ne fait pas tous ces efforts pour finir par jouer sur un orgue à un seul clavier dont le pédalier permet à peine de lourdement marquer certaines cadences.

L'orgue d'Uttenheim fit donc date, et il fut suivi de plusieurs autres réalisations dans le même esprit : on peut citer Ranrupt (1900, opus 10), Dorlisheim (1902, opus 11), Flexbourg (1894). Ceux qui nous sont parvenus inchangés témoignent de la pertinence de la démarche. Ils ne sont malheureusement pas très nombreux, en raison de la vague "néo-baroque" qui a sévi à la fin du 20ème siècle : tout était prétexte pour altérer les orgues romantiques, que l'on traitait à la pince coupante en découpant les beaux jeux de 8 pieds pour en faire les "petits jeux" (Quintes, Tierces, Larigots) alors à la mode. Kriess travaillait également en Moselle (Coume, Phalsbourg), et prenait bien soin de personnaliser chaque instrument, souvent avec des jeux qu'il affectionnait particulièrement ("Cornellino" ou ses fameuses Clarinettes, idéales pour Karg-Elert). On doit à Franz Xaver Kriess le bel orgue de Heiligenberg (1906), auquel il manque malheureusement aujourd'hui 5 jeux romantiques.

Malheureusement pour les orgues Kriess, bien plus tard, le petit-fils du fondateur fit prendre à la maison de Molsheim un tout autre tournant, pratiquant des altérations souvent très préjudiciables sur de nombreux instruments historiques. La réputation du nom n'en sortit pas grandie, et la fin du 20ème pratiqua un regrettable amalgame. Les orgues Kriess datant de la Belle Époque sont peu à peu re-découverts, et constituent souvent de très belles surprises.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mai 1917. [IHOA]

Ils ont probablement été remplacés en 1926, car à cette date on note aussi la pose d'un ventilateur électrique. [IHOA]

Il y eut une réparation en 1930. [IHOA]

Une fois de plus, voici un sérieux démenti aux allégations prétendant que les orgues à transmission pneumatique ne sont pas fiables. De fait, lorsqu'elles ne sont pas altérées par un chauffage pulsé ou par des facteurs incompétents, et quand les peaux sont remplacées comme il le faut (tous les 30 ans environ), ces transmissions présentent une grande fiabilité.

L'instrument a été relevé vers 2010, comme en témoigne son état, ainsi que la présence d'une façade neuve. [Visite]

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2018
Grand-orgue, 54 n. (C-f''')
Bois ; c''-f''' avec des tampons à poignée carrée
Bois
Rouleaux en bois ; basses en bois
fis''-f''' harmoniques
Pédale/cuiller
Récit, 54 n. (C-f''')
Basses en bois, puis c'-f''' en métal
Oreilles et frein dans la même pièce de métal
Poinçon 'A', rouleaux en bois
Tout en bois
Pédale, 27 n. (C-d')
I/P
Pédale/cuiller
[ITOA] [Visite]
Console:
La console indépendante, tournée vers la nef.La console indépendante, tournée vers la nef.

Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de porcelaines, disposés en deux gradins de part et d'autre des claviers. Les porcelaines des jeux du grand-orgue sont roses, celles du récit bleu pâle, et celles de la pédale blanches. Les tirants sont à accrocher : ils ont une course réduite, et un cran les maintient tirés ; quand on appelle le jeu, le triant tombe vers le bas sur le cran ; pour enlever le jeu, il suffit de soulever légèrement le tirant.

Claviers blancs. Joues noires moulurées. Pédalier plat. Commandes de l'accouplement et de la tirasse par pédales-cuilliers à accrocher, en fer. Le repérage a disparu (il y a des traces rectangulaires correspondant à deux porcelaines). A part ce détail, l'intégralité de la console a l'air complète et d'origine. Il n'y a pas de plaque d'adresse.

Transmission:

Pneumatique tubulaire, très agréable et bien réglée.

Sommiers:

Les sommiers, à cônes, sont probablement de Weigle. Ils sont chromatiques, et en deux parties (un pour les basses, un pour les aigus) pour les deux manuels. Le réservoir est logé sous les sommiers des aigus, placés plus en hauteur. Le ventilateur est placé à l'arrière de l'orgue.

Ordre des chapes au grand-orgue, depuis l'accès vers la façade : Trompette, Gambe, Bourdon 16', Flûte majeure, Principal 4', Montre, Façade.

Le récit est au milieu de l'instrument (sur des sommiers spécifiques, non partagés avec le grand-orgue). D'arrière en avant : Salicional, Voix céleste, Bourdon 8', Flauto dolce 4'.

Tuyauterie:
Une vue sur la tuyauterie du récit.
D'en bas à gauche vers en haut à droite : le Flauto dolce 4', le Bourdon 8',
la Voix céleste et le Salicional.
Plus au fond, la tuyauterie de pédale.
En encart, une des entailles de timbre en forme de trou de serrure.Une vue sur la tuyauterie du récit.
D'en bas à gauche vers en haut à droite : le Flauto dolce 4', le Bourdon 8',
la Voix céleste et le Salicional.
Plus au fond, la tuyauterie de pédale.
En encart, une des entailles de timbre en forme de trou de serrure.

Certains tuyaux (la Voix céleste en particulier) présentent des entailles de timbre en forme de trou de serrure. Cette technique est souvent utilisée, en Alsace, par Martin Rinkenbach (jamais par son fils Joseph). Il est possible qu'elle vienne d'Allemagne (Weigle).

Lors de la visite, cet instrument a constitué une belle surprise : décidément, ces orgues voulus par les villages à la Belle Époque, disposent - quand il ont été conservés authentiques - d'un charme inimitable. Tout tient à l'ambiance et à la beauté des timbres. Dans ces instruments, tout est au service de la tuyauterie, et celle-ci a été très bien disposée et harmonisée. Uttenheim a pu se procurer un orgue très enthousiasmant à un prix abordable. Puis a su l'entretenir et le conserver. Cet instrument très intéressant et plein de possibilités invite, une fois de plus, à reconsidérer les préjugés hérités de la fin du 20ème siècle : aujourd'hui, les orgues les plus attachants ne sont pas les plus célèbres.

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670501001P02
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