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Photo

Comment prendre un orgue en photo ?

     Lorsque l'on montre un orgue à un photographe, on constate d'abord son air pensif : il n'y connaît rien, aux pianos. Puis, lorsqu'on lui explique qu'il s'agit de le photographier, son regard s'illumine. Car force est de constater qu'un orgue, ce n'est pas du tout évident à mettre en boîte : le défi est à la hauteur, le photographe va se faire plaisir. Mais il va parler technique. L'objectif (c'est le cas de le dire) de cette page, est de "donner la recette".

Evidemment, c'est arrivé à tout le monde...

     Le photographe se fend en premier d'une analyse sans concession. Remettant son posemètre en poche, il liste les inconvénients et les avantages comparés du Sujet :

Sujet=orgue

  • Inconvénients :
    • Le Sujet est faiblement éclairé.
    • Souvent à contre-jour.
    • Le Sujet est fortement contrasté. Le fond est souvent un plâtre clair.
    • Le Sujet brille (façade métallique ?) (Vernis sur le bois ?).
    • Le Sujet se situe généralement à plus de 5 m.
    • Le Sujet est en contre-plongée.
    • Le Sujet est en deux morceaux ! Il y a un bout près ("Dispositif de Do", là), et un bout loin (Grand-truc, là-bas).
      Commentaire à mi-parcours : c'est pas gagné.
  • Avantages :
    • Le Sujet ne bouge pas. Ah.

     Voici tout d'abord l'énoncé brut et technique des conséquences tragi-photographiques de l'analyse (âmes sensibles s'abstenir) :

Constatation implacable.Conclusion sans appel.
Le Sujet est faiblement éclairé.L'exposition sera délicate.
Souvent à contre-jour.En plus, il faudra la corriger d'au moins +1IL.
Le Sujet est fortement contrasté.Mode spot ?
Le Sujet brille, et il est constitué de motifs répétitifs.
(Tuyaux alignés)
L'autofocus va être myope !
Le Sujet se situe généralement à plus de 5 m.Oublier le Flash.
Le Sujet est en contre-plongée.S'éloingner, augmenter la focale.
Le Sujet est en deux morceaux !En plus, il faut de la Profondeur de Champ !

     Voici ses premières recommandations :

  • Sortir le Sujet en plein jour.
  • Le placer devant un fond noir.
    Ils appellent ça "mettre en scène le Sujet". Coût moyen estimé : de 10 0000 à 50 0000 Eur.
  • Privilégier les tuyaux de Façade en zinc. Ça brille moins.
    On en déduit que le brillant cerveau qui a décidé de la grande Réquisition des tuyaux de façade en 1917 - 10% du poids des cloches - devait être photographe à ses heures perdues.

Et après quelques négociations, et une bonne traduction :

Constatation implacable.Conclusion sans appel.
Le Sujet ne bouge pas.Utiliser un trépied. Mettre en pose longue.

A quoi faut-il arriver ?

     Les conclusions du photographe sont donc les suivantes :

Oublier définitivement le Flash. Surtout quand on a un "compact". La portée du mini-Flash de ces appareils est au maximum de 3 m. Ils constituent avant tout un soutien psychologique.

Pour s'en convaincre, on consultera le magnifique ouvrage de Philippe CICCHERO sur les orgues des Cathédrales de France (références ci-dessous). Il fait lui-même ses photos, avec des boîtiers Canon EOS 5 et 1, un trépied, des objectifs "série L" (pour fixer les idées, le téléobjectif vaut presque le prix d'un Cromorne), souvent avec de longues focales, qui "adoucissent" les perspectives. Pellicule : Fuji Superia 100 ISO, et... jamais d'éclairage d'appoint (pas de Flash!) pour préserver les ambiances.

L'usage du Trépied doit donc être systématique. Il permet de monter en temps de pose, donc de gagner en ouverture. Avec un vrai appareil photo, choisir la Priorité à l'ouverture. Pour avoir de la profondeur de champ, diaphragmer au moins à f/8. Corriger de +1 IL l'exposition si le mur du fond est blanc. Même si l'idée peut paraître saugrenue, utiliser un pare-soleil. Les ouvertures de l'édifice laissent parfois passer une lumière dure venant frapper la lentille de manière rasante. A défaut de pare-soleil, on peut utiliser la main pour faire de l'ombre à la lentille frontale.

Note : ne JAMAIS montrer à un photographe une photo d'un orgue prise depuis la chaire. Pour un photographe, il s'agit d'un sujet "d'architecture". Les verticales doivent être verticales et parallèles...
Quand on prend un orgue depuis une chaire, tout est forcément de guingois, fuyant, trapézoïdal, penché, oblique. D'où l'hilarité (vexante) du photographe.

Quel appareil choisir ?

     Il y a aujourd'hui deux solutions ; et il faut choisir son camp.

  • L'argentique.
    La photo argentique (traditionnelle) garde tout de même pas mal d'avantages. Mais bien sûr, s'il s'agit de numériser l'image par la suite, c'est plus délicat. Privilégier les "scans" depuis les négatifs (ou la diapo) plutôt que depuis un tirage. Et le problème, avec l'argentique, c'est :
    • qu'on ne voit pas immédiatement le résultat,
    • et qu'on essaye pas une douzaine de combinaisons.
    Il faut choisir un appareil "à la hauteur" :
    • Un "vieux" Réflex 24x36 argentique avec un objectif de 50 mm ou plus (jusqu'à 100-200) est idéal. Il permet tous les réglages qu'il faut.
    • Compacts : oublier définitivement tout ce qui n'offre pas au minimum un "mode nuit" et ne permet pas de débrayer le Flash. Le résultat est invariablement un cake au chocolat sur fond de fromage blanc sale.
    • Jetables : les jeter.
    Choisir une pellicule adaptée : plutôt un négatif couleur, pour sa plus grande tolérance aux écarts d'exposition. Une sensibilité de 100 ISO est suffisante (dans la mesure où l'appareil est sur trépied), et permet d'avoir un grain fin.
  • Le numérique.
    La photo numérique n'est pas du tout aussi facile qu'il n'y parait. Le capteur est beaucoup moins tolérant que le négatif couleur aux erreurs d'exposition ! On a vite "grillé" les blancs et "bouché" les ombres. On parle bien de "retouche" informatique, mais finalement c'est exactement ce que fait la tireuse dans le cas d'une photo papier. Hélas, la retouche ne permet pas de récuperer des informations qui n'ont pas été enregistrées par le capteur, d'où l'importance de soigner l'exposition.
    Le numérique présente également l'avantage d'équilibrer les couleurs, grâce au réglage de la "balance des blancs".Le choix de l'appareil est vite fait selon ses moyens :
    • Le Réflex numérique est idéal, mais coûteux.
    • Oublier les "bridges" à visée numérique dans notre cas : le rapport qualité/prix n'est pas excellent, et l'on finit forcément frustré. En plus, il y a parfois des problèmes d'aberration chromatique.
    • Le Compact numérique, à 3 ou 4 millions de pixels, par exemple est déjà excellent.
      (A moins de vouloir faire des agrandissements au-delà de l'A4) Mais il faut disposer d'un mode "nuit" sans flash ; celui où il demande de ne pas bouger ; celui que le mode d'emploi illustre avec une jolie dame blonde entre deux bougies. Sans ce mode (ou sans pourvoir fixer le temps de pose), le résultat est invariablement un cake au chocolat sur fond de fromage blanc sale, nimbé de "bruit" bleu et mauve.

Les "Compacts" numériques sont donc très pratiques. Ils autorisent un contrôle "en temps réel" du cadrage et offrent les modes d'exposition qu'il faut, ainsi que les corrections qui s'imposent.
Seul vrai problème : leur absence de grand-angle pour photographier la Console.

Il ne s'agit pas de barouder : si vous devez investir, prenez un modèle d'entrée de gamme tout plastique mais muni d'une optique satisfaisante et des modes nécessaires.

En pratique ?

     Une fois que l'appareil est en place sur son trépied, il faut choisir le bon endroit. On ne cherche pas à faire "de la Photo", mais "une bonne photo". Pile de face, c'est ce qu'il y a de plus parlant, bien que ce ne soit pas le plus esthétique. Dès qu'on se met de côté, il faut "choisir sa verticale".
Puisqu'on a renoncé au Flash, plus rien n'empêche de prendre du recul. Cela évite de se placer juste devant, c'est-à-dire en dessous de l'orgue, et d'avoir des fuyantes trop marquées. Plus on prend de recul, moins l'angle de contre-plongée est important. Puisqu'on fait usage d'un trépied, on peut se permettre de "zoomer" fortement sans risque un "flou de bougé".

     Il y a un facteur limitant d'envergure : les lustres. Ils sont toujours disposés de façon à cacher l'orgue.

Je pense qu'une Commission se réunit régulièrement pour décider de leur implantation. Munis d'appareils photos, ils vérifient aussi que quelque soit l'endroit d'où on se place, il est impossible de les éliminer.

Un point important à surveiller : l'horizontalité de l'image. (Syndrome de l'orgue de Pise.)

Cette image est insupportable ; et pourtant, croirez-vous que l'erreur angulaire de verticalité est seulement de 2 degrés ? C'est pourtant pratiquement invisible dans le viseur si on n'y prend pas garde.
Noter le lustre (en haut).
Il faut s'aider des collimateurs de l'autofocus, ou alors aligner sur un bord du viseur, puis recadrer :

Orgue de Niedernai (Martin RINCKENBACH, 1898,
dans le Buffet de l'orgue André SILBERMANN, 1713, d'Obernai)

Mode de prise de vuePriorité à l'ouverture AE
Tv (Vitesse obturateur)4
Av (Priorité à l'ouverture)8.0
Mode de mesureÉvaluative
Correction d'exposition+2/3
Sensibiltié ISO100
Objectif28.0 - 105.0mm
Focale60.0mm
FlashOff (éteint)
Balance des blancsAutomatique

Une autre solution, si l'on est bien en face, est d'utiliser le niveau à bulle du trépied (s'il en est équipé), ou un niveau à bulle qui se glisse dans la griffe de flash, qu'on trouve au rayon des accessoires photo. A défaut, une visite au magasin de bricolage le plus proche devrait permettre de trouver une bulle adaptée !

Puisqu'on a pas droit au Flash, il faut pouvoir le débrayer (c'est presque toujours possible). Ensuite, il faut choisir le mode "priorité à l'ouverture" et allonger la pose. Sur les compacts, selon les constructeurs, on choisira le "Mode nuit" ou "Scène de nuit". A la limite "Flash en mode lent" (c'est une pose, et un léger petit coup de Flash).

En matière de sensibilité, en argentique, on peut aller, si'il le faut (absence de trépied) jusqu'à 400 ou 800 ISO. Sinon, se contenter de 100 ISO. En numérique, l'idéal est de "forcer" l'appareil (s'il le permet) en-dessous de 200 ISO, l'idéal étant la sensibilité la plus basse, qui est en réalité la sensibilité nominale du capteur. Au dessus, il apparaît un "bruit" dissuasif.

Avec un appareil permettant réellement la "priorité à l'ouverture", on choisira un diaphragme adapté aux performances de son objectif. f/8 ou f/11 font presque toujours l'affaire. On s'en tire alors, selon les éclairages, avec des temps de pose allant de 2 à 8 secondes.

On est en pose : il faut absolument éviter toute vibration du trépied ! Déclencher avec un "déclencheur souple", une télécommande, ou, mieux, un retardateur.

     Exemples :

  • Avec un Compact numérique de 3 ou 4 Mpixels :
    • Mode résultat "scène de nuit".
    • Flash débrayé (pour sûr il ne servirait à rien d'autre qu'à faire briller la façade ou les vernis, et à altérer les couleurs).
    • Sensibilité forcée à 125 ISO.
    • Puis, laisser faire les automatismes.
    • Déclencher avec le retardateur intégré.
    • Si le mode "bracketting auto" existe, faites-en usage : c'est le moment. Celà consiste à laisser l'appareil prendre 3 photos : celle qu'il a claculé, une autre moins exposée, et une troisième plus exposée. Vous choisirez la meilleure photo des trois sur ordinateur.
  • Avec un Réflex argentique.
    • Choisir une pellicule "négatif couleur" de 100 ISO.
    • Sans Flash, ou Flash débrayé s'il y en a un d'intégré.
    • Mode Av : fixer le diaphragme à F/11.
    • Pour la mise au point, s'aider de l'échelle de profondeur de champ (s'il y en a une sur l'objectif), du testeur de profondeur de champ, ou du mode DEPTH (sur un boitier Canon). Effectuer la mise au point de sorte que les 2 Buffets soient dans la zone de netteté.
    • Laisser l'automatisme calculer la vitesse, mais si le fond est clair, "ajouter" jusqu'à 1 IL (i.e. doubler le temps de pose). Ne pas hésiter à faire plusieurs vues respectivement sans correction, en ajoutant 0,5 IL, puis 1 IL.
    • Déclencher avec un déclencheur souple, ou, à défaut, le retardateur intégré.
  • Enfin, si vous disposez d'un Réflex numérique et d'un Flash très performant, autorisant la compensation d'exposition au Flash, c'est sûrement que vous n'avez nul besoin de ce site pour vous aider...

La Retouche numérique

     Que les images soient issues d'un appareil numérique, ou d'une numérisation (dans ce cas, préferer un "scan" du négatif plutôt que d'un tirage papier), un logiciel de retouche d'images permet d'améliorer (pas de sauver !) les images. En numérique, le mieux est de sauvegarder les images en "RAW" pour une retouche optimale. Les points importants sont les suivants :

On peut équilibrer les couleurs (dominante jaune fréquente) grâce à la commande Balance des couleurs (WB).

Les images penchées ou déformées bénéficieront de l'usage de 2 commandes adaptées des logiciels de retouche :

  • La rotation, si on a omis le niveau à bulle.
  • La correction des perspectives, si on n'a pu se mettre de face, et pour compenser la contre-plongée.

Le tampon de duplication, ou mieux, l'outil "pièce", permet d'effacer les lustres qui brillent par leur présence devant les orgues.

Méfiez-vous aussi au moment d'enregistrer une image "JPEG". La compression peut être choisie (par des niveaux de qualité, généralement sur une échelle de 0 à 10). Descendre en-dessous de 6 n'est pas raisonnable. Par contre, il ne sert à rien d'enregistrer aux niveaux 8 à 10 une image bruitée... Retoucher pusieurs fois de suite conduit à "décompresser/recompresser" plusieurs fois une même image, et cela nuit à la qualité : on en perd un peu à chaque fois. Si vous voulez appliquer plusieurs retouches, faites le "en une fois" (en faisant bien sûr des sauvegardes, mais sans "rouvrir" le fichier) à partir de l'image originale soigneusement conservée. Conservez systématiquement l'image originale, même si elle est de guingois ou mal exposée : vous souhaiterez peut-être y revenir.

Sources :

  • Remerciements à Denis MELOCCARO. Visitez : meloccar.free.fr
  • Philippe CICCHERO, "les orgues des Cathédrales de France", Editons EMA, 1999; ISBN 2-913883-01-X

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Dernière mise à jour : 13/06/2004 21:53:49