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Les orgues de la région de Schiltigheim
Schiltigheim, église protestante rue Principale
Schiltigheim, l'orgue Kern, le 05/06/2005.(Le jour de l'inauguration).Schiltigheim, l'orgue Kern, le 05/06/2005.
(Le jour de l'inauguration).

L'édifice date de 1765, et c'est l'église "historique" de Schiltigheim. La précédente (1288) était située à emplacement l'actuel cimetière St-Hélène, et fut démolie en 1531 car elle gênait les militaires... L'autre, dite "l'église rouge" (dont il reste un nom de rue et de pont) était en fait celle des "Guete Litt" (les Bonnes-gens, c'est-à-dire les lépreux). L'édifice de la rue Principale a été utilisé par les deux confessions jusqu'en 1899, date à laquelle les catholiques édifièrent l'église de la Ste-Famille. L'histoire des orgues commence un siècle avant cela. Rendez-vous en face de l'auberge du Cheval Blanc (mais, au moins pour commencer, avec des partitions plus adaptées que celle de Benatzky).

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L'orgue Jean-Conrad Sauer,
1800
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Historique

En 1800, Jean-Conrad Sauer plaça (en tribune, mais à l'époque elle était fort différente) un premier instrument, dont il reste une partie du buffet. C'était un petit orgue (13 jeux, dont trois à la pédale, limitée à une octave seulement). Il a été payé par des deux confessions, mais on ne peut s'empêcher de penser (avec son Cromorne, sa Voix humaine et sa pédale symbolique) qu'il était plus adapté à la liturgie catholique qu'à l'accompagnement du chant choral. Il y avait toutefois une Quinte 2'2/3, que l'on imagine principalisante. [IHOA] [ITOA] [SchiltigPr2005]

En voici la probable composition, qui pourrait tout à fait être celle d'un orgue du milieu du 18ème :

L'instrument a été transformé dès 1826 par Louis Geib (facteur installé à Schiltigheim). [PMSCS65] [SchiltigPr2005]

L'orgue Sauer se trouvait en effet "dans un état de dégradation complète." (Prouvant au passage que les orgues à transmission mécaniques ne sont pas toujours si fiables que ça.) Il s'agissait d'une réparation d'envergure, mais c'était aussi la composition qui posait problème : l'instrument était considéré comme "criard", et on demanda à Geib de remplacer la Quinte par une flûte traversière 8', la Tierce par un Salicional 4' et la Voix humaine par un Clairon 4'. Ladite Voix humaine, d'ailleurs, ne devait pas être très réussie, car on en disait qu'elle était de "peu d'effet". Ce fut le dernier travail de Louis Geib. [PMSCS65] [SchiltigPr2005]

Il y eut encore une réparation, en 1839, cette fois par Martin Wetzel. [IHOA] [ITOA]

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Historique

En 1901, Edmond-Alexandre Roethinger construisit pour Schiltigheim un orgue neuf, le premier conçu expressément pour l'église protestante. [IHOA] [ITOA] [Barth]

Il faut rappeler que Roethinger était Schilikois : son entreprise a été fondée au 17a, Wehrstrasse - rue du Barrage, avant de s'installer à Strasbourg en 1919.

C'est Ernst Münch qui avait officié comme conseiller pour concevoir cet instrument. Ce grand musicien était le fondateur du choeur de St-Guillaume, et ami d'Albert Schweitzer (qui avait appris l'orgue avec son frère Eugène Münch, organiste à Mulhouse). Ernest Münch est aussi le père de Charles, le chef d'orchestre.

L'orgue était placé dans le choeur ; cette opération s'inscrivait en effet dans un projet global de restructuration de l'édifice suite au départ des catholiques. L'autel avait été déplacé à la croisée des allées. [SchiltigPr2005]

La composition d'origine est connue. Les accouplements manquent (car l'organologie de la fin du 20ème négligeait totalement ces instruments), mais ils étaient fort probablement au complet. L'instrument était alors tout à fait cohérent, directement inscrit dans l'orgue alsacien d'avant la réforme d'Emile Rupp : une solide base romantique allemande, avec ses fonds, sa Flûte majeure en bois, sa Trompette au grand-orgue, mais aussi doté de composantes romantiques françaises comme une Flûte harmonique et un Hautbois au récit :

L'orgue fut livré en retard, ce qui causa le mécontentement du conseil presbytéral (27/02/1901). L'inauguration (globale, de l'édifice rénové et de l'orgue) eut lieu le 18 ou le 21/09/1901. [SchiltigPr2005] [Barth]

La plaque d'adresse de Roethinger à l'époque (ici celle de Plobsheim, 1898)montre la fierté avec laquelle la maison se présentait comme venant de "Schiltigheim près de Strasbourg en Alsace".La plaque d'adresse de Roethinger à l'époque (ici celle de Plobsheim, 1898)
montre la fierté avec laquelle la maison se présentait comme venant de "Schiltigheim près de Strasbourg en Alsace".

En 1932 (l'année de la création de la version française de "L'Auberge du Cheval Blanc"), Georges Schwenkedel fit une réparation. [ITOA]

En 1946, Ernest Muhleisen déplaça l'instrument sur la tribune. [ITOA]

L'évènement déclencheur fut une nouvelle restructuration de l'intérieur de l'édifice : avec la suppression de la tribune latérale, la tribune du fond fut agrandie, et il a été décidé d'y déplacer l'instrument.

Mais par rapport à l'architecture originale de l'édifice, la hauteur disponible était bien moins grande. Il semble que ce soit le plafond qui a été abaissé. Du coup, il n'y avait plus de place pour les couronnements du buffet, et tout laisse a croire qu'il fallut également réduire la hauteur du soubassement.

En 1955, Ernest Muhleisen reconstruisit l'instrument dans le style néo-classique. Le récit a été placé à droite de l'orgue, au fond de la tribune. La console était indépendante et disposée perpendiculairement au buffet. [IHOA] [ITOA]

La composition était on ne peut plus "composite" ; le Hautbois avait disparu ; on avait échappé de justesse à la Cymbale. Voici le relevé de 1986 :

En 1976, Christian Guerrier vint faire un relevage. [IHOA] [ITOA]

L'orgue a été démonté en février-mars 2004. [LTournier]

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L'orgue Gaston Kern,
2005 (instrument actuel)
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Historique

En 2005, Gaston Kern construisit un orgue neuf dans ce qui restait du buffet de Sauer. [SchiltigPr2005] [LTournier]

Les paroisses protestantes de Schiltigheim (celle de la rue Principale dont il est ici question, et celle de l'église protestante de la Trinité) ont édité en 2005, sous la direction du pasteur Jean-Jacques Ledermann et de Christian Heim, une remarquable plaquette, documentée en particulier par Marc Schaefer. Les deux reconstructions ont en effet été menées de concert (ce qui représente un effort considérable, même si on imagine que cette façon de procéder crée d'intéressantes synergies). La plaquette retrace l'histoire des deux instruments, mais aussi le contenu des réflexions engagées depuis 1999 concernant l'avenir des deux instruments. [SchiltigPr2005]

La reconstruction de l'orgue de la Trinité a été confiée à Richard Dott, et celui de la rue Principale à la maison Kern. Il n'y avait alors plus qu'une seule maison Kern, résultat de la fusion de celle de Daniel Kern (fils d'Alfred) et du côté "Gaston" (Hattmatt). C'est aux ateliers de Hattmatt que fut confié cet instrument, même si l'on peut parfois lire (et c'est finalement juste du point de vue de la structure juridique) que les travaux ont été menés par la maison Alfred et Daniel Kern.

Il fut décidé de reconstruire l'instrument en mécanique. Mais il n'était pas possible d'installer une console en fenêtre et une mécanique suspendue, par manque de hauteur du soubassement. C'est donc bien une contrainte technique, et non pas une volonté de se libérer un peu du "carcan" de l'orgue de la fin 20ème qui permit cette console indépendante. Elle constitue tout de même un petit vent de fraîcheur dans cette époque qui en avait bien besoin...

La boîte expressive a été supprimée. Du point de vue de la composition, ce fut impitoyable. Les jeux devaient être récupérés de l'ancien orgue. Sur la base du "couteau suisse" de 1955, on élimina les beaux jeux romantiques pour ne garder que les jeux "standards" admis par l'esthétique néo-baroque :

- Le grand-orgue perdit son Gemshorn 8'.

- Le récit perdit son Diapason 8',

- sa Flûte harmonique 8' (!),

- sa Flûte traversière 4',

- sa Trompette,

- son Clairon,

- et son expression.

>L'étendue des claviers fut réduite de 56 à 54 notes, et, surtout, les jeux devinrent desservis par des sommiers à gravures (et ont donc été complètement réharmonisés). Et on ajouta l'inévitable Cymbale, au second manuel, qui de récit, devint un positif intérieur.

L'inauguration a eu lieu le 05/06/2005, avec Marc Schaefer aux claviers, et une présentation technique de Daniel et Gaston Kern. [Visite]

Malgré la qualité des prestations et les qualités intrinsèques de l'instrument, il était ce jour-là difficile de ne pas ressentir une certaine amertume. C'est un peu comme si Josefa avait épousé maître Florès.

Leopold, maître d'hôtel du "Cheval Blanc", est secrètement amoureux de Josefa, propriétaire de l'auberge du Wolfgangsee (donc sa patronne). Mais celle-ci préfère se faire courtiser par un de ses meilleurs clients, maître Florès. Profitant de l'arrivée de personnages hauts en couleurs, et surtout de Sylvabelle, la fille de l'un d'eux, Leopold, en maître d'hôtel virtuose, fait tout pour que maître Florès se trouve confronté à une alternative romantique irrésistible. Avec succès. Malheureusement, Josepha, invoquant sûrement quelque loi de 1905 interdisant que l'on mêle business et sentiments, vire dare-dare le malheureux Leopold. En regrettant bien sûr immédiatement son geste. Y-compris sur le plan professionnel, car l'empereur François-Joseph annonce qu'il compte faire un séjour à l'Auberge ; laquelle se trouve temporairement sans âme. Mais, après quelques rebondissements accompagnés de douceurs de Ralph Benatzky, Leopold retrouve sa situation, et l'affaire se conclut par trois mariages, dont, évidemment, celui de Josefa et de Leopold. Le succès fut international. On chante tout le temps.

Le bel orgue Roethinger de Schiltigheim (construit à quelques centaines de mètres de l'église) avait été altéré dans les années 50, et déplacé sur une tribune improbable. Il nécessitait un entretien conséquent, mais avait de beaux restes. Mais la Paroisse préférait entendre que seule la Transmission Mécanique est "Comme Il Faut" et qu'il lui faut absolument des Sommiers à Gravures. L'intrigue se noue quand le spectateur pense que le risque, évidemment, est que le Roethinger ne soit détruit, ses beaux jeux romantiques éliminés, et les petits jeux recyclés dans un orgue mécanique néo-baroque neuf. Alors, on imagine que des personnages hauts en couleur vont arriver, on espère le passage de l'empereur d'Autriche, et que tout va s'arranger et finira par trois beaux mariages. Hélas, non. Le Roethinger a été détruit, ses beaux jeux romantiques éliminés, et les petits jeux recyclés dans un orgue mécanique néo-baroque neuf. Du point de vue du public, pour qui "sommier à gravures" ne signifie rien, avouons que, même si les experts disent que l'orgue est réussi, l'histoire n'est pas terrible. On écoute du Scheidt, et on pense à ses soucis.

Ce projet a été présenté comme une "restauration". Or, on voit mal à quel état antérieur correspond l'instrument produit en 2005. En tout cas pas à l'orgue Sauer (I/P, 13 jeux et autant de marches au pédalier, et sûrement aucun tuyau en zinc). De fait, il s'agit d'un orgue neuf, muni de tuyaux récupérés sur un orgue précédent, et ayant au passage entraîné la perte du meilleur de l'héritage de 1901. Jamais, justement, une restauration de l'orgue Roethinger (de Schiltigheim) dans son état de 1901 - dans le choeur et pas sur cette tribune trop basse de plafond et trop profonde - ne semble avoir été envisagée. Leopold est parti pour toujours. Que va-t-on dire à François-Joseph quand il viendra ?

Les orgues ne sont pas seulement des instruments de musique. Ce sont des machines à faire rencontrer les gens et à leur donner envie de chanter. Leur histoire compte tellement plus que leurs sommiers !

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console, photo de Victor Weller, 19/07/2016.La console, photo de Victor Weller, 19/07/2016.

Console indépendante, face à la nef, de 2004. A l'origine, elle semble avoir été munie d'un couvercle basculant, qui a visiblement été déposé. De façon surprenante, il a été fait usage de tirants de jeux de section carrée à pommeaux, repérés par étiquettes (ceux que l'on trouve habituellement dans les consoles en fenêtre).

Transmission:

mécanique à équerres, 2004.

Sommiers:

à gravures, 2004.

Tuyauterie:

Diapason : La 440 Hz à 15°. Basses généralement en zinc. Un seul tuyau date de 2004, les autres ont été récupérés sur l'orgue précédent et réharmonisés.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670447001P03
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