C'est de Schweighouse près de Thann, c'est à dire près de Cernay, qu'il est question ici. Dans le temps, on l'appelait "Schweighausen". L'édifice néo-byzantin, en grès rose, est de dimensions fort respectables ; il date de 1924 (Horn et Voegtlin, arch.). Il abrite un buste reliquaire de Saint-Nicolas (18ème, généralement caché à l'abri des regards depuis un incident survenu en 1850), et surtout un exceptionnel autel du Sacré-coeur à baldaquin, réalisé par la maison Rudmann et Guthmann en copie de celui de Lutterbach (qui a là-bas disparu).
Historique
Le premier orgue de Schweighouse-près-Thann a été construit par François-Ignace François Ignace Hérisé en 1840. [IHOA] [PMSRHW] [Barth] [Barth]
Hérisé a travaillé ici en voisin, puisqu'il était originaire d'Aspach-le-Bas. Le cahier des charges rédigé le 06/11/1838 avait ouvertement pour base... le devis d'Hérisé. L'une de ses 7 clauses précise que le buffet devait être verni. L'accord était assorti de pénalités de retard dissuasives (-25% sur le payement si l'instrument n'était pas achevé le 15/03/1839) montrant que la fourniture de l'orgue était une chose avec laquelle on ne badine pas... Mais il fallait aussi construire une tribune, et collecter les approbations nécessaires au passage du marché. L'accord ne fut finalement signé que le 10/09/1839, et la date limite de livraison repoussée exactement d'un an, le 15/03/1839. La réception eut lieu le 22/04/1840 par Battmann (Belfort) et Graff (Masevaux), et l'orgue estimé "parfait et sans défaut". [PMSRHW] [PMSSTIEHR]
Fidèle à ses idées originales, Hérisé avait muni l'orgue de son traditionnel "Arigot" (Gambe d'attaque), mais aussi d'un jeu de "Tonique" ("produisant dans le bas l'effet de violoncelle et dans le haut celui du violon" comme le rapporte le procès-verbal de réception). Il avait aussi placé une Clarinette. [PMSRHW]
L'orgue a été réparé en 1860 par la maison Verschneider. [IHOA] [PMSRHW]
En fait, l'orgue fut réparé "et amélioré" par Verschneider ("renommé dans toute la France" d'après les chroniques de l'époque). [Barth]
Le 15/08/1867, Schweighouse-près-Thann fut victime d'un terrible incendie. La vénérable église (qui datait de 1458) et l'orgue Hérisé furent réduits en cendres. [IHOA] [PMSRHW]
Historique
Une nouvelle église fut construite de 1868 à 1870. Cette année-là, on y installa un orgue. [IHOA] [PMSRHW]
A Dornach, il y avait entre 1834 et 1861 (date de la construction d'un Verschneider aujourd'hui disparu) un orgue attribué à Johann Jacob Brosi (Brosius, parfois dit Prosi) de Bâle, 1788. Il venait de Mulhouse, Ste-Marie-Auxiliatrice. On a longtemps cru que c'est cet instrument qui fut placé à Schweighouse. [Vogeleis] [IHOA]
En fait, ce ne peut pas être le cas, puisque l'orgue Brosi a été déménagé à Erschwil (CH, Soleure) dès 1861. Reconstruit en 2011 par la maison Metzler, cet instrument est aujourd'hui fort bien mis en valeur : c'est un précieux témoin de la synthèse entre les styles d'orgues français (Thierry, Silbermann) et suisse. [OESP] [Metzler]
Pour revenir à Schweighouse, dont le deuxième orgue reste donc mystérieux, notons que les travaux de construction de l'église furent arrêtés en 1869 car le projet en cours de réalisation était... trop petit. Il fallu donc revoir les plans pour l'agrandir. Les dimensions finales sont les mêmes que celles de l'édifice actuel, ce qui explique la taille de ce dernier. [PMSRHW]
Historique
En 1879, c'est la maison Stiehr-Mockers qui posa un orgue neuf. [IHOA] [Barth]
Le devis et l'accord sont datés du 24/03/1878, pour un orgue à livrer à Pâques 1879 (bien que le souhait initial avait été d'en disposer à la fête patronale Saint-Nicolas, donc le 6 décembre, 1878). Finalement, l'instrument fut terminé le 23/06/1879. [Barth]
L'orgue devait beaucoup ressembler à son contemporain de Munchhausen.
Dès le 10/08/1914, des tirs d'artillerie endommagèrent l'édifice. A la fin de la guerre, presque tout le village avait été détruit. Les tuyaux de métal de l'orgue avaient été récupérés par les combattants. [IHOA]
Historique
Encore une fois, l'église fut rebâtie, et achevée en 1924. En 1928, Joseph Rinckenbach plaça ici l'opus 183 de la célèbre maison d'Ammerschwihr. L'inauguration eut lieu le jour de la Pentecôte 1928. [IHOA] [ITOA] [PMSRHW] [Barth]
Il y a deux orgues Rinckenbach qui portent (sur la console) ce même numéro d'opus 183 : le second est un ancien (grand : II/P 21j) orgue de salon, daté de 1913 (ce qui donnerait un numéro d'opus plutôt dans les 140). Il est actuellement placé dans le transept de l'église néo-romane Notre-Dame des étoiles (l'abbatiale), à Montebourg (50), et propriété du centre de formation professionnelle. [orguevlp] [MFoisset]
L'instrument eut à souffrir de la guerre vers 1944. [IHOA]
Il fut réparé en 1952. [IHOA]
Une nouvelle réparation eut lieu en 1993, menée par Christian Guerrier. [IHOA]
L'instrument est donc authentique, avec son Cornet décomposé au récit expressif, côtoyant des anches "de batterie" (Trompette et Clairon). Il ne faut pas oublier les accouplements "à l'octave" quand on considère un telle composition (pas de Mixture, grand-orgue s'arrêtant au 4 pieds).
Le buffet
Le buffet, en chêne, est particulièrement soigné. Pour faire écho aux arcs plein-cintre de l'édifice et à la tribune galbée (concave), une partie centrale tout en arcs et à deux étages est flanquée de deux grandes tourelles prismatiques. Le tout est surmonté d'une statue de Sainte Cécile jouant de la lyre.
L'ornementation comprend d'originales figures sculptées semblant avaler les colonnettes séparant les plates-faces. Des culots particulièrement ouvragés (feuilles d'acanthe) et un couronnement constitué d'une frise ajourée complètent l'ornementation. Celle-ci associe des motifs en écaille et des formes végétales. L'instrument est placé très en retrait sur la tribune (il occupe encore quelques mètres dans la tour) et a donc un air de famille avec les grands orgues de salon comme Cavaillé-Coll en construisait pour ses clients fortunés tels le baron de L'espée.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un volet coulissant (sans les traditionnelles poignées). Tirage des jeux par dominos basculants, très inhabituels (on trouve toutefois les mêmes à Brunstatt, St-Georges). [Visite]
Outre l'accouplement du récit sur lui-même à l'octave aiguë (II/II 4'), on dispose d'un appel "Récit muet" (annulateur II/II 8'), qui, en conjonction avec le précédent, permet de jouer le récit à l'octave aiguë seule, "en 4 pieds". Le trémolo agit curieusement sur les deux manuels (et pas simplement le récit). L'appel du tutti ne met pas les tirasses/accouplements. Plaque d'adresse incrustée dans le bois, en laiton, avec cadre arrondi :
Les membranes
Evidemment, ces membranes sont des "pièces d'usure", comme les pneus sur une automobile. Par un choix judicieux des peaux, il est possible de les faire durer 30 ans. Après, il faut les remplacer, ce qui est finalement une opération de routine, qui n'a aucune commune mesure avec les déclarations alarmistes des militants du tout-mécanique (qui proposent généralement de remplacer les sommiers, voir l'orgue, tant qu'à faire). (Une mécanique de 30 ans nécessite d'ailleurs aussi des soins...) Le remplacement des membranes prend certes du temps, mais il est toujours possible, comme cela se fait souvent, de confier le travail de collage à des volontaires aidant le facteur, qui peut ainsi se concentrer sur la réinstallation des pièces dans l'orgue, et le réglage. Le coût de l'opération s'en trouve fortement réduit.
Webographie :
Sources et bibliographie :
Remerciements à Jean-Bernard Dieterich et Mathieu Freyburger.
Localisation :