L'édifice est assez exceptionnel, puisqu'il remonte en grande partie à 1258. La structure en triple nef, en particulier, est authentiquement romane. Il est pratiquement établi qu'il n'y avait d'orgue sous l'ancien régime, le premier - un petit instrument acheté d'occasion - est arrivé... en 1789.
Historique
Le premier orgue de Dorlisheim a été installé en 1789 par Jean Nicolas Toussaint. L'instrument - dont on ignore la provenance - était doté de 12 jeux, répartis sur un manuel unique (9) et une pédale (3). Médard Barth l'attribue à Joseph Waltrin. [IHOA] [RLopes] [Barth] [PMSAM74]
En 1844, Morin, l'architecte du département, lors d'une étude en vue de la rénovation de l'édifice, confirma la présence d'un orgue en tribune. [PMSAM74]
L'instrument a été réparé en 1854 par Adam Blum. [IHOA] [RLopes]
Grâce à son devis de réparation, on connaît la composition à ce moment là :
Il y eut à nouveau une réparation (assortie du remplacement de 3 jeux) en 1875 par Charles Wetzel. La composition résultante est un peu surprenante, car il y aurait eu deux Flûtes 4'. [IHOA] [RLopes] [PMSAM74]
En 1887, l'église catholique de Dorlisheim fut achevée, et l'église protestante réaménagée. En 1897, le projet d'acquérir un orgue neuf était déjà bien avancé. [PMSAM74]
Historique
C'est de 1899 que date l'orgue Eberhard Friedrich Walcker dont était doté l'église protestante jusqu'en 2005. Il s'agissait de l'opus 856 de la célèbre maison de Ludwigsbourg. [IHOA] [RLopes] [Barth]
Comme on l'a vu, le déclencheur du projet fut probablement la construction d'une église catholique. Comme ailleurs, l'acquisition (ou la ré-appropriation) d'un édifice dédié à chaque collectivité fut une grande source de motivation : l'église catholique fut dotée en 1902 d'un orgue post-romantique particulièrement réussi, par Franz Xaver Kriess de Molsheim. Le côté protestant s'adressa à Ernest Münch, qui conseilla d'acquérir un orgue Walcker, le plus grand facteur européen de l'époque : c'est un peu le Cavaillé-Coll allemand. Il y avait une opportunité : un instrument de 16 jeux était originellement destiné à la Suisse. De fait, il fut installé à Dorlisheim ; il figure d'ailleurs dans les listes Walcker avec un numéro d'opus (856) et sa destination exacte : "Dorlisheim, Evangelisch-Lutherische Kirche".
La composition - évidemment - était délicieusement "Spätromantik", sans jeu d'anche, pour pouvoir faire la part belle aux fonds colorés.
Une fois de plus, on constate que les jeux du récit (à l'exception du couple Voix céleste / Aeoline qui a un rôle aussi spécifique qu'incontournable) sont un alter-ego - moins fort et expressif - d'un jeu du grand-orgue. Le Geigenprincipal correspond au Principal, le Lieblich gedeckt à la Flûte 8', le Salicional à la Gambe, et la Flauto dolce 4' à l'Octave 4'.
On peut d'ailleurs se demander si cette restitution de la composition d'origine est tout à fait juste : le Salicional était peut-être dès l'origine au grand-orgue, et le récit muni non pas d'un Salicional mais d'un Gemshorn.
Albert Schweitzer donna un concert sur le nouvel orgue. [RLopes]
Cet instrument est pratiquement contemporain d'un autre Walcker alsacien, celui de église protestante de Woerth, qui existe toujours, même s'il a été gravement altéré en 1958 au cours d'une de ces épouvantables "baroquisations" dont la seconde moitié du 20ème siècle était coutumière. L'orgue de Dorlisheim suit, dans la liste des Walcker alsaciens, deux instrument également malheureusement disparus : celui de l'église protestante St-Pierre-le-Vieux à Strasbourg (démonté il y a quelques mois après des années d'abandon), et le premier de ancienne Synagogue (place des Halles) de l'Strasbourg (II/P 38 jeux), qui figure au catalogue Walcker de 1902. Ce document permet d'ailleurs de se faire une bonne idée de l'instrument de Dorlisheim. Il était très voisin d'un autre orgue de synagogue, celle de Hörde (15 jeux) : le grand-orgue et la pédale sont composés exactement de la même façon, et les deux seules différence sont au récit (1 jeu de moins qu'à Dorlisheim (Geigenprincipal), et Gemshorn à la place du Salicional du récit).
Heureusement, la situation est en train de changer : le 08/09/2019 à Sarrebourg, l'orgue Walcker, 1898, du temple réformé a été inauguré suite à son exemplaire relevage par Dietmar Schömer. Bientôt, le Walcker (entièrement authentique) de Breuschwickersheim bénéficiera lui aussi d'un relevage. Et bien entendu, si on veut se faire une idée de ce qu'a été l'orgue Walcker de Dorlisheim, il faut absolument aller voir celui de l'église protestante de Saverne.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [IHOA]
Comme en de nombreux autres endroits, le remplacement de la façade fut aussi l'occasion de procéder à quelques transformations, dans le but de "suivre les modes". En 1938, Georges Schwenkedel posa une Montre neuve, mais "découpa" malheureusement trois jeux romantiques pour obéir à la tendance "néo-classique" : la Gambe du grand-orgue fut transformées en Quinte 2'2/3, le Salicional en un Principal 2' (commandé par le clavier du grand-orgue), et la pauvre Voix céleste en un Flageolet 2'. [IHOA] [RLopes]
...et pourtant, ce n'était toujours pas l'idéal pour jouer Couperin... Mais il faut noter que ces jeux n'avaient pas disparu : ils avaient simplement été raccourcis pour sonner plus aigu. L'opération est réversible en re-soudant les longueurs perdues.
En 2005, l'orgue Walcker a été démonté pour faire la place à un instrument neuf. Il était prévu au contrat passé avec l'entreprise Mahler que l'instrument sera entièrement démonté et récupéré par le facteur, celui ci réutilisant un certain nombre de tuyaux en bois pour le nouvel orgue. [LHass]
Il est vraiment souhaitable que cet instrument exceptionnel retrouve un avenir, et qu'il soit rapidement remonté et réparé. Il se trouve forcément une communauté qui saura le mettre en valeur.
Le buffet
Le buffet était néo-roman, et d'une grande sobriété, ce qui lui permettait de s'harmoniser parfaitement avec l'édifice (du 12ème). Il était constitué de trois plates-faces (la plus grande au centre), surmontées de tympans. Pour les couronnements, quatre pilastres continuaient les piliers encadrant les deux plates-faces latérales, et chaque chevron était muni d'un fleuron.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante tournée vers la nef, à fleur de tribune. Tirage des jeux par dominos, placés en ligne au-dessus du second clavier. Le jeux du grand-orgue ont des dominos blancs, ceux du récit oranges, et ceux de la pédale vert clair. Claviers blancs, joues moulurées.
Sonnette souffleur.
Plaque d'adresse constituée de lettres incrustées au-dessus du second clavier, sur toute sa longueur :
Historique
Un instrument neuf, défini dans le style "avant 18ème", a été réalisé par Rémy Mahler. L'inauguration au eu lieu le 14/05/2006 par Isabelle Hermanns-Plaisant, avec Thierry Spiesser (sacqueboute), Claude Mourlam (récitant), la Chorale Moderato Cantabile et Lionel Haas (orgue et direction). [RLopes]
La décision de faire construire un orgue neuf avait prise en 1998, et un appel d'offres émis en ce sens. La "commission des orgues non classés" (!) et la DRAC ont donné leur avis favorable en 2000. 13 réponses ont été reçues, dont 3 étudiées en phase finale, en février 2001. L'entreprise de Rémy Mahler (Pfaffenhoffen, 67) a été retenue le 20/06/2001. Les travaux sur place ont débuté en octobre 2005. [RLopes]
Des jeux sont empruntés entre les deux manuels, et les 4 du positif peuvent être joués depuis la pédale (où ils ont un registre "virtuel"). Le système est parfois appelé "jeux baladeurs".
Caractéristiques instrumentales
Console latérale sur le côté gauche. Clavier saillants. Naturelles plaquées d’ébène, feintes d'os. Pédalier avec feintes à bec. Vu que tous les jeux de pédale à l'exception des deux 16' sont empruntés au second clavier, une tirasse II/P était inutile.
Mécanique à équerres. Claviers axés en queue.
Deux soufflets cunéiformes superposés derrière l’orgue, en hauteur, levés mécaniquement (pour pouvoir se passer de ventilateur).
Posaune 16 en bois, anches à larmes. Toutes les flûtes sont en bois. Certains tuyaux en bois proviendraient de l'orgue Walcker. Tuyaux en métal à fort taux de plomb, martelés, non raclés. Boursettes en plomb.
Sources et bibliographie :
Documentation
Photos de l'orgue actuel ; photo de l'orgue depuis le chœur, début 20ème.
Photos du 21/01/2011 ; document relatant l'historique des orgues de l'église protestante de Dorlisheim
Photo de la console du 05/08/2008
Remerciements à Lionel Hass : données sur la construction de l'orgue de 2005, et nouvelles de l'orgue Walcker.
Localisation :