L'histoire des orgues de l'église protestante de l'église St-Pierre-le-Vieux de Strasbourg est particulièrement triste. Triste, comme l'état actuel de ce bel instrument de musique, déchu, dormant dans la poussière parmi divers ustensiles. Le buffet a contenu l'orgue André et Gottfried Silbermann, 1709, du lieu. Mais évidemment, on n'ira pas chercher "du Silbermann" ici (il y en a ailleurs). La partie instrumentale est due à un facteur encore plus célèbre dans le monde, puisqu'il s'agit de la maison Walcker de Ludwigsburg. L'instrument a été construit en 1898. Les témoignages recueillis du temps ou il chantait encore, et la connaissance de ses contemporains permettent d'affirmer qu'il s'agit d'un orgue exceptionnel.
De façon incompréhensible, il est à l'abandon : muet, agonisant, il ne semble plus n'intéresser personne. Ce patrimoine irremplaçable est privé de ses missions : il ne peut plus réchauffer le coeur des fidèles par de la musique authentique, il ne peut plus susciter les irremplaçables vocations qui feront que dans 10-20 ans, la musique pour laquelle il a été conçu soit encore pratiquée.
Des orgues muets et abandonnés, en Alsace, il y en a quelques uns. Mais nulle part, la situation n'est pus préoccupante : ici, au coeur de Strasbourg, on peut difficilement invoquer le "manque de moyens". Ce qui est réellement inquiétant, c'est que l'appauvrissement culturel soit au point, aujourd'hui, qu'en Alsace, un orgue qui n'est pas estampillé "Silbermann" ou "Callinet" n'a pratiquement plus aucune chance d'être entretenu quand on a passé le point critique de la non-jouabilité ! Journaux et publications ne connaissent plus que ces deux maisons, dédaignent les autres par simple ignorance, et constituent une artificielle et détestable "hiérarchie" d'intérêt parmi les orgues. Un instrument de Walcker, de Link, de Dalstein-Haerpfer, même musicalement prodigieux, n'a aujourd'hui aucune chance d'attirer l'attention. Du coup, les communes se désengagent, invoquant (c'est pratique) une "laïcité" aussi hypocrite que prise à contresens. Les responsables religieux eux-mêmes considèrent que ce n'est pas leur problème : si l'orgue ne marche pas, bah, on amènera des guitares, ou, pire, on dépensera les dons des fidèles en jouets électroniques - fabriqués dans les conditions que l'on connaît, et avec le respect pour l'environnement que l'on sait -. Le public, à son tour, nourri à longueur de journée de musique downloadée et streamée (donc souvent gratuite ; donc souvent sans valeur) ne comprend pas pourquoi il faudrait mettre tant d'argent pour quelques notes de musique. Or, justement, il ne s'agit pas d'argent : en sait bien que ce qui est dépensé en main d'oeuvre locale est récupéré par la collectivité au prochain cycle. Il ne s'agit même pas de musique. Il s'agit avant tout de dignité : de retrouver du respect pour ce qui nous a été légué, et donc pour ce que nous sommes. Il s'agit d'un devoir de mémoire, suite auquel la motivation pour la conservation de cet incroyable patrimoine devient une évidence. L'histoire des orgues des habitants du quartier St-Pierre-le-Vieux commence en 1383.
Historique
L'édifice est chargé d'histoire : elle est attestée en 1132, mais devait exister depuis l'époque mérovingienne. Il y eut une reconstruction en 1382, et un orgue y est attesté dès 1383. [Lobstein]
On ne sait finalement pas grand chose de ces instruments médiévaux. On se plaît à répéter qu'il s'agissait sûrement de grands Plein-jeux (chaque note étant dotée de nombreux tuyaux donnant des octaves et des quintes de la fondamentale), et que l'on ne pouvait pas les registrer. Si l'on pouvait en sortir un de quelque "capsule temporelle", on serait probablement surpris...
Historique
St-Pierre-le-Vieux passa à la Réforme dès 1529, et y resta, avec une interruption entre 1550 (le temps de donner quelques explications à Charles V...) et 1560. En 1590, Anton Meutting, d'Augsbourg, posa ici un orgue neuf. [Lobstein] [HOIE] [Barth]
A partir de 1592, Lobstein cite la liste des organistes de St-Pierre-le-Vieux ; voici ceux qui officièrent sur l'orgue Meutting :
- 1592 : Kilian WIDERLIN
- 1601 : Joh. Phil. LEONHARD
- 1603 : Friedrich WAGNER
- 1605 : Joh. Georg. VOGT
- 1606 : Mathäus PISCATOR (Fischer)
- 1608 : Melchior JUNIUS
- 1612 : Heinrich WIDT
- 1618 : Balthasar JUNIUS
- 1622 : Dietrich WAGNER
- 1639 : Joh. Mich. KÖNIG
- 1647 : Joh. MANTZ
- 1653 : Bernhard WILD
- 1655 : Bastian NÄGELIN
L'époque commençant en 1640 semble avoir été très féconde : les catalogues de partitions acquises par la paroisse rapportent l'achat de tablatures, de Gesangbuch, de huit Patres, puis de partitions de Hammerschmidt. La paroisse acheta un violon en 1649. Puis ce furent des partitions de Christoph Thomas Walliser, Wolfgang Karl Briegel, Georg Schmezr, Johann Georg Rauch, Johann Michael Nicolai, Johann Melchior Gletle. On jouait aussi du Johann Jakob Froberger, Samuel Capricornus, Johann Rosenmüller, Johann Pachelbel, et le répertoire contenait des centaines d'oeuvres ! [MRAlsaceXVII]
En 1648, l'Alsace fut rattachée au royaume de France, suivie par Strasbourg. En 1683, suite aux décrets de Louis XIV, le choeur de l'édifice fut affecté aux catholiques, fondant une paroisse catholique St-Pierre-le-Vieux ; évidemment, ils se procurèrent rapidement un petit orgue (bien avant 1723, puisque cette année-là, Georg Friederich Merckel le remplaça). En 1869, le choeur fut démoli, et la nouvelle église catholique construite à angle droit de l'édifice historique.
Avec une telle activité musicale, et, on s'en doute, l'émulation causée par les nouveaux voisins, il n'est pas étonnant qu'au début du 18 ème, on voulut remplacer l'orgue Meutting par un neuf. Et, tout naturellement, au début du 18ème siècle on s'adressa au jeune André Silbermann.
Historique
En 1709, André Silbermann plaça ici un orgue directement issu de la tradition classique française du 17ème, mais muni d'une pédale indépendante. [IHOA] [ITOA] [HOIE] [Barth] [Lobstein] [ArchSilb]
Ce n'était pas de la pièce de Maîtrise de Gottfried (le frère d'André). Gottfried avait probablement participé à la construction de certains éléments (avant son départ pour la Saxe en 1708), mais c'est bien d'un orgue d'André Silbermann dont il est ici question, achevé le 22/06/1709 (qui n'était pas encore le lendemain de la fête de la musique). [PMSSTIEHR] [ArchSilb]
Il y avait deux chapes vides : une au grand-orgue pour la Trompette et une à la pédale pour un Clairon. Celles-ci trahissent souvent les priorités affectés aux jeux lors de la conception : vu les missions que l'orgue devait assurer, la Trompette du grand-orgue était moins importante qu'un grand plein-jeu. On note la présente une Quinte (a priori principalisante, fort éloignée d'un Nasard flûté), pour pouvoir soutenir le chant choral sans sortir la Fourniture. Cela nous apprend qu'à l'époque, l'assemblée devait chanter fort !
Le positif était du coup dépourvu d'anche : pas de Cromorne pour les "dialogues sur les grand-jeux" (ou alors, avec juste le Cornet décomposé). Mais il avait son petit plein-jeu (5 rangs de Principaux).
On ne connaît pas l'étendue de la pédale, mais vu la composition (16', Fourniture de pédale), elle était presqu'à coup sûr dotée de deux octaves complètes (C-c'), pour compléter le chant de l'assemblée dans le grave. Réciproquement, l'exécution de pièces destinés à "commenter" la liturgie (Cromorne, Voix humaine) n'était pas prioritaire.
La Trompette (de pédale), en fer blanc, devait être destinée à en découdre.
Le diapason choisi était le "ton de cornet" (La 460 Hz). L'instrument était placé sur la tribune opposée au jubé où il se tient actuellement. Les buffets avaient été construits par Andreas Bender. Le grand corps était muni de couronnements, aujourd'hui déposés (ils ont été conservés). La Trompette manuelle fut finalement posée en 1738 (par Jean-André), et le Clairon de pédale ne le fut probablement jamais. [Lobstein] [ArchSilb]
En 1820, Jean-Conrad Sauer fit une transformation révélatrice de l'évolution des goûts musicaux : pour placer une Flûte au positif, il en retira la Fourniture. Or, on l'a vu, était un élément fondamental dans la logique de la conception de l'instrument, et conditionnait en grande partie l'accès à son répertoire. [IHOA]
La raison profonde de cette modification est probablement que l'orgue Silbermann ne donnait plus satisfaction : pas seulement à cause de son état (qu'on imagine, après la Révolution), mais en raison même de sa conception. L'étagement de Jeux de Tierce (8', 4', 2'2/3, 2', 1'3/5) couronnés par des Fournitures laissait peu de place aux jeux solistes. Comme en de nombreux autres endroits, on "fit avec" jusqu'en 1860-1880, en changeant un ou deux jeu au gré des réparations. Cet orgue avait du reste l'avantage de disposer d'un pédalier exploitable (non réduit à 18 notes comme souvent), ce qui devait limiter la frustration des organistes.
Il y eut une réparation, en 1841, par Martin Wetzel. La maison Wetzel garda la charge de l'entretien jusqu'en 1863. [HOIE] [PMSSTIEHR] [ITOA]
En 1864, Joseph Stiehr fut appelé pour réaliser d'importants travaux. [IHOA] [PMSSTIEHR]
Wetzel se consola en fournissant un harmonium de location. [PMSSTIEHR]
La quasi reconstruction de Stiehr
Il fallait tout d'abord remplacer les claviers, et réparer la soufflerie, ainsi que la mécanique de transmission. Le projet prévoyait d'abaisser le diapason d'un ton, et de retirer à l'orgue ses Mutations, Mixtures et Trompettes (donc, à peu près tout sauf les Bourdons et Principaux), pour les remplacer par des Gambes, des Flûtes et des anches de détail.
Le "cahier des charges" de l'époque demande, entre autres, un "Politional", dont on se demande s'il s'agit d'une coquille, d'un Salicional policé ou d'un sifflet de policier.
L'orgue Silbermann-Stiehr fut inauguré le 17/07/1864. [PMSSTIEHR]
La date de 1864 est importante. Il faut d'abord noter que la transformation de l'orgue a eu lieu avant la période allemande de l'Alsace. Elle n'est donc - une fois de plus - pas le fait d'hypothétiques "experts allemands" chargés par quelque gouvernement central de "germaniser" les orgues d'Alsace dans le cadre d'un grand complot... D'autre part, 1864, c'est un peu tard pour construire un orgue "classique arrangé", avec positif de dos, qui devait vraiment ressembler à un instrument de 1840... La facture d'orgues alsacienne, même ici "en ville" (où étaient censées prendre place les activités à la pointe de la pratique culturelle), malgré son activité foisonnante, avait déjà au moins 20 ans de retard par rapport aux standards européens de l'époque. Pour preuve :
Dès 1872 (8 ans après les travaux Stiehr !), on demanda à la maison Wetzel d'élaborer un projet d'orgue neuf. Finalement, ce projet n'aboutit pas. [IHOA] [HOIE]
C'est un simple relevage qui a été effectué, en 1875 par la maison Wetzel. [IHOA]
Historique
Il fallut attendre jusqu'en 1898 pour disposer d'une orgue neuf, qui a été fourni par Eberhard Friedrich Walcker. [IHOA] [HOIE] [ITOA]
On ne voulait assurément pas un Walcker "de prestige", comme ceux du Boston Music Hall (1862), ou celui, plus contemporain, de St-Petersbourg (Ste-Catherine, 1898, 60 jeux). Il était également plus modeste que ceux de l'église réformée St-Etienne à Mulhouse (l'orgue de Max Schlochow) ou de St-Paul. C'est une version assurément plus humble. Une orientation finalement logique dès lors qu'on avait choisi de garder le joli buffet d'Andreas Bender (1709).
C'est le 14ème Walcker construit pour l'Alsace, qui en reçut 26 en tout : il est donc au coeur de cette production. Il est pratiquement contemporain de l'orgue que la maison de Ludwigsburg avait construit pour l'ancienne Synagogue (place des Halles) de Strasbourg.
Emile Rupp raconte au sujet de cet instrument (II/P 38j) une ses fameuses anecdotes qu'on aurait peine à croire si on ne savait à quel point Rupp était impliqué dans la musique à la Synagogue. Bien sûr, l'Orgue tient une place "à part" à la Synagogue, et définir un instrument adapté n'est guère facile. Toujours est-il que l'orgue Walcker avait été conçu (sûrement avec beaucoup de bonne volonté) par un séminariste protestant, et que cet instrument était idéal... pour accompagner le choral luthérien !
Un autre Walcker alsacien quasiment contemporain (1897), et qui permet d'imaginer ce qu'était l'orgue de St-Pierre-le-Vieux quand il jouait, est celui de église protestante de Saverne : ce magnifique opus 793 (II/P 24j) est resté fort authentique, et a été restauré en l'état de 1897 par la maison Walcker elle-même en 1997. Il y en a un autre, encore plus post-romantique, à Soultz-sous-Forêts (église protestante).
Avec en tête les sonorités des orgues de Saverne ou de Soultz-sous-Forêts, on aborde l'histoire des orgues de St-Pierre-le-Vieux fort différemment...
Ernst Münch avait pris une part importante à ce projet : c'est sûrement lui qui obtint que l'on confia la réalisation à Walcker plutôt qu'à Dalstein-Haerpfer (de Boulay, donc de Moselle) qui avaient eux aussi soumissionné. Le positif de dos fut supprimé, car le second clavier, expressif et prenant beaucoup plus de place qu'un positif, était installé dans le soubassement du buffet (avec des jalousies frontales, ce qui impliqua le remplacement de la partie basse du buffet). Les couronnements, ainsi que des ornements du petit buffet (claires-voies) ont été entreposés, et sont conservés.
Münch voulait un orgue totalement cohérent, donc entièrement neuf : c'est pourquoi il n'appuya pas le projet de Dalstein-Haerpfer, qui voulait réemployer un tiers du matériel ancien. Il en témoigne fort simplement : "Walcker verwendet nur neues, besseres Material, wohingegen Dalstein-Haerpfer ein Drittel des alten Materials zu verwenden gedenkt." ("Walcker propose du matériel entièrement neuf de la meilleure qualité, alors que Dalstein-Haerpfer prévoit de ré-employer un tiers de l'ancien matériel.") Sa position (qui au passage nous confirme que l'on a fait usage que de matériaux de premier choix) a été ridiculisée par l'organologie de la fin du 20ème, obnubilée par le préjugé "plus c'est vieux, mieux c'est". Sans envisager une seule seconde que ce que Münch voulait, c'est construire un instrument de qualité, donc en choisissant les meilleurs matériaux disponibles selon ses critères.
L'orgue Walcker n'était pas plus grand, en nombre de jeux, que le Silbermann/Stiehr (II/P 20j). Mais en volume, oui, car il était doté de trois 16' et onze 8'. Ses prestations pouvaient de plus être démultipliées par un accouplement à octave, rappelons le, fondamental dans ce type de composition. Voici la composition probable :
L'unique jeu à anches est la Trompette, disposée grand-orgue (et non au récit), école romantique allemande oblige. Comme souvent dans de ce style, chaque jeu du récit constitue l' "alter-ego" (expressif, souvent moins fort, mais pas toujours) d'un jeu du grand-orgue :
- Le Geigenprincipal du récit correspond au Principal du grand-orgue. Le rôle de ces deux jeux est de servir de fondement harmonique.
- Le Lieblich gedeckt du récit correspond à la Doppelfloete du grand-orgue, dans une version beaucoup moins intense, mais toujours flûtée.
- Le Quintaton du récit correspond au Dolce du grand-orgue. Notons que le Dolce, malgré sa faible intensité, avait pratiquement un rôle de soliste.
- Le Salicional du récit correspond à la Gambe du grand-orgue. Le rôle de ces deux jeux est d'enrichir la teneur harmonique.
- Le Flauto dolce du récit correspond à la Flûte à cheminée du grand-orgue. Avec l'accouplement à l'octave, il devient une Flûte 2'.
- Le Cornet progressif du récit correspond à la Mixture du grand-orgue. Le rôle de ces deux jeux est de servir de couronnement : ce n'est ni un plein-jeu français, ni un grand dessus de Cornet soliste ou accompagnant le grand-jeu) : on ne les fait parler dans le crescendo qu'après avoir tiré tout le reste.
Walcker n'a jamais fait appel à des sous-traitants pour ses tuyaux. Les paramètres n'étaient même pas standardisés avant 1902. On le voit, on est loin de la "facture industrielle". Tout l'accent est mis sur une délicate répartition des intensités sonores, et donc sur la qualité de l'harmonisation. [PLauwers]
La Doppelfloete était la "star" de cette composition, également marquée par la Tierce de la Mixture-Cornet du récit (et celle, fort probable, dans la Mixture du grand-orgue). La Doublette du grand-orgue donne à l'ensemble les fameuses couleurs post-romantiques qui s'illustrent lors des crescendos. L'instrument, opus 853 (à confirmer) de la maison de Ludwigsburg, était donc un "symphonique allemand" de la plus grande tradition, l'idéal pour Reger, Merkel ou Karg-Elert. [PLauwers]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [HOIE]
En 1931, Georges Schwenkedel fit un relevage. [ASchwenkedel] [HOIE] [ITOA]
Le projet-feuilleton de 1931
Le devis est daté du 10/05/1930, et prévoit un relevage strict (nettoyage complet, réparations nécessaires, réglages, remise en route. [ASchwenkedel]
Un deuxième devis est daté du 21/03/1931. Il est cette fois question d'installer un Cromorne au récit, et un crescendo. Il est précisé que le Cromorne devait être placé sur un sommier supplémentaire (de 56 notes), et harmonisé comme une jolie Clarinette. [ASchwenkedel]
Un troisième devis est daté du 23/03/1931, et prévoit d'installer encore deux jeux supplémentaires : un Nasard et un Cor de nuit 2' conique ("Nachthörnlein"). A nouveau, il est précisé que les jeux feront 56 notes, sur un sommier supplémentaire (à membranes). Or, les claviers de la console n'était dotée que de 54 touches : une reconstruction était-elle envisagée pour le futur ? [ASchwenkedel]
Un quatrième devis (nous sommes en ville) est daté du 09/06/1931, et prévoit d'installer en quatrième jeu supplémentaire : une Voix céleste. Malheureusement, ce coup-ci, il était également prévu de remplacer la grande Flûte double du grand-orgue... par une Tierce. [ASchwenkedel]
La série des devis s'arrête sur un "cliffhanger" : le suivant aurait-il été un Larigot ou une Cymbale ? On ne le saura jamais. Mais Schwenkedel a conservé dans ses archives les tailles des tuyaux de façade ("blind" ; et tous écussonnés) : c'est donc probablement lui qui a posé la façade actuelle, et c'est finalement le seule chose qu'il fit en dehors du relevage. [ASchwenkedel]
En 1958, c'est finalement Ernest Muhleisen qui réalisa la transformation imaginée en 1930-1931. [IHOA] [ITOA]
Les modifications de Muhleisen
Il est nécessaire d'examiner l'opération en détail :
- Au récit apparurent un Nasard, un Nachthorn 2' et un Cromorne. La Voix céleste est peu conforme à l'esthétique de la fin des années 50, mais s'explique par le fait que l'on réalisait simplement un projet vieux de 27 ans... Muhleisen ajouta donc un sommier supplémentaire, à gauche de l'orgue, dans une boîte séparée, avec une expression créée... par le couvercle. L'opération avait certes un caractère peu orthodoxe, mais elle a eu l'immense mérite de ne pas altérer le récit de l'orgue de 1898.
- Le crescendo ne fut pas réalisé.
- La pédale fut complétée à 30 notes (impliquant le remplacement du pédalier)
- A la pédale, le Violoncelle fut remplacé par un 4'.
- Malheureusement, au grand-orgue, on opéra (comme imaginé en 1931) le pire sacrifice que l'on pouvait imaginer : la grande Doppelfloete, la charpente de la composition de 1898, fut remplacée... par une Tierce !
- Le plus ennuyeux, pour l'avenir, resta la transformation de la traction pneumatique par un modèle électro-pneumatique.
On le voit, à part la perte de la Doppelfloete et le probable découpage du Violoncelle, l'instrument n'avait musicalement pas été altéré. Il n'empêche qu'après 1958 commença un long déclin. La traction de 1958 commença rapidement à causer des problèmes.
L'entretien courant fut longtemps assuré par la maison Muhleisen, dont les employés firent ce qu'il purent. Mais l'argent dépensé lors de la transformation de 1958 aurait certes été plus utile s'il avait été consacré à un véritable relevage en profondeur ; en particulier un entretien des sommiers et de la console.
Commença alors une période désolante. L'orgue, à peine entretenu, privé des actions préventives qui auraient pu lui redonner sa splendeur, devint vite à la limite du jouable. Mais plusieurs témoignages (de gens sachant reconnaître les qualités d'un orgue malgré son mauvais état), en particulier en 2005 et 2011 relataient la qualité de l'instrument, et du fait qu'en état, il devait être remarquable. En 2005, 9 jeux n'étaient plus jouables que par les combinaisons fixes, et le ventilateur était extrêmement bruyant. On a aussi pu lire (2011) "L'instrument, dans son état actuel, est désolant à voir et lamentable à l'audition". Il faut insister sur "dans son état actuel"... Essayer d'évaluer les qualités d'un orgue de 1898 lorsqu'il ne fonctionne plus (donc désaccordé) n'est pas une chose facile !
Comment on est-on arrivé là, alors que, vu le bilan technique, un relevage ou même une restauration dans l'état de 1989 n'aurait pas coûté bien cher... D'ailleurs, un relevage de ce type a été mené avec grand succès à Saverne (dès 1997) et aurait pu servir d'exemple. Il a été suivi en 2012 par l'exemplaire restauration, menée par Quentin Blumenroeder, du Walcker de Soultz-sous-Forêts dans son état de 1913. Il s'est probablement passé ce que l'on a vu à maintes reprises ailleurs : des grands cris pour exiger à la "restauration" d'un Silbermann dont il ne reste... pas un tuyau, ou, encore plus probable, des théoriciens prônant une dispendieuse et absurde "mécanisation". Avec un discours aussi brouillé, il n'est pas étonnant que le monde de l'orgue se soit souvent discrédité. Quoiqu'il en soit à St-Pierre-le-Vieux, rien ne fut fait, et l'orgue fut abandonné.
Car à force de ne parler que de Silbermann de façon presque obsessionnelle, les qualités de l'orgue Walcker n'ont jamais trouvé place dans les publications. Alors que du point du vue du répertoire, et des différentes missions que l'on peut aujourd'hui confier à un orgue (culte, concert, enseignement), force est de constater que le Walcker, dans son état originel (1898) était probablement l'orgue idéal pour ce lieu...
Caractéristiques instrumentales
Console latérale accolée du côté droit, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par dominos. Claviers blancs. Pédalier de 1958. Du côté gauche, derrière un bougeoir, se trouve un tirant "Calcant".
électro-pneumatique (1958).
à cônes, d'origine (1898).
Sources et bibliographie :
Photos, notes et recherches d'archives.
Il n'est pratiquement pas question de l'orgue Walcker. Les travaux de 1864 et 1958 sont qualifié de "Reparatur", alors que ce sont des transformations. La composition de 1709 fait figurer un Clairon de pédale, sûrement jamais posé, et une Trompette manuelle (posée en 1738 seulement).
Localisation :