Feldkirch, le buffet Ronzoni de 1896.Ambrosius Ronzoni est un facteur dont on a beaucoup parlé. Il était venu de Milan pour construire des orgues de style italien. Mais l'orgue italien "selon Ronzoni" fut un échec, et il quitta l'Alsace pour continuer sa route vers le pays de Bade. S'il est "traditionnel" d'attribuer l'orgue de Feldkirch à Ronzoni, la partie instrumentale provient de travaux de Callinet et Berger. Il est grand temps d'arrêter de pratiquer cette attribution de complaisance, car elle a le grave défaut de masquer l'essentiel : il y a à Feldkirch un très bel orgue Callinet/Berger, malheureusement endommagé en 1942. (On le verra, pas par faits de guerre...) Il mériterait de l'attention (et même une restauration dans son état de 1897) pour ce qu'il est, et pas ce que des auteurs avides de 18ème de pacotille ont prétendu qu'il est. De Ronzoni, il ne reste que le buffet... sûrement tout simplement parce que du reste, il n'y avait rien à garder...
Historique
En 1766, les facteurs Ambrosius Ronzoni et Carl Tamola construisirent un orgue neuf. [IHOA] [HOIE]
Ronzoni est parfois connu sous le nom de "Bonzoni", suite à une coquille datant sûrement de l'inventaire de Mathias. [Mathias] [Barth]
Il est né vers 1730 à Milan ("Mailand"). Il passa d'abord par la Suisse (1765), puis, après sa tentative infructueuse de s'installer durablement en Alsace, il travailla au Pays de Bade de 1767 à 1793 : en 1769, on le dit "facteur d'orgues à Schuttern" et en 1771 à Ringsheim (près de Fribourg-en-Brisgau). Il se maria en 1772 à Burkheim am Kaiserstuhl. En 1777, il travailla à Freiamt - Keppenbach pour y installer un orgue d'occasion. Il fit une réparation à l'église catholique de Ringsheim en 1780. Puis il obtint la construction d'un orgue neuf) à Vyškov ("Wischau", Moravie), où il mourut vers 1800. [HOIB]
Dans ses archives, Jean-André Silbermann nota que Célestin Harst lui a signalé le 28/06/1764 le projet de construction d'un orgue à Feldkirch par Ambosius Ronzoni et Carl Tamola. Curieusement, il n'y avait aucun Bourdon manuel : [ArchSilb]
Cette composition laisse plutôt perplexe. On n'y reconnaît pas de "style italien", a part la "Voce umana" sans anche. Célestin Harst le trouvait plutôt espagnol (!)... en fait, il était plutôt d'un style assez in-identifiable.
L'orgue Ronzoni a été reçu le 14/05/1766 par Franz Xaver Schloss, Directeur de la musique à Vieux-Brisach. [HOIE]
Mais la réputation de Ronzoni semble s'être rapidement dégradée : en 1788, l'orgue de Logelheim nécessitant des réparations, "la communauté promit 16 louis pour le racomodement à un nommé Ronzoni, Italien domicilié à Burkheim. Elle lui avança 5 louis et cela se fit à Noël 1787, mais il ne commença à travailler que le 14 avril 1788, et cela assez lentement. Les orgues ne furent touchées [que] le jour de l'Ascension, où un seul registre fut en état, et même très médiocre." Cela indique que même une fois installé au Pays de Bade (depuis au moins 1769), Ronzoni fit encore quelques travaux en Alsace. On le vit aussi travailler à Elsenheim en 1779. [PMSRHW]
Cette vue est incontournable,L'instrument est censé avoir été reconstruit en 1786 par Joseph Rabiny, mais c'est probablement - et une fois de plus - François Callinet ou un de ses fils qui fit les vrais travaux, plus tard. En effet, les sommiers actuels sont de la maison de Rouffach. Le traité avec Rabiny est daté du 26/05/1785. [IHOA] [HOIE]
Ce n'est pas la première fois qu'on trouverait un traité avec Rabiny, et pratiquement pas de traces de l'orgue correspondant... (Guebwiller)
On connaît le nom de l'organiste en 1825 : Ambroise Strub.
Les travaux Callinet pourraient avoir été menés par Claude-Ignace vers 1857, quand il posa un orgue neuf à Bollwiller.
En 1861, il y eut une première campagne de travaux, menée par François Antoine Berger. [IHOA] [ITOA]
Il remplaça au moins la tuyauterie de pédale : une inscription dans l'orgue indique "10 mai 1861, M. BERGER de Rouffach". [ITOA]
Historique
En 1896-1897 eut lieu une seconde tranche de travaux, menée cette fois par Joseph Antoine Berger. Elle comprend le remplacement de 4 jeux et des modifications à la console. C'étaient des travaux conséquents, puisque le buffet, sur un cartouche surmontant la plate-face centrale, donne la date de 1896. [IHOA] [HOIE] [PMSCALL]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 20/09/1917. [IHOA]
En 1942, il y eut des travaux par Georges Schwenkedel. [IHOA]
Schwenkedel visita l'orgue le 10/04/1942, et nota la belle composition suivante, qui devait être celle laissée par J.A. Berger en 1897 : [SchwenkedelNB]
Il nota aussi que la Mixture était en très mauvais état. Fort malheureusement, des changements de composition étaient prévus : replacer la Gambe du grand-orgue par un Nasard, l'Aeoline par une Doublette (!), la Voix céleste du récit par une Flûte 4' et le Geigenprincipal par un Flageolet 2'. [SchwenkedelNB]
Le "travail" réalisé fut encore pire : ajout d'un Prestant 4' au grand-orgue (les sommiers manuels ont 13 chapes ; il devait donc y en avoir une de libre), la "Doublette" du grand-orgue (remplaçant l'Aeoline) a en fait été réalisée avec la Voix céleste recoupée, et le Nasard (remplaçant la Gambe) avec un jeu Rinckenbach récupéré et découpé. Au récit, la "Doublette" (remplaçant le Geigenprincipal) est la pauvre Aeoline découpée, et la Flûte 4' (remplaçant la Voix céleste) est un jeu de Berger. [ITOA]
Bref, un véritable massacre à la pince coupante. La maladie "néo-quelque-chose" était donc déjà en marche dès 1942, avec son épouvantable chasse aux Gambes, pour les remplacer par des jeux criards alors à la mode. L'orgue alsacien était tout simplement en train de perdre son côté alsacien.
Quand on connaît les œuvres de l'immense facteur d'orgues que fut Georges Schwenkedel entre 1928 et 1939, le voir commettre de pareilles déprédations est vraiment attristant. Une fois de plus, ce ne sont pas les facteurs qui sont à blâmer, mais bien les commanditaires. Mais leur nom n'était généralement pas retenu, et donc non plus leur responsabilité.
Le coût estimé est révélateur : 3 fois plus pour ces nuisibles modifications que pour le relevage ! Et tout cela en 1942... c'est décidément totalement inexplicable. [SchwenkedelNB]
On ne peux s'empêcher de penser que cet orgue n'a jamais été meilleur qu'entre 1897 et 1942. Dire qu'il aurait suffi de le nettoyer...
En 1961, Curt Schwenkedel vint entretenir l'instrument. [IHOA] [HOIE]
Caractéristiques instrumentales
La console Callinet / J.A. Berger.Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section carrée à pommeaux munis de porcelaines, placés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers. Claviers blancs. Pédalier de Schwenkedel, de 30 notes (même si la pédale ne fait que 18 notes, l'avantage ergonomique est inestimable).
Les porcelaines des jeux d'origine du récit (et de la Flûte 4') ont un fond rose. Deux des porcelaines correspondant aux mutilations de 1942 sont de la même veine que les jeux correspondants : elles ont simplement été recouvertes de ruban adhésif avec le nom du jeu manuscrit. A droite, la porcelaine de la "Doublette" a dû être récupérée quelque part. Il y a un tirant "Néant".
Mécanique suspendue pour le dessus des claviers, et foulante pour la basse.
Sommiers à gravures. Ceux des manuels sont de Callinet, diatoniques en "M", à chapes intercalées.
Une vue sur la tuyauterie des manuels.
Sources et bibliographie :
Photos du 31/08/2011.
343. Feldkirch {S B I}, Tamola et Bonzoni en 1715, 13 Jeux, 2 Clav., Péd., sommier méc., traction méc., soufflerie électr.
FELDKIRCH, Kt. Sulz. - O. von Tamola u. Bonzoni, 1715. MATHIAS 70. - Bei Rep. d. O. 1961 fand man Inschrift im O.-Kasten, erwähnt Rep. 1861. Der frühere Organist von F. wies die O. Callinet zu, der auch die O. von Bollweiler baute. Rep. 1896 durch Berger, u. erweitert, vorher 16, jetzt 18 Reg. 1943 Umbau : Schwenkedel. Mittlg von Pf. Ferd. Holder, in F. Bollw. war bis 1852 Fil. von F.
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