L'orgue Joseph Stiehr,
1832
Chronologie

Historique

En 1832, Joseph Stiehr livra un petit orgue neuf. [IHOA] [PMSSTIEHR]

En 1829, la maison avait perdu son fondateur, Michel Stiehr, décédé le 13 mars. Le marché pour l'orgue de Gertwiller a été signé par Joseph Stiehr le 12/05/1829. L'instrument a été reçu le 30/10/1831 par Jean-Frédéric Wenning (Barr) et François-Antoine Pesseux (Blienschwiller). Le procès-verbal de réception est daté du 17/01/1832. C'était un des plus petits orgues construits par la maison de Seltz jusque là. Et il fut logé dans ce qui fut certainement un des tous premiers "buffets-caisse", dessiné par l'architecte (d'arrondissement) Théodore Kuhlmann. [PMSSTIEHR] [CCTPGertwiller2002]

L'argument économique paraît avoir été déterminant dans ce choix, mais les architectes des années 1835-1860 appréciaient les orgues inscrits dans un rectangle. Pas seulement pour les orgues Stiehr, ailleurs : voir Sermersheim en 1836 ou Pfaffenheim en 1839. On continue à en trouver après 1860 : Grendelbruch en 1865. Peut-être trouvait-on que les tourelles "ça fait vieux" ? Reste qu'avant l'émergence des styles éclectiques (néo-classique, néo-roman et néo-gothique) - qui fourniront à l'Alsace ses plus beaux buffets - les "orgues de campagne" du milieu du 19ème étaient volontiers logés dans de tels buffets "rationnels". Cela ne les empêchait pas d'être ornés avec goût. A cet époque l'orgue est avant tout un bien collectif opérationnel (destiné à embellir la liturgie) : on le voulait soigné, sérieux, et de qualité. Il faut se souvenir que la dépense - même si elle était limitée au minimum - était absolument considérable pour ces communautés. L'orgue était, on le savait, une dépense dé-raisonnable en soi : inutile de lui donner en plus un caractère ostentatoire.

Voici la composition réalisée :

De façon très surprenante, cet orgue n'avait donc pas de Salicional, pas de Gambe, et sa pédale (limitées à 15 notes seulement, donc difficilement utilisable) n'était même pas dotée d'un 16'. On ne peut donc pas parler de style "pré-romantique" ; en fait, il s'agissait plutôt d'un instrument de l'époque classique (très) en retard.

L'orgue fut transformé dès 1840, par Joseph Stiehr : le Nasard a été remplacé par un Salicional, et un dessus de Flûte 8' prit place sur la chape laissée libre en 1832. [CCTPGertwiller2002]

Il semble qu'il fallut faire des réparations en 1841 et en 1842. [PMSSTIEHR]

En 1845, lors des travaux d'agrandissement de l'église, l'instrument dut être démonté puis remonté par Joseph Stiehr. [CCTPGertwiller2002]

Ensuite, l'entretien a été effectué par la maison Wetzel. [PMSSTIEHR]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917 [CCTPGertwiller2002]

Ces tuyaux de façade ont été remplacés en 1924, par Robert Weibel, d'Odratzheim, qui procéda à d'autres transformations : la Doublette a été remplacée par une Gambe (sans octave grave : c-f'''), et les deux jeux de pédale remplacés par une composition plus conventionnelle : une Soubasse 16' et un Violoncelle 8'. Un nouveau pédalier de 27 notes fut installé, sans que le sommier de pédale ne soit complété, si bien que la dernière octave (dis-d') ne fonctionnaient qu'en tirasse. [CCTPGertwiller2002]

En venant étudier l'instrument, Georges Schwenkedel trouva les deux Gambes "récentes" et de mauvaise qualité. Le Cornet n'avait plus que 4 rangs, et la Fourniture 3 rangs. [PMSSTIEHR]

L'orgue Georges Schwenkedel,
1936
Chronologie

Historique

L'opus 64 de Georges Schwenkedel a été construit en 1936. [IHOA]

L'exercice consistait à réaliser un petit orgue néo-classique avec 10 jeux seulement. On le sait, cette esthétique, qui vise à la polyvalence et à l'accès à un répertoire étendu, nécessite normalement un nombre conséquent de jeux. C'était l'un des rares représentants de ce style décliné sur un unique manuel. Une grande partie du matériel Stiehr restant a été réutilisée.

Les racines alsaciennes de ce petit orgue étaient très affirmées, avec son Salicional, son jeu de 8' gambé à la pédale (un Gemshorn, mais il est clairement dans le rôle de l'emblématique Violoncelle). Dans un buffet Stiehr, il était naturel d'exprimer le côté néo-classique avec un Cornet (lui aussi très alsacien) et une Fourniture (discrète, à deux rangs seulement). Toujours en harmonie avec le style régional, on trouvait un instrument très flûté : Flûtes 4' et 2' (surtout pas de Doublette).

A 10 jeux, il n'y a pas d'anche. Alors, pour faire "festif", on disposait d'un accouplement à l'octave aiguë (I/I 4'), directement issu de l'époque post-symphonique. A l'aide de ses contemporains conservés, on arrive assez bien à imaginer les possibilités de ce "petit" instrument, dont le répertoire n'était réellement limité que par l'absence d'un second manuel.

Le petit orgue a malheureusement été modifié en 1962 par Curt Schwenkedel : la Fourniture de 2 rangs passa à 3-4 (progressive). [ITOA]

Console:

La jolie petite console conservée dans le chœur.

L'instrument était muni d'une superbe petits console indépendante face à la nef (à fleur de tribune), qui existe toujours aujourd'hui (bien que déposée). On peut la voir dans le chœur. Elle est fermée par un couvercle basculant, ornée de modillons sculptés. Elle dispose évidement d'un pédalier de 27 notes. Le tirage des jeux se fait au moyen de dominos axés en queue (donc très horizontaux, comme à Burnhaupt-le-Haut) : 5 de part et d'autre du clavier. Les dominos sont munis de porcelaines centrales, à fond jaune pour la pédale. Commande des accouplements et du tutti par "pistons à accrocher", comme à Mutzig. Clavier blanc, bloc-clavier noir à joues rectangulaires. Le pupitre (amovible) a disparu.

Il y avait aussi un très beau banc, qui semble avoir disparu. Les flancs étaient ornés de motifs en forme de feuille, dont deux "quadri-lobes" inscrits dans des carrés. Les chanfreins étaient biseautés.

Cette attachante petite console mériterait vraiment de retrouver du service. Il est à noter que le buffet (on ne peut plus banal) de cet instrument est classé alors que cette console, qui est un vrai témoin de l'histoire de l'orgue alsacien, ne l'est pas.

L'orgue Antoine Bois,
2001 (instrument actuel)

Historique

En 2001, Antoine Bois construisit un orgue pratiquement neuf, toujours dans le buffet de 1832, selon les directives de Marc Schaefer. [IHOA]

Si les changements de composition paraissent minimes sur le papier, il y a une différence fondamentale : il n'y a plus l'accouplement à l'octave aiguë. Cela est représentatif d'une mouvance caractéristique des années 1990-2000, où les orgues pré-romantiques étaient à la mode, et les néo-classiques décriés par principe. Ce n'est donc pas (plus) des couleurs néo-classiques que l'on souhaitait, mais bien un instrument dans le style des années 1830-1850, comme en construisaient les Stiehr de Seltz ou les Callinet de Rouffach. Reste que ceux-là se comptent par centaines, alors qu'il n'y a plus beaucoup d'orgues des années 1930 préservés.

Il ne s'agissait donc pas d'une restauration (retour à l'une des deux dispositions Stiehr : 1832 ou 1843), mais bien de la reconstruction d'un orgue "dans l'esprit Stiehr".

Le "Coin des Jolies Choses".

A la tribune, le sentiment est vraiment mitigé. D'un côté, sur le plan technique, l'opération de 2001 a été irréprochable. Mais de l'autre... cet orgue n'est pas un Stiehr authentique, tout en ayant leurs défauts, à commencer par un côté "utilitaire" prononcé. C'est un peu comme remplacer une décapotable par une camionnette : sûrement un changement "raisonnable". Mais tout ce qui est raisonnable est-il bon ? Car on aimerait, dans cet édifice exceptionnel, trouver un peu de magie et de frisson. Exactement ce dont est dotée la superbe petite console aujourd'hui au chômage dans le chœur. Et ce qui manque à la tribune. Tout ce dont en a envie sur place, c'est de jouer sur la petite console Schwenkedel. Avec son I/I 4', cela devait être merveilleux...

Pourquoi avoir supprimé cette console au profit d'un sempiternel modèle "en fenêtre" ? Qui a décidé que tous les organistes préfèrent jouer avec la tête dans une armoire ? La période post-conciliaire a tourné les prêtres vers l'assemblée, mais a fait le contraire avec l'organiste, qui devrait à présent systématiquement lui tourner le dos. Ce n'est ni agréable ni efficace : d'où les rétroviseurs (1 de cassé, 7 ans de malheur...) et les torticolis. Les consoles indépendantes ont d'immenses avantages : c'est bien pour cela qu'on ne voulait plus que ça entre 1870 et les années 1960. Dire qu'il y en avait une ici.