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Les orgues de la région de Saverne
Saverne, chapelle de l'Hôpital civil
Orgue authentique, mais injouable, car remplacé par un machin électronique.
L'orgue de l'hôpital de Saverne.
Toutes les photos de la page sont de Robert Stentz, 11/06/2006.L'orgue de l'hôpital de Saverne.
Toutes les photos de la page sont de Robert Stentz, 11/06/2006.

La chapelle Ste-Catherine du centre hospitalier de Saverne est dotée d'un orgue caractéristique de l'esthétique néo-classique alsacienne appliquée à de petits instruments. On a ici 12 jeux "seulement", mais 6 accouplements permettent d'enrichir considérablement les possibilités sonores. L'instrument a été construit en 1936 par Georges Schwenkedel, dont c'est l'opus 65. Malheureusement, par la faute de la mise en place d'un "orgue" électronique, cet instrument, laissé à l'abandon, est aujourd'hui injouable. On notera une fois de plus la conséquence directe qu'a ce type d'achat sur notre patrimoine.

Les bâtiments actuels de l'hôpital, ainsi que la chapelle, datent de 1937-1938. L'orgue Schwenkedel est donc contemporain de son édifice.

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Historique

Le premier orgue de l'hôpital était placé dans une des anciennes chapelles (située dans la rue du Vieil Hôpital), celle de 1885, qui a été détruite en 1968. Il datait de 1899, et avait été construit par Edmond-Alexandre Roethinger. Il avait 8 jeux sur deux claviers et pédale. [IHOA] [Mathias] [Barth]

Il était donc contemporain de l'orgue de Climbach. Mais vu sa taille, il devait plutôt être comparable à celui de Boofzheim (1902; II/P 7j).

On ne sait pas ce qu'il est devenu.

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Historique

En 1936, Georges Schwenkedel construisit un orgue neuf pour la nouvelle chapelle. La composition d'origine la même que l'actuelle : l'orgue est authentique. [IHOA] [ITOA]

Evidemment, vu d'en bas, il ne paye pas de mine, avec son buffet limité à un simple soubassement surmonté d'une façade rectangulaire. La disparition des buffets était une tendance qui allait s'imposer de plus en plus. Mais c'est sa console qui est magnifique ! Car l'organiste est au cœur de la conception de ces instruments. On avait appris que le composant le plus important d'un orgue est assis sur son banc. A quoi servent de beaux timbres si le musicien ne peut pas s'en servir, dérangé par des problèmes ergonomiques ou tout simplement parce qu'il ne se sent pas à l'aise ?

Schwenkedel alla visiter l'endroit le 25/11/1935 et dessina un plan de tribune, avec l'avancée aux coins arrondis qui la caractérise, et l'emprise de l'escalier. Il nota que le montage sera "ziemlich eng und knapp" (délicat car c'est étroit et il n'y a pas beaucoup de marge). Il y avait certes 11m de large, mais moins de 2m40 en profondeur en pratique. Il nota que la meilleure position pour la console était au milieu. La hauteur aussi était limitée, avec les gradins et les (impressionnantes) poutres du plafond : Schwenkedel fit aussi un croquis en élévation. [SchwenledelNB]

La conception de l'instrument est notée dans son "Arbeitbuch". Il y a deux versions, la première barrée d'une croix au crayon rouge. De fait, cet instrument raconte une page de l'histoire de l'orgue alsacien : l'évolution du style néo-classique alsacien avant-guerre. [SchwenledelAB]

Le premier projet

La première version de la composition était la suivante :

Dans cette version, la tradition symphonique est toujours bien présente, avec le Hautbois au récit (seule anche de l'orgue), la voix céleste, et des couleurs gambées ou flûtées. La "Viole-Flûte" peut s'interpréter comme un Geigenprincipal. La pédale reste traditionnelle avec 16' et 8' pour un instrument de 12 jeux. Dès le début, l'orgue était conçu avec une transmission électrique.

L'influence post-symphonique se retrouve dans les accouplements à l'octave, et les aides à la registration. Le II/I 4' est fondamental, car il justifie une extension du récit à 68 notes : l'instrument est donc clairement conçu pour ça. Grâce à cet accouplement à l'octave, il dispose de de deux 4' supplémentaires, un 2', un 1'1/3, un 1' et une anche 4'. Cela qui change radicalement la donne. Ces deux accouplements à l'octave justifient aussi que le grand-orgue ne comporte "que" quatre jeux.

Le côté néo-classique est plutôt timide : une Fourniture 2 rangs pour le grand-orgue, et une Mutation (Nasard) pour le récit. A noter qu'on a renoncé au Salicional, que le récit est dépourvu de Bourdon et la pédale n'a pas de Gambe.

Le projet réalisé

La seconde version est la suivante :

Au grand-orgue, qui compte toujours 4 jeux, pas de Fourniture, mais le Nasard du récit y est transféré, remplacé au second clavier par une Tierce. Il faut concéder qu'avec l'accouplement en octaves aiguës réelles, la Fourniture n'avait pas un très grand intérêt. Alors que la Tierce permettait de colorer le son d'une façon rappelant les Mixtures-Tierces de la fin du 19ème. Cette Tierce était donc très néo-classique, mais aussi parfaitement inscrite dans la tradition. Le I/I 16' ne figure pas sur le projet : il a dû être ajouté plus tard, ce qui est significatif : en 1935, même un petit orgue se devait de sonner en 16'. Du coup, on peut aussi faire sonner une Fugara 8', et... une grosse Quinte 5'1/3, ce qui est original et cadre bien avec une époque militant pour le retour des "Aliquotstimmen" (Mutations).

La pédale n'a plus de 8' : l'instrument étant conçu pour être utilisé avec au moins une des deux tirasses, cette (coûteuse) Flûte 8' (de 30 notes) devenait superflue.

En tous cas moins prioritaire qu'un jeu supplémentaire pour ce somptueux récit de 68 notes , qui reçoit un Quintaton 4'. Le Gemshorn 4' ("Cor de chamois") passe en 8' et prend le nom de "Viole conique". Et cette fois, il y a bien un Bourdon 8' (Cor de nuit), qui remplace la "Viole-Flûte". Mais pas de Flûte 4'.

Notons qu'au récit, il y a certes une Tierce indépendante, mais PAS de "Jeu de Tierce" (Cornet décomposé). Celui-ci viendra - en force - plus tard, lors de l'offensive implacable de l'orgue "classique parisien". Avec des effets délétères : occupant 5 chapes, ces Cornets décomposés étaient surtout utilisés pour justifier l'élimination les Gambes.

Un orgue resté authentique

C'est ainsi que cet orgue très original et fort bien conçu nous est parvenu : 100% authentique, intact, et... abandonné au profit d'une chose électronique. Bien peu de gens semblent être au courant de la valeur historique et des possibilités musicales de cet orgue. Gageons qu'un expert a dû le décréter "vieux et dépassé", ou a même asséné un "Votre orgue est électro-pneumatique ; il ne vaut rien." Quoi de plus toxique qu'un vieux cliché ?

Caractéristiques instrumentales

Console:
La magnifique console Schwenkedel de l'hôpital de Saverne.La magnifique console Schwenkedel de l'hôpital de Saverne.

Console indépendante dos à la nef, placée à gauche de l'orgue, fermée par un rideau coulissant. Intérieur en loupe de noyer clair. Tirage des jeux par dominos disposés en ligne au-dessus des claviers, et groupés par plans sonores. Les dominos sont munis de belles porcelaines à liséré doré. Les accouplements constituent le groupe de droite. Ces dominos sont beaucoup moins inclinés que les modèles courants, et presque à l'horizontale au repos. (Comme à Burnhaupt-le-Haut, Spechbach-le-Bas, Reiningue, Luemschwiller, Brumath ou Molsheim.) Les plans sonores sont repérés par la couleur des porcelaines placées sur les dominos : blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, jaune pour la pédale. Celles de la Tierce et du Hautbois ont des lettres rouges. Les accouplements et tirasses concernant deux plans sonores sont bicolores, pour respecter le code de couleur. Claviers blancs. Joues de claviers galbées.

Programmation de la combinaison libre par picots basculants blancs, situés en ligne au-dessus de leur domino respectif. Les accouplements et même le trémolo sont donc programmables. Commande des aides à la registration par pistons blancs situés sous le premier clavier, à gauche, et repérés par des porcelaines rondes : "Jeux à main", "Combinaison", "I.", "II.", "III.", "IV.", et "Annul.". Les pistons "I." et "II." sont cassés. Commande du crescendo et de l'expression du récit par pédales basculantes, placées à droite et repérées par des porcelaines rondes. Indicateur de crescendo en bakélite blanche, linéaire, placé au centre en haut de la console. Il est constitué d'une fente dans laquelle se déplace horizontalement un picot rouge. Banc dont les flancs figurent une lyre. Voltmètre, placé en haut, au-dessus du g''' du second clavier.

C'est vraiment une console magnifique, petite sœur de celle de Brumath (qui n'y est qu'exposée, puisque là-bas, le grand Schwenkedel a été remplacé en 1988 par un orgue normalisé).

Plaque d'adresse en trois éléments émaillés blancs. A gauche des dominos :

G. Schwenkedel
Maître facteur d'Orgues
Strasbourg - Koenigshoffen
1933 GRAND PRIX ; 1934 HORS CONCOURS

Il s'agit probablement d'une récompense obtenue à la foire de Strasbourg (qui prit d'ailleurs le nom "Foire européenne" en 1933).
Et à droite :

Opus 65
1936
Transmission:

Electro-pneumatique, notes et jeux.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670437005P02
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