Buffet classé Monument Historique, 18/04/1974.
Nordhouse, l'orgue Koenig dans son buffet de Krämer, le 15/10/2017.Le magnifique buffet de Sébastien Krämer abrite une partie instrumentale qui a depuis peu retrouvé sa cohérence. Cet orgue a été maintes fois modifié et reconstruit au cours de son histoire. Le style retenu pour la récente rénovation est clairement pré-romantique : cela se justifie par la quantité de matériel sonore restant de son état de 1849, après la reconstruction menée par la maison Stiehr de Seltz.
Historique
Il y avait un orgue ici avant 1792, car Krämer avait repris l'ancien instrument. On ignore à peu près tout de cet orgue, mais on estime qu'il devait être âgé de plusieurs dizaines d'années. [IHOA] [HOIE] [HOIE]
1792
Historique
C'est donc 1792 (sic ; aussi paradoxal que cela puisse paraître) que Sébastien Krämer construisit un orgue neuf. Le traité fut signé le 06/12/1791. C'est le "Directoire" de Benfeld qui autorisa la transaction ! Le buffet actuel date de cet instrument. [IHOA] [HOIE] [ITOA] [PMSSTIEHR] [PMSSTIEHR75]
Le buffet présente un dessin et une ornementation particulièrement réussies. Il reste deux autres buffets de Krämer en Alsace, qui permettent d'apprécier comment celui-ci (le dernier de l'Ancien régime !) est inscrit dans sa tradition : celui de Wolxheim (1780, il abrite aujourd'hui un orgue Callinet) et celui de Saverne, Notre-Dame de la Nativité (1784, il abrite aujourd'hui un orgue Kern).
Mais ce buffet "issu de la Révolution" était fort probablement de loin la meilleure partie de cet instrument : Krämer n'était pas un "grand" de la facture d'orgues, n'en déplaise au cliché qui voudrait faire un génie de tout artisan du 18ème siècle. Et voudrait nous faire croire que plus un orgue est vieux, meilleur il est. Krämer a assurément laissé à la postérité plus d'anecdotes édifiantes que d'orgues jouables. On pourra le vérifier à Bischoffsheim (son orgue destiné aux Récollets) ou à Wolxheim (1780).
L'orgue Krämer nécessita une réparation dès 1805. [HOIE]
En 1825, Sébastien Krämer effectua un démontage/remontage, à l'occasion de travaux au plafond de l'édifice. [HOIE] [ITOA] [PMSSTIEHR] [PMSCS68]
En 1838, les buffets ont été entretenus (dans le cadre d'une opération globale d'entretien de d'ameublement de l'église). En 1847, l'église fut agrandie. [PMSSTIEHR]
Historique
En 1849, la maison Stiehr procéda à une reconstruction. [IHOA] [HOIE] [ITOA] [PMSSTIEHR]
En raison des travaux d'agrandissement l'édifice, il avait de toutes façons fallu démonter l'orgue. La maison Stiehr construisit de nouveaux sommiers et ne garda que quelques jeux de Krämer. Ce fut, en pratique, un orgue neuf. La nouvelle partie instrumentale ne tenant pas dans le buffet, il fallut recourir à divers procédés pour l'agrandir. En particulier, la profondeur du grand buffet a été augmentée de 11 cm. [PMSCS68] [PMSSTIEHR]
Le diapason retenu pour l'accord à ce moment était probablement La 415 Hz (valeur déduite du Salicional 8' conservé, et de la Flûte 8' du positif, qui avait été conservée dans le Cornettino par Kriess). A l'origine, l'orgue était probablement encore un peu plus grave. [YKoenig]
L'orgue nécessita une réparation en 1876 ; une inscription dans l'orgue atteste du passage de Marc et Edouard Stiehr. La soufflerie fut renouvelée. [ITOA] [ITOA] [PMSSTIEHR]
Il est possible que le diapason ait été porté à 440 Hz à ce moment. En effet, les tuyaux anciens antérieurs conservés (ceux de Krämer, le Salicional, la Flûte 8') ont été décalés. C'est aussi probablement en 1876 que fut ajoutée une anche 16' de pédale (Ophicléide). [YKoenig]
L'orgue nécessita à nouveau une réparation en 1895. [HOIE]
Historique
En 1908, Franz Xaver Kriess reconstruisit un orgue dans un style post-romantique, avec un récit, une console indépendante (mécanique, face la nef), et une pédale complète, de 27 notes. La façade du buffet du positif fut conservée. Le buffet a été reculé sur la tribune (probablement pour laisser plus de place à l'avant et bénéficier ainsi pleinement de la console indépendante). La composition était la suivante (sans les accouplements, qui étaient régulièrement "oubliés" dans les compositions publiées à la fin du 20ème siècle) : [HOIE] [ITOA] [PMSSTIEHR] [YKoenig]
La plaque d'adresse disait : [PMSSTIEHR]
Kriess laissa à l'évidence l'orgue de Nordhouse meilleur que ce qu'il n'avait jamais été. Cette très belle (et très alsacienne) composition, et la connaissance de ses (rares) contemporains survivants au désastre néo-baroque en attestent. Et cette composition a pu être réalisée sans ajouter beaucoup de tuyaux, par décalage et ré-harmonisation.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mai 1917. [HOIE]
C'est Franz Heinrich Kriess qui renouvela la façade, en 1933, et posa un ventilateur électrique. [HOIE]
Il y eut une réparation en 1946. [HOIE]
Et l'orgue Kriess bénéficia encore d'un relevage en 1951. [HOIE]
Malheureusement, bien que Nordhouse fut à l'époque dotée d'un instrument remarquable, les nuages de la tempête "néo-baroque" commencèrent à obscurcir l'horizon.
1972
Historique
C'est en 1972 qu'eut lieu la fameuse reconstruction "néo-baroque", menée par Paul Adam, que l'Inventaire technique des orgues d'Alsace jugea en termes certes particulièrement sévères, mais probablement tout à fait justifiés... [IHOA] [ITOA]
Il faut dire qu'il y avait de quoi. Il s'agissait de reconstruire l'instrument sur trois manuels, dans une esthétique qui hésitait entre une approche néo-classique "legacy" et un néo-baroque "pragmatique". Le tout mâtiné d'un style "meubles de cuisine" particulièrement affirmé.
La console (mécanique en fenêtre) a été commandée chez un fournisseur d'équipements pré-fabriqués, sans aucun souci d'harmonisation avec le somptueux buffet, et son raccordement au reste releva plus du bricolage que d'autre chose.
La console en 2012. Photo de Roland Lopes.Avec ses claviers "néo-baroques" noirs, ses étiquettes maniérées (sans majuscule), sa Marotte 2' de pédale, ses trois Cornets (pour ne pas en manquer au cas où on en perd deux) (plus une Cymbale-tierce !), son Principal 1' et sa Ranquette de récit, cet instrument était un vrai catalogue des fausses-bonnes-idées de l'âge néo-baroque. Il ne lui manquait finalement que quelques Sesquialteras bien "nordiques". La pédale avait une anche en 16' et une en 4', mais pas en 8' : tant qu'à en zapper une, autant que ce soit celle qui sert le plus. Le "récit" n'était doté en tout et pour tout que d'un seul fond de 8' (et encore, un Bourdon) ! A se demander si on avait compris à quoi ça sert. Parmi les autres idées saugrenues, figurait un buffet de positif en "coffre-fort", qu'on ne pouvait ouvrir qu'en démontant les panneaux (vissés). Histoire, peut-être, de s'assurer que le délicieux accord d'origine ne soit jamais altéré !
Après la catastrophe de 1972 (qui d'ailleurs causa le Classement de la partie instrumentale, à titre conservatoire), l'Inventaire technique ne put faire qu'un amer constat, et releva l'effarante composition suivante : [ITOA]
Nordhouse, en juillet 2002.Les propositions du positif étaient à l'époque altérées.
Noter l'absence de l'extrémité de la guirlande sous la tourelle de gauche du positif,
ainsi que l'aspect "étiré" de la guirlande, conséquence de l'élargissement du petit buffet
(modification non datée, les hypothèses les plus crédibles restant 1849 ou 1876).
Les tuyaux de façade (de 1972), ici visibles, étaient trop étroits :
c'est ce qui donne à la façade son aspect "transparent".
2016
Historique
En 2016, l'orgue a été reconstruit, dans un état proche de celui laissé par la maison Stiehr en 1849, par la maison Koenig de Sarre-Union. [YKoenig]
Il ne s'agissait pas d'une restauration dans l'état de 1849. Il a été décidé d'ajouter une anche de 16' à la pédale : un Ophicléide, placé sur un sommier spécifique, et inspiré du jeu Stiehr de ce nom se trouvant dans l'orgue de l'église protestante de Bischwiller.
Le buffet avait beaucoup souffert du temps (ornements) et des modifications, essentiellement celles de 1849 : la charpente n'a pas été traitée selon ses standards de la facture d'orgues lors de l'installation des sommiers Stiehr. Le buffet du positif a retrouvé ses proportions d'origine (qui ont pu être déduites de la menuiserie).
La mécanique et la console ont été intégralement refaites. Les sommiers ont été restaurés dans l'état de 1849 (celui de pédale n'ayant pas été conçu pour une anche 16', il a retrouvé sa configuration initiale, et l'Ophicléide 16' a pris place sur un sommier spécifique). Il a fallu construire un sommier neuf pour le positif de dos.
La tuyauterie ancienne a été ré-employée et complétée, en prenant pour modèle des jeux Stiehr en cohérence avec le reste. L'harmonie à l'église a été réalisée par Julien Marchal. [YKoenig]
A noter qu'avant le démontage de l'ancien instrument, le 26/09/2014, Laurent Martin Schmit et Cäcilia Boyer (soprano) ont donné un "Concert d'adieu", délicieusement intitulé "Je suis venu te dire que je m'en vais". Avec une improvisation sur la chanson-titre. A noter aussi que pendant les travaux, un (vrai) orgue provisoire a été placé.
L'orgue Koenig a été inauguré le 25/09/2016 par Marc Baumann (Strasbourg, cathédrale). Oeuvres vocales avec la chorale de Nordhouse (dirigée par Stéphanie Hartmann) : J. Althoffer et Beethoven, œuvres d'orgue de François Couperin et J.S. Bach. [Nordhouse2016]
Caractéristiques instrumentales
| C | c | c' | c'' | f'' |
| 1' | 2' | 4' | 4' | 8' |
| 2/3' | 1' | 2' | 2'2/3 | 4' |
| 1/2' | 2/3' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
| 1/4' | 1/2' | 1' | 1'1/3 | 2' |
Par "sur le modèle de Saverne", il faut entendre "construit en 2015 sur le modèle du jeu Sébastien Krämer de Saverne, Notre-Dame de la Nativité".
Par "sur le modèle de Riquewihr", il faut entendre "sur le modèle du jeu Stiehr de l'église protestante de Riquewihr".
Par "sur le modèle de Hoerdt", il faut entendre "sur le modèle du jeu Stiehr de l'église protestante de Hoerdt".
Par "sur le modèle de Bischwiller", il faut entendre "sur le modèle du jeu Stiehr de l'église protestante de Bischwiller".
Par "de stock", il faut entendre des éléments originellement produis par la maison Stiehr (pour d'autres orgues), et qui étaient disponibles en 2015 pour enrichir l'authenticité.
La console, frontale, a été entièrement reconstruite en 2015 ; elle n'est pas réellement "en fenêtre" (il n'y a pas de portes), car sa disposition correspond à celle de 1792 (Krämer) : sa position à fleur de buffet se justifie par l'architecture globale du buffet. Les éléments d'interaction avec l'organiste (bloc-clavier, le style des tirants, le banc et le pédalier) sont d'inspiration Stiehr. On a la chance - rare sur ce type d'instruments - de disposer d'une pédale "utilisable", allant jusqu'au ré (d', 27 notes).
Mécanique suspendue (2016).
Sommiers à gravures de Stiehr, sauf pour le complément de pédale (de 18 à 27 notes) et l'Ophicléide 16'. Sommier de positif de 2016.
Sources et bibliographie :
-
[Visite] "Visite sur place", 15/10/2017
Remerciements à Julien Grad.
-
[MFoisset] Martin Foisset : e-mail du 23/10/2017.
Photos du 15/10/2017.
-
[YKoenig] Yves Koenig : e-mail du 24/01/2017,15/02/15.Document "NORDHOUSE DOE.pdf"
Rapport d'étude du 30/10/2016.
- [VWeller] Victor Weller : e-mail du 27/05/2016.Document "Nordhouse.docx"
- [RLopes] Roland Lopes : e-mail du 21/06/2006,05/09/2012.Document "Eschau_Nordhouse.pdf"
- [IHOA] Pie Meyer-Siat : "Inventaire historique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, puis Coprur, 1985 et 2003, p. 129b
- [ITOA] "Inventaire technique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, vol. 3, p. 448-9
- [Nordhouse2016] "Plaquette éditée à l'occasion de l'inauguration de l'orgue Koenig de Nordhouse."
- [PMSSTIEHR] Pie Meyer-Siat : "Stiehr-Mockers, facteurs d'orgues", in "Archives de l'Eglise d'Alsace", vol 20., éditions de la société Haguenau, 1972-73, p. 370-2
- [PMSSTIEHR75] Pie Meyer-Siat : "Compléments à Stiehr-Mockers", in "Archives de l'Eglise d'Alsace", vol 22., éditions de la société Haguenau, 1975, p. 362
- [HOIE] Pie Meyer-Siat : "Historische Orgeln im Elsass", éditions Schnell und Steiner, München - Zürich, 1983, p. 176-7
- [PMSCS68] Pie Meyer-Siat : "Sébastien Kraemer, facteur d'orgues", in "Pays d'Alsace ('Cahiers de Saverne')", vol 68., éditions Société d'histoire et d'archéologie de Saverne et environs, 1969, p. 28-9
-
[Mathias] F.X. Mathias : "Compte rendu du Congrès d'orgue tenu à l'Université de Strasbourg, 5-8 mai 1932.", éditions Sostralib, p. 40
89. Nordhouse Kriess, 20 Jeux, 2 Clav. Péd., sommier méc., traction méc., soufflerie électr.
-
[Barth] Médard Barth : "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert", in "Archives de l'Eglise d'Alsace", vol 15., éditions de la société Haguenau, 1965-66, p. 281
NORDHOUSE, Kt. Erstein. - 1840, Liste, mit O. - Kostenanschlag für O.-Rep. von Stiehr u. Mockers, Selz 8. VI. 1875. Preis: 1.205 Fr. Genehmigt vom Bürgermeister von N., 17. VI. 1875. Nachlass Stiehr. - Kriess, O. mit 20 Reg., 2 Clav., Ped. MATHIAS 40.
-
[Palissy] Ministère de la Culture : "Base Palissy"
im67000498
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