Le très bel orgue de l'église protestante de Bischwiller est l'oeuvre de la Maison STIEHR-MOCKERS, de Seltz. Mais il y a aussi pas mal de SILBERMANN dans cet instrument.

Bischwiller, le 02/04/2005, photo de Guillaume MULLER

     Car a Bischwiller, il y avait un orgue André SILBERMANN de 1724. A l'époque, on avait d'abord voulu faire affaire avec Georg Friederich MERCKEL, mais il était rapidement devenu évident que celui-ci n'était pas à la hauteur, et on fit alors appel à André Silbermann. Son devis est daté du 08/12/1723, mais, en raison de difficultés financières, l'orgue ne fut achevé qu'un 1729.

     Vers 1724, l'orgue disposait des Jeux suivants :

• Grand-orgue : Montre 8', Bourdon 8', Prestant, Nasard, Doublette, Tierce 1'3/5, Fourniture 3 rgs, Cymbale 3 rgs
• Pédale : Soubasse 16', Flûte 8'
  

Le second clavier permettait d'emprunter le Bourdon, le Prestant, le Nasard, le Cornet et la Trompette du Grand-orgue, mais ne disposait pas de Jeu en propre. C'était donc en toute rigueur un orgue à 1 clavier et Pédale.
Il se situait sur la tribune au-dessus du choeur. Le Buffet possédait trois Tourelles et deux Plates-faces. La plus petite Tourelle se trouvait au milieu et portait deux lions tenant les armoiries du duc Christian III.
La Maison Silbermann assura l'entretien de l'instrument jusqu'en 1781. Ensuite, ce fut le tour de la Maison STIEHR-MOCKERS.

     En 1853, on trouvait l'orgue beaucoup trop petit. C'est pourquoi on demanda à Stiehr de le compléter avec un Positif de dos, et de le déménager sur une autre tribune, du côté de l'entrée principale. Le Positif de dos a été construit en imitation du Grand-orgue de Silbermann. Voici la Composition de cet instrument :

     En 1867, on fit revenir la maison Stiehr, cette fois pour une transformation plus radicale : il s'agissait de transformer l'orgue en un vrai "16 pieds", ce qui avait le mérite d'être clair et cohérent :

• construction d'un Récit
• élargissement du Buffet du Positif de dos
• comme le grand Buffet n'était pas assez grand, celui-ci fut remplacé. Cette fois, le nouveau grand Buffet imita le Positif de dos. (Du coup, les Buffets actuels gardent une grande ressemblance avec les dessins Silbermann. Mais que l'on ne s'y trompe pas : tout ce qui reste du Buffet Silbermann sont les portes de derrière de la clôture de Pédale...)
• changement complet de la Mécanique.
  

     Les 10 Jeux Silbermann restants (sur les 13 à l'origine) furent scrupuleusement conservés (avec leurs Tailles et leur Diapason) et intégrés. Le résultat devait avoir très belle allure, et devait être de la veine de l'orgue d'Illkirch, St-Symphorien.

Inscription retrouvée à l'intérieur d'un Sommier : Stiehr fils et Mockers successeurs de Stiehr Joseph facteurs d'Orgues à Seltz (Basrhin) 1867

...il s'agit de Léon Stiehr et Félix Mockers.

     Un ventilateur électrique a été posé en 1913 (HAERPFER ?).
En 1922, Frédéric HAERPFER transforma l'instrument :

• changement de 3 jeux : le Bourdon 8' devint un Flageolet 2', le Cornet de Récit devint une Aéoline 8' et la Clarinette un Piccolo 2'
• élargissement de la Pédale à 25 notes, avec adjonction d'une Tirasse Grand-orgue
• et surtout mise au Diapason moderne, ce qui changea les Tailles et modifia complètement la sonorité de l'instrument
  

Il avait bien sûr été question d'aller jusqu'à reconstruire l'instrument en pneumatique, mais le Directoire avait sauvé l'orgue en 1914, en disant au sujet avec cette opération "Eilt jetz nicht" ("Ca ne presse pas"), faisant ainsi preuve d'une belle lucidité, qui n'était pas si courante à l'époque.

Notons que la façade n'a pas été réquisitionnée en 1917.

Haerpfer revint changer la Soufflerie en 1924.

C'est encore la Soufflerie qui posa problème en 1938, puisqu'il fallut faire venir Georges SCHWENKEDEL pour la réparer. Il posa un Soufflet Régulateur, supprima le Tremblant et remplaça des Porte-vents.

En 1952, Schwenkedel transforma encore l'instrument :

• au Récit, un Nasard remplaça l'Aéoline de Harpfer.
• au Positif 5 Jeux de de Stiehr furent supprimés : la Flûte 8', le Salicional 8', la Flûte 4' (en partie?), la Fugara 4' et le Hautbois.
  

En 1960, Ernest MUHLEISEN remplaça les Jeux Schwenkedel du Positif, en laissant les deux jeux Stiehr encore présents.

     En 1985, la Maison Alfred KERN (avec la participation de Richard DOTT, qui oeuvra comme facteur mais aussi comme vice-président de l'Association des Amis de l'Orgue) restaura l'instrument dans son état de 1867, à deux jeux près :

• La Flûte harmonique 8' n'a pas été remise au Positif. Il y a un Flageolet à la place.
• La Clarinette du Récit n'a pas retrouvé sa place. Le Piccolo de Haerpfer a été laissé (c'est d'ailleurs, avec des éléments de Soufflerie, tout ce qui reste de Haerpfer dans l'orgue, et il n'y a plus rien de Schwenkedel).
  

Seul le Nasard, la Tierce et la Cymbale du Silbermann original, ainsi que la Trompette de Pédale ont disparu. (Celle du Grand-orgue est devenue le Clairon de Pédale) Le reste est encore là, complété par des jeux Stiehr (Grand-orgue, Pédale). Le Récit peut être attribué à Stiehr. Le Positif est de Kern, reconstituant celui de 1867. Malgré toutes ces modifications (qui se mordirent souvent l'une sur l'autre), ce bilan justifie pleinement le Classement de l'instrument.

     Notons que Stiehr, comme (ou plutôt inspiré par ?) Joseph CALLINET, appelle sa Bombarde "Ophicléide". Rappelons que l'origine du mot "Bombarde" n'est pas dans dans l'arme, mais due à un instrument de musique ancien. L'ophicléide, lui, était un instrument à vent parent du "serpent", qui, tout au long du 19 ème siècle, accompagna le chant du choeur dans de nombreux endroits. Comme à son habitude, Stiehr appelle aussi "Trombone" sa Trompette de Pédale.

Le Salicional du Positif vient de Gries (Alfred Kern a dû le reprendre en 1967, quand il restaura cet instrument qui possédait à l'époque des jeux Stiehr). Il faut remarquer les deux Cornets de 5 rgs, l'un au Grand-orgue (de Silbermann), l'autre au "Récit", qui peuvent dialoguer. Cet instrument est plein de possibilités. Il illustre aussi combien il est vain de vouloir présenter une Composition sans avoir la connaissance de son histoire.

La Console. Photo de Franck LECHENE, 08/03/2012.

Mécanique : Suspendue, claviers de Stiehr, Sommiers à Gravures, d'origine.
Il y a un Tremblant doux pour le Récit.
Comme à Barr, deux pédales (respectivement marquées "Forte" et "Piano"), tirent ou renvoient le Cornet, la Fourniture, la Trompette, ainsi que les Anches de Pédale.
Façade de 1867.

(1) Composition de la Fourniture, avec seulement 3 reprises :

Webographie :

• temples.free.fr/temples/bischwiller_orgue.htm