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~ Les orgues de la région de Bouxwiller ~

Schillersdorf, Eglise protestante
STIEHR-MOCKERS, 1861


Avant... STIEHR Après...

Composition, 1986
Positif de dos
54 notes
Grand-orgue
54 notes
Pédale
27 notes
Bourdon 8' Bourdon 16' Contrebasse 16'
Flûte 8' Montre 8' Flûte 8'
Montre 4' Bourdon 8' Violoncelle 8'
Flûte pointue 4' Flûte majeure 8' Flûte 4'
Nasard 2'2/3 Salicional 8' Ophicléide 16'
Doublette 2' Prestant 4' (Chape vide) (2)
Tierce 1'3/5 Flûte 4' (Chape vide) (3)
(Chape vide) (1) Dolce 4' II/P
  Quinte 2'2/3  
  Doublette 2'  
  Cornet 5 rgs (D)  
  Fourniture 4 rgs (1'1/3)  
  Trompette 8' (B+D)  
  I/II  

     L'orgue de Schillersdorf est intéressant à plus d'un titre : d'abord parce qu'il a été construit par la Maison STIEHR-MOCKERS et a été relativement bien préservé. Ensuite parce qu'il illustre parfaitement un tournant de la facture d'orgues en Alsace : l'époque où l'Administration, avec son lot d'architectes et d'experts inféodés aux Préfets, chercha à se mêler de tout, à rationaliser et à simplifier.
Heureusement, les facteurs avaient plus d'un tour dans leur sac, et surtout l'appui des élus locaux.


Schillersdorf. Photo Sébastien BAUER.

     En 1858, Schillersdorf, qui s'était fait construire une nouvelle église, voulut un orgue. On demanda donc un devis à la Maison Stiehr-Mockers, dont la réputation était excellente. Le conseil municipal approuva ce devis le 10/06/1858. Le projet consistait à construire un bel orgue de 28 Jeux sur 2 Manuels et Pédale, comparable à celui des commune voisines. C'est alors que la Procédure administrative prit son essor.

Morin, Migneret et Furst

     Le très officiel Architecte du département s'appelait MORIN. Il fut nommé en Novembre 1850 et le resta jusqu'en 1870.

Pour l'Administration, la démarche était claire : pourquoi l'Alsace s'obstinait-elle a vouloir des orgues dans ses villages, alors que les usines parisiennes fournissaient d'excellents harmoniums ?

     Morin éplucha le devis Stiehr et calcula qu'il revenait à 6,70 Frs par tuyau. Un bon chiffre, "peu élevé et acceptable" (rapport Morin du 27/07/1858), sauf qu'au regard du volume de l'édifice... il y en avait trop (de Jeux, donc de tuyaux). L'orgue était considéré (évidemment sur le papier) comme trop puissant en rapport à la taille de l'édifice, et la docte conclusion fut que l'on pourrait économiser pour 5 Jeux de deniers publics.

A noter que Morin calcule le nombre de tuyaux (dont l'importance est grande puisqu'il sert de base à de savants ratios) de façon assez fantaisiste, sans tenir compte des Jeux composés.
Ainsi, il trouve :
  • 126 tuyaux pour 7 Jeux à la Pédale (7 x 18 notes, le compte y est)
  • 378 tuyaux pour 8 Jeux au Positif (6 x 54 notes + 2 x 27 notes : le Basson/Hautbois est compté pour deux)
  • 702 tuyaux pour 13 Jeux au Grand-orgue (la Trompette, bien que coupée en Basse+Dessus, compte cette fois pour 1 seul Jeu). Mais le chiffre a été obtenu en multipliant simplement 13 par 54 notes, ce qui est faux :
    • car le Bourdon 16' commençait au premier Fa,
    • le Cornet commençait au troisième Do,
    • et surtout parce que le Cornet nécessite 5 tuyaux par note, et la Fourniture 4.

Dans l'hypothèse où ces comptes d'apothicaires serviraient à quelque chose, cela nous mettait le Grand-orgue à 896 tuyaux, soit un prix par tuyau encore plus "acceptable"

     Le tout comportait donc selon Morin 1206 tuyaux, pour un prix total de 8145 Frs. Soit 6,75 Frs par tuyau, généreusement arrondi à 6,70.

"Nous pensons toutefois que pour une nef de 21,80 mètres de long sur 14,50 de large et 10 mètres de haut, l'instrument est un peu puissant et pourrait être diminué d'environ 5 jeux qui pourrait réduire la dépense d'environ 2000 francs..."

Du coup, la Commission des travaux acquiesça, et en Octobre 1858, le Préfet MIGNERET (qui fut Préfet du Bas-Rhin du 13/04/1855 au 05/11/1865) fit sien cet avis et fit part de sa décision au Sous-Prefet MERTIAN : Schillersdorf ne méritait qu'un orgue au rabais.

Seulement, Schillersdorf avait largement les moyens de payer, et considérait sa dépense comme utile et fondée. Cette ingérence de la Préfecture, absolument injustifiée, fut une première qui provoqua de vives réactions, d'autant plus que le délai administratif s'établissait déjà à 9 mois !

Outre des arguments fort valables (incluant de légitimes choix esthétiques et une volonté de pouvoir varier les timbres), celui qui fit le plus mal fut sûrement : "Et pourquoi ne point accorder les orgues tout entières à Schillersdorf, quand d'autres communes, telles qu'Obermodern et Neuwiller, dont le temple n'est guère plus grand que le nôtre, les ont obtenues sans peine".

On demanda enfin l'avis de l'architecte FURST qui, peut-être parce que plus avisé que les autres, n'avait pas expressément exprimé son avis : "Les instruments des Srs Stiehr étant généralement renommés par la douceur de leur son, et leur jeu étant puissant sans être criard, les dimensions de l'église (3500 mètres cubes) supportent facilement un instrument de cette grandeur.
Le seul jeu qui pourrait être supprimé sans détruire l'ensemble est le N°18 ; l'économie de 260 francs qui en résulterait, n'est pas suffisante pour en priver l'instrument.
Si plusieurs jeux étaient supprimés, l'ensemble serait détruit et il faudrait de tout autres dispositions qui ne conviendraient plus aux dimensions de l'édifice."

A noter que les Jeux étaient numérotés : il ne s'agissait pas d'ennuyer les fonctionnaires avec des noms exotiques. Ledit N°18 ("beau jeu d'agrément") , vu son prix, a de fortes chances d'avoir été le Cornet...

A noter aussi, et c'est assez remarquable, que le débat portant sur les jeux qui pourraient être supprimés porte uniquement sur la Composition des Manuels. La Pédale est pourtant forte de 7 Jeux : tous sont considérés comme indispensables.

     Morin chercha à contrattaquer et à se justifier par un calcul de mètres cubes qui laisse songeur : "...or Schillersdorf a 350 mètres cubes et Obermodern 405 ; différence de 1/8..." (21,80 mètres de long sur 14,50 de large et 10 mètres de haut... font normalement 3161 m3).

Morin, qui ne fut heureusement pas aussi nuisible que Louis Martin ZEGOWITZ, était un statisticien méticuleux et acharné. Le genre qui met tout en chiffres (tuyaux, volumes, mais aussi surfaces pour bancs à genouillères dans les nefs, et surface pour enfants dans les nefs). On frémit rétrospectivement à la pensée de ce qu'aurait pu être l'action de ces personnages s'ils avaient été dotés de l'outil informatique...

Sur insistance du Maire de Schillersdorf, le Préfet Migneret finit par approuver le projet, le 12/02/1852, mais pour faire bonne figure, commenta : "...il est certain que cet instrument est fort cher, et que s'il avait été réduit de 5 jeux, comme je le proposais, il aurait encore produit un effet suffisant..."

L'orgue Stiehr de Shillersdorf a été reçu par Théophile STERN en 1861. Qui se souvient, en regardant son Buffet, de toute l'énergie qu'il a fallu déployer pour l'obtenir, tel qu'il est ?

Neuwiller, Obermodern, Schillersdorf

La commune de Schillersdorf finit donc par avoir l'orgue qu'elle souhaitait, inspiré des instruments voisins construits par la Maison Stiehr-Mockers.

L'instrument ressemble en effet beaucoup à celui d'Obermodern : la seule vraie différence esthétique porte sur les ornements (pratiquement absents à Schillersdorf) et sur le Buffet de Positif a Plate-face centrale constituée de 2 arcs au lieu de 3.
Il est aussi fortement apparenté à celui de l'église protestante de Neuviller-lès-Saverne.

Il a paru intéressant de rapprocher les Compositions d'origine de Neuwiller, d'Obermodern (connues) et celle, supposée, de Schillersdorf. Le Salicional est désigné sous "Jeu céleste" à Obermodern (car il y a déjà un Salicional au Grand-orgue), mais c'est le même Jeu :

Neuwiller (1850)Obermodern (1857)Schillersdorf (1861)
Positif (54 n.)
Bourdon 8'Bourdon 8'Bourdon 8'
--Flûte 8'
Salicional 8'Jeu céleste 8'Jeu céleste 8' ?
Montre 4'Montre 4'Montre 4'
Flûte 4'Flûte 4'Flûte pointue 4'
Flageolet 2'Flageolet 2'Flageolet 2' ?
Basson/Hautbois 8'Basson/Hautbois 8'Basson/Haubois 8'
Cromorne 8'Cromorne 8'-
Grand-orgue (54 n.)
Bourdon 16' (Sol 1)Bourdon 16' (Sol 1)Bourdon 16' (Fa 1)
Montre 8'Montre 8'Montre 8'
Bourdon 8'Bourdon 8'Bourdon 8'
Flûte majeure 8'Flûte majeure 8'Flûte majeure 8'
-Salicional 8'Salicional 8'
Gambe 8'Gambe 8'-
Prestant 4'Prestant 4'Prestant 4'
Flûte à cheminée 4'Flûte à cheminée 4'Flûte à cheminée 4'
Nasard 2'2/3Nasard 2'2/3Nasard 2'2/3
Doublette 2'Doublette 2'Doublette 2'
Cornet 5 rgsCornet 5 rgsCornet 5 rgs
Fourniture 4 rgsFourniture 4 rgsFourniture 4 rgs
Trompette 8' (B+D)Trompette 8'Trompette 8' (B+D)
-Voix humaine 8'Voix humaine 8' ?
I/III/III/II
Pédale (18 n.)
Contrebasse 16'Contrebasse 16'Contrebasse 16'
Flûte 8'Flûte 8'Flûte 8'
Violoncelle 8'Violoncelle 8'Violoncelle 8'
Flûte 4'Flûte 4'Flûte 4'
Ophicléide 16'Ophicléide 16'Ophicléide 16'
Trombone 8'Trombone 8'Trombone 8'
Clairon 4'Clairon 4'Clairon 4'
--II/P
TremblantTremblantTremblant

     L'instrument a été fort bien conservé, puisqu'il ne subit qu'une modification, en 1954, par Georges SCHWENKEDEL. Il modifia le Positif, en plaçant un Nasard sur la Chape du Hautbois, ainsi qu'une Doublette et une Tierce neuves (à la place d'un Jeu céleste, et d'un Flageolet, peut-être). Le Basson disparut lui aussi. Au Grand-orgue, il supprima une Voix humaine (ou un Clairon) pour y placer la Quinte. On peut lire que Schwenkedel plaça aussi une Cymbale (au Positif ?), mais celle-ci a disparu depuis.
C'est sûrement aussi lors de cette intervention que la Pédale passa de 18 à 27 notes.

Malheureusement, à une époque indéterminée, les tuyaux du Trombone et du Clairon de Pédale disparurent aussi.

Mécanique : Suspendue pour le Grand-orgue, à Balanciers pour le Positif, à Equerres pour la Pédale. Sommiers à Gravures, d'origine (sauf le Complément de Pédale à Cônes).

(1) Le Hautbois a disparu. Il y a un Nasard de Schwenkedel sur sa Chape. Le Basson manque lui aussi.
(2) Chape d'une Trompette disparue.
(3) Chape d'un Clairon disparu.

Sources :

  • Remerciements à Sébastien BAUER.
  • P. MEYER-SIAT, "La doctrine officielle de la Préfecture du Bas-Rhin dans le domaine de la facture d'orgues vers 1860", in "La musique en Alsace".
  • P. MEYER-SIAT, "Stiehr-Mockers", AEA XX (1972-73)

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Dernière mise à jour : 14/03/2004 17:35:15

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