L'orgue de facteur inconnu (1782)

Historique

Dans l'ancienne église, la présence d'un orgue est attestée en 1782, car il fut l'objet d'un conflit entre les deux confessions. [IHOA]

Il n'y avait plus d'orgue en 1840. [Barth]

L'orgue de facteur inconnu (1844)

Historique

En 1844 (donc alors que l'église était toujours "mixte"), l'ambiance était bien meilleure qu'en 1782, car les deux communautés achetèrent ensemble un instrument d'occasion ("Gelegenheitsorgel") qui devait sûrement venir du chœur de Colmar, St-Matthieu. [IHOA] [PMSLINK]

En effet, le chœur de l'actuelle église St-Matthieu est celui de l'ancienne église des Franciscains. Il est devenu la chapelle de l'hôpital de Colmar, quand il fut rendu au culte, en 1827. Cette chapelle fut dotée d'un orgue dans les années 1830, et c'est fort probablement cet instrument qui est allé à Schweighouse, car en 1842, on s'y procura un orgue neuf, fourni par Valentin Rinkenbach. On est sûr que l'orgue de Schweighouse venait de Colmar ; celui-ci est, jusqu'à preuve du contraire, le seul qui était disponible à l'époque. [IHOA] [PMSLINK]

Dès que l'église devint protestante, un projet pour l'orgue vit le jour. Mais l'ancien était visiblement dans un état déplorable : "Eine gewagte Sache, dieses alte Gestell in brauchbaren Stand zu stellen." ("Essayer de remettre ce vieux machin en état de marche est un pari risqué.") [PMSLINK]

On appela Charles Wetzel, qui rédigea un devis pour un orgue neuf le 21/10/1890. [PMSLINK]

La console devait être indépendante et frontale ("kommt vor die Orgel zu stehen"), les sommiers à gravures, et le buffet de style néo-roman. [PMSLINK]

Même si la composition était très belle - et pas très éloignée de celle qui fut réalisée 10 ans plus tard - ce devis ne suscita pas un grand enthousiasme, puisqu'en 1892, la maison Dalstein-Haerpfer proposa à son tour un orgue neuf. Mais la reconstruction de l'édifice mit le projet en pause jusqu'en juillet 1900. [PMSLINK]

Historique

C'est de 1900 que date l'opus 338 de la maison Gebrüder Link. [IHOA] [PMSLINK]

Pour l'église neuve, œuvre des architectes Haug et Brion, on opta pour la maison de Giegen-an-der-Brenz, qui fournit un devis le 28/11/1899. La durée de la garantie était fixée à 10 ans, soit deux fois plus que ce que proposait Wetzel. Bien sûr, on demanda son avis à Ernest Münch. Il approuva le 07/03/1900, et le marché fut conclu le 17/07/1900. Schweighouse allait avoir son orgue Link ! [PMSLINK]

L'inauguration eut lieu le 04/12/1900 par Ernest Münch. Le projet était une réussite : "gut gelungen". [PMSLINK]

Personne n'a jamais estimé utile de publier la composition d'origine de cet orgue... surtout pas Pie Meyer-Siat, qui dans son article (pourtant de 3 pages) inclus dans "Die Arbeiten der Firma Gebrüder Link (Giegen/Brenz) im Elsass", s'efforce de parler d'à peu près tout, mais le moins possible de l'orgue Link... La composition ci-dessus n'est pas sûre à 100%, mais l'incertitude ne concerne que la Voix céleste.

On trouve un tel récit à La Broque (1901). Une Voix céleste dans un récit non expressif n'est pas chose courante, mais il y en avait une à celui du Hohwald (1900). A Ittenheim (1906), le quatrième jeu est un Geigenprincipal.

Mais la présence d'une Voix céleste dans une dotation est loin d'être anecdotique. La Voix céleste est un jeu romantique "français". La maison Link, on le sait, était très francophile. Ces orgues ne sont pas des instruments "allemands" utilisés dans quelque lutte culturelle. Au contraire, ce sont de "Spätromantik" adaptés à l'Alsace ; clairement des orgues "d'export". La maison Eberhard Friedrich Walcker fit exactement la même chose. Ce qu'on a là, c'est bel et bien un orgue Link alsacien.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [PMSLINK]

Malheureusement, comme de nombreux autres, cet orgue Link a été transformé. Ce fut commis en 1952 par Ernest Muhleisen. [IHOA]

Rappelons une fois de plus que ce ne sont pas les facteurs qui sont à blâmer pour ces déprédations, mais des "conseillers" / experts, enfermés dans une "pensée unique" (vaguement baroqueuse). A l'époque, ils décidaient de tout. Ici, les dégâts furent à la fois limités (3 jeux sur 11) et extrêmement préjudiciable :

- le grand-orgue perdit sa Gambe, remplacée par le Salicional du récit. (Supprimer le jeu le plus important qui soit dans cette esthétique est révélateur de l'incurie, de l'étroitesse de vue et de de l'incompétence des "experts" décideurs de l'époque.) [IHOA]

- En plus de ce jeu de chaises pas musicales du tout, la Mixture a été rendue une octave plus aiguë (1'1/3 au lieu de 2'2/3), donc horriblement criarde dans ce contexte.

- Le malheureux récit, déjà privé de son indispensable Salicional, se vit supprimer la Voix céleste (ou Geigenprincipal) au profit d'un absurde 2', réalisé en découpant des tuyaux !

- Le récit fut aussi affublé d'un "Nasard" (pour faire "parisien" ?), réalisé également par découpage de beaux tuyaux Link.

- Et comme si cela ne suffisait pas, une chape supplémentaire a été ajoutée au récit, pour y mettre... une Tierce (!) de récupération. Un "Cornet décomposé", dans cette esthétique, c'est un peu comme mettre de la vinaigrette sur un Savarin. Décidément, à l'époque, la définition d'un orgue, c'était : "Un truc sur lequel on joue de Couperin". Et pourtant, après ces mutilations, l'orgue Link de Schweighouse était toujours loin d'être l'instrument idéal pour la Messe des Couvents.

En 1990, il y eut un relevage (et non pas une restauration comme on a pu le lire), par Rémy Mahler. [IHOA]

Le fait est symptomatique : restaurer l'orgue Link n'était pas très difficile. Or, son état le justifiait absolument. Et pourtant, on préféra le laisser en l'état. C'est un peu comme si un activiste taguait la Joconde, puis qu'on la garde comme ça pendant des décennies, pour attester du "geste social"...

C'est ainsi que cet orgue Link nous est parvenu : finalement peu altéré en "pourcentages", mais altéré au cœur. Plein de potentiel, mais sérieusement handicapé du point de vue musical. Il n'y aurait finalement que peu à faire pour qu'il redevienne un orgue d'exception.

Caractéristiques instrumentales