Le Buffet de cet instrument remonte au premier orgue construit en Alsace par Johann-Georg ROHRER. Ce facteur contemporain d'André SILBERMANN, mais travaillant dans un style fort différent, a en effet réalisé en 1712 un instrument pour le couvent des Fransiscains de Haguenau. Cet orgue a eu, on le verra, une histoire particulièrement mouvementée, qui le mena à Weyersheim puis à Weiterswiller.

Weiterswiller, photo Sébastien BAUER.

     Le buffet a été dessiné par Rohrer en 1710, certainement inspiré par les orgues de Bohème et de Saxe d'où il était originaire. Ce buffet est à peu près tout ce qui reste de l'orgue de Rohrer, qui fut reçu le 26/03/1712, et deux fois déménagé depuis.

Après la Révolution, le mobilier du clergé régulier fut vendu et dispersé. Les orgues étaient vendus comme Biens nationaux, et souvent rachetés par des spéculateurs, puis des paroisses. Le Rohrer des Fransiscains de Haguenau fut ainsi déménagé en 1798 à Weyersheim. C'est Michel STIEHR qui fut chargé de l'opération. Il fit aussi un entretien en 1802.

Martin WETZEL procéda à une réparation en 1829.

En 1877, Charles Wetzel posa un orgue neuf à Weyersheim. Il reprit le Rohrer pour le déménager à Weiterswiller, en lui faisant cadeau d'un Salicional 8'. Wetzel note alors la composition de l'instrument :

     En 1917, lors de la grande réquisition des tuyaux de façade des orgues pour récupérer de l'étain, l'instrument de Weiterswiller était attribué à Silbermann, et la Montre fut donc conservée, car elle présentait un "intérêt culturel", contrairement aux instruments de Callinet, Stiehr, et bien sûr de Rohrer...

     En 1922, on fit procéder par Joseph RINCKENBACH à la construction d'un orgue pratiquement neuf dans le buffet Rohrer.

Ces instruments anciens étaient simplement qualifiés de "vieux". Et dédaignés face à l'enthousiasme suscité par le "tout beau tout neuf". Notons qu'exactement le même phénomène se produit aujourd'hui avec les orgues des années 1920-1930. Qui oserait croire que l'on a gagné quoique ce soit en sagesse ?

Le Positif fut vidé de ses tuyaux (sauf la façade, bien sûr), et un Récit créé de toutes pièces. Les seuls tuyaux de Rohrer qui ont été gardés sont les Dessus du Bourdon 16', du Bourdon 8' et du Prestant du Grand-orgue... ainsi que... la Montre. (Quand on pense à tous les instruments dont les tuyaux de façade ne sont pas d'origine... Ici, c'est le contraire.)

Du coup, la façade du Positif (postiche) est de Rohrer et n'a pas été réharmonisée, ce qui en fait un témoin précieux de la facture du 18 ème siècle.

Cet orgue fait non seulement exception parce qu'il n'a pratiquement gardé que sa Montre d'origine, mais aussi par l'accueil que reçut la pneumatisation. Après des années de palabres précédent la décision, l'affaire finit... en procès, sous prétexte que Joseph Rinckenbach avait supprimé trop de tuyaux... "Silbermann". Les commenditaires, accumulant les erreurs historiques et de jugement, ne savaient absolumeent pas ce qu'ils voulaient... La transformation fut donc mal acueillie, et pourtant Joseph Rinckenbach avait, bien sûr, travaillé à Weiterswiller comme on lui disait de travailler ailleurs.

     Après 1922, l'orgue resta Pneumatique avec Sommiers à Membranes.
Il y avait un Trémolo et trois Combinaisons fixes (Piano, Forte, Tutti).

Le Buffet fut classé Monument Historique le 07/03/1977.

Voici la Composition en 1986 :

     Vingt ans exactement après le Classement du Buffet, se posa la question de son contenu. L'expertise, menée par Robert PFRIMMER le 07/03/1997, mena à un la construction d'une orgue neuf dans le style Rohrer. Les travaux furent confiés à Gaston KERN, de Hattmatt.

Des travaux de Rinckenbach, rien ne fut malheureusement conservé, ce qui est inquiétant, car au train où ça va, il ne restera bientôt plus rien du magnifique patrimoine organistique du début du 20ème siècle, impitoyablement éliminé sous prétexte d'usage de la transmision pneumatique ou d'occupation d'un buffet plus ancien.

Le Buffet, pour sa part, a été confié à l'atelier d'Art et de Dorure MEYER (Strasbourg-Koenigshoffen).

L'orgue a été inauguré le 27/10/2002 par Marc BAUMANN.

La comparaison entre les Compositions actuelles et celle notée par Wetzel est intéressante. Les différences portent sur les Tierce 1'3/5, le Petit-Plein-jeu, et la Voix humaine, dont on peut aujourd'hui regretter l'absence.
Il y a un Tremblant.