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Les orgues de la région de Wissembourg
Schleithal, St-Barthélemy
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Schleithal, l'orgue Gaston Kern.
Photo de Roland Lopes, 21/03/2004.Schleithal, l'orgue Gaston Kern.
Photo de Roland Lopes, 21/03/2004.

L'orgue Schleithal avait un bien beau buffet, original, en deux parties, encadrant une belle rosace, avec un soubassement reliant les deux, lui aussi arrondi pour laisser passer la lumière. Le soubassement pourrait remonter à 1750 (Johann Friedrich Alffermann). On le verra, ce buffet abritait, de 1925 à 2003 un orgue assez extraordinaire, injustement discrédité, et perdu pour notre patrimoine en 2003. Car c'est un orgue neuf qui a été construit ici en 2004, par Gaston Kern, pour le compte de la maison Daniel et Gaston Kern.

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L'orgue Johann Friedrich Alffermann,
avant 1757
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Historique

Un premier orgue, construit par Johann Friedrich Alffermann, a été installé dans l'église de 1410 avant 1757. [IHOA]

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Historique

Un orgue Stiehr succéda à l'instrument d'Alffermann avant 1802. La date annoncée parfois (1798) est fort surprenante. [IHOA] [PMSSTIEHR]

C'est parce que le 08/05/1802, Schleithal devait 360 Francs à Michel Stiehr "für Rest einer Orgel". Ce devait donc être un des tous derniers orgues de l'Ancien régime... [PMSSTIEHR]

On connaît le nom de son organiste en 1825 : Martin Schimpf. [IHOA]

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Historique

Après l'achèvement de la nouvelle église, en 1870, on chercha a acquérir un orgue neuf. Ce fut fait en 1873 : l'instrument, fourni par la maison Stiehr-Mockers a été reçu le 25/05/1873. [IHOA] [PMSSTIEHR] [Barth] [CahierMockers]

Ce fut un orgue remarquable dans le paysage alsacien de l'époque. En effet, la maison Stiehr est plutôt connue pour un conservatisme forcené. Mais là, l'architecture était à la fois originale et innovante : il s'agissait de ne pas obstruer la belle rosace, et pour cela faire un buffet en deux corps reliés par une partie centrale. Evidemment il y avait des précédents depuis longtemps, comme pour Haguenau / Monswiller (1753). Et d'autres par la suite (comme la merveille de Pfaffenhoffen (1896), démolie en 1985), mais aussi Niederhaslach (1903) ou Morschwiller-le-Bas (1924).

Le problème de l'attribution du buffet

Certaines sources attribuent formellemnt le buffet à la maison Stiehr. D'autres à Alffermann, en pointant le caractère plus qu'approximatif des assemblages et de la menuiserie. [PMSSTIEHR] [ITOA]

Un buffet avec les superstructures en deux parties a un grand intérêt architectural. Mais pour la maison Stiehr, dont on sait que les mécaniques tiennent plus du sabot que de l'escarpin, c'était un défi de taille ! En tous cas un projet très courageux.

Un orgue apprécié et novateur

Ce fut l'un des rares Stiehr a être doté d'une console indépendante. Mais il y en eut d'autres, par exemple Stetten (1873), Hersbach (1876), Lampertheim (1877), Schweighouse-sur-Moder (1894) ou Westhouse (1896). Ce fut surtout un succès incontestable : un article du Volksfreund ("L'Ami du peuple") décrit "eine prachtvolle Orgel von Stiehr und Mockers, die mit allen Kombinationen nach neuester Faktur miteinander verbunden sind." ("Un orgue magnifique de Stiehr-Mockers, qui rassemble en un seul instrument toutes les possibilités de la facture récente") La console a deux claviers était indépendante et placée devant l'orgue, et elle "lässt den Organisten auf den Altar sehen. Das grössere Buffet läuft auf beiden Seiten in 2 Türme aus und lässt so die Rosace vom Hintergrund hervorblicken" ("permet aux organistes de voir l'autel. Le grand buffet s'allonge de chaque côté, en se finissant par des tourelles, et ainsi laisse voir la rosace en arrière plan.) [Barth]

Clairement, en 1873, les organistes ne voulaient plus être condamnés à jouer avec la tête enfermée dans une armoire. Les consoles en fenêtre, plus personne n'en voulait. D'ailleurs, on le comprend... on a besoin de voir ce qui se passe. Pour un musicien, l'isolement est forcément nuisible.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en août 1917. [IHOA]

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Historique

En 1925, Edmond-Alexandre Roethinger construisit un orgue neuf pour Schleithal. [IHOA]

Un article du Nouvel Alsacien, daté du 28/01/1924 (et paru le 30) indique que suite aux travaux à l'édifice, un projet pour un orgue neuf a immédiatement été initié. Le facteur avait déjà été choisi : Roethinger. L'orgue devait être la touche finale apportée à l'église rénovée : "Demnach dürfte unser Gotteshaus bald wieder in neuem Glanze erstehen." [NAlsacien]

Le devis date du 10/11/1923, et le contrat fut signé un peu plus de 2 semaines plus tard. [IHOA]

Essai de restitution du buffet qui laissait passer la lumière
de la jolie rosace. Ce buffet a été détruit en 2003.Essai de restitution du buffet qui laissait passer la lumière
de la jolie rosace. Ce buffet a été détruit en 2003.

Le 04/02/1927, un article du Nouvel Alsacien raconte la réception de l'instrument. Elle eut lieu de dimanche précédent, et a été menée par François-Xavier Mathias et Adam, l'instituteur-organiste de Wissembourg. L'article est particulièrement élogieux, et indique que le nouvel orgue s'inscrit dans une lignée d'opus de la maison Roethinger : Saverne (Notre-Dame de la Nativité), Soufflenheim, St-Pierre-le-Vieux à Strasbourg et Marlenheim... [NAlsacien]

Un style d'orgue spécifiquement alsacien

Ce devait être un superbe instrument, s'il était de la trempe de celui de Marlenheim ! Ces orgues, comme ceux de Joseph Rinckenbach, et, plus tard, ceux de Georges Schwenkedel ont défini un style authentiquement alsacien. Roethinger a commencé, au début du siècle, par interpréter les recommandations de la Réforme alsacienne de l'orgue. Lesquelles n'étaient, évidemment, ni claires ni cohérentes, puisque issues d'un bouillon de réflexions enthousiastes et spontanées, de causeries conflictuelles et d'expériences diverses. De plus, si la dite réforme explique un peu à quoi on veut aboutir, la façon de le faire resta un problème non abordé, car ni Emile Rupp ni Albert Schweitzer n'étaient facteur d'orgues. Edmond-Alexandre, pragmatique, a mis de l'orgue dans tout cela, et élaboré quelque chose de constructible dans un atelier. Joseph Rinckenbach, dès 1920, infléchit lui aussi drastiquement sa production : ses orgues "néo-classiques" s'identifient par la présence d'une Doublette et d'un Cornet au grand-orgue. En fait, il ne s'agit pas d'orgues néo-classiques ou post-romantiques. Il s'agit d'orgues alsaciens. Totalement : pas "strasbourgeois", et tout aussi haut-rhinois que bas-rhinois.

Notons que, durant la période noire de la facture alsacienne (partir des années 1950-1960, et pour de nombreuses décennies), on allait jusqu'à refuser de qualifier ces magnifiques orgues de "neufs". On utilisait le terme on ne peut plus péjoratif de "pneumatisation". Le problème est que ce matraquage verbal, cette désinformation et ces opérations de discrédit ont pour longtemps marqué les esprits.

Aliquotstimmen

L'article du Nouvel Alsacien insiste sur la polyvalence du nouvel orgue : Montre, Bourdon, Flûte à cheminée et les "Aliquotstimmen" (Mutations) lui donnent des voix du 18ème. Les jeux gambés et les anches sont dignes - d'après l'auteur de l'article - de Cavaillé-Coll. En tous cas, le rédacteur est enthousiasmé par l'orgue Roethinger. C'était un orgue typiquement "Réforme alsacienne de l'orgue", d'une importance historique considérable. Et surtout une vraie réussite, appréciée comme telle. [NAlsacien]

Il y eut des dommages de guerre en 1940. [PMSSTIEHR]

Ils ont été réparés en 1950 par Max Roethinger, et et l'inauguration eut lieu le 12/07/1950. Il avait alors 27 jeux sur deux manuels. [IHOA]

En 1969 et en 1986, l'instrument avait la belle composition suivante, pleine de possibilités, et surtout très alsacienne :

L'instrument est censé avoir été transformé en 1950, mais la composition est tout à fait conforme aux belles réalisations de Roethinger dans les années 1920. En fait, il est probable que ce soit juste la transmission qui a été électrifiée (ce qui est regrettable, mais caractéristique des années 1950, en raison de la disparition des compétences sur les tractions pneumatiques ; quand on ne sait pas entretenir, on change, en affirmant bien fort que ce qu'on ne connaît pas n'est pas bon...) Mais du point de vue de la composition, tout semble authentique.

Le centre du papier à entête Roethinger en 1923.Le centre du papier à entête Roethinger en 1923.

Cette composition est en effet caractéristique de l'approche spécifique du "néo-classique", pratiquée par Roethinger. Par exemple, le Larigot du récit - qui peut paraître surprenant en 1925 - est également présent à Morschwiller-le-Bas (1924). A l'époque, ce jeu fait un peu figure d'extra-terrestre. En tous cas, il n'a rien à voir avec les Larigots "de combat" que l'on trouvera dans les années 1970 dans les orgues "néo-baroques-parisiens". En fait, c'est un rang de Mixture, conçu pour un récit expressif, et évidemment harmonisé en conséquence. Roethinger construisit au moins deux autres Larigots "post-symphoniques" : à Marlenheim (1925, où il est plus flûté) et Saint-Bernard (1927).

La composition de l'orgue Roethinger de Schleithal était très voisine de la merveille de Morschwiller-le-Bas (instrument aujourd'hui malheureusement muet ; le monde de l'orgue actuel est décidément désespérant). A Schleithal, il y avait une Flûte douce 8' à la place d'une Gambe. Au récit, on a préféré une Trompette harmonique à la Clarinette de Morschwiller. Et à Schleithal, il n'y avait pas de Flûte 4' de pédale, pas d'autres combinaisons fixes que le Tutti, mais ceci relève du détail.

C'est pourquoi il est fortement improbable que la composition ait été modifiée. L'article du Nouvel Alsacien relatant sa réception, citant des "Aliquotstimmen" corrobore ce non-changement de composition. Et, quand on a eu la chance de jouer l'orgue Roethinger de Morschwiller-le-Bas, oui, on peut affirmer que celui de Schleithal était aussi une merveille.

78 ans de bons et loyaux services

Les sommiers étaient à cônes, et chromatiques. Le grand-orgue et le récit occupaient le côté gauche du buffet, et la pédale dans le côté droit. Dans les années 2000, évidemment, il nécessitait un entretien en profondeur. Mais on préférta le discréditer dans le but de réaliser un orgue neuf.

Il est vraiment regrettable que cet orgue passionnant, caractéristique du style alsacien, ait été détruit. On veut bien qu'il faille "faire du neuf", au moins "pour faire vivre la filière", mais pourquoi sacrifier nos plus beaux instruments ? Pourquoi ne pas l'avoir fait ailleurs, où il n'y a pas d'orgue, ou un instrument réellement sans intérêt. (Ils sont malheureusement légion.)

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L'orgue Gaston Kern,
2003 (instrument actuel)
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Historique

En 2003, Gaston Kern, pour le compte de Daniel Kern, construisit un orgue neuf en récupérant des éléments anciens. [IHOA]

La calamiteuse élimination des orgues pneumatiques

L'élimination des orgues pneumatiques (juste parce qu'ils sont pneumatiques, et que la plupart des facteurs étaient incompétents face à ces transmissions - est un véritable désastre patrimonial :

Sur les 5 instruments cités par l'article du Nouvel Alsacien (auquel on peut ajouter Schleithal), tous sauf un ont été impitoyablement éliminés pour laisser place à des "classiques parisiens" plus ou moins normalisés :

- Saverne (1922) : en 1972, on ne s'est même pas posé de question. (Pouah, un orgue "allemand"...) Résultat : un orgue neuf qu'on prétend avoir été construit dans l'esprit de Sébastien Krämer... Or quand on connaît un peu l'histoire des instruments de ce facteur, heureusement que ce n'est pas vrai ! On pourrait au moins avoir le courage de dire que c'est un orgue Kern, réussi et neuf.

- Soufflenheim (1926) : une autre page noire de l'orgue alsacien. Elimination d'un instrument post-romantique passionnant et original pour réaliser... un simili Stiehr !

- St-Pierre le Vieux (1925) (St-Pierre-le-Jeune jeune (1910) est cité aussi) : ce sont des orgues de ville, et ils sont remplacés tous les 30-40 ans en fonction des modes.

- Schleithal (1926) : démoli en 2003, sous les applaudissements.

Car tout le monde avait été bien briefé, et savait dire ce qu'il faut pour discréditer l'orgue Roethinger. Quand on veut noyer son chien... C'était juste affligeant. On a pu lire : "une machine fatiguée", affublée de "déficiences sonores" (évidemment, avant un relevage nécessaire, la poussière et la crasse, ça ne fait pas du bien...) Noter le "une machine"... et ce n'est pas dans le sens de Vidal, mais bien une utilisation péjorative du mot. Mais aussi d’épouvantables fadaises, absolument pas corroborée de faits, genre : [des parties de l'orgue] "irréversiblement vouées à l'essoufflement définitif" (!) (dans un orgue, on sait tout réparer). Puis l'argument vendeur-de-bagnoles, genre "menace larvée", ou "épée de Damoclès" : "La survie très aléatoire de ces orgues n'était plus qu’une question de mois, aux mieux de quelques courtes années." Comment et sur quelle base peut-on affirmer cela ? Où sont les faits ? Evidemment si l'orgue n'est pas entretenu, ou mal entretenu, les problèmes s'accumulent. Pour TOUS les orgues... Et par contre, le contraire est prouvé par les (trop rares) orgues contemporains bien entretenus, qui fonctionnent à merveille. Coment peut-on parler de "survie très aléatoire" ?

Et la liste d'orgues de style alsacien démolis est - malheureusement - plus longue, même si on se limite aux orgues Roethinger, par exemple : Koenigshoffen (1915-1988), Lingolsheim (1917-1976), Hohatzenheim (1919-1986), St-Aloyse ) Neudorf (1923-1966), Spechbach-le-Haut (1923-1992).

Et partout on a entendu le même discours délétère discréditant l'orgue historique, assorti d'une épouvantable auto-satisfaction, comme si on avait débarrassé l'Alsace d'une maladie quand on a envoyé un bel orgue pneumatique à la chaudière ! Des orgues que, rappelons-le, l'immense majorité des facteurs actuels ne sauraient pas refaire. Or, il faut faire très attention quand on détruit une chose qu'on ne sait pas reconstruire !

Le pire, dans tout cela, c'est qu'il ne s'est trouvé personne pour défendre l'orgue alsacien face aux marottes "nordiques" (Sesquialteras...) ou "classique parisien" (appelé "néo-baroque" pour faire moins "centralisation") avec ses positifs de 8 jeux tous pareils.

Ce n'est pas que ces orgues neufs soient mauvais. Mais ils tournent violemment le dos à la tradition alsacienne, et, munis de ces sempiternels sommiers à gravures, leur harmonisation n'arrive souvent pas à la cheville des superbes timbres permis par les sommiers à cônes ou à membranes. Ils sonnent tous un peu de la même façon, et le répertoire qu'ils adressent est quand même fortement axé sur le 18ème. Le positif de dos de l'orgue de Schleithal actuel en est une parfaite illustration : sa composition semble produite par un organisme de normalisation. Les orgues ne doivent pas être tous semblables ! Un orgue, ce n'est pas "un instrument à vent, sur lequel on joue Couperin".

Un harmoniste célèbre a appelé ces orgues neufs "la cuisine internationale". Le seul survivant sur les 6 évoqués par l'article du Nouvel Alsacien est le magnifique orgue de Marlenheim. Il est tellement réussi qu'il permet de confirmer l'évaluation très positive sur les 5 autres : c'étaient des instruments remarquables. Et, oui, il fonctionne à merveille, parce qu'il a été confié à quelqu'un de compétent.

Mais surtout, pourquoi traîner dans la boue les magnifiques instrument alsaciens construits dans les années 1920-1940 ? Pourquoi justifier une acquisition (dispendieuse) en crachant sur notre patrimoine et en prétendant qu'il est affublé de "déficiences sonores", ou autres fadaises ? Quand on supprime une maison à colombage pour la remplacer par un bloc de béton, quand on remplace une restaurant de tartes flambées par un fast-food, est-ce qu'on entend les édiles pavoiser, en prétendant que les colombages, c'est vieillot ou que les tartes flambées, c'est pas digeste ?

L'orgue a été joué pour la première fois au cours de la messe solennelle du 23/11/2003 par Jean-Luc Gester. L'inauguration a eu lieu le 21/03/2004 par Pascal Reber et le 16/05/2004 par Marc Baumann. [Caecilia] [YMerlin]

Caractéristiques instrumentales

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670451001P05
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