L'orgue Silbermann de Gries date de 1781, et c'est le dernier instrument achevé par Jean-André. Un autre orgue sortira bien par la suite de ses ateliers, mais il fut achevé par Johann Josias, son fils, et posé à la Stiftskirche de Lahr (D). Il a été détruit dans un incendie en 1877.

L'orgue Jean-André Silbermann de Gries, le 12/12/2009.

     L'instrument est assez atypique dans la production de Jean-André Silbermann. Le style est de moins en moins "classique français" (pas d'Anche!) sans lorgner sur ce qu'apportait l'Allemagne du sud à la fin du 18ème (pas de Jeux Gambés). Le Plein-jeu est aigu : la Fourniture est en 2/3' et la Cymbale en 1/2', avec un rang en 1/3'.

La Composition d'origine a été restituée (sauf l'étendue de la Pédale).

C'était un orgue "de campagne", alors il y a eu "de petites économies" - rien de très voyant - comme, sur les touches, l'absence de placage d'ébène à l'arrière des Palettes, ou l'étendue du manuel à nouveau limitée à 4 octaves (alors que le standard était plutôt d'aller jusqu'au 5 ème Ré).

Esthétiquement, le haut du Buffet remplit l'espace entre les Tourelles, ce qui est une évolution très intéressante, vers la "rectangularisation" des Buffets qui sera appelée à se généraliser au 19 ème siècle.

La disposition chère à Silbermann : le Manuel est logé dans le Buffet, ici "en 4 pieds". Le Soubassement ne contient que la mécanique. La Pédale, séparée, est placée derrière, entourée d'une clôture. Les gros tuyaux en bois sont ceux de la Soubasse.

     L'orgue d'abord été entretenu, en 1808 et 1823 par Michel STIEHR, puis en 1836 par Xavier Stiehr (qui y apporta probablement des modifications). Michel Stiehr rapporte qu'en 1823, lorsqu'il fit des réparations à la soufflerie et un accordage, le Silbermann original avait 16 registres (?). Par la suite, l'orgue fut attribué à STIEHR.

     En 1868, c'est la maison WETZEL Frères qui changea la soufflerie (Wetzel avait aussi proposé de remplacer le Nasard par une Gambe 4' et la Cymbale par un Jeu céleste : cela ne vint pas à exécution.).
En 1890 la commune décida de remplacer l'orgue par un neuf... mais n'en eut heureusement pas les moyens.

     C'est à cause de l'attribution à Stiehr que la façade fut réquisitionnée en 1917. (L'architecte KNAUTH épargnait les Montres Silbermann quand on les lui signalait comme telles.)

     En 1925, Edmond-Alexandre ROETHINGER remplaça la façade réquisitionnée, et pneumatisa la Pédale.

Il y eut une réparation, par Georges SCHWENKEDEL en 1944.
Georges Schwenkedel, en 1930 nota que l'orgue avait 12 Registres.

La Tourelle. L'ornementation est moins "cossue" que sur les Silbermann "de ville" (ou construits pour les couvents). Le Culot, en bas, est tout de même richement sculpté, comme la magnifique Jouée qui longe la Tourelle. En haut, la Claire-voie masque le haut des tuyaux.

     Ce Silbermann a été "redécouvert" en 1962, par Marc SCHAEFER, qui publia un article dans la "Revue d'Alsace" (revue historique de Delle/Strasbourg/Colmar), tome 101. Il y cite :

• les archives du Bas-Rhin, relatant un procès au sujet du payement de l'orgue entre Gries et Kurtzenhausen,
• les archives municipales de Lahr (correspondance entre Silbermann et les autorités de Lahr)
• et bien sûr les fameuses ("trop" fameuses, à l'époque) Archives Silbermann "de Paris".
  

     Suite à ces travaux historiques, Alfred KERN a restauré l'orgue dans son état original (mais avec une Pédale étendue) en 1967. Tierce, Sifflet, la plus grand partie de la Cymbale et la Pédale sont de lui.

La Console en fenêtre.

Diapason : Sib 440 ("Cammerton").
Mécanique : Suspendue (neuve à la Pédale). Sommiers à Gravures (celui de Pédale est neuf, l'autre est authentique).
Il y a deux Tremblants, un fort (rapide ; "der geschwinde") et un doux (lent ; "der langsame").
La Pédale avait 13 notes à l'origine. Pédalier de 1967 avec feintes à bec.

Ordre des tirants à la Console :

Les étiquettes d'origine.

Les étiquettes imprimées sont d'origine. Elles sont assorties de commentaires, par exemple "Mixtur" sur celui de la Fourniture. "Bourdon", "Prestant" et "Doublette" sont aussi traduits en Allemand. La coupure du Sifflet en Basse+Dessus, par contre, n'est pas commentée : il y a juste deux Tirants, un a droite, un a gauche.

L'étiquette du Nasard.

Des Mutations, il est dit qu'elles sont "ordinaires"... ce qui ne signifie nullement qu'elles sont sans plomb.

Le Bourdon ("Coppel" en Allemand), et la Doublette ("Super Octava").

• C'est un des classiques de lOrgue alsacien : l'enregistrement par Marc Schaefer a été réédité en CD, chez Pamina (67152 Erstein Cedex BP 80086). Oeuvres de Titelouze, Pachelbel, Telemann, Zipoli, J.G. Walther, J.S. Bach et Haydn.