> Accueil du site
Les orgues de la région de Villé
Maisonsgoutte, St-Antoine
Orgue entièrement authentique;Instrument relevé en 2010
L'orgue Franz Xaver Kriess de Maisonsgoutte, le 07/02/2016.L'orgue Franz Xaver Kriess de Maisonsgoutte, le 07/02/2016.

Le mot "goutte" signifie "ruisseau", en Roman ; car nous sommes ici en pays Welsche, l'Alsace qui ne parle pas Alsacien. Cela n'empêcha pas les germanophones de "traduire" Maisonsgoutte en "Meissengott" (soit, par un curieux rapprochement phonétique, le "dieu des mésanges"). L'église St-Antoine des "maisons-du-ruisseau" date pour partie de 1617 et 1738, mais a été reconstruite en 1913 (de bien belle façon, et avec une architecture remarquable) ; la tour fut munie du bulbe qui la rend caractéristique, et l'intérieur doit beaucoup à René Kuder (originaire de Villé, que l'on retrouve à Fouchy, mais aussi à Lutterbach).

Autant le dire tout de suite : c'est un très bel instrument ! Il a été construit en 1917, par Franz Xaver Kriess, dans le style "Spätromantik" (post-romantique allemand). Bien qu'issu de l'une des périodes les plus troublées et tristes de l'Histoire, cet instrument est resté absolument authentique. Cela indique, quelque part, qu'il a donné totale satisfaction, et ce pendant près d'un siècle. Par la suite, la réputation de la maison Kriess, de Molsheim, a beaucoup souffert de prestations fort douteuses réalisées dans la seconde moitié du 20ème siècle. Aussi, l'organologie alsacienne ne s'est, jusqu'ici, pas beaucoup intéressée aux orgues construits à Molsheim au début du 20ème. Or, ils l'ont été avec des standards de qualité fondamentalement différents que dans les années 70.

---
---

Historique

Le premier orgue de Maisonsgoutte datait de 1830, et avait été construit par Martin Wetzel. [IHOA] [PMSMG75]

Les archives Wetzel (le "Brouillon Martin Wetzel") indiquent que l'orgue avait 12 registres, que le marché a été conclu en 1828, et que Wetzel fit un nettoyage en mai 1837. [PMSMG75]

L'instrument pouvait ressembler à celui d'Urbeis, mais ce dernier date de 1860. L'orgue Wetzel de Maisonsgoutte était un des tout premiers de ce facteur, alors qu'à Urbeis, il avait plus de 30 ans d'expérience.

L'orgue a été transformé par les frères Wetzel en 1871 : le Cromorne fut remplacé par un Salicional 4' et le Nazard par une Flûte traverse. Ils avaient déjà placé une soufflerie neuve, et fait des réparations en 1864. [PMSMG75]

En 1893, l'enquête-inventaire des orgues confirme que l'orgue de Maisonsgoutte a été placé en 1830, mais indique qu'il est défectueux. [Barth]

L'orgue a été démonté lors de la reconstruction de l'église, en 1912. Les tuyaux métalliques furent réquisitionnés par les autorités, et il fut noté à l'occasion que l'ancien orgue était petit et en mauvais état. Il n'en reste que le banc, lequel atteste tout de même que le pédalier était limité à 15 ou 18 notes. [Barth] [PMSMG75]

---
---

Historique

En 1917, Franz Xaver Kriess posa un orgue entièrement neuf, de 19 jeux sur deux claviers et pédale, payé le 28/09/1917. Dans son "compte-rendu", Mathias attribue l'orgue à Kriess et Weigle. [IHOA] [Barth]

On connaît le "modèle économique" de Franz Xaver Kriess : les commanditaires, se référant généralement aux souhaits des organistes/chef de choeur relayés par des experts attitrés, voulaient des orgues aux possibilités étendues (deux manuels et pédale complète, pas de simples instruments d'accompagnement), dotés d'une console indépendante offrant toutes les commodités permettant à l'exécutant de se concentrer sur l'essentiel. Ces instruments devaient, de plus, être livrés rapidement. Plutôt que de tâtonner avec des systèmes "maison", Kriess imagina (comme Edmond-Alexandre Roethinger, mais ce dernier de façon plus tardive) de faire appel à la sous-traitance. Il choisit un fournisseur exclusif, et digne de confiance, puisqu'il s'agissait de Weigle. Pour permettre construire un orgue pneumatique, Weigle fournissait tous les composants nécessaires, de qualité, et à un prix abordable. La console en étant un élément crucial, elle ne faisait pas exception, ce qui permettait d'offrir une ergonomie jusque là inconnue. Le facteur d'orgues, en plus de son activité commerciale, devenait un "intégrateur" : Kriess faisait du "sur mesure" avec des composants standards. On était bien loin du facteur du 18ème, avec son rabot et ses outils ancestraux. Mais bien sûr, le facteur d'orgues restait architecte de son instrument. Et surtout, il pratiquait l'harmonisation du tout, pour transformer l'assemblage de composants en un instrument de musique.

Ce modèle fonctionna très bien jusqu'en 1919, c'est à dire jusqu'à la disparition de l'expert Adolphe Gessner, l'infatigable défendeur de l'esthétique romantique allemande. Sa mort privera par la suite Kriess de son allié le plus influent. Si l'orgue de Maisonsgoutte est encore un instrument neuf original, on trouvera de plus en plus, dans la production de Kriess, des "pneumatisations" d'instruments historiques. C'est évidemment moins glorieux.

Mais revenons à Maisonsgoutte et à la belle époque de la Maison Kriess. L'essentiel des éléments constituant l'orgue a donc été fourni par Weigle. Et comme on ne lésinait pas (dans le cas d'un orgue neuf), on avait choisi des pièces de qualité. On a quand même ici 19 jeux, et non des moindres, puisqu'il y a douze 8' et trois 16'. L'instrument est censé être issu de "réseaux" privilégiant l'orgue allemand ; mais on trouve quand même un Hautbois et une Trompette au récit, ce qui est plutôt "romantique français" ! Cela témoigne d'une ouverture d'esprit bien plus grande que ce qu'on a voulu théoriser à la fin du 20ème siècle. Evidemment, lorsqu'il assembla et harmonisa cet instrument, Kriess devait plus avoir à l'esprit Max Reger (mort l'année précédente) ou Sigfrid Karg-Elert (bien que les "sept pastels du Lac de Constance" n'aient pas encore été écrits) que Couperin.

L'instrument de Maisonsgoutte s'inscrit dans une évolution, dont on retrouve des étapes à Flexbourg (1894), Ranrupt (1900 ; il dispose d'une Clarinette) ou Ohlungen (1905). Ces "prédécesseurs" sont souvent composés de façon beaucoup plus "germanique", avec la Trompette au grand-orgue et un récit moins fourni. Le recours aux composants Weigle n'empêchait donc pas ces orgues d'être, chacun, une pièce unique. Les orgues Kriess construits après Maisonsgoutte ont souvent subi de graves baroquistions. Enfin, il faut signaler que l'évolution ici évoquée aboutit en 1932 à un instrument assez exceptionnel, de 26 jeux dont 13 au récit, avec deux Trompettes manuelles. Il est situé à Barr, St-Martin, mais il est injouable depuis longtemps en raison de l'installation d'une chose électronique.

En 2010, l'instrument a bénéficié d'un relevage, mené par Hubert Brayé, sous la maîtrise d'oeuvre de Robert Pfrimmer. [Caecilia]

Les peaux ont été remplacées. Aucune modification n'a été apportée, et l'orgue est donc resté 100% authentique. [Caecilia]

L'orgue a été inauguré le 03/10/2010 par Jean-Louis Thomas, avec un programme intitulé "Du Baroque au Romantique" (cf ci-dessous).

Le buffet

De style néo-classique (néo-baroque), le buffet est un totale harmonie avec le reste du mobilier de l'édifice. Il est peint en vert marbré (y-compris l'arrière et les flancs de la console), et rehaussé de nombreuses dorures. Deux tourelles plates jouxtent un élément central plus large. Les claires-voies sont particulièrement élaborées, tout comme l'espace au-dessus de la partie centrale, rejoignant le plafond, et dont le fond est une grille dorée. Des pilastres néo-classiques (presque Empire) séparent les éléments, et sont surmontées de pots-trophées. La façade, d'origine, est entièrement écussonnée (écussons ovales rapportés), avec des lignes de bouche en "V" peu marqué.

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console indépendante.Photo de Julie Dollé, 27/05/2009, donc avant le relevage, ce qui explique la touches un peu jaunes.La console indépendante.
Photo de Julie Dollé, 27/05/2009, donc avant le relevage, ce qui explique la touches un peu jaunes.

Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par petits tirants de section ronde à pommeaux tournés placés en deux gradins de part et d'autre des claviers, et surmontés de porcelaines indiquant le nom des jeux, placés sur un chanfrein du gradin. Le fond des porcelaines est de couleur rose pour le grand-orgue, bleu pour le récit, et jaune pour la pédale. Les porcelaines correspondant aux tirasses et accouplements respectent ce code de couleur en étant bi-colores. Ces derniers n'ont qu'une commande manuelle par tirant (pas de commande au pied). Pas de combinaison libre. Combinaisons fixes appelées par pistons blancs disposés sous le premier clavier : "0", "P.", "MF.", "F.", "T".
Indicateur de crescendo par cadran circulaire blanc, placé en haut et au centre de la console. La commande du crescendo se fait par un rouleau tournant autour d'un axe horizontal ("Rollschweller", ou "Walze"). Les jeux appelés par le crescendo s'ajoutent à la registration manuelle. Malheureusement, le moteur est commandé par un énorme interrupteur-champignon rouge, plus en rapport avec l'industrie lourde qu'avec la facture d'orgues, qui défigure un peu la belle console. Plaque d'adresse blanche, vissée sous le cadran du crescendo, juste au-dessus du second clavier, et disant :

F. Kriess
Molsheim Els.
Le fameux rouleau de crescendo, à côté de la pédale d'expression du récit.Le fameux rouleau de crescendo, à côté de la pédale d'expression du récit.

On trouve aussi un Rollschweller à Soultz-sous-Forêts. Pour l'anecdote, Emile Rupp, le théoricien de la Réforme alsacienne de l'Orgue cautionnait beaucoup des accessoires présents à ce type de console, mais pas le "Rollschweller". Il déclara, lors de la conférence de 1934 : "Le fameux rouleau dynamique a tué la registration, veillons à ce que l'organiste ne devienne l'esclave d'une formule savamment calculée, mais paralysant l'initiative individuelle".

Transmission:

pneumatique.

Sommiers:

à membranes.

Culture Activités culturelles :

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

© 1999-2019. Tous droits réservés, textes et illustrations, qui restent la propriété des auteurs. Si vous recopiez des éléments ou des photos de cette page (pour des articles, plaquettes, sites internet, etc...) merci de bien vouloir demander l'autorisation et citer vos sources (y-compris cette page!). D'abord par simple honnêteté intellectuelle, mais aussi pour pouvoir pister d'éventuelles erreurs. Les données ici présentées peuvent contenir des erreurs. N'en faire aucune utilisation pouvant porter à conséquence.
Immatriculation de l'orgue actuel : F670280001P02
Pour l'intégrer à des plaquettes ou des affichettes, et donner accès à cette page, vous pouvez imprimer l'image suivante (cliquer pour en obtenir de version grand-format) :
Code-barre pour téléphone
                                portable