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Les orgues de la région de Schirmeck
Schirmeck, St-Georges
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Schirmeck, l'opus 128 de Martin et Joseph Rinckenbach (1912),
dans son buffet de 1863.
Les photos sont de Martin Foisset, 04/07/2020.Schirmeck, l'opus 128 de Martin et Joseph Rinckenbach (1912),
dans son buffet de 1863.
Les photos sont de Martin Foisset, 04/07/2020.

Cet instrument doit être attribué à Martin et Joseph Rinckenbach : il a été construit en 1912 dans un buffet plus ancien, datant de 1863. Cependant, il a été considérablement modifié en 1976, et n'est plus du tout représentatif de la production de la grande maison d'Ammerschwihr.

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Historique

Le premier orgue de Schirmeck a été construit en 1822 (dans l'église de 1778) par Michel Stiehr. [IHOA]

En 1849, à l'occasion de l'agrandissement de la nef et du chœur, l'orgue a été démonté et remonté, et, vu le prix de l'opération, probablement également transformé. [PMSSTIEHR]

L'instrument a été endommagé lors d'un incendie de l'église, le 04-05/07/1859. [PMSSTIEHR]

C'est Jean Nicolas Jeanpierre de Rambervilliers qui expertisa les dégâts. Mais ce n'est donc probablement pas lui qui procéda aux réparations. On ne sait d'ailleurs même pas si elles ont été faites à Schirmeck, car on passa commande pour un orgue neuf à la maison Stiehr, dès le 10/12/1859. Une réparation (au moins minimale) est tout de même probable, car l'orgue continua d'être utilisé jusqu'en 1863. [PMSSTIEHR]

En 1863, l'instrument a été déménagé à Ste-Marguerite d'Odratzheim (où il se trouve toujours) par la maison Stiehr. [IHOA]

Racheté 3000 Francs, l'instrument fut revendu 3050 Francs à Odratzheim. Ce qui en laissait 50 pour le démontage, le transport, le remontage et la réharmonisation. Il s'agissait clairement d'un "geste commercial" de la part de la maison de Seltz. [PMSSTIEHR]

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Historique

En 1863, les ateliers Stiehr Frères fournirent un instrument neuf. Le devis date du 01/12/1859. [IHOA]

L'instrument était dont tout à fait comparable à (la première version de) celui de Wisches (1859).

On peut lire parfois qu'il s'agit du premier buffet néo-gothique d'Alsace. [PMSSTIEHR]

Mais pas du premier buffet néo-gothique de la maison Stiehr, car celui de Kandel (D, reçu en 1842) l'était déjà. [ITOA]

Pour mettre les choses en perspective, l'orgue de Husseren-Wesserling date de 1857.

Dans ce devis, qui, rappelons-le, date de 1859, plusieurs points sont révélateurs. Tout d'abord cette pédale limitée à 18 notes pour un orgue de cet importance : 8 jeux, et 18 notes seulement ! Ensuite, le second clavier, appelé "positif", non expressif, avec une Flûte 8' limitée à un simple dessus, et pas de Basson. Fondamentalement, il s'agit toujours d'un orgue du 18ème auquel on a remplacé les Mutations par des fonds plus variés.

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Historique

En 1912, Martin et Joseph Rinckenbach construisirent pour Schirmeck leur opus 128, logé dans le buffet de l'orgue précédent. Les travaux eurent lieu au cours de l'été. [IHOA] [Barth]

Dans le cadre du projet d'acquisition d'un nouvel orgue, le conseil de fabrique avait reçu, début 1912, des devis d'Edmond-Alexandre Roethinger, Dalstein-Haerpfer et Rinckenbach. [IHOA]

Il est assez difficile de restituer la composition d'origine, les orgues Rinckenbach étant tous uniques et dotés d'une forte personnalité. C'est encore plus marqué lorsqu'ils étaient destinés à remplacer un orgue plus ancien, qui ne donnait plus satisfaction, mais dont on souhaitait souvent garder quelques jeux. Peut-être que le devis se trouve aux archives ? Ce serait vraiment intéressant de connaître cette composition, car chacune apporte sa petite pierre à notre connaissance des orgues de la Belle époque.

L'instrument est contemporain et de même taille que la merveille de Lapoutroie, où l'on peut écouter à quoi devait ressembler l'orgue de Schirmeck en 1912.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 28/03/1917. [IHOA]

Il y eut un relevage, en 1927. Puis, semble-t-il, plus aucun entretien d'envergure, même après le second conflit mondial, jusqu'à la catastrophe de 1976. [IHOA]

En 1976, au cœur de la tragédie "néo-baroque", eut lieu une malheureuse transformation, exécutée par Paul Adam. L'orgue a été fortement "baroquisé" et réharmonisé. L'inauguration a été faite par... Michel Chapuis. [IHOA]

A nouveau, inventorier les modifications n'est pas chose facile, surtout que même des jeux conservés ont été vigoureusement réharmonisés. Ce qui est sûr :

- au grand-orgue, outre la Mixture qui a été fondamentalement modifiée, deux jeux ont été perdus, car l'orgue de 1913 ne pouvait avoir ni Cymbale ni Sifflet. Il manque deux 8', a priori la Gambe et la Flûte ouverte. Cela fait donc 3 jeux impactés au minimum.

- A la pédale, il n'y avait probablement pas de Principal 4', et pas de Trompette ni de Clairon. Il manque les Gambes. Là aussi, 3 jeux au minimum ont été impactés.

- Enfin, comme dans la plupart des "baroquisations", c'est le récit qui eut le plus à souffrir. Le Cromorne n'a évidemment rien à voir avec l'esthétique d'origine, tout comme les rangs supérieurs du Cornet décomposé de 6 rangs (Quarte, Tierce, Larigot). Un Plein-jeu de récit, s'il n'était pas totalement incongru, aurait quand même eu une bonne dizaine d'années d'avance. Il manque le jeu Gambé en 4'. On peut donc raisonnablement penser que 6 jeux au moins manquent au récit. Portant le total à 12 (sur 33), ce qui est considérable.

En 2012, la maison Daniel Kern effectua un relevage. [Visite]

On lit bien "relevage" : rien ne fut fait pour arranger les calamiteuses transformations de 1976. C'est un peu comme si on revernissait la Joconde après avoir été taguée... Mais dans le monde de l'orgue, apparemment, cela n'émeut personne.

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console, malheureusement affublée d'étiquettes en plastique.La console, malheureusement affublée d'étiquettes en plastique.

Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirants de jeux de section ronde où des porcelaines frontales ont été remplacées par des choses en plastique. Ils sont disposés sur deux lignes au-dessus du second clavier, avec de chaque côté deux tirants placés un peu plus bas. Selon l'habitude de la maison Rinckenbach, les tirants de la pédale sont à gauche, puis viennent ceux du récit, et le grand-orgue est à droite. Claviers blancs, à frontons biseautés.

Commande des accouplements et tirasses par taquets (manuels) à accrocher (en "L", comme les pédales habituelles, mais en plus petit), en fer chromé, placées sous le premier clavier, à gauche, et repérés par des porcelaines rondes disposées au-dessous : les deux premières (à gauche) ont été supprimées. (Il s'agissait probablement de "Super-octav II a I." et "Sub octav-II a. I.". Puis vient "II a P." (II/P), "I a P." (I/P) et "II a I" (II/I). Pas d'appel grand-orgue. Ces porcelaines sont bicolores pour respecter le code de couleur originel des tirants (aujourd'hui disparu), "II a P." étant par exemple rose en haut et bleue en bas.

Commande des combinaisons fixes par 7 pistons blancs, situés sous le premier clavier, du côté droit, et repérés par de petites porcelaines rondes placées en dessous : "PP.", "P.", "MF.", "F.", "FF.", "Tutti", et "0." pour l'annulateur. Il y a ensuite deux pistons, correspondant à l'appel/retrait du crescendo : "Crescendo" (sur une grande porcelaine ronde) et "0.".

Les commandes à pied sont constituées, en partant de la gauche, de 3 pédales-cuillers à accrocher, en fer forgé piqué, et repérées par de grandes porcelaines rondes : "Tremolo", "General tutti" (qui diffère probablement du tutti des combinaisons fixes par le fait d'inclure les accouplements) et "Collectiv-koppel" (tous les accouplements, probablement y compris ceux à l'octave, bien qu'il ne soit plus possible de le vérifier, puisqu'ils ont été supprimés). Viennent ensuite les deux pédales basculantes, celle commandant le crescendo ("General-crescendo") et, à droite, la boîte expressive du récit ("Expression").

Banc d'origine, avec une découpe en forme de trilobe.

Plaque d'adresse en position centrale, au-dessus du second clavier, à l'horizontale, constituée de lettres en laiton incrustées sur fond foncé, et disant :

M.&J.Rinckenbach
Ammerschweier (Els.) Opus 128
Cette plaque n'est pas visible en totalité,
car elle est masquée par les tirants inférieurs.Cette plaque n'est pas visible en totalité,
car elle est masquée par les tirants inférieurs.

La plaque est du même type que celles de Kiffis, ou Mulhouse, Ste-Marie-Auxiliatrice.

Transmission:

Pneumatique tubulaire (notes et jeux).

Sommiers:

A membranes, de Rinckenbach.

Tuyauterie:
Si, visuellement, on retrouve de nombreux éléments familiers
aux orgues Rinckenbach, le résultat sonore est totalement différent.Si, visuellement, on retrouve de nombreux éléments familiers
aux orgues Rinckenbach, le résultat sonore est totalement différent.
La "condamnation" des commandes des accouplements à l'octave
est révélatrice de l'esprit dans lequel a été commanditée
la regrettable transformation de 1976.La "condamnation" des commandes des accouplements à l'octave
est révélatrice de l'esprit dans lequel a été commanditée
la regrettable transformation de 1976.

Aujourd'hui (2019), cet orgue est fort bien entretenu, et joue très bien. Mais il est clair que ce n'est pas ici qu'on peut se faire une idée de ce qu'est la facture de Martin et Joseph Rinckenbach. Un orgue Rinckenbach, ce n'est PAS ça.

Malheureusement, ces instruments, directement issus de la période allemande de l'Alsace, ont été depuis des décennies méprisés par les spécialistes et experts, à la fois pour des raisons chauvines ou idéologiques (portant sur ce que "doit" être un orgue "comme il faut") et pour d'évidentes raisons économiques (le remplacement par des instruments mécaniques étant une source de revenus significative pour les exécutants et les maîtres d'œuvre). Clairement, l'ampleur des travaux à effectuer pour restaurer cet instrument dans son état de 1912 serait considérable. Mais ce n'est pas un travail intéressant pour la plupart des facteurs, qui proposeraient bien plus volontiers de remplacer la transmission pneumatique par une mécanique. En clair, de vendre un orgue neuf, que l'on présenterait au public de la façon habituelle : la "Restauration" du Stiehr de 1863. C'est-à-dire exactement ce dont, à Schirmeck en 1912, on ne voulait plus.

La vraie question, donc, est de se demander quel est l'avenir pour ces instruments cruellement modifiés, au potentiel enthousiasmant, à l'histoire très riche, mais fort peu connus du public et même de nombreux organistes. Si leur état actuel est jugé satisfaisant (et cela paraît être le cas à Schirmeck), l'argument ne peut être que culturel et patrimonial. Mais l'enjeu est important : il s'agit rien moins que d'éviter à l'orgue de devenir 100% "pensée unique" (mécanique/sommiers à gravures/petits jeux), car une telle absence de diversité signerait à coup sûr sa disparition pure et simple à plus ou moins longue échéance. Une étape incontournable consisterait déjà à expliquer pourquoi restaurer les orgues de 1912 est aujourd'hui mille fois plus souhaitable que de le faire pour ceux du 18ème siècle.

Reste qu'il n'est pas interdit d'être optimiste : l'orgue de Schirmeck a tant de pièces de valeur : la belle console est toujours là, les irremplaçables sommiers à membranes aussi, tout comme la soufflerie, la transmission, et au moins une bonne moitié de la tuyauterie.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670448001P03
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