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Les orgues de la région de Lapoutroie
Lapoutroie, Ste-Odile
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1944 degr > Dégâts
Lapoutroie, l'opus 132 de Martin et Joseph Rinckenbach.
Les photos sont de Martin Foisset, 12/06/2021.Lapoutroie, l'opus 132 de Martin et Joseph Rinckenbach.
Les photos sont de Martin Foisset, 12/06/2021.

L'église Ste-Odile de Lapoutroie est un édifice exceptionnel. Elle a été construite en 1912. Endommagée pendant la première Guerre mondiale, elle a été complétée en 1935. On y trouve les remarquables fresques de Maurice Denis représentant des scènes de la vie de Sainte Odile. L'impressionnant aménagement du chœur, sous sa voûte à oculus, date aussi de 1935. L'orgue est l'œuvre de Martin et Joseph Rinckenbach, d'Ammerschwihr. Construit en 1913, il a été relativement épargné par les guerres, et les quelques modifications qu'il a subies n'ont heureusement pas altéré son authenticité. C'est un témoin enthousiasmant de la facture d'orgues alsacienne à la Belle époque.

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L'orgue Franz Joseph Bayer,
1727
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Historique

Dans l'ancienne église - celle qui avait remplacé l'édifice disparu lors du grand incendie du 02/09/1750 - on installa en 1792 un orgue provenant de Rouffach, Franciscains, et datant de 1727. Son auteur était Franz Joseph Bayer. [IHOA]

La date de 1792 n'est pas si surprenante (même si elle est un peu tardive : ce n'est quand même pas loin de la Terreur), car à la Révolution s'était mis en place un grand trafic d'orgues confisqués aux congrégations religieuses. Beaucoup d'instruments ont été déménagés à ce moment.

La musique d'orgue était de retour à Lapoutroie dès 1807, puisque le payement de l'organiste et du souffleur apparaît dans les comptes. On connaît le nom de l'organiste en 1826 : Simon Simon, natif du Bonhomme. [IHOA]

Pour la plupart, les instruments victimes du trafic de la Révolution, inadaptés, mal démontés, encore plus mal remontés, n'ont pas fait long feu. Ils ont souvent dû être remplacés ou reconstruits dès que possible. Ce fut le cas pour celui de Lapoutroie : en 1840, on déclara que l'orgue est "bien délabré". [IHOA] [Barth]

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L'orgue Joseph Callinet,
1851
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Historique

En 1851, Joseph Callinet posa (toujours dans l'ancienne église) un instrument neuf. [IHOA] [PMSCALL]

On sait très peu de choses sur cet instrument, mais Ribeaugoutte participa au financement. Et, en 1892, une enquête-inventaire trouva "un orgue qui est bon". [PMSCALL] [Barth]

Quelques tuyaux de Rouffach ont d'ailleurs intégré l'orgue actuel. L'instrument de 1851 était probablement trop petit pour la nouvelle église de 1912.

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Historique

En 1913, Martin et Joseph Rinckenbach posèrent à Lapoutroie un instrument conçu pour la nouvelle église ; ce fut leur opus 132. [IHOA] [Barth]

Quel style d'orgue était-il le mieux adapté à l'éclectisme et à la virtuosité architecturale de l'église de 1913 ? Sûrement un instrument issu de la belle époque symphonique alsacienne - développée entre 1875 et 1905 - et complété par quelques composantes issues de la période classique. D'abord pour élargir le répertoire, et ensuite parce que c'était une tendance globale à l'époque, et que l'Alsace avait clairement une position de "leader" parmi les régions européennes.

L'instrument était contemporain de celui du Bonhomme, également construit par la maison Rinckenbach. Ce dernier, gravement endommagé lors du premier conflit mondial, a été remplacé en 1928 (de bien belle façon, d'ailleurs). Reste que les deux voisins avaient été construits pratiquement en même temps, et on peut parler d'émulation. Le "renouvellement des orgues" n'était pas qu'une initiative locale. L'instrument est également contemporain de ceux de Zimmerbach (qui est plus petit), Dieffenbach-lès-Woerth (resté authentique), et Hégenheim. Pour ce dernier, les composantes "néo-classiques" sont encore plus marquées.

Le Rinckenbach de Lapoutroie est le plus grand de sa génération depuis celui - au destin funeste - de Mulhouse, Ste-Marie-Auxiliatrice (III/P 41j, 1912) et Ammerschwihr (les deux étaient pratiquement contemporains). Il n'y en a pas eu de plus grand avant le conflit mondial. (Celui de Schirmeck, construit en 1912, a le même nombre de jeux que Lapoutroie (II/P 33j), mais, après ce qui s'est passé là-bas en 1976, on ne peut décemment plus appeler ça un Rinckenbach.) Bien sûr, la magie de l'orgue de Lapoutroie fait encore plus amèrement regretter la perte des grands instruments de la maison d'Ammerschwihr, comme - évidemment - celui de Colmar, collégiale St-Martin, éliminé en 1979, et qui fut fort probablement le plus bel orgue que l'Alsace ait connu, toutes époques confondues. Ou que celui de St-Hippolyte soit aujourd'hui injouable.

D'où vient la magie de cet orgue exceptionnel ? Probablement du travail réalisé lors de sa conception, de son harmonie, et de l'exploitation rigoureuse d'une multitude de techniques, dont un simple relevé force l'admiration. Et beaucoup de jeux ont "une histoire à raconter" :

Les Trompettes en spotted

La Trompette du grand-orgue, en spotted, est absolument magnifique. Elle confirme la noblesse de cet alliage, qui permet d'étoffer les pavillons. Sur le "C", elle est poinçonnée "TROMPETTE GROSSE TAILLE". L'harmonisation a donc été pensée pour l'acoustique généreuse de l'édifice. La Trompette du récit est marquée "TROMPETTE SOLO" sur le C, et les poinçons des autres tuyaux sont "S" (pour solo). Le Clairon de récit est également de taille large.

Pointe du "C" de la Trompette I.Pointe du "C" de la Trompette I.

La Flûte 8' du récit

La Flûte 8' du récit est incontestablement une des stars de cette composition.
Elle a une bouche inversée et circulaire.La Flûte 8' du récit est incontestablement une des stars de cette composition.
Elle a une bouche inversée et circulaire.

Le Gemsorn 4' du récit

Le Gemshorn 4' du récit passe souvent inaperçu, mais il est finalement une des composantes de cette esthétique. Dans la production de la maison Rinckenbach, il semble être apparu à Niedernai en 1898. On le retrouve à Mitzach en 1901, et ce jeu ne semble donc pas être réservé aux grands instruments. Il était présent à Strasbourg, St-Jean en 1902, à l'abbaye de l'Oelenberg et à Biltzheim en 1904, à ceux du Hohwald et de Waldighoffen en 1905, à Allenwiller en 1906, à Horbourg-Wihr et St-Hippolyte en 1907, à Oberschaeffolsheim et Ettendorf en 1908, à Lutterbach en 1909. On le retrouve à Bootzheim en 1913. On le trouve également à au moins 2 reprises en 8', mais c'est vraiment "le 4' gambé de récit" par excellence. Son succès fut tel qu'il a même été ajouté par la suite à Buethwiller (orgue de 1883 où ce jeu n'était pas présent à l'origine).

Le dessus de Cornet posté

Le Cornet de Lapoutroie est attribué à Schwenkedel (1954) par l'inventaire technique de 1986. C'est un dessus de Cornet à 5 rangs, disposé comme dans l'orgue classique français : en hauteur, au centre, juste derrière la façade. Il est en mitre (basses au centre). Mais la facture de la pièce gravée, les faux-sommiers et leurs supports (avec l'anneau tourné au milieu) sont caractéristiques de la facture Rinckenbach. Si la maison Schwenkedel a réalisé ce Cornet en 1953, c'est en parfaite imitation ! De plus, certains rangs paraissent être anciens, et on voit mal pourquoi ils auraient été conservés entre 1913 et 1954. (A moins bien sûr qu'ils ne viennent d'ailleurs.) A la console, la porcelaine du Cornet semble d'origine. Ce jeu était donc probablement déjà présent dans l'orgue en 1913.

Le Cornet, normalement, n'est pas un "jeu romantique". On le retrouve dans quasi tout grand instrument symphonique en France (Cavaillé-Coll, Mutin, Puget...) Il n'est pourtant que rarement demandé comme jeu soliste. La maison Rinckenbach (comme Merklin d'ailleurs à la fin du 19ème) l'appréciait, car, s'il est loin d'être systématique, il apparaît dans de nombreuses compositions. En 1913, un Cornet devait "faire ancien", et bien convenir aux aspirations "néo-classiques". En particulier si l'on disposait déjà d'un "vrai" Cornet ancien, on pouvait le garder : ça a été le cas à Oberschaeffolsheim (Geib), Strasbourg et Ammerschwihr (Dubois). C'était donc avant tout un timbre "particulier" (comme la Voix humaine).

Enfin, en se souvenant qu'il s'agissait d'un remplacement d'orgue, on peut supposer que le public et les organistes étaient très attachés à la voix du Cornet, qui se trouvait presque à coup sûr dans l'instrument de 1851. ("Ah, celui-là, on le garde.")

Composantes néo-classiques ?

Le monde de l'orgue adore le jargon et les étiquettes. Mais souvent, chaque instrument trouve le moyen d'échapper aux "catégories" définies bien après sa conception. Ces fameuses "composantes" sont finalement bien pragmatiques : il s'agit pour commencer de pouvoir jouer plus aigu (pour rappeler les "petits jeux" de l'orgue classique), ce qui est réalisé avec l'accouplement à l'octave II/I 4'. Ceux-ci, décidément, sont absolument fondamentaux et déterminants pour cette esthétique : sans eux, ces instruments perdent tout sens. Ensuite, c'est une légère affaire de composition : un Nasard 2'2/3, le fait de garder la Doublette et le Cornet de l'orgue précédent, et voilà des "couleurs 18ème" qui réapparaissent.

On trouvera sur la page consacrée aux compositions des orgues Martin et Joseph Rinckenbach de 1899 à 1917 plus de détails sur ces évolutions.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 09/05/1917. [IHOA]

L'instrument a été endommagé lors du second conflit mondial, en 1944. [PMSCALL]

Lors des réparations, menées en 1954 par Georges et Curt Schwenkedel, il fut malheureusement décidé d'électrifier la traction des notes. Ensuite, l'orgue fut scrupuleusement entretenu : [IHOA] [ITOA] [PMSCALL]

En 1975 il fut confié à Georges Bois, de Colmar. [ITOA]

En 1980 à la maison Steinmetz. [ITOA]

En 1988 à la maison Alfred et Daniel Kern. [IHOA]

En 1990 à Daniel Kern. [Caecilia]

Le buffet

En 1913, la facture d'orgues alsacienne était déjà dans une logique de renouvellement. Pratiquement partout où l'on construisait un orgue neuf, il y avait déjà un instrument, qui, lui-même, n'était souvent pas le premier du lieu. Le deuxième tiers du 19ème siècle avait légué à l'Alsace un "parc" considérable, de qualité, mais souvent trop limité. La construction des orgues de l'époque pré-romantique avait nécessité un effort considérable, mais souvent au prix de concessions difficiles : pédales trop petites, instruments tout juste suffisants pour remplir l'édifice. A chaque fois qu'une église était agrandie, l'orgue devait être renouvelé en profondeur, voire remplacé.

Dans une région aussi conservatrice que l'Alsace, il n'est pas étonnant que l'on ait cherché à conserver les anciens buffets. On connaît l'attachement des habitants au mobilier, qui constitue souvent l'essentiel du patrimoine des ménages. On ne jette pas un meuble comme ça !

Cela a d'ailleurs été source de bien des confusions, le public (parfois encouragé/manipulé par des "spécialistes" aux desseins divers) confondant souvent l'auteur (et la date) du buffet avec celui de la partie instrumentale. Les sites encyclopédiques et les articles de journaux sont ainsi envahis d'attributions fantaisistes : un orgue du 20ème dans un buffet du 17ème devient ainsi "des orgues historiques remontant au 17ème siècle"... On a régulièrement droit à "des fameuses orgues du célèbre Silbermann" pour qualifier un instrument récent occupant un buffet construit pour un orgue Silbermann depuis longtemps disparu. Et comme les Silbermann sous-traitaient leurs buffets, la désinformation est totale...

De plus, pour un orgue du 19ème ou du 20ème de valeur, le fait d'être logé dans un buffet "ancien" représente un grand risque : il a peu de chance d'échapper à une "restauration". Beaucoup de gens continuent à croire que "Plus c'est vieux, mieux c'est".

Donc, le fait est qu'à Lapoutroie en 1913, on a gardé le buffet de 1851. Il était du même dessin qu'à Ste-Croix-aux-Mines (1834, mais conçu avant) ou Mollau (1833). Mais bien sûr, et cette fois sur le plan technique, conserver l'ancien buffet pour y installer un orgue plus grand ne va pas de soi. Parfois, comme à Oberschaeffolsheim (1908), Biederthal (1913) ou Russ (1914), on a "fait avec", au prix de quelques contorsions, avec pour conséquence des difficultés d'accès. Ici, comme à Mulhouse (1912) ou Hégenheim (1913), on a choisi d'agrandir le buffet principal, en complétant la face avant par des plates-faces latérales. Le récit, qui est le plan sonore qui prend le plus de place, est de toutes façons logé en dehors du buffet.

Les angelots

Ainsi, le meilleur du buffet Callinet a été conservé : les angelots ornant les culots des tourelles !

Les angelots de Lapoutroie.Les angelots de Lapoutroie.

A Galfingue et Hochstatt, il y a deux angelots ornant les culots des deux tourelles latérales. Ils émergent d'une paire d'ailes, et on les retrouve par exemple à Issenheim (1835), St-Chamond (42, Claude-Ignace Callinet, ~1834), Soultzmatt (1837), Saint-Etienne (42, N.D., 1837), Eguisheim (1839), Ste-Croix-en-Plaine (1840), Oltingue (1843), Bettlach (1844) ou Lapoutroie (1851). A Ste-Croix-aux-Mines (1834, que Pie Meyer-Siat considère comme le premier buffet Callinet orné d'angelots), Bitschwiller-lès-Thann et Mulhouse, il n'y a qu'un angelot par culot. A Dannemarie et Ste-Marie-aux-Mines ils sont peints, et ont les ailes dorées.

Les angelots Callinet de Lapoutroie comptent sûrement parmi les derniers de leur production. Il n'y en a pas à Oberhergheim (1853), ni a Réguisheim (1854). Ils ne semblent pas avoir été une spécialité de Joseph Callinet, mais force est de constater qu'ils disparaissent avec lui, Claude-Ignace (à la tête d'une entreprise indépendante depuis 1844) n'a sûrement pas eu envie de continuer cette tradition.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2021
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
C-f' bois ; oreilles
d'-g''' sur le vent ; oreilles
C-f en bois ; bouches arquées ; aplatissages en ogives
Poinçon 'FH' ; C-f en bois, puis spotted ; f'-g''' harmoniques ; bouches très arquées ; oreilles
C-H en zinc, à frein rouleau en bois, puis frein Gavioli sauf dis''-g''' sans frein ; oreilles
Poinçon 'D' ; C-H en zinc, à frein rouleau bois et entailles de timbre ; puis spotted, encoches d'accord ; bouches arquées ; oreilles ; aplatissages en ogives
C-cis MJR ; oreilles sauf c'''-g''' ; sur le vent
Calottes en spotted ; oreilles ; bouches arquées ; c'''-g''' ouverts, au ton, sans oreilles
Entailles de timbre ; gis''-g''' au ton ; étain ancien
Posté ; a priori de 1913 ; métal des tuyaux ancien ; entailles de timbre ; 8' à calottes mobiles
Encoches d'accord, sauf dessus
C f
2'2/3 4'
2' 2'2/3
1'1/3 2'
1' 1'1/3
Spotted
C-g''
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Poinçon 'Q' ; C-H en bois, puis spotted, frein bavette
Poinçon 'P' ; C-H en zinc, puis spotted, oreilles
C-f en bois ; puis oreilles, calottes spotted, plutôt large
(c-g''')
Poinçon 'UM' ; oreilles
Entièrement en bois ; bouches inversées et circulaires
Poinçon 'S' ; C-H en zinc, frein rouleau bois ; c-g à frein bavette et oreilles
Poinçon 'V' ; C-H en zinc, frein rouleau bois ; oreilles, frein Gavioli, sauf dis''-g''' sans frein
(c-g''')
Poinçon 'VC' ; oreilles, frein Gavioli sauf dis''-g''' sans frein
Poinçon 'FO' ; spotted ; f-cis''' harmoniques ; d'''-g''' non harmoniques, au ton ; oreilles
Poinçon 'G' ; légèrement conique ; gis''-g''' sans oreilles
Poinçon 'N' ; C-h à oreilles et encoches d'accord ; c'''-g''' au ton
Poinçon 'O' ; C-H bouchés, cheminées, calotte spotted, oreilles ; c-g''' harmoniques ; oreilles sauf gis''-g''' ; encoches d'accord sauf c'''-g''' au ton
Poinçon 'BH' ; C-h en spotted
Poinçon 'VH'
Poinçon 'S' ; spotted
Poinçon 'C' ; spotted ; gis''-g''' à bouche et encoches d'accord ; taille large
Pédale, 27 n. (C-f')
Zinc
Bois ; marquée Prb. 16'
Bois ; ouverte
C-H en zinc, à frein rouleau bois ; puis frein Gavioli et oreilles
Pieds en spotted
I/P
Avec II/I 16' et 4'
I et II
Pas d'origine
[ITOA] [Visite] [MFoisset]
Console:
La console, dans son environnement incomparable.La console, dans son environnement incomparable.

Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirants de jeux de section ronde avec des porcelaines frontales, disposés sur deux lignes au-dessus du second clavier. Les porcelaines sont à fond blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et bleu pour la pédale. Les tirants de la pédale sont à gauche, puis viennent ceux du récit, et le grand-orgue est à droite. Claviers blancs, à frontons biseautés.

Commande des accouplements et tirasses par taquets (manuels) à accrocher (en "L", comme les pédales habituelles, mais en plus petit), en fer chromé, placées sous le premier clavier, à gauche, et repérées par des porcelaines rondes disposées au-dessous : "Super-octav II a I." (II/I 4'), "Sub octav-II a. I." (II/I 16'), "II a P." (II/P), "I a.P." (I/P), "II a I" (II/I), et "G.O." (I/I). Ces porcelaines sont bicolores (sauf la dernière) pour respecter le code de couleur, "II a P." étant par exemple rose en haut et bleue en bas.

La console restituée dans son aspect originel.La console restituée dans son aspect originel.

Commande des combinaisons fixes par 7 pistons blancs, situés sous le premier clavier, du côté droit, et repérés par de petites porcelaines rondes placées en dessous : "PP.", "P.", "MF.", "F.", "FF.", "Tutti", et "0." pour l'annulateur. Il y a ensuite deux pistons, celui de gauche étant repéré par une porcelaine (pas d'origine) "CHANT GREGORIEN", et l'autre son annulateur "0." (que les esprits taquins surnomment "Vatican II"). Si on prend pour référence d'autres consoles d'Ammerschwihr de la même époque (Schirmeck), il est presque certain qu'il s'agissait de l'appel / retrait du crescendo. Et donc que ces deux pistons ont été modifiés en 1954 pour installer une combinaison fixe supplémentaire. Depuis, la pédale de crescendo fonctionne sans appel. (Et il faut donc vérifier qu'elle est en haut pour être sûr de ne pas ajouter des jeux à la registration manuelle.)

Les commandes à pied sont constituées, en partant de la gauche, de 4 pédales-cuillers à accrocher, en fer forgé piqué, et repérées par de grandes porcelaines rondes : "O." (annulateur général), "_A." (appel anches), "Tremolo" et "Collectiv-koppel" (tous les accouplements, y compris ceux à l'octave). Viennent ensuite les deux pédales basculantes, celle commandant le crescendo ("General-crescendo") et, à droite, la boîte expressive du récit ("Expression").

Plaque d'adresse en position centrale, au-dessus du second clavier, à l'horizontale, constituée de lettres en laiton incrustées sur fond foncé, et disant :

M.&J.Rinckenbach
Ammerschweier (Els.) Opus 132
Cette plaque n'est pas visible en totalité,
car elle est masquée par les tirants inférieurs.
Mais comme l'Unda maris 8' fait partie desdits tirants,
on leur pardonne volontiers !Cette plaque n'est pas visible en totalité,
car elle est masquée par les tirants inférieurs.
Mais comme l'Unda maris 8' fait partie desdits tirants,
on leur pardonne volontiers !

La plaque est du même type que celles de Zimmerbach ou Russ.

Il y a une seconde plaque, à droite, à la hauteur du second clavier :

MANUFACTURE DE GRANDES ORGUES
G. SCHWENKEDEL & FILS
STRASBOURG-KOENIGSHOFFEN
ELECTRIFICATION 1954

De l'autre côté, il y a un autre souvenir de cette regrettable transformation : un voltmètre.

Transmission:

A l'origine pneumatique tubulaire (notes et jeux). La traction des notes et des jeux a été électrifiée en 1954 (donc électro-pneumatique depuis).

Sommiers:

A membranes, de Rinckenbach. Les sommiers du grand-orgue sont diatoniques, en "M" (basses aux extrémités), et disposés de façon conventionnelle derrière la façade. Le récit, placé en arrière et en hauteur, est constitué de 4 sommiers diatoniques en "M". (Il y a 16 jeux.) Les sommiers "avant" et "arrière" sont séparés par une passerelle.

Tuyauterie:

La tuyauterie est impressionnante, et caractéristique de la facture symphonique (même si le métal et/ou le bois de certains tuyaux remontent aux années 1850, ceux-ci ont été totalement réharmonisés pour obtenir un ensemble totalement cohérent) : entailles de timbre, Bourdon à calottes mobiles, biseaux à dents ; nombreux systèmes d'accord et types de freins harmoniques.

Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
La passerelle d'accord (et le lave-chaussures) est à gauche,
l'avant de l'orgue à droite. De gauche (accès) à droite (façade) :
La Trompette, le Plein-jeu, la Doublette 2',
la Flûte 4', le Principal 4', le Bourdon 8',
la Dulciane 8', la Flûte 8', la Gambe 8',
le Bourdon 16' et la Montre 8'.
En haut à droite, une partie du Cornet posté.Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
La passerelle d'accord (et le lave-chaussures) est à gauche,
l'avant de l'orgue à droite. De gauche (accès) à droite (façade) :
La Trompette, le Plein-jeu, la Doublette 2',
la Flûte 4', le Principal 4', le Bourdon 8',
la Dulciane 8', la Flûte 8', la Gambe 8',
le Bourdon 16' et la Montre 8'.
En haut à droite, une partie du Cornet posté.
Une vue sur la tuyauterie du récit. (Moitié gauche.)
A gauche, les jalousies donnant sur l'avant, à droite, le fond.
De gauche (jalousies) à droite (passerelle) pour les jeux "avant" :
l'Unda-Maris, la Flûte octaviante 4', le Bourdon 8',
le Gemshorn 4, le Nasard, l'Octavin 2',
le Clairon, et la Voix humaine.
De gauche (passerelle) à droite (fond) pour les jeux "arrière" :
le Hautbois, la Trompette, la Flûte traversière 8',
le Salicional 8', la Gambe 8', le Principal 8',
la Voix céleste et le Quintaton 16'.Une vue sur la tuyauterie du récit. (Moitié gauche.)
A gauche, les jalousies donnant sur l'avant, à droite, le fond.
De gauche (jalousies) à droite (passerelle) pour les jeux "avant" :
l'Unda-Maris, la Flûte octaviante 4', le Bourdon 8',
le Gemshorn 4, le Nasard, l'Octavin 2',
le Clairon, et la Voix humaine.
De gauche (passerelle) à droite (fond) pour les jeux "arrière" :
le Hautbois, la Trompette, la Flûte traversière 8',
le Salicional 8', la Gambe 8', le Principal 8',
la Voix céleste et le Quintaton 16'.
Détails des jeux sur le sommier avant droit.
Au premier plan, la Voix humaine, puis le Clairon
(dont les dernières notes sont à bouche), puis l'Octavin 2',
le Nasard, le Gemshorn 4', le Bourdon 8',
tout au fond, la Flûte 4' et l'Unda maris.Détails des jeux sur le sommier avant droit.
Au premier plan, la Voix humaine, puis le Clairon
(dont les dernières notes sont à bouche), puis l'Octavin 2',
le Nasard, le Gemshorn 4', le Bourdon 8',
tout au fond, la Flûte 4' et l'Unda maris.
Une vue plongeante sur les aigus des jeux "arrière" du récit:
de bas en haut : le Hautbois, la Trompette,
la magnifique Flûte 8' (toute en bois), le Salicional,
la Gambe 8', le Principal 8', la Voix céleste et le Quintaton 16'.Une vue plongeante sur les aigus des jeux "arrière" du récit:
de bas en haut : le Hautbois, la Trompette,
la magnifique Flûte 8' (toute en bois), le Salicional,
la Gambe 8', le Principal 8', la Voix céleste et le Quintaton 16'.

C'est l'un des principaux Rinckenbach post-romantiques d'avant guerre qu'il nous reste. Et, finalement, un des rares témoins actuellement jouables de l'incroyable richesse de cette facture. C'est ici, par exemple, que l'on peut imaginer ce que serait l'orgue de St-Hippolyte (3 claviers et 34 jeux) s'il était un jour enfin restauré dans son état de 1908.

Alors, évidemment, avec l'enthousiasme, on peut regretter que les octaves aiguës s'arrêtent au 4ème sol, ou le manque d'une anche 16' au récit... et on se dit que réparti sur 2 claviers, ce grand récit+positif serait encore plus riche en possibilités... Mais on n'est quand même pas dans une cathédrale, et le fait de nommer les quelques détails qui définiraient un orgue "idéal" pour cette esthétique est révélateur du niveau atteint !

Ce n'est donc pas le plus grand, pas un 3-claviers avec tout ce qu'il faut pour les symphonies de Widor, mais, assurément, c'est un des plus attachants. Un peu comme à Sentheim, il y a le "facteur impondérable". Il tient peut-être à l'acoustique, à la qualité de l'accueil, à l'ambiance à la console. Et aussi, l'orgue a simplement été particulièrement réussi dès l'origine.

Sites Franz Joseph Beyer (1687-1747)

On trouvait à Lapoutroie entre 1792 et 1851 l'un des rares instruments attribués au facteur Franz Joseph Beyer (parfois orthographié Bayer). Celui-ci avait commencé comme ébéniste, et il était installé dès 1720 à Ammerschwihr. Il participa cette année-là à la réception de l'orgue de Kaysersberg en compagnie de Michel Rauch (le fameux "complice" du non moins fameux Joseph Waltrin). Il semble ensuite avoir établi son atelier à Turckheim (Dürckheim).

Beyer essaya, comme les Cräner, de concurrencer Jean-André Silbermann. Sans grand succès, malgré des tentatives pour "casser les prix". Il construisit en 1720 un orgue pour les Augustins de Colmar. L'instrument était doté d'un pédalier de deux octaves faisant sonner deux fois la même octave de tuyaux. (Une solution finalement bien meilleure qu'une pédale de 15 ou 18 notes.) Beyer répara l'orgue Aebi de Turckheim en 1726.

Il construisit en 1727 un orgue neuf pour les Franciscains de Rouffach. C'est celui qui a été déménagé à Lapoutroie : un seul clavier (octave courte) avec Principal 8', Bourdon 8', Flûte (4'?), Dulcis Amoena 4', Quinte (2'2/3), Doublette, Fourniture, Cymbale au clavier ; et Soubasse à la Pédale.

Il construisit encore l'année suivante (1728) un orgue neuf de 12 registres à Ribeauvillé, au couvent des Augustins (appelé plus tard couvent de la Providence). Légèrement plus important que celui de Rouffach, sa composition était (en 1739) : Principal 8', Bourdon (8'), Salicional, Flûte (4'), Prestant, Quinte (2'2/3), Doublette, Cornet, Fourniture, Cymbale au clavier; Soubasse (16') et Octavebasse (8') à la pédale. (Mais il n'est pas exclu que Cräner, qui a revu l'instrument en 1737, ait fait quelques modifications.)

Son orgue de Sarrebourg, étudié par Silbermann, avait à peu près la même composition (Montre 8', Bourdon 8' en bois, Prestant 4' en étain, Flûte 4' en bois, Quinte 2'2/3 en étain, Doublette 2', Fourniture 3 rgs, Cornet 2 rgs et Cymbale 2 rgs au clavier ; Soubasse (16') et Octavebasse (8') à la Pédale. Silbermann note l'absence de tremblant, et commente avec son ironie habituelle que l'orgue n'en avait pas besoin, tellement le vent était instable. Tous les instruments du 18ème n'étaient pas des chefs d'œuvre, loin s'en faut !

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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