Martin et Joseph Rinckenbach, posèrent en 1911 ce joli petit orgue niché dans sa tribune, et entièrement inclus dans une boîte expressive.
Historique
En 1840, lors de l'enquête-inventaire, il n'y avait pas d'orgue à Maennolsheim. Un premier instrument fut placé en 1854 par Valentin Rinkenbach. [IHOA] [Barth]
Il disparut dans un incendie, le 10/01/1910. [IHOA]
Historique
En 1911, Maennolsheim reçut l'opus 119 de Martin et Joseph Rinckenbach. [IHOA] [ITOA] [Barth]
Par rapport à l'orgue précédent, datant du milieu du 19ème, le contraste devait être saisissant ! Cet orgue de la Belle époque ne manque pas de spécificités. Il est tout d'abord entièrement placé dans une boîte expressive, si bien que même l'intensité du grand-orgue peut être contrôlée par la pédale d'expression. Le jeu ondulant du récit est une Unda maris (et non une Voix céleste), une disposition qui sera fréquente... dans le troisième quart du 20ème siècle. Le Basson est au récit.
Les idées directrices sont directement issues de l'esthétique post-romantique française : le "carré d'or" de jeux de fonds (un Principal, une Flûte, un Bourdon, une Gambe) est ici réparti entre les deux manuels (l'accouplement II/I est quasi systématique). La Flûte octaviante et l'anche au récit constituent la suite logique. La pédale est juste constituée de l'indispensable Soubasse 16', et le "couronnement" assuré par la Mixture grave (2'2/3) du grand-orgue. Pour donner plus de largeur et de profondeur au son, et en respectant une approche post-romantique, l'orgue est doté d'un accouplement à l'octave grave (II/I 16'), ce qui a déjà été pratiqué pour les petits instruments (Le Hohwald). Autre spécificité : l'accouplement général. Puisque la composition est de toutes façons prévue pour que II/I I/P et II/P soient actifs en quasi permanence, autant permettre de les appeler ensemble. A l'époque, on disait que l'idée venait de la maison Sauer de Francfort. [Orgelbauerei1909]
Une fois de plus, la maison d'Ammerschwihr démontre qu'une "petite" composition (10 jeux) peut être déclinée de façon imaginative, en échappant aux clichés tout en permettant de s'adapter à un large répertoire.
C'est tout d'abord un orgue "complet", avec le "carré d'or" des jeux de 8' (un Principal, un jeu Gambé, une Flûte et un Bourdon), deux 4' (un Principal, une Flûte octaviante), une anche (ici un Basson) et la Soubasse, soit huit jeux, auxquels on ajoute une Mixture et un ondulant (ici une Unda-Maris) pour faire dix. La répartition des neuf jeux manuels sur les deux claviers est à la fois affaire de logique et d'imagination : les quatre 8' sont partagés (2+2, avec le Principal 8' au grand-orgue, évidemment), tout comme les deux 4' (le Principal 4' rejoignant celui de 8' au grand-orgue). C'est logiquement le grand-orgue qui reçoit la Mixture et le récit l'ondulant. Ici, l'anche a été placée au récit.
On trouvera sur la page consacrée aux compositions des orgues Martin et Joseph Rinckenbach de 1899 à 1917 plus de détails sur ces choix esthétiques.
L'instrument ressemble beaucoup à celui de Bourbach-le-Haut (1910), sauf que là-bas, le grand-orgue est fondé sur 16' et le récit doté d'une grande Flûte harmonique 8'. Du coup, les jeux y sont répartis différemment. (Salicional et Basson au grand-orgue.) Les deux buffets ont un dessin très voisin, et les consoles sont du même type.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 07/08/1917. Comme ils sont purement décoratifs, la partie instrumentale n'a pas été affectée. On ne sait pas qui a procédé au remplacement de la façade, mais, probablement, cela a été fait par quelqu'un qui n'avait jamais vu une façade Rinckenbach. La ligne de bouches adoptée est totalement horizontale, ce qui a un effet visuel très négatif, car elle "aplatit" le dessin. De plus, la hauteur dans les tourelles latérales et les plates-faces est voisine mais différente. [ITOA]
L'orgue a été relevé vers 1971 par Alfred Kern. [ITOA]
Il y eut un autre relevage, vers 2004, par Richard Dott. [PVBlanchard]
La partie musicale de cet instrument de 1911 est restée entièrement authentique.
Le buffet
Le dessin du buffet est voisin de celui de Bourbach-le-Haut (1910) : trois tourelles plates sont séparées de deux plates-faces doubles. (Mais à Bourbach, les tourelles latérales ont des frontons rampants.) La tourelle centrale est surmontée d'un tympan inscrit dans un arc plein cintre. Au centre se trouve une lyre dorée, dont une des "cordes" est malheureusement cassée. Les claires-voies sont néo-classiques. La peinture vert et crème n'est fort probablement pas d'origine.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos à porcelaines, placés en ligne, au centre, au-dessus du second clavier. Les porcelaines des jeux du grand-orgue sont blanches, celles du récit ont un fond rose, et celles de la pédale un fond bleu pastel. Claviers blancs. Joues moulurées de la même essence que le reste de la console.
Commande des tirasses et des accouplements par pédales-cuillers à accrocher, en fer forgé. Elles sont repérées par des porcelaines rondes bicolores (pour respecter le code de couleur des plans sonores) et à liséré doré : "Collectiv koppel" (les 4 accouplements), "Pedal Koppel II.", "Pedal koppel I.", "Manual Koppel II a I", "Sub octav koppel II a I". Commande de l'expression générale par pédale basculante, disposée au-dessus du "a" du pédalier, et repérée par une porcelaine blanche "Expression II." (sic, alors que c'est tout l'orgue qui est expressif).
Commande des combinaisons fixes par 4 pistons blancs situés au centre et sous le premier clavier, et repérés par de petites porcelaines rondes disposées entre les deux claviers : "P.", "MF.", "F." et "0." (annulateur ; les deux dernières sont presque effacées). Comme souvent chez Rinckenbach le "M" et le "F" de "MF" partagent la même jambe montante.
Les combinaisons fixes n'appellent pas l'Unda-maris. Mais les tirasses en font partie (contrairement à Bourbach). Les commandes des tirasses sont ajustables : elles peuvent être ajoutées aux combinaisons fixes, et ne sont pas retirées lors de leur appel si elles ne font pas partie de la combinaison. Les accouplements des claviers ne semblent pas faire partie des combinaisons. (Mais II/I 16' était h.s. lors de la visite, il n'est pas sûr que cela ait été le cas à l'origine.)
La plaque d'adresse occupe l'espace entre le second clavier et les dominos. Elle est donc allongée horizontalement. Grandes lettres "déco" en laiton, incrustées sur fond noir. Ce n'est plus la police "italique" (St-Hippolyte, Sentheim, ou Bourbach-le-Haut) mais un choix plus "Modern style", que l'on retrouve à Kiffis (1912), puis jusqu'en 1914 (Muespach).
Banc dont les pieds figurent une lyre. Cette console est entièrement d'origine, jusque dans les moindres détails.
pneumatique tubulaire ; très précise et agréable au toucher.
à membranes, d'origine. Les deux manuels partagent les mêmes sommiers diatoniques, disposés en "M", avec les basses aux extrémités. Tous les jeux - y-compris la Soubasse - sont placés dans une boîte expressive commune.
La façade est muette, car les deux Principaux sont entièrement sur le vent. Le jeu de Gedacktbass 16' est réalisé en alimentant plus faiblement en vent les tuyaux de la Soubasse. Cela permet de doser plus finement l'intensité de la pédale. Il y a donc 10 jeux réels. La Mixture est à 3 rangs, et ne "reprend" pas.
La tuyauterie est de très belle facture, très étoffée. Le Basson, ainsi qu'une grande partie de la tuyauterie sont en Spotted, cet alliage qui, décidément, dispose de toutes les vertus pour la facture d'orgues : il est à la fois résistant, peu sensible aux oxydations, et permet les plus belles harmonisations. Les basses ont des bouches arquées, les biseaux sont munis de dents. Les tuyaux ouverts sont munis d'entailles de timbre.
Voilà un instrument qu'il faut vraiment aller découvrir. 10 jeux seulement, et c'est tout de même un orgue tout à fait symphonique : diversité des timbres, dynamique, expressivité, tout y est. En tout cas, une petite machine tout à fait capable d'explorer certaines des plus belles pages du répertoire. Et il est musicalement 100% authentique.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Sébastien Bauer.
Photos du 26/09/2021 et données techniques.
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