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Les orgues de la région de Marckolsheim
Muttersholtz, église protestante
1917 degr > Dégâts
L'orgue Martin et Joseph Rinckenbach a été détruit en 2020, pour laisser la place à un n-ième instrument néo-baroque, qui serait sûrement déjà passé pour ringard il y a 30 ans. Cette page ne sera plus maintenue.
Muttersholtz, l'orgue Joseph Rinckenbach.
Toutes les photos de la page sont de Roland Lopes, 02/06/2006.Muttersholtz, l'orgue Joseph Rinckenbach.
Toutes les photos de la page sont de Roland Lopes, 02/06/2006.

L'édifice est fort ancien, puisqu'il remonte pour partie au 13ème siècle (clocher). La Réforme fut introduite en 1576. La nef date du 18ème (reconstruction en 1733). En 1687, l'édifice, comme de nombreux autres, fut placé sous le régime de "Simultaneum", c'est-à-dire qu'il devait aussi servir pour le culte catholique. Ceci prit fin en 1890. L'orgue est particulièrement intéressant et adapté à l'endroit ; bien sûr, on n'ira pas ici chercher "du Silbermann" : il était déjà miraculeux que le (tout) petit orgue posé par Jean-André en 1751 serve vaillamment pendant 150 ans... En 1905 fut posé ici l'opus 86 de Martin et Joseph Rinckenbach, un instrument de 12 jeux dotés des couleurs romantiques "tardives" si particulières à l'Orgue alsacien. Cette belle partie instrumentale est donc contemporaine des orgues du Hohwald (de taille similaire) ou de Waldighoffen (un peu plus grand).

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Historique

En avril 1751 fut achevé l'orgue Jean-André Silbermann, dont la construction avait été décidée le 29/06/1748. [ArchSilb] [IHOA] [ITOA] [MSchaeferSilb]

Quelques jours avant la signature d'accord, le 25/06/1748, le père Johann Michel Wild de Muttersholtz était venu voir le célèbre facteur. L'instrument (de 8 ou 10 jeux) fut assemblé sur place en mars et avril 1751 par Daniel Silbermann. C'est donc l'orgue que connut le compositeur Jean-Louis Adam (03/12/1758 - 08/04/1848), enfant de Muttersholtz, qui eut comme professeur l'organiste strasbourgeois Sixte Hepp. Adam est l'auteur d'une "méthode de piano-forté", qu'il écrivit avec Jean Frédéric Edelmann. [ArchSilb] [RMuller]

Il s'agissait d'un petit instrument : Jean-André se souvenait (bien après sa construction) qu'il était pratiquement jumeau de celui de Scherwiller, mais avec une pédale indépendante, sans le Cromorne (qui était une spécificité pour Scherwiller) et avec un jeu de plus (ce qui en laisse donc a priori 2 pour la pédale indépendante). [ArchSilb]

La composition devait être la suivante :

Composition, Hypothèse
Manuel, 49 n. (C-c''')
Peut-être coupée en B+D
(c'-c''')
Pédale

...mais la pédale pouvait tout aussi bien être Flûte 8' + Trompette.

A la fin du 18ème, les réparations à l'orgue étaient assurées par un instituteur du lieu, nommé David Saltzmann. [PMSAS1973]

En 1792 (!), David Saltzmann fit une réparation conséquente, puisque les comptes notent une dépense pour "Andreas Weissrock, dem Weissgerber von Schlestadt für Weissleder zur Orgel" ("...tanneur à Sélestat, pour des peaux [cuir blanc] destinées à l'orgue"). Tandis qu'en d'autres endroits, on démolissait les orgues au son des tambours, à Muttersholtz, on l'entretenait... [PMSAS1973]

Il y eut une réparation en 1837, mais on ne sait pas qui en est l'auteur. [PMSAS1973]

L'orgue a été réparé en 1842 par Sébastien Thoma (ou "Thomann", de Fribourg), un "bricoleur" itinérant à la réputation sulfureuse, qui, là où il passait, semble n'avoir pas seulement visité les orgues, mais aussi les prisons. [ITOA] [Palissy] [PMSAS1973]

Il y eut une réparation en 1860 (153,75 Frs), mais on ne sait pas qui en est l'auteur. [PMSAS1973]

Nouvelle réparation (ou suite de la précédente) en 1861 (309,95 Frs). [PMSAS1973]

Les comptes communaux consacrent encore 5620 Frs à la réparation de l'orgue en 1874. On ne sait pas si les travaux furent menés (ni par qui), mais la dépense n'a pas été annulée. [PMSAS1973]

Des travaux importants furent menés - assortis d'un changement de jeu - en 1877-78, par Matthaeus Moessmer. [ITOA] [IHOA] [FBaumann] [PMSAS1973]

L'opération a été très appréciée. En plus du remplacement des soufflets, une Flûte harmonique 8' a été placée "produisant un bel effet" ("Elsässische Nachrichten" (Nouvelles alsaciennes), n.19, 13/02/1878). [FBaumann]

Il se trouve ici un fait très intéressant : dans son amendement (19/08/1877) à son devis du 21/07/1877, Moessmer indique : "garantit qu'on pourra utiliser la soufflerie neuve pour un nouvel orgue, si on en fait un." Cela prouve que déjà du temps du pasteur Jacob Krencker, en 1877, on songeait à remplacer l'orgue Silbermann ; il était donc important que les parties "neuves" puissent être réemployées, et Moessmer s'engageait par écrit. [PMSAS1973]

En 1903, on décida de mener des travaux d'envergure à l'édifice, et l'orgue fut démonté. [PMSAS1973]

Les faits sont les suivants : "On avait songé d'abord à garder l'ancien orgue démonté pour les travaux ; mais on n'arriva plus à le remonter"... et on fit une collecte (fructueuse) pour l'achat d'un orgue neuf. [PMSAS1973]

Heureusement, quelqu'un eut la présence d'esprit de mettre à l'abri des éléments du buffet (en particulier les ornements), ce qui allait permettre de doter le nouvel instrument d'un bien bel écrin.

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Historique

C'est en 1905 que fut posé ici l'opus 86 Martin et Joseph Rinckenbach. [IHOA]

Après les travaux à l'édifice, le petit orgue Silbermann qu'on avait pas pu remonter n'a pas été revendu (comme c'est arrivé en de nombreux endroits), et du coup, certains éléments de son buffet (tourelles, ornements) ont pu être réemployés.

Voici une transcription du devis/contrat de Martin Rinckenbach, réalisée par Roland Lopes.

Voici la composition d'origine de l'orgue Rinckenbach, d'après ce devis/contrat, daté du du 30/10/1904 :

Cette belle composition romantique - et sans anches - donne une grande place aux Flûtes : la "star" est la grande Flûte harmonique 8' du récit, d'inspiration romantique française (Cavaillé-Coll), et que Muttersholtz avait appris à connaître dès 1877 par un tel jeu posé par Moessmer. Son "pendant" au grand orgue est le Flauto dolce, qui était, rappelons le, considéré comme un jeu soliste.

Car, comme souvent sur ces orgues post-romantiques, chaque jeu du récit constitue l' "alter-ego" (souvent moins fort, mais pas toujours) d'un jeu du grand-orgue. Le Salicional du récit correspond à la Gambe du grand-orgue, le Geigenprincipal au Principal 8', la Rohrfloete à l'Octave 4'.

La Mixture était dotée d'une Tierce, et constitue une "Mixture-cornet" cette fois inspirée par l'orgue romantique germanique. Comme souvent, la Gambe de pédale assume le rôle d'une anche très douce, et la composition est aussi dotée d'un accouplement à l'octave, lui aussi fondamental dans ce type de registration. Il est probable que l'on ait longtemps hésité entre ce II/I 16' et un II/I 4', car on trouve les deux dans la production Rinckenbach. Le II/I 16' a peut-être été jugé nécessaire pour accentuer le caractère solennel des sorties, par exemple.

On note l'absence de Voix céleste. Il y en a une au Hohwald, dont le récit n'a pourtant aussi que quatre jeux ; elle est à la place du Geigenprincipal. Cela s'explique peut-être par le fait que le récit n'est pas expressif, ou que la mission d'accompagnement du chant est prioritaire ici. On note aussi l'absence de trémolo au récit, et cela s'explique peut-être par la présence de la Flauto dolce du grand-orgue considérée comme jeu soliste. La mission première de l'instrument était clairement de soutenir le chant, mais le répertoire accessible est extrêmement vaste !

Pour ajuster finement l'intensité du son lors de l'accompagnement de l'assemblée, l'instrument propose pas moins de sept jeux de 8', et les deux manuels permettent d'alterner un choeur de quatre 8' et un de trois. La palette sonore permet donc de soutenir le chant à la fois des toutes petites assemblées, et, lors des évènements plus importants, dispose d'un tutti (sans anche) couronné par la Mixture-tierce.

Malheureusement, on le verra, tout ce bel étagement, ce délicat équilibre, a été ruiné en 1963 lors d'une opération calamiteuse.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [ITOA]

En 1924, Frédéric Haerpfer vint remplacer la façade (de bien belle façon). [ITOA] [PMSAS1973] [Palissy]

L'orgue a ensuite été réparé par Georges Schwenkedel en 1928 (et un ventilateur fut posé). [IHOA] [ITOA] [PMSAS1973]

En 1963, on demanda à la maison Muhleisen de transformer l'instrument. [ITOA] [Palissy]

Des jeux furent malheureusement modifiés, des "petits jeux" remplacèrent les belles couleurs romantiques d'origine :

- la Mixture passa à 1'1/3 (donc une octave trop haut). Et sa Tierce a été supprimée.

- La malheureuse Flauto dolce 8' a été raccourcie pour en faire un "Nasard",

- la Gambe 8' a elle aussi été raccourcie, pour en faire une Doublette,

- la Flûte à cheminée (Rohrfloete) a été décalée pour en faire un Bourdon 8' (son octave aiguë étant donc perdue),

- le Geigenprincipal a été transformé en Gemshorn 4',

- et le pire : la grande Flûte harmonique, pilier de la composition, a été remplacée par une Mixture "néo-baroque" : un Carillon (2' + 1'1/3, ou une Cymbale II, selon les sources, cela revient à peu près au même).

Il est aussi probable que le Bourdon du grand-orgue ait été fortement réharmonisé par changement des tailles (décalage ?). [ITOA] [PMSAS1973] [RLopes]

En 1975, c'est Alfred Kern qui fit une transformation : la Cymbale (ou le Carillon) de 1963 a été remplacée par une Flûte à cheminée 4'. Ce qui allait plutôt dans le bon sens. [ITOA] [Visite]

De plus, (en 1963 et/ou en 1975) l'harmonisation a été retouchée, sur plusieurs jeux, et de façon très critiquable. La traction est aujourd'hui électro-pneumatique (ce n'est pas très grave, car les sommiers sont restés d'origine). Pour la tuyauterie, le bilan est assez lourd : si la façade perdue en 1917 était muette, les jeux abîmés en 1963 manquent cruellement.
Et pourtant, en 1905, ce devait être un instrument exceptionnel, si on se réfère à ses contemporains du Hohwald, de Waldighoffen, mais aussi d'Urschenheim ou de Kogenheim. Il est aussi presque contemporain de l'opus 92, à Murbach, qui a récemment retrouvé sa voix. [Visite]

L'orgue a été supprimé en 2020.

Le buffet

Détail d'un des culots, fort probablement issu de l'orgue Jean-André Silbermann, 1751, du lieu.Détail d'un des culots, fort probablement issu de l'orgue Jean-André Silbermann, 1751, du lieu.

Le buffet a été reconstruit en 1904 avec des lignes directement héritées du 19ème (pas du 18ème) : le soubassement a même largeur que les superstructures, il n'y a pas de jouées. Il intègre quelques éléments de l'orgue de 1751 : culots, claires-voies, et probablement les entablements de tourelles. La tourelle centrale, en tiers-point (en fait une "courbe-face" comme indiqué dans le devis) assez large, est plutôt originale dans ce contexte, et représente peut-être une déclinaison de la tourelle centrale trilobée chère à Jean-André Silbermann. L'ensemble, qui n'est du coup pas sans évoquer les Callinet, et idéalement adapté au paysage organistique alsacien, et ne manque pas d'allure.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2017
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
(c-g''')
1963 ; Flauto dolce découpé
1963 ; Gambe découpée
Depuis 1963 1'1/3 (au lieu de 2'2/3)
C c c' f''
1'1/3 2' 2'2/3 4'
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 1'1/3 2'
Récit, 56 n. (C-g''')
Rohrfloete 4' décalée
1975 ; chape d'une Flûte harmonique 8' !
1963; chape du Geigenprincipal
Pédale, 27 n. (C-d')
I/P
[ITOA] [Visite]
Console:
La console frontale.La console frontale.

Console frontale accolée, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos ; ce sont les mêmes que celles de la console du Hohwald ou qu'à Murbach (mais là-bas, ils ont été remplacés récemment) ; Rinckenbach semble avoir utilisé ce modèle pendant quelques années, avant de passer à celui - plus élégant - avec les porcelaines, ou préférer les tirants à pommeaux (voir la page sur le Hohwald).

Les dominos d'origine sont sérigraphiés avec une fonte "serif". Ils sont blancs pour le grand-orgue, oranges pour le récit, et bleus pour la pédale. Les accouplements sont bicolores, séparés dans le sens vertical. Les dominos des jeux modifiés en 1963 sont sérigraphiés "sans serif" : Doublette et "Nazard" au grand-orgue, Gemshorn 4' au récit. La Flûte à cheminée 4' du récit (remplaçant le Carillon de 1963 qui a lui même causé la perte de la grande Flûte harmonique de l'instrument) a été muni d'une simple étiquette collante en papier. C'est aussi le cas pour le Bourdon 8' du récit.

Commande des combinaisons fixes par pistons blancs situés sous le premier clavier, et repérés par de petites porcelaines rondes entre les deux claviers. Il n'y a aucune commande à pied.

Plaque d'adresse venant interrompre la ligne de dominos, en lettres dorées sur fond noir :

M. & J.RINCKENBACH
ORGELBAUER
AMMERSCHWEIER i/ELS.
op.86.
La plaque d'adresse, d'un modèle peu commun chez Rinckenbach.La plaque d'adresse, d'un modèle peu commun chez Rinckenbach.
Transmission:

électro-pneumatique.

Sommiers:

à membranes (1905).

Lorsque l'on a, tant de fois, vu les noms de Martin et Joseph Rinckenbach sur des instruments (souvent méconnus) offrant de magnifiques surprises, on se doute que cet orgue n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été. Il reste un bon témoignage d'une époque (le début du 20 ème) très fertile, où Albert Schweitzer inspirait la facture d'orgues, mais dont l'héritage est aujourd'hui bien peu mis en valeur. Avec de vrais jeux romantiques "tardifs" reconstitués, cet orgue serait probablement un instrument passionnant. On ne peut que souhaiter que dans un futur proche, il se trouve la dynamique et les moyens pour restaurer cet orgue dans son état de 1905. Il faut surtout souhaiter qu'il ne se trouvera personne pour le remplacer par du "néo-quelquechose" doté de sommiers à gravures, comme cela se commettait au 20ème siècle.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670311001P02
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