Voici l'opus 161 de la maison Rinckenbach d'Ammerschwihr, posé en 1923 dans un buffet plus ancien. C'est un instrument résolument post-symphonique, entièrement authentique, et un précieux témoin de ce style et de cette époque très riche de la facture d'orgues.
Historique
Le premier orgue de Sondersdorf est attribué à Jean Franz, et datait de 1810. [IHOA] [PMSSUND1983]
En 1865, il y eut une intervention très "contestée" de Jean Fickinger. Les travaux comportaient le déplacement du buffet, le changement de la disposition de la console, et divers aménagements de menuiserie à la tribune. Bien qu'ayant fait l'objet d'une réception, le 20/11/1865 par Jacques Koenig (Fislis) et Jean Nicolas Holstein (Bouxwiller), ces travaux ont provoqué une véritable tempête administrative entre le facteur, la municipalité - représentée par le maire Antoine Lutz - divers experts et contre-experts, et la préfecture. En 1879, l'orgue était muet. [IHOA] [PMSSUND1983]
En 1879, François Antoine Berger fit des réparations. En 1911, à nouveau, l'orgue était dans un "état défectueux". [IHOA] [PMSSUND1983]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. Après-guerre, c'est bien évidemment d'un orgue neuf dont avait besoin Sondersdorf. [IHOA] [PMSSUND1983]
Il ne reste pas grand chose d'instrumental des orgues réalisés par la famille Franz. Sûrement parce qu'il n'y avait pas grand chose à garder. Mais ils ont tout de même contribué de façon significative à l'orgue alsacien, en promouvant un style de buffet aux tourelles larges (avec beaucoup de tuyaux) et une ornementation variée.
Le buffet de Ligsdorf (qui contient aujourd'hui un orgue de 1998) peut être attribué à Antoine Franz. L'histoire de l'instrument de Bendorf commence à peu près comme celle de Sondersdorf, avec un buffet Franz et une réparation de Jean Fickinger. Là non plus, il ne reste rien d'instrumental.
C'est comme source d'inspiration que les Franz ont connu le plus de succès, comme en témoignent les somptueux orgues Georges Schwenkedel de Bernwiller (1929), Bisel et Seppois-le-Bas (tous deux de 1930, et tous deux réalisés par la maison Rudmann et Guthmann), Durlinsdorf (1932, toujours par Rudmann et Guthmann). Ils sont tous inspirés par les buffets des Franz.
Le "style Franz" se retrouve aussi dans certains buffets néo-classiques de Joseph Rinckenbach, et ce fut sûrement une suite à la construction de l'orgue de Sondersdorf (1923). Celui de Lautenbach-Zell (qui a malheureusement perdu sa belle partie instrumentale post-romantique en 1983) est logé dans un buffet de 1929 clairement inspiré du style des Franz. Et le buffet actuel de l'orgue Rinckenbach de Wolschwiller (1930), réalisé par la maison Rudmann et Guthmann, comporte aussi des éléments remontant aux Franz ; les compléments en respectent le style. Celui d'Eglingen (1930) est l'œuvre de Joseph Driesbach, de Munster, mais est clairement apparenté aux autres évoqués ici.
Historique
En 1923, Joseph Rinckenbach construisit un orgue neuf pour Sondersdorf. [IHOA] [PMSSUND1983]
Une partie du buffet fut conservée, et contribua au succès de ce style de buffets à l'époque néo-classique.
L'instrument est contemporain de la reconstruction du grand orgue de Thann, ainsi que du bel orgue de Saales. Il était aussi contemporain de celui de Benfeld, mais ce dernier fut victime de l'opération "Nordwind" en 1945.
A 5 jeux, le grand-orgue en compte trois du "carré d'or" romantique de fonds de 8' : un Principal, un jeu Gambé (Salicional) et un Bourdon. Il manque la Flûte 8' ouverte, mais comme il y en a une harmonique au récit, elle ne manque pas quand les claviers sont accouplés. Les deux autres jeux du grand-orgue sont logiquement le Bourdon 16' - incontournable - et le Prestant.
Le récit est doté d'une grande Flûte harmonique 8', ce qui est impressionnant pour un instrument de 12 jeux seulement. C'est une Gambe qui est associée à la Voix céleste (car il y a déjà un Salicional au grand-orgue). Puisqu'il y a une Flûte harmonique 8', la tentation du triplet (8' 4' 2') de Flûtes harmoniques était grande, d'autant plus que l'Octavin (Flûte harmonique 2') est vraiment un des jeux fétiches de Joseph Rinckenbach. Ceci vaut à l'orgue de Sondersdorf d'être doté de ce triplet. On en trouve d'ailleurs un autre l'année suivante à Mertzen (1924). Le 6ème jeu du récit est bien sûr une Trompette, qui renforce encore le caractère romantique français donné par la Voix céleste et les Flûte harmoniques. Il y a aussi un tremblant (bien qu'il n'y ait pas de Voix humaine).
Du coup, la pédale n'a qu'un jeu : la Soubasse 16'. Elle est donc conçue pour être utilisée soit avec la tirasse du récit, soit avec celle du grand-orgue.
Enfin, les possibilités sont augmentées par l'accouplement à l'octave grave du récit sur le grand-orgue, qui "change la donne", et radicalement, en dotant l'orgue, par exemple d'une anche 16' manuelle, et magnifie encore le triplet de Flûtes harmoniques, dans un choeur rarement accessible à un orgue de cette talle.
En somme, il s'agit d'un style spécifique qui refuse de trop céder aux modes néo-classiques qui allaient s'imposer par la suite. Un instrument d'une importance historique considérable.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos à porcelaines de couleur, placés en ligne au-dessus du second clavier. Les porcelaines sont à fond blanc pour le grand-orgue, bleu clair pour la pédale, et rose pour le récit.
Claviers blancs, à frontons biseautés.
Commande des accouplements par pédales à accrocher. De gauche à droite : "II-I O.G." (II/I 16'), "II-P.", "I-P.", "II-I.". Suivent les pédales à bascule de l'expression du récit ("Expression") et la pédale à accrocher du trémolo du récit ("Tremolo").
Commande des combinaisons fixes par pistons blancs, placés sous le premier clavier. De gauche à droite : "P.", "F.", et "O." (annulateur).
Banc d'origine, flancs ornés de trilobes ajourés.
Plaque d'adresse située à droite, à hauteur du premier clavier, sur la partie inclinée, en laiton incrusté :
Pneumatique tubulaire, notes et jeux, très précise et agréable.
A membranes, de Rinckenbach. Les sommiers du grand-orgue sont diatoniques en mitre (aiguës sur les côtés) avec de nombreux tuyaux graves postés sur les côtés. Il sont placés plus bas que la façade. Les sommiers du récit sont également diatoniques mais en "M", basses sur les côtés.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Charles Ruehr.
Photos du 30/08/2020.
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