L'opus 40 de la maison Rinckenbach avait été construit pour l'ancienne église de Meistratzheim. La nouvelle, néo-gothique, est beaucoup plus grande. Et encore, elle représente un compromis, le projet initial de l'architecte Muller (vers 1860) ayant été jugé "trop somptueux" ! Après son déménagement dans ce nouvel édifice, en 1922, l'orgue Rinckenbach a bénéficié d'une acoustique plus généreuse. Les errements des années 1960 lui coûtèrent 6 jeux romantiques (sur 20), mais les entretiens ultérieurs ont réussi à préserver ses qualités intrinsèques.
Historique
Un orgue est attesté à Meistratzheim avant 1716 (il a été placé entre 1704 et 1716). Jean-André Silbermann a noté que cet orgue a été accordé par Georg Friedrich Merckel en août 1744. On connait le nom de l'organiste de Meistratzheim à cette époque : Laurent Meyer (né à St-Hippolyte). [IHOA] [PMSDBO1975] [ArchSilb]
Historique
Cet instrument fut remplacé en 1775 par Jean Nicolas Toussaint. [IHOA] [Barth] [ArchSilb]
L'organiste en 1825 s'appelait toujours Laurent Meyer ; originaire de Meistratzheim, c'était le fils du précédent. A son tour, il eu aussi un fils prénommé Laurent, qui fut lui aussi instituteur, et qui lui succéda au poste d'organiste. Il y a donc eu 3 générations de Laurent Meyer organistes à Meistratzheim. [IHOA] [PMSDBO1975]
L'orgue Toussaint fut réparé par Adam Blum (de Furdenheim) en 1832. [IHOA] [PMSDBO1975]
Puis en 1837 par George Wegmann. [IHOA]
En 1840, l'instrument était décrit comme "mauvais" ("[il y a un] orgue, mais il est mauvais"). [Barth]
Historique
A la fin du 19ème, peut-être par lassitude de toutes ces réparations, mais sûrement surtout pour disposer d'un orgue capable de jouer le répertoire romantique, on s'adressa au plus grand facteur du moment, Martin Rinckenbach, pour construire un orgue neuf de 20 jeux sur 2 claviers et pédale. L'opus 40 de la célèbre maison d'Ammerschwihr fut reçu le 25/02/1894. [LR1907] [Barth]
Il était donc placé dans l'ancienne église de Meistratzheim (l'église "du cimetière"). La première pierre du nouvel édifice (beaucoup plus grand) fut posée en 1913. La consécration eut lieu en juillet 1922.
Dans une lettre datée du 28/03/1898, Martin Rinckenbach écrit à Rebmeister, l'organiste de Niedernai, qu'il ne faut pas juger ses ouvrages avec celui de Meistratzheim, car l'acoustique très défavorable de la petite église l'empêche de sonner correctement. "Was die Intonation anbetrifft, so wird dieselbe ganz anders als in Meistrazheim, idem die Akustik in Meistrazheim so viel als null ist, in einer Scheune wird es eben so gut klingen." [PMSDBO1972]
L'instrument est contemporain de celui de Blotzheim, et ils sont de taille comparable. C'est un des premiers Rinckenbach (sinon le premier) à disposer de claviers de 56 notes (jusqu'au Sol), la norme étant jusque là 54.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mai 1917. Il pesaient 96.5 kg. [IHOA]
L'orgue a été déménagé dans la nouvelle église au cours de l'été 1922. C'est Franz Kriess qui fit le travail. [IHOA]
C'est donc sûrement Kriess qui remplaça la façade. Sans en respecter le plan originel, car, aujourd'hui, les plates-faces sont munies de pièces gravées qui n'ont pas de postages. [Visite]
Après le second conflit mondial, l'orgue fut réparé en 1946. [IHOA]
C'est probablement en vers 1960 qu'eut lieu la "baroquisation" qui affecta 6 jeux de l'instrument. [ITOA]
En 1974, Pie Meyer-Siat nota la composition, qui est identique à actuelle, mais avec une Cymbale 1' (!) à la place de l'actuel 2' du récit (il y avait donc déjà la Tierce, le Cromorne et le "Choralbass"). L'auteur déclare que l'orgue a été "rénové récemment". [PMSDBO1975]
En l'absence de documents d'archives, la composition originale est inconnue. Elle est même mystérieuse, car on voit mal un orgue Rinckenbach sans Bourdon 16' manuel... mais il ne semble pas y avoir la place dans le buffet. (L'orgue de Neuwiller semble être un précédent, mais il était peut-être tout de même doté d'un Bourdon 16' manuel à l'origine.) Déterminer quels jeux ont été remplacés par la Doublette et la Tierce du grand-orgue reste donc une devinette (bien qu'un Dolce 8' serait logique). Pour compliquer les choses, le Nasard, s'il est d'origine, n'est pas sur sa chape (les trous du faux-sommier sont trop grands). Au récit, il est sûr que le Cromorne remplace un Hautbois, mais on ne sait pas quel jeu occupait la deuxième chape, là où se trouve actuellement le 2'. Peut-être une Fugara 4' ; un Principal 8' paraît exclu à cet emplacement.
Au cours d'une opération menée en 1988 par la maison Steinmetz de Dachstein, la Cymbale qui affublait le récit depuis les années 60 fut évacuée, et remplacée par un plus sage Principal 2' (cela explique que le faux-sommier ait été remplacé). De nombreux travaux de sauvetage durent être entrepris sur la tuyauterie (pavillons des anches). [ITOA] [AKrauffel] [Visite]
Aujourd'hui (2014), l'orgue est beaucoup plus attrayant que ce que l'on pourrait supposer en l'étudiant "sur le papier". Bénéficiant d'une acoustique très généreuse, les fonds s'expriment avec beaucoup d'élégance. Même la Fourniture "baroque" (1'1/3 à reprises) n'est pas choquante, et permet de bien élargir le répertoire. Il est entretenu par la maison Muhleisen. Il manque une Gambe au grand-orgue, mais en l'absence d'éléments historiques permettant de retrouver la composition d'origine, il faut bien avouer que la palette actuelle, harmonisée avec beaucoup de talent, en fait un instrument de grande qualité. La Trompette du grand-orgue, malheureusement, a beaucoup souffert au cours de l'histoire. Elle a été "réhabilitée" dans la limite de ce qui est faisable en dehors d'un relevage complet. Mais ses surlongueurs ont disparu (pas d'entailles dans les résonateurs) et l'accord tient mal. Le Cromorne du récit est l'élément le plus contestable de l'ensemble : cet instrument serait sublimé par le retour d'un Hautbois ! Le recoupage du Violoncelle de pédale en un inutile 4' a aussi déséquilibré l'ensemble : en l'absence d'anche de 16', le Violoncelle était indispensable pour donner de la puissance aux fondamentales. L'instrument, aujourd'hui fort bien entretenu mais qui a connu une histoire fort mouvementée, mériterait un relevage en profondeur (et un Hautbois).
Le buffet
Le buffet, en chêne, est de type Buethwiller (où ce dessin a été réalisé pour la première fois, en 1883). Trois tourelles plates, la plus large au centre, sont séparées par des plates-faces doubles. Il a été décliné dans des versions plus "Empire" (Hoenheim, 1885, avec comme ici un fronton interrompu) ou plus "néo-classique" (Lauw, 1893, ou Mussig, 1894). On le retrouvera un peu plus tard à Fouchy (1896) ou encore à Houssen (1897, avec des rinceaux plus développés).
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par une couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés, disposés en trois gradins de part et d'autres des claviers. Les porcelaines d'origine ont disparu, remplacées par des pastilles en plastique fort inesthétiques. Claviers blancs plaqués d'ivoire, d'origine. Commande des accessoires par pédales-cuillers à accrocher, en fer, repérées par de grandes porcelaines à liséré doré (d'origine) : de gauche à droite : "Koppel I a p" (I/P), "Koppel I a II" (II/I), "Expression". L'expression du récit n'a donc que deux positions (ouvert ou fermé). Le banc (d'origine) est une évolution du modèle dont les montants présentent une forme de lyre ; il y a trois "cordes".
Plaque d'adresse en position centrale, au-dessus du second clavier, en laiton incrusté sur fond noir, encadré :
Le nom et "Ammerschweier" sont en cursives, et "Ammerschweier" ondule entre deux lignes. Sur ce modèle de plaque, il n'y a pas de point après "Elsass".
Sommiers à gravures, en chêne, d'origine. Ils sont tous diatoniques. Le grand-orgue et le récit sont au même niveau, et la pédale légèrement plus basse (placée sur les côtés, sous et même derrière le récit.)
La tuyauterie d'origine est de très belle facture ; tuyaux métalliques en étain et étoffe. Certaines entailles de timbre ont la forme d'un trou de serrure, ce qui est caractéristique de Martin Rinckenbach. Tuyaux bouchés à calottes mobiles.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Alexandre Krauffel.
"Meistratzheim 20"
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