C'est le 03/07/1892 que le conseil de fabrique de Lauw décida d'acquérir cet instrument. Il s'agit de l'opus 38 de Martin Rinkenbach, daté de 1893.
Historique
En mai 1893, Martin Rinckenbach posa à Lauw son 38ème instrument. C'était le premier orgue installé dans l'édifice, qui avait été achevé en 1870. [LR1907] [IHOA] [Barth]
La localité de Lauw se nommait "Aue" ("Pré") en Allemand, et se trouve donc sous ce nom dans certaines sources. Dans les listes de travaux de Martin Rinckenbach, il se trouve entre les "premières versions" des orgues de Selestat, Ste-Foy et de Cernay. En effet, ces deux derniers instruments furent par la suite reconstruits par Joseph Rinckenbach, le fils de Martin : l'un vraisemblablement par choix esthétique, afin de le "démarquer" de son voisin de St-Georges, et l'autre à cause des dégâts survenus lors du premier conflit mondial. On ne peut donc comparer l'orgue de Lauw avec la configuration actuelle de ces deux instruments.
Il est en revanche très proche de ses quasi-contemporains de Muttersholtz (1892) et Mussig (1894). De plus, les trois sont de taille comparable. Ils présentent la particularité de ne pas avoir d'anche au récit. Dans ce cas, il n'y a pas de Hautbois, et la Trompette se trouve au grand-orgue, dans une disposition plutôt "germanique". Ces trois récits ne sont pas expressifs, mais Lauw est bien le "petit" de la fratrie (en taille), car il est dépourvu de Mixture au grand-orgue, et n'a pas de Geigenprincipal au récit. Cela confirme que la Mixture, dans ces compositions, est un jeu "de couronnement", qui n'intervient qu'en dernier, lorsqu'on a tout tiré, y-compris la Trompette. Dans la liste des priorités, la Trompette est ainsi placée plus haut que la Mixture.
Il n'y eut que deux révisons, en 1952 et 1975. [AORM]
L'orgue a été relevé par Hubert Brayé en 2004. L'inauguration a eu lieu le 20/06/2004, avec Pascal Reber aux claviers, et l'ensemble vocal du Pays de Thann, avec une présentation technique de Hubert Brayé. [AORM] [RLopes]
Le programme a réuni : Brahms ("O Gott du frommer Gott", orgue puis chœur + orgue), Schumann (fugues sur "BACH" n°5 et 6), Mendelssohn (Motet op 69 n°1, "Herr nun lässet du deinen Diener in Frieden fahren", chœur, Widor (Méditation de la 1ère symphonie), Achille Runner (Pater noster, a capella et l'offertoire du dimanche de Rameaux, chœur et orgue), Guilmant (Verset-fantaisie), Lefébure-Wely (Boléro de concert), Fauré (Cantique de Jean Racine, chœur et orgue), Achille Runner (Messe en ut mineur, chœur et orgue), Pascal Reber (Magnificat pour chœur et orgue, dont c'était la première audition), Vierne (bis : Impromptu, n°3 des Pièces de Fantaisie).
Cet instrument est donc entièrement authentique. [RLopes]
Le buffet
Ce dessin de buffet a été réalisé une première fois à Buethwiller en 1883, puis à Hoenheim en 1885. On le retrouva par la suite à Mussig (1894), Meistratzheim (1894), Fouchy (1896), Bréchaumont (1897), Houssen (1897), Richwiller (1898). Nul doute, donc, que c'était un des dessins favoris de la maison d'Ammerschwihr.
Trois tourelles plates, sensiblement de la même hauteur, celle du centre étant volontiers plus basse (c'est ici le cas), sont séparées par des plates-faces doubles.
Le buffet "Buethwiller" a aussi été décliné dans une version proposant des sommets de tourelles en chevrons (St-Louis-Bourgfelden, 1899). Il a fait l'objet d'une version particulièrement élaborée, avec plates-faces à deux étages et tourelles latérales en tiers-point à Niederhergheim dès 1890.
La façade est d'origine. (Elle est brillante parce qu'elle est propre !) Les tourelles adoptent une ligne des bouches en V, alors qu'elle est horizontale dans les plates-faces.
Il y a un portait de Martin Rinckenbach sur le flanc gauche de la clôture de pédale.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle incliné. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés avec porcelaines, placés en deux gradins, de part et d'autre des claviers. Les jeux du grand-orgue (gradin du bas) figurent en noir, ceux du récit (gradin du haut à gauche) en rouge, et ceux de la pédale (gradin du haut à droite) en bleu.
Claviers blancs. Blocs-claviers noirs. Commande de la tirasse et de l'accouplement par pédales-cuillers à accrocher. La tirasse est à gauche "Kopel I u. P." (sic), au-dessus du Dis du pédalier, et l'accouplement à droite "Koppel II u I." (cette fois avec deux "p"), au-dessus du c'. Les porcelaines correspondantes sont rectangulaires. La planche supérieure (portant la plaque d'adresse) n'est pas tout à fait verticale, mais légèrement inclinée vers l'arrière. (Comme à Selestat ou Mussig.)
Plaque d'adresse placée sur la traverse de la console, au-dessus du récit et au centre, disant, en lettres incrustées sur fond noir :
Le mot "Ammerschweier" serpente sur deux lignes. Le cadre extérieur est rectangulaire, sans ornement. Un "s" a été ajouté à la main pour corriger "Elsass".
Le banc actuel est récent, mais reprend le thème des pieds figurant une lyre, habituel chez Martin Rinckenbach.
mécanique à équerres.
à gravures, diatoniques, en "M" (basses aux extrémités) (y-compris pour la pédale). Ils sont communs pour les deux manuels : les jeux du récit sont simplement placés à l'arrière.
La tuyauterie est entièrement en étain et en bois. Bourdons à calottes mobiles. Nombreuses entailles de timbre, surtout dans les graves. Il y en a en forme de trous de serrure, que l'on retrouve fréquemment chez Martin Rinckenbach (mais pas Joseph).
Cet instrument, conçu et entretenu avec passion, c'est un précieux témoin de attachement de l'Alsace pour la musique romantique. L'ambiance du lieu est remarquable, et le reste du mobilier de l'église y contribue beaucoup. Il y a même un harmonium Merklin de toute beauté ! Cet orgue a été achevé en même temps que la "symphonie du nouveau monde" de Dvorak, et 1893 est aussi l'année de naissance de Lili Boulanger.
Bien sûr, il n'y a ici que 14 jeux, et le répertoire doit être bien ciblé. Mais il faut se souvenir que Lauw devait compter environ 700 habitants lors de la construction de son orgue ; soit un jeu pour 50 habitants. A ce niveau d'efforts, Mulhouse compterait aujourd'hui 22 orgues de 100 jeux... On imagine donc l'événement que constituait l'arrivée d'un pareil instrument dans ces localités à la fin du 19ème siècle. La composition est en quelque sorte une "promesse" : celle de faire ce qu'il y a de mieux avec les moyens disponibles. Chacun de ces jeux, et tout ce qui les sert, a été réalisé sans faire aucune concession à la qualité. C'est un instrument qu'il faut absolument découvrir.
Webographie :
Activités culturelles :
Sources et bibliographie :
Remerciements à Hubert Brayé et Jean-Georges Uhlrich.
Photos du 05/05/2018.
Photos du 05/05/2018.
Photos et compte-rendu suite à l'inauguration.
"Aue 13"
Localisation :