L'église paroissiale de Hipsheim se situe dans une annexe du village, qui s'appelait autrefois Saint-Georges. L'église St-Ludan était un lieu de pèlerinage important, consacrée à ce Saint qui mourut en 1202 à Nordhouse au retour de son pèlerinage à St-Jacques de Compostelle. Le clocher de l'édifice remonte au 13 ème siècle, et l'édifice abrite, entre autre trésors, un orgue remarquable, datant de 1899. C'est l'œuvre de Martin et Joseph Rinckenbach, d'Ammerschwihr.
Historique
En 1760, Jean-André Silbermann plaça à St-Ludan un petit orgue à un seul clavier et sans pédale. [IHOA] [HOIE] [ArchSilb]
La console d'origine, en fenêtre, abritait un unique clavier de 49 touches et 8 tirants. Elle n'était pas bien grande. Le banc originel devait être bien plus bas que l'actuel (1899). Il y avait peut-être un pédalier en tirasse, mais pas de jeux de pédale indépendants.
En 1777, l'instrument fut endommagé par la foudre. [ArchSilb]
Toujours en 1777, Jean-André Silbermann envoya Conrad Sauer pour faire les réparations nécessaires, et remplacer la Cymbale par un Cromorne. [ArchSilb]
Historique
C'est de 1899 que date l'orgue actuel, construit par Martin Rinckenbach, et logé dans le buffet de l'orgue Silbermann. [IHOA]
L'instrument n'apparaît pas dans les listes d'opus Rinckenbach publiées en 1907 et 1924. Il se trouve dans la plaquette Lapresté de 1939 (16 jeux). C'est probablement le 65ème instrument construit par Martin Rinckenbach, ici en étroite collaboration avec son fils Joseph, puisque ce dernier est "crédité" aux plaques d'adresse depuis 2 ans déjà.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [HOIE]
En 1950, l'instrument fut réparé par Paul Adam. [ITOA]
C'est à Adam qu'est parfois imputée la transformation de deux jeux de cet instrument. Toutefois, le facteur de Lingolsheim semble être hors de cause : l'analyse menée lors de l'inventaire de 1986 indique que ces altérations ont été commises plus tard. [HOIE] [ITOA]
Il y eut malheureusement une transformation, a priori en 1961, par Alfred Kern. Deux jeux firent les frais de cette opération : un au grand-orgue (probablement la Gambe, remplacée par une Doublette de récupération) et un à la pédale (le Violoncelle, qui a été "découpé" pour en faire un 4 pieds). C'est d'autant plus regrettable qu'il s'agit de la seule transformation subie par cet instrument, qui, sinon, serait resté authentique. On peut lire que la console aurait également été retournée à l'occasion, mais ceci est fort douteux. De plus, la façon dont les travaux ont été réalisés n'est pas compatible avec le soin normalement apporté aux orgues par Alfred Kern. Il reste donc un doute sur l'auteur de la transformation. [HOIE] [ITOA] [Barth] [Visite]
Le buffet
Il est très heureux que ce buffet ait pu être conservé en 1899. Notons qu'il n'a pas été réalisé par Jean-André Silbermann, qui sous-traitait toujours ses buffets à des ébénistes, comme Anton Ketterer.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés munis de porcelaines, disposés en trois gradins de part et d'autre des claviers. Le nom des jeu est inscrit en noir pour le grand-orgue, en rouge pour le récit et en bleu pour la pédale. Claviers blancs.
La porcelaine de la Soubasse est recouverte de papier collant, très sale. Celle du "4'" de pédale et celle de la Doublette ont un graphisme différent des autres. (Fonte "sans-serif").
Des croix ont été dessinées au crayon au-dessus des tirants du Bourdon du grand-orgue et du Lieblich Gedackt du récit. (Elles désignent donc les Bourdons 8' manuels. Indiquent-elle une registration pianissimo, "pour timides" ?)
Commande des tirasses et de l'accouplement par pédales-cuillers à accrocher, en fer forgé, repérées par des porcelaines rondes à liséré doré. A gauche : "Pédal koppel" (sic, avec l'accent ; I/P) et "Pedale koppel à II.M." (II/P), à droite "Manual koppel" (II/I), puis la trace de l'ancien système de commande de la boîte expressive, repérée par une porcelaine "Expression" que l'on a essayé d'effacer (sans trop se donner de peine). C'était une pédale à accrocher. L'expression du récit est actuellement commandée par une pédale basculante, qui n'est pas d'origine, placée au-dessus du "e" du pédalier.
Plaque d'adresse noire à lettres dorées placée sur la traverse de la console, au-dessus du second clavier, au centre, disant :
Le mot "Ammerschweier" ondule sur deux lignes.
Notons qu'à partir de 1896, tout en conservant un dessin constant pour l'intérieur de la plaque, Rinckenbach (ou un de ses collaborateurs chargé des plaques d'adresse) joue avec le cadre foncé servant de fond, afin d'individualiser les plaques d'adresses : à Lauw (1893), Mussig, Meistratzheim (1894) ou Fouchy (1896), les angles sont droits. A Eichhoffen (1896), Niedernai ou Richwiller (1898), les angles sont creusés en quart de cercle. A Ensisheim (1897), les angles sont festonnés. A Houssen, des rectangles ornent le pourtour, qui n'est plus rectangulaire. A Hipsheim (1899), voici une simplification : le cadre extérieur est considérablement réduit. A St-Louis-Bourgfelden, la plaque est du style "avant 1896", ce qui est cohérent avec le fait que la console a été achevée 3 ou 4 ans avant la date retenue pour son achèvement (1899). La maison d'Ammerschwihr fait preuve d'un remarquable souci du détail.
Banc d'origine, dont les pieds figurent une lyre.
Trois sommiers à gravures, diatoniques, d'origine (Rinckenbach, 1899). Le grand-orgue est placé derrière la façade, et la pédale disposée derrière, plus bas. Il y a une passerelle d'accord séparant les deux. Le récit est tout à l'arrière, au centre et en hauteur.
La pompe manuelle à bras est conservée, sur le côté droit du buffet. Il y a aussi l'indicateur de niveau du réservoir, avec les deux traits (un supérieur, un inférieur) entre lesquels il faut maintenir le repère mobile.
La tuyauterie de 1899 est d'excellente facture. Les Bourdons sont à calottes mobiles, et les biseaux munis de dents (réalisées manuellement).
L'orgue a l'air d'être accordé un demi-ton plus bas que l'habituel La 440 Hz, et la tuyauterie porte des marques probables d'un (essai de) changement de diapason. Plusieurs jeux portent les stigmates laissés par un accordeur très maladroit. Le Dolce du grand-orgue, dont les dessus sont au ton, présente des extrémités très évasées, signe d'un accord trop poussé. La Flûte majeure, dont les mediums sont au ton, présente des tuyaux déchirés ; la fente est écartée en "V" à force d'avoir reçu des coups d'accordoir côté pointe (pour élargir démesurément l'extrémité). Certains résonateurs du Basson ont été ressoudés (à la jointure avec le pied), très maladroitement.
Des écailles de peinture blanche sont tombées du plafond, un peu partout dans la tuyauterie du grand-orgue. Le Violoncelle de pédale est dans un état... affligeant. (Découpé en 4' - sûrement à l'aide d'une pelleteuse ; les freins ont été arrachés, parfois avec les oreilles.)
Malgré l'état préoccupant de sa tuyauterie, cet orgue joue remarquablement bien, et l'harmonisation reste fort distinguée. Les 8 pieds offrent une palette étendue et d'une grande finesse. On ne peut que regretter la disparition des deux Gambes (grand-orgue et pédale), qui devaient être de la même veine, et manquent cruellement. Quant à la Doublette, il vaut mieux ne pas la tirer, car elle est très dérangeante dans cet espace sonore. Les jeux de 1899 sont de vrais trésors. Un orgue à découvrir absolument pour ce qu'il est : un instrument de l'âge romantique parvenu à sa maturité (un des derniers témoins de ce style en Alsace, avant qu'il ne prenne des couleurs post-romantiques). Il est cohérent, remarquablement conçu et réalisé, plein de possibilités, et très attachant.
Activités culturelles :
Sources et bibliographie :
Remerciements à Mr le Curé Etienne Helbert.
Photos du 13/01/2020 et données techniques.
Remerciements à Bernard Misme.
Localisation :