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~ Les orgues de la région de Wasselonne ~

Kirchheim, Ste Trinité
STIEHR-MOCKERS, 1850

Orgue restauré par Jean-Christian GUERRIER, de Willer, de 2003 à 2006.


Avant... STIEHR Après...

Composition, 2006
Positif de dos
54 notes
Grand-orgue
54 notes
Pédale
27 notes
Bourdon 8' Bourdon 16' Bourdon 16'
Salicional 8' Montre 8' Flûte 8'
Montre 4' Flûte majeure 8' Prestant 4'
Flûte pointue 4' Viole de gambe 8' Trompette 8'
Flageolet 2' Prestant 4' Clairon 4'
Cromorne 8' (B) Flûte à cheminée 4'  
Hautbois 8' (D) Doublette 2'  
  Cornet 5 rgs (D)  
  Fourniture 4 rgs  
  Trompette 8' (B+D)  
  II/I (Tirant)  

     S'il fallait choisir un orgue représentatif de la facture alsacienne, s'il fallait trouver un exemple-type permettant d'expliquer ce que sont les instruments de la région, et quelle a été leur histoire commune, l'orgue STIEHR-MOCKERS de Kirchheim ferait assurément l'affaire. On peut en effet facilement y voir et entendre les éléments les plus significatifs de la production alsacienne du 19 ème siècle. Il a, au cours de son histoire, vécu toutes les vicissitudes qui ont affecté presque tous ses semblables. Il a enduré les guerres, les modes, les fausses-bonnes-idées, les changements hasardeux. Mais son histoire a connu un dénouement heureux : c'est aujourd'hui, et surtout, l'exemple parfait du haut niveau de qualité qu'ont atteint les instruments constituant notre patrimoine.

L'orgue Stiehr restauré de Kirchheim, le 08/07/2006.

     Notre "ambassadeur" de l'orgue alsacien eut tout d'abord une genèse analogue aux autres instruments de la région. Celle-ci commence en 1834, lorsque l'église de Kirchheim fut reconstruite. Certaines parties (surtout dans le clocher), remontent au 12 ème siècle, et furent conservées. C'est l'architecte SAMAIN qui officia : il agrandit la nef, remplaça le choeur (qui datait du 16 ème), mais n'eut pas le loisir d'achever l'édifice, puisqu'il y eut encore des travaux, dirigés par le fameux ZEGOWITZ, jusqu'en 1844 (tour).

Il y avait déjà, dans l'ancienne église, un orgue qui datait d'avant la Révolution. Réparé en 1803 par les MEYERHÖFER (famille d'artisans locaux), il fut attribué à SILBERMANN par F.X. MATHIAS (sans date ni preuve). Evidemment, comme en de nombreux endroits, l'ancien instrument, souvent trop petit, faisait "pâle figure" dans l'édifice neuf et agrandi. L'achat d'un nouvel orgue fut décidé par le conseil municipal le 18/04/1849. C'était "urgent" : l'instrument du 18 ème devait être en piteux état, au point que la décision fut prise à l'unanimité.

     L'orgue Stiehr a été posé en 1850, le procès-verbal de réception date du 16/07/1850.

On retrouve à Kirchheim tout ce qui fit le succès de "l'orgue de campagne" du 19 ème : conception robuste et sans fioritures, mais dotation sonore très élaborée, avec, surtout, de magnifiques Jeux de Fonds, et un irremplaçable Cornet niché au coeur de l'harmonie. Si les Fonds de Stiehr sont plutôt inspirés d'Outre-Rhin, les Anches sont bien françaises. La Pédale fut dotée d'une Trompette, mais aussi d'un Clairon, le Grand-orgue d'une Trompette manuelle (coupée en Basses et Dessus pour pouvoir en varier les effets), et le Positif d'un Cromorne/Hautbois fort polyvalent. Rien ne fut laissé au hasard, et ce sont à l'évidence seulement les solutions éprouvées et efficaces qui furent retenues, celles-ci étant réalisées sans concession.

Tant et si bien que l'ensemble est absolument caractéristique de la production alsacienne de ce milieu de siècle. Il s'agit d'un véritable "orgue-école". Le Buffet, simple, à l'allure robuste, grand (très grand pour cet instrument : il pourrait contenir un Clavier de plus) présente trois Tourelles plates, au haut en arc. Il est juste orné d'une croix et d'un angelot. Il y a un Positif de dos - petit orgue séparé, proche du public car logé à fleur de tribune - héritage de l'esthétique française classique. La facture d'orgue étant en 1850 exactement dans l'époque préparant l'âge romantique, on retrouve à Kirchheim les traits caractéristiques de l'époque dite "de transition" : une Gambe, un Salicional (la Maison Stiehr excellait dans la confection de ce Jeu), un Hautbois et un 2-pieds flûté, pas de Mutations.

Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on construisait en 1850 des instruments très polyvalents, capables de jouer de la musique classique française, mais aussi les répertoires qui se préparaient ; en somme, exactement l'objectif que se fixera l'esthétique Néo-classique 70 ans plus tard... mais dans une totale amnésie de ce que le milieu du 19 ème siècle avait offert de mieux.

En tous cas, à Kirchheim comme en de nombreux endroits, la Maison Stiehr avait "mis dans le mille", et livré exactement l'instrument qu'il fallait. L'orgue fit son travail, fut nettoyé par WETZEL en 1864 et régulièrement entretenu par la commune.

Des modifications malheureuses

     Les ennuis commencèrent en Juin 1917, quand les tuyaux de façade (ce que l'on appelle "la Montre", car ce sont ceux que le facteur a choisi de montrer) furent réquisitionnés par les autorités allemandes. Ils ont été remplacés (vers 1930?) par une Montre en zinc plutôt laide. Comme en de nombreux endroits, la perte des tuyaux de façade motiva la décision un peu hâtive de procéder à divers travaux, pas toujours effectués dans de bonnes conditions, et souvent irrespectueux d'instruments qui avaient déjà dans les 70 ans. Ils étaient "vieux" sans être "anciens" : encrassé et dépourvu de sa Montre, le "Stiehr" n'était à l'évidence que le pâle reflet de ce qu'il avait été.

Ainsi, en 1921 Franz KRIESS, de Molsheim, vida le Positif de dos de ses tuyaux pour en faire un Récit (plan sonore romantique caché derrière l'orgue), à transmission pneumatique. Le petit Buffet fut perdu (remplacé dans un premier temps par un postiche destiné à masquer la Console). Les plafonds et les panneaux arrière du grand Buffet ont été retirés.
Mais la plupart des tuyaux furent conservés... grâce à un souci d'économies. Bien sûr, certains furent "recoupés" par la suite pour en faire des Jeux aigus, mode Néo-classique oblige.

Kriess compléta la Pédale de 18 à 27 notes (C-f à C-d°), en laissant la partie mécanique en place, et supprima un rang de la Mixture du Grand-orgue (passant de 4 à 3 Rangs). Il ajouta deux Tirasses, qui ne sont clairement pas dans les habitudes Stiehr, mais qui étaient à cette époque considérées comme absolument indispensables.
Le Sommier de Grand-orgue resta mécanique, mais à commande pneumatique.

La console pneumatique Kriess, photo de Jean-Luc BATAILLARD.

     Suite à cette opération, l'orgue aurait été réparé en 1925 (soit seulement 4 ans après la pneumatisation!), puis en 1946, 1950, 1973... Le bel et solide orgue Stiehr avait été totalement chamboulé et avait perdu sa légendaire robustesse. Il fut encore réparé par la Maison STEINMETZ en 1981.

     En 2000, le constat était fort triste : le Récit n'était plus jouable (fuites, notes muettes). La pression avait été augmentée pour pallier à des déficiences du système pneumatique, à l'évident détriment de l'harmonisation. Le Diapason avait été haussé (sûrement pour satisfaire un besoin de normalisation).
Mais l'essentiel de la tuyauterie Stiehr était encore là, caché :

Composition, 1986
Grand-orgue
54 notes
Récit expressif
54 notes
Pédale
27 notes
Bourdon 16' Bourdon doux 8' Soubasse 16'
Montre 8' Salicional 8' Flûte basse 8'
Flûte majeure 8' Voix céleste 8' Violoncelle 8'
Prestant 4' Jeu 4' (2) Trombone
Flûte à cheminée 4' Flûte 2' (3) (Clairon 4') (5)
Nasard 2'2/3 (1) Larigot 1'1/3 (4) I/P
Flageolet 2' Cromorne/Hautbois 8' II/P
Cornet 5 rgs (D)    
Mixture 3 rgs    
Trompette 8'    
II/I    

L'orgue avant la restauration, photo de Jean-Luc BATAILLARD.


On distingue le haut de la Console indépendante. Les tuyaux de façade étaient en zinc, avec une ligne de bouche horizontale dans les Tourelles.
La petite façade constituant un Positif postiche avait disparu. Elle y était encore dans les années 60. Plus étroit que le Positif, cet élément comportait deux Plates-faces "en arc", une ligne de Bouches horizontale (reproduisant l'erreur commise au Grand-orgue lors du remplacement de la façade) et était affublé d'une curieuse corniche.

     En 2000, un projet de Restauration a été lancé. Effectuer tous les travaux en une seule étape était hors de portée d'une localité de 500 habitants. Aussi fut il décidé de procéder par étapes, en commençant par redonner au Grand-orgue et à la Pédale les qualités de l'orgue Stiehr. L'appel d'offres a été clos le 22/01/2001. Il s'agissait en particulier, pour cette première tranche, de retrouver une traction mécanique suspendue, avec bien sûr une Console en fenêtre à reconstruire entièrement, et de Restaurer la tuyauterie Stiehr (donc de "sécuriser" les éléments authentiques) :

  • restauration du Nasard 2'2/3 en Gambe 8'
  • restauration du jeu "sans nom" de 4' en (Montre viola ?) 8'
  • restauration de la Flûte 2' en Flûte pointue 4'
  • restauration du rang le plus aigu de la Fourniture
La tuyauterie devait retrouver le Diapason originel afin de pouvoir être remise dans une harmonie authentique, travail d'autant plus délicat que la pression avait été modifiée.

L'orgue Stiehr retrouvé

     L'opération fut placée sous la Maîtrise d'oeuvre de Chritian LUTZ, la Commune de Kirchheim assurant la Maîtrise d'ouvrage.

     Le marché a été attribué à Jean-Christian GUERRIER, de Willer. La tuyauterie et l'harmonisation ont été confiées à Mme Marianne BUCKER.
L'orgue fut tout d'abord totalement démonté et transporté en atelier. Par bonheur, les modifications de Kriess avaient laissé suffisamment d'indices pour qu'il soit possible de parvenir à restituer l'architecture interne du grand Buffet. De nombreux éléments mécaniques étaient restés dans le Buffet, parfois inutiles et parfois détournés, mais montraient comment le reste était disposé à l'origine. Lentement mais sûrement, les pièces du puzzle reprenaient leur place.

     Pour la Console, c'est l'orgue Stiehr de Hellfrantzkirch qui servit de modèle. Le cadre comportant les deux planches avec les trous laissant passer les Tirants de Jeux étaient encore en place derrière un panneau bricolé avec les portes de l'ancienne Console. Il est donc d'origine.

La Console.


A Hellfrantzkirch (1858) les claviers sont d'origine (et blancs). La disposition est parfaitement habituelle. Le banc est d'origine, mais avait été très légèrement remanié (plateau), sûrement lorsque le pédalier fut étendu.

La mécanique. (Toutes photos "techniques" du 08/07/2006.)


Partant de la Console, nous tournons autour de l'orgue vers la gauche. Nous regardons ici dans le soubassement du grand Buffet, dont le panneau au niveau du sol a été ouvert, vers l'intérieur du côté gauche (grave) de la Console. Au premier plan, la mécanique de tirage des jeux, avec les sabres et les grands pilotes tournants. Les deux Tirants du bas commandent les Anches de Pédale, et vont donc plus loin que les autres.
Les assemblages bois-fer forgé ont été chauffés (comme on le faisait à l'époque classique) pour prévenir l'oxydation. En haut à droite, les rouleaux horizontaux de l'Abrégé du Grand-orgue. Devant eux, on distingue des Vergettes de commande des soupapes. Le Sommier du Grand-orgue est situé juste au-dessus. Le tout est dans la disposition la plus classique (et saine) qu'il soit pour un orgue à traction mécanique.

     L'étendue de la Pédale fut conservée à 27 notes (il n'y en avait que 18 à l'origine, mais revenir en arrière eut privé l'orgue d'une bonne partie du répertoire). Les tuyaux de Pédale sont disposés "en mitre" derrière le grand Buffet (graves au centre). Les deux compléments (un Sommier de 5 notes à gauche et un de 4 notes à droite) ont été disposés de part et d'autre, de façon "détourée", comme il convient pour les ajouts lors des Restaurations modernes et scrupuleuses (il serait toujours possible de les démonter).
La Pédale est donc entièrement restituée : par bonheur, Kriess avait réalisé son complément de Trompette avec les tuyaux du Clairon du Stiehr !

La Pédale.


Nous sommes légèrement plus à gauche que pour la photo de la mécanique ci-dessus. La Pédale (dont en voit le Sommier en bas) se tient à l'arrière de l'orgue, un passage étant ménagé entre les deux pour permettre l'entretien. A gauche, les tuyaux coniques du Clairon (les petits) et de la Trompette (chacun deux fois plus long). Au fond, on distingue le Tremblant et sa commande, qui n'a rien à voir avec la Pédale : il est situé sur l'alimentation en vent des Claviers manuels qui passe par là.

     L'alimentation en vent est constituée d'un moteur, d'un ventilateur et d'un régulateur, le tout envoyant l'air sous pression dans le réservoir par un conduit carré (devant l'échelle : ce n'est pas une poutre mais le "Porte-vent"), afin de le mettre à la disposition de l'instrument :

Le moteur, le ventilateur, le régulateur.


Nous sommes cette fois juste derrière la Pédale, toujours du côté gauche.

La Soufflerie.


Le grand Soufflet cunéiforme sert de réservoir. On distingue le bras de commande du régulateur. La vue est située juste au-dessus de la précédente. On voit cette fois le haut du Porte-Vent. A droite, on retrouve le haut des tuyaux coniques de la Trompette, puis les trois jeux de Fonds de la Pédale : le (petit) Prestant 4' (juste à gauche de la planche maintenant les tuyaux de la Trompette), puis la Flûte 8' et la Soubasse 16'. La Soubasse "sonne" une octave plus grave que la Flûte, et devrait donc être deux fois plus haute (16 pieds au lieu de 8). Mais la Flûte étant ouverte et la Soubasse bouchée (on distingue les manchons des tampons), leurs tuyaux sont de longueur comparable (8 pieds "géométriques").
Tout à fait à droite, devant les panneaux arrière (neufs, les anciens avaient disparu), on distingue la passerelle d'accord d'où est prise la photo suivante.

     La grande façade en étain du Buffet, disparue en 1917 fut reconstruite à neuf. Le reste de la tuyauterie du Grand-orgue est fort bien conservée et fut remise en valeur :

La tuyauterie du Grand-orgue.


Nous sommes cette fois juste derrière le grand Buffet, à peu près à mi-hauteur, sur la passerelle d'accord. Les tuyaux sont disposés de façon diatonique, c'est à dire "un coup à droite, un coup à gauche". On voit ici le côté droit, aussi appelé "côté des dièses", car il abrite le Do# le plus grave. De l'autre côté, de façon symétrique, on trouve le Do naturel le plus grave. Cette fois, ce sont les tuyaux aigus qui se trouvent au centre, de façon à ménager la meilleure accessibilité, puisqu'on peut se tenir au centre de l'orgue, mais pas en faire le tour.
  • côté Do à gauche de l'organiste: do-ré-mi-fa#-sol#-la#...
  • côté Do# à droite: do#-ré#-fa-sol-la-si...
  • A gauche, la Trompette, logée à l'arrière, juste derrière les panneaux amovibles, afin de faciliter son accès (elle nécessite un accord régulier).
  • Puis les petits tuyaux de la Fourniture, qui a retrouvé ses 4 Rangs.
  • Un petit Jeu difficilement identifiable (Doublette ?)
  • La Flûte à cheminée. (Ses tuyaux les plus aigus n'ont d'ailleurs pas de cheminée.)
  • Les tuyaux étroits de la Viole de gambe (la planche qui est ici neuve, plus claire, est appelée Faux-sommier).
  • Les tuyaux bouchés du Bourdon 16' (cet orgue, curieusement, n'a pas de Bourdon 8' au Grand-orgue).
  • La magnifique Flûte "majeure" (ouverte et en bois).
  • Les Postages (tuyaux courbés en plomb conduisant le vent) vers le grand Cornet (qui est situé plus haut pour des raisons acoustiques).
  • Les Principaux, c'est-à-dire les tuyaux intérieurs du Prestant 4' et de la Montre 8' (tout n'est bien sûr pas en façade).

     Le grand Cornet à 5 Rangs est "posté", c'est-à-dire placé en hauteur, juste derrière la façade. Son rôle sonore est fondamental, car il sert à la fois de soliste, mais aussi, dans le Grand-jeu, à "rééquilibrer" l'harmonie vers l'aigu (les Jeux d'Anches en tendance à être plus puissants dans les graves) :



Le Cornet.


La vue est située un peu plus haut que la précédente, et cette fois du côté gauche (vu de la Console ; côté "naturelles"). On distingue cette fois l'autre extrémité des Postages du Cornet. Ils débouchent dans une pièce gravée, qui distribue le vent simultanément aux 5 tuyaux constituant la note : au fond, un Bourdon 8' bouché, puis une Flûte 4' ouverte, puis une Flûte en Quinte 2'2/3, puis une Flûte 2', et enfin la Tierce 1'3/5. L'accord (très délicat) se fait au moyen d'une entaille laissant deux petites bavettes.
On remarque que cette moitié de Cornet (l'autre, symétrique, est situé du côté des dièses) n'a que 15 notes, ce qui donne 30 en tout : le Jeu ne fonctionne qu'à partir du mileu du clavier (troisième Do, ou c°) ; on parle de "Dessus" de Cornet. Ce n'est pas le résultat d'une quelconque économie, mais dû au rôle sonore du Cornet : en soliste, la moitié supérieure suffit, et dans l'ensemble, quand les Anches donnent de la voix, il sert justement à équilibrer l'orgue vers les aigus.
On vérifie que les 30 notes permettent d'aller au troisième Do à fin du clavier (cinquième Fa, soit c°-f°°°).
En bas à gauche, on distingue le haut de trois tuyaux de la Flûte majeure, avec leurs petites bavettes métalliques d'accord. Au fond, le côté caché de la Montre. Les tuyaux de façade sont souvent découpés à l'arrière, car leur longueur "sonore" ne peut pas toujours correspondre aux exigences esthétiques du Buffet. Les ouvertures sont destinées (outre à gagner du poids) à ne pas compromettre l'harmonie par une sur-longueur.


     Le succès de cette première tranche de restauration produisit la dynamique nécessaire pour achever le projet consistant à redonner à l'orgue Stiehr sa cohérence originelle. En 2005 et 2006, le Positif de dos fut reconstruit sur les modèles Stiehr existants.

La tuyauterie du Positif.


Nous sommes juste derrière le banc de l'organiste, et regardons l'intérieur du petit Buffet situé à fleur de tribune :
  • Au premier plan, les tuyaux coniques et galbés du Hautbois. Comme pour la Trompette du Grand-orgue, ils sont situés ainsi pour faciliter l'accès. On remarque, à leur pied, la Rasette, c'est-à-dire la tige qui permet d'accorder le tuyau. Quand on la remonte, le son devient plus grave. Quand on l'enfonce, la partie vibrante de l'anche se trouve raccourcie, et le tuyau "parle" plus haut.

         Contrairement à une croyance répandue, les tuyaux à Anches ne se désaccordent pas quand la température change. Ce qui se passe, c'est qu'ils sont moins sensibles aux écarts de température que les tuyaux à Bouche. Mais comme ces derniers sont majoritaires, l'erreur judiciaire est vite commise : on pense que ce sont les Anches qui chantent faux. Le mieux, comme toujours, est de ne pas y toucher, à moins d'avoir reçu une solide formation.
    Ce qui est vrai, par contre, c'est qu'ils se désaccordent peu à peu, avec le temps, et plus vite que les autres. Deux accords annuels sont nécessaires, et souvent suffisants. Le facteur en profite pour effectuer les autres petits entretiens et détecter les éventuels problèmes tant qu'ils sont aisément réparables.

  • Le Bourdon, qui est en réalité une Flûte à cheminée.
  • La Flûte pointue (les petits tuyaux très coniques).
  • Le magnifique Salicional.
  • L'arrière des tuyaux de façade (Prestant).
  • Le Flageolet n'est pas visible sur cette vue.

Technique

Diapason : Sib 440 Hz, environ.
Transmission : Mécanique suspendue (2004-2006), Sommiers à Gravures, d'origine.
Il y a un Tremblant doux. L'Accouplement est à masselottes, commandé par tirant ; il n'y a pas de Tirasse.
Il y a un Tirant muet, étiqueté "Symétrique", qui n'est là, comme son nom l'indique, que pour la symétrie de la Console. Ordre des tirants à la Console (étiquettes à caractères noirs pour le Grand-orgue, verts pour le Positif, et rouges pour la Pédale) :

MANUAL

PRESTANT 4p

| SYMETRIQUE
POSITIF

PRESTANT 4p

| POSITIF

SALICIONAL 8p

MANUAL

CORNET

| MANUAL

MONTRE 8p

POSITIF

FLUTE pointue

| POSITIF

BOURDON 8p

MANUAL

BOURDON 16p

| MANUAL

FLÛTE MAJEUR

POSITIF

CROMORNE 8p

| POSITIF

FLAGEOLET

MANUAL

FLUTE A CHEminée

| MANUAL

VIOLE DE GAMbe

POSITIF

HAUTBOIS 8p

| PEDALE

BOURDON 16p

MANUAL

FOURNITURE

| MANUAL

DOUBLETTE

PEDALE

TROMPETTE 8p

| PEDALE

FLUTE 8p

MANUAL

TROMPETTE Basse

| MANUAL

TROMPETTE dessus

PEDALE

CLAIRON 4p

| PEDALE

PRESTANT 4p


ACCOUPLEMENT
|
TREMBLANT doux
|

     Voici le détail des travaux effectués sur la tuyauterie au cours de la restauration :

  • rallonge de tuyaux anciens. Cette action s'est faite après la mise en place des tuyaux dans l'orgue : les "coupes" avaient en effet été faites de manière plus ou moins arbitraire par Kriess ou autre.
    La Pression et l'alimentation en vent étaient forts différents lorsque l'orgue était pneumatique.
  • Reconstruction du rang le plus aigu de la Fourniture.
  • Fabrication des éléments manquants de la Trompette et du Clairon de Pédale (27 tuyaux en tout)
  • Fabrication de la Flûte 4' de Pédale, en bois.
  • Complément de la Pédale pour la Soubasse 16' et la Flûte 8'.
  • La Montre 4' du Positif, ainsi que le Flageolet 2' sont pratiquement neufs (mais il y une octave environ de tuyaux anciens ayant fourni modèle et Tailles).
  • La façade du Grand-orgue ainsi que celle du Positif de dos ont été reconstruites dans l'atelier de Willer. Ils ont été travaillés au racloir comme le faisait la Maison Stiehr.
  • Rallonge de la Flûte pointue 4' du Positif.

     Le Sommier du Positif de dos est neuf. Il a été réalisé en chêne massif, sauf les Faux-sommiers qui sont en tilleul. Il est flipoté selon les modèles de Stiehr. La seule différence par rapport aux modèles anciens réside dans le fait que des joints de dilatation en peau on été placés tous les quinze centimètres. L'effet des variations importantes de température et d'hygrométrie provoquées par le chauffage est ainsi très largement atténué.
Toutes les parties en bois ont été travaillées au rabot. Aucun vernis n'a été utilisé. Le bois aura donc dans quelques années la même teinte que les parties anciennes.

Un orgue-école ?

     Les caractéristiques techniques, le résultat sonore après la restauration, mais aussi son histoire mouvementée font donc de l'orgue de Kirchheim l'exemple-type de l'orgue alsacien : une chose presque trop belle, en tous cas "pas du tout raisonnable", voulue au coeur du 19 ème siècle par un peuple modeste mais cultivé, dont c'était parfois la seule source de musique. Comme la Musique, il s'agit encore aujourd'hui d'une chose futile et grande, inutile et indispensable, qui, lors de sa genèse comme pendant sa restauration, a surtout servi et réussi à rassembler les Hommes.

Pratiquement, l'instrument est d'autant plus intéressant à visiter que presque tout est aisément visible : installé "au large" dans la disposition la plus classique qu'il soit, il permet d'expliquer et de comprendre l'essentiel du fonctionnement des orgues (qui furent pendant très longtemps, avec les horloges, les productions les plus élaborées de la main humaine).

L'orgue de Kirchheim n'en est pas pour autant un "orgue moyen" : lors de sa construction et sa restauration, il a bénéficié des meilleures techniques et de réalisations sans concession. Si on y retrouve le Cornet et les Fonds qui ont fait le succès de la Maison Stiehr, il se distingue en particulier pas son Grand-jeu exceptionnel. Les orgues Stiehr n'étaient pas forcément réputés pour les Anches, la Maison de Seltz se faisant souvent distancer dans le domaine par sa concurrente Haut-Rhinoise (les CALLINET de Rouffach). Mais ici, la combinaison de la grande Trompette manuelle, des deux Anches du Positif et des deux Anches coniques de la Pédale produisent un effet bien au-dessus de la moyenne. La Maison Stiehr disposait de plusieurs "chefs de projet" aux styles fort différents, et les "Stiehr" sont du coup aussi très différents.

On ne sait pas exactement comment le travail était réparti dans les ateliers Stiehr vers 1850. Mais quelque chose a contribué à donner un caractère propre à de nombreux orgues construits à Seltz. Les orgues de Kirchheim, de Bischoffsheim, de Barr par exemple, sont très différents, bien qu'ils aient été tous les trois construits en l'espace de 4 ans. Peut-être faut-il voir dans l'orgue de Kirchheim la trace de Marc Stiehr. Ce personnage haut en couleur (fils de Joseph Stiehr, né le 22/10/1826, Dominicain, facteur d'orgues, révolutionnaire, parti pour le Chili vers 1852, où il mourut à Santiago après 1878...) est en effet probablement l'auteur d'une inscription fort "progressiste" retrouvée à l'intérieur du Buffet.

Ce qui fait de Kirchheim un orgue alsacien typique (même s'il est peut-être l'oeuvre méconnue d'un révolutionnaire !) :

  • Une taille raisonnable (une vingtaine de Jeux) "en 8 pieds", avec deux Manuels.
  • Un Positif de dos.
  • Une Pédale indépendante, bien fournie (2 Anches, 3 Fonds), fondée sur 16 pieds bouchés, constituée de Jeux dédiés, et logés à l'arrière du Buffet.
  • Une Composition "post-classique" (dite "de Transition") laissant la part belle aux Principaux, mais un Positif sans réel Plein-jeu.
  • Une transmission mécanique suspendue, avec un Positif à mécanique foulante.

     Mais bien sûr, tous les orgues sont uniques, et celui de Kirchheim comporte aussi des caractéristiques propres : l'absence de Bourdon 8' au Grand-orgue, un Grand-jeu exceptionnel, l'inscription dans son Buffet et... une autre énigme-mystère constituée par les traces en négatif d'étoiles, sur le côté et l'arrière du grand Buffet :

Un orgue "3-étoiles"

Voici une explication proposée par Joseph STUTZINGER, notant la présence d'étoiles identiques dans l'ancien cachot de la mairie (transformé aujourd'hui en toilettes). On les trouve sur le mur en plâtre conservé en l'état pour faire témoignage de l'époque de Novembre 1944. De nombreux autres graffitis (oeuvre d'un prisonnier) sont encore visibles. Ces étoiles pourraient traduire l'espoir de la prochaine arrivée des Américains : quelqu'un se serait caché dans l'orgue en attendant les libérateurs...

     L'orgue Stiehr de Kirchheim n'est pas, pour l'instant, Classé aux Monuments Historiques (bien que son état actuel et son authenticité en font un candidat parfaitement éligible). Il ne serait pas exclu de procéder à un tel Classement, surtout au titre de la protection que celui-ci apporterait.

     En tous cas, le succès de cette Restauration exemplaire démontre qu'il est possible de "ressusciter" des orgues que l'on croyait perdus. (Pie MEYER-SIAT, dans son "Stiehr", était très pessimiste : "Peut-être reste-t-il quelques tuyaux Stiehr en cette pédale et dans le grand-orgue" ; s'il pouvait le voir aujourd'hui !)

Il reste de nombreux orgues Stiehr qui ont été "chamboulés" comme celui de Kirchheim dans les années 1920-30. Certains recèlent sûrement de nombreux éléments authentiques, un trésor qui ne demande qu'à revenir à la lumière du jour. Les Kirchheimois ont prouvé que l'opération est possible, même dans le contexte actuel, et qu'elle apporte, outre un instrument de musique exceptionnel, son lot direct d'activités sociales liées à l'existence même d'un projet motivant.

L'inauguration a eu lieu le 24/09/2006 par Damien SIMON.
A Kirchheim, comme dans d'autres localités où la conscience de ce qui est "utile" ou "inutile" confère une âme vivante et généreuse à la Chose publique, l'accueil est chaleureux et courtois.

(1) Ce "Nasard 2'2/3" était en fait la Gambe 8' de Stiehr, recoupée pour en faire une Quinte.
(2) Ce "Jeu 4'" avait été recoupé. Il était noté "Montre viola 8'" à la Console.
(3) La Flûte 2' était notée "Flûte 4'" : c'était la malheureuse Flûte pointue 4' de Stiehr qui avait été recoupée.
(4) Ce Larigot était noté "Voix céleste" (!) à la Console. Il était constitué de tuyaux de récupération.
(5) La Chape du Clairon 4' était vide, les tuyaux ayant été employés par Kriess pour compléter la Trompette.

Sources :

  • Remerciements à Jean-Christian GUERRIER.
  • Remerciements à Christian LUTZ.
  • Remerciements à Joseph STUTZINGER.
  • Remerciements à Jean-Paul HANUS.
  • Remerciements à Jean-Luc BATAILLARD.
  • P. MEYER-SIAT, "Stiehr-Mockers", AEA XX (1972-73)
  • M. BARTH, "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert", AEA XV (1965-66) (Où l'orgue est attribué à Kriess!)
Activités culturelles :
  • 24/09/2006 : concert inaugural, par Damien SIMON (Strasbourg, Cathédrale et Strasbourg, St-Paul).

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Dernière mise à jour : 01/10/2006 21:42:56

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