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Les orgues de la région de Geispolsheim
Lipsheim, St-Pancrace
1917 degr > Dégâts
Orgue Wetzel muni d'un crescendo;Instrument tenant une place particulière dans l'histoire de la facture alsacienne
Lipsheim, photo d'Eric Finck (2002).Lipsheim, photo d'Eric Finck (2002).

On dit de Charles Wetzel et de son fils Edgard, qu'ils sont les héritiers de la tradition Silbermann, par Conrad Sauer et leur père Martin. Ils sont longtemps restés fidèles à la transmission mécanique, comme les autres facteurs "historiques" alsaciens (Stiehr en particulier). Mais, en 1895, les avantages offerts par la transmission pneumatique commençaient à la rendre incontournable : console indépendante au toucher non alourdi, dotée de nombreuses fonctions, disposition plus libre des éléments dans l'instrument... D'ailleurs, tous les facteurs qui faisaient référence s'y mettaient où la maîtrisaient déjà, tant ceux de "l'Allemagne de l'intérieur" (Gebrüder Link, Eberhard Friedrich Walcker, Weigle ...) que ceux établis en Alsace (Heinrich Koulen, Edmond-Alexandre Roethinger, Franz Xaver Kriess). Chez Martin et Joseph Rinckenbach, cette technique était en développement et la maison d'Ammerschwihr franchit le pas en 1899. De fait, il devenait de plus en plus difficile de faire accepter par les clients les limitations de la mécanique. Les Wetzel construisirent ici leur premier instrument pneumatique, et voilà donc une maison "historique" alsacienne qui s'y mettait. Ceci donne à l'orgue de Lipsheim une place particulière dans l'histoire de la facture alsacienne.

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L'orgue Jean-Conrad Sauer,
1826
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Historique

En 1831, Lipsheim reçut l'orgue de Strasbourg, St-Etienne, qui avait été construit par Jean-Conrad Sauer en 1826. [IHOA]

Probablement parce que Sauer avait encore accès à des stocks de Jean-André Silbermann, il plaça dans cet instrument une grande quantité de tuyaux du plus célèbre des facteurs strasbourgeois.

L'orgue a été transformé en 1877 par Charles Wetzel : une Montre 8', un Salicional 8' et une Voix céleste 4' (probablement en fait un Salicional 4') remplacèrent respectivement le Nasard, la Tierce et la Flûte 4', et, à la pédale, le Basson céda sa place à un Violoncelle 8'. [IHOA] [PMSRHW]

Le buffet

C'est le buffet actuel. Son style doit beaucoup à Jean-André Silbermann : la partie centrale très large est une évolution de sa fameuse tourelle centrale trilobée. Bien que ce buffet soit clairement du 19ème, son soubassement plus étroit que la superstructure trahit une conception datant des toutes premières années du siècle. Peu après, les buffets du 19ème auront généralement un soubassement aussi large que la partie supérieure.

Les claires-voies sculptées représentent des feuilles d'acanthes, et le buffet était à l'origine muni de jouées, qui ont malheureusement été perdues. La fenêtre de console a été préservée en 1895. [VWeller]

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Historique

En 1895, Charles et Edgard Wetzel reconstruisirent l'instrument, sur deux manuels et pédale, et avec une console indépendante. [IHOA] [PMSRHW]

L'instrument - doté de deux manuels et d'un pédalier complet - permettait un bon accès au répertoire. L'absence totale de jeu d'anche n'est pas inhabituelle dans l'orgue romantique allemand, pour les petits et moyens instruments.

Les caractéristiques de l'instrument, en particulier à la console, font beaucoup penser à Weigle (petits taquets à accrocher pour sélectionner les jeux). Les Wetzel ont probablement décidé de faire comme Franz Xaver Kriess : se fournir chez Weigle et pratiquer une sous-traitance moins risquée que de "bricoler" un système de transmission et une console "maison".

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [IHOA]

Ils ont probablement été remplacés (par des tuyaux en zinc) lors d'une réparation qui eut lieu en 1922. L'orgue fut encore entretenu en 1948 et 1951. [IHOA]

En 1968, la façade fut remplacée une seconde fois, cette fois avec des tuyaux en étain, par Alfred Kern. Mais l'inventaire technique, réalisé en 1986, ne note pas une façade en étain. [IHOA]

Malheureusement, vers 1970, l'instrument a été livré à Robert Kriess pour une "baroquisation". La Gambe a été découpée en un 2' et la Voix céleste en "Larigot" 1'1/3. [ITOA]

En 1992, Robert Kriess revint faire une accord et des travaux d'entretien. Il y a actuellement un soufflet à charge flottante de Kriess dans le soubassement (112 mm de colonne d'eau). Le soufflet de Wetzel était situé à l'origine sur la tribune, coté gauche, puis a été déplacé dans le grenier, avant de trouver cette place. Il est fort possible que Kriess ait modifié la pression, car c'était une pratique assez courante. [VWeller]

En 2014, l'orgue était en fort mauvais état (en particulier sa tuyauterie) et victime d'une grave attaque de ver à bois. [VWeller]

En 2015, un relevage, mené par la manufacture Muhleisen, eut pour objet de stopper l'attaque du ver et de réparer la tuyauterie. [VWeller]

La Gambe 8' du grand-orgue, endommagée vers 1970, a été restituée, et c'est un 2' qui est venu remplacer le "Larigot" de 1970 (qui était la pauvre Voix céleste recoupée en 1'1/3. [VWeller]

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2015
Grand-Orgue, 54 n. (C-f''')
e'-f''' de Sauer
En partie de Silbermann
c'-f''' de Silbermann
Gambe 8' recoupée, et restaurée
Partie sur le vent de Sauer, façade de Kern
Silbermann, Kriess, Kern
Récit, 54 n. (C-f''')
Silbermann
Wetzel
2'
Chape de la Voix céleste, endommagée vers 1970
Sauer
Pédale, 27 n. (C-d')
Wetzel
Wetzel
I/P
Pédale basculante et boutons sur un tableau
[IHOA] [VWeller]
Console:
La console indépendante de Wetzel.Photo d'Alexis Platz, vers 2006, donc avant le relevage.Noter le porte-partitions "approche pragmatique".La console indépendante de Wetzel.
Photo d'Alexis Platz, vers 2006, donc avant le relevage.
Noter le porte-partitions "approche pragmatique".
La console le 21/10/2015.Photo de Victor Weller.La console le 21/10/2015.
Photo de Victor Weller.

Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par taquets à accrocher se déplaçant en "L", (à la façon de Weigle ou Dalstein-Haerpfer), placés en deux gradins de part et d'autre des claviers, et surmontés de porcelaines indiquant le nom des jeux, placés sur un chanfrein du gradin. Le nom des deux est écrit en noir pour le grand-orgue, en rouge pour le récit, et bleu pour les accouplements ("Manual koppel", "Pedal koppel I", "Pedal koppel II"). Claviers blancs.

Il y a un crescendo, fort original, et qui rappelle celui de l'orgue Weigle de Strasbourg, St-Maurice. Une pédale basculante (qui est d'ailleurs la seule commande à pied) ajoute des jeux dans l'ordre suivant :

- Bourdon 8' g.o. et Soubasse ped.

- Flûte 8' g.o. et II/I

- Gedeckt 8' réc. et Salicional 8' réc.

- Gambe g.o., Rohrflöte 4' réc. et II/P

- Principal 8' g.o., Voix céleste réc. et Octavbass péd.

- Octave 4' g.o. et I/P

- Mixture 2'2/3 g.o.

Soit, vu en "intégrale" :

- I:Bourdon 8' ; II:/ ; Ped:Soubasse

- I:Bourdon 8', Flûte 8', II/I ; II:/ ; Ped:Soubasse

- I:Bourdon 8', Flûte 8', II/I ; II:Gedeckt 8', Salicional 8' ; Ped:Soubasse

- I:Bourdon 8', Flûte 8', Gambe 8', II/I ; II:Gedeckt 8', Salicional 8', Rohrflöte 4' ; Ped:Soubasse, II/P

- I:Bourdon 8', Flûte 8', Gambe 8', Principal 8', II/I ; II:Gedeckt 8', Salicional 8', Rohrflöte 4', Voix céleste ; Ped:Soubasse, Octavbass, II/P

- I:Bourdon 8', Flûte 8', Gambe 8', Principal 8', Octave 4', II/I ; II:Gedeckt 8', Salicional 8', Rohrflöte 4', Voix céleste ; Ped:Soubasse, Octavbass, I/P, II/P

- I:Bourdon 8', Flûte 8', Gambe 8', Principal 8', Octave 4', Mixture 2'2/3, II/I ; II:Gedeckt 8', Salicional 8', Rohrflöte 4', Voix céleste ; Ped:Soubasse, Octavbass, I/P, II/P

Les jeux tirés sont affichés grâce à un tableau vitré placé sous le porte-partitions (donc dans une position centrale attestant l'intérêt que l'on portait à cet accessoire), par 7 pistons disposés en dessous de ses colonnes. Ces crescendos sont des témoins précieux de la façon dont on registrait à l'époque de leur conception. L'ordre d'entrée des jeux appelle plusieurs commentaires :

- Ce crescendo est conçu pour être joué intégralement au grand-orgue (le récit est muet aux étapes 1 et 2). Il n'y a pas d'étape où on change de clavier (et le récit n'est pas expressif).

- Le Principal 8' du grand-orgue est un "jeu fort", et n'entre qu'en 5ème position. Ce n'est pas un jeu "de fondement" : dans ce rôle, on préfère Bourdons et Flûtes. On est bien loin de l'orgue classique français, où la Montre 8' est souvent "une Flûte de plus".

- L'accouplement des manuels est systématique. Il rentre en position 2, alors qu'il n'y a encore aucun jeu du récit (ce qui peut paraître surprenant). Faire entrer l'accouplement II/I avant les jeux du récit est une bonne idée, car celui-ci est alors parfaitement en place quand les jeux du récit seront appelés, à l'étape suivante, évitant tout risque de "transitoires".

- La tirasse récit (II/P) entre avant la tirasse grand-orgue (I/P). C'est une préoccupation commune de l'orgue romantique allemand que de contrôler le volume de la pédale, et d'éviter qu'elle n'écrase le reste. Quand la tirasse II/P est appelée, le seul jeu de pédale est la Soubasse (sans la Flûte 8', donc), et le pédalier "tire" le Bourdon, le Salicional et la Flûte à cheminée du récit.

- La Voix céleste fait partie du "tutti" : elle entre à l'étape 5 (alors que le 4' s'y trouve déjà), et reste.

- la Mixture romantique (grave : 2'2/3) est un jeu de couronnement. C'est la dernière étape avant le Tutti. il est probable qu'elle serait restée dernière même s'il y avait eu des jeux d'anches.

Le tableau indicateur se présente sous la forme d'un quadrillage, avec les noms des registres écrits à la plume, dont voici une transcription.Le tableau indicateur se présente sous la forme d'un quadrillage, avec les noms des registres écrits à la plume, dont voici une transcription.
Une photo de détail de ce cadran, montrant la calligraphieUne photo de détail de ce cadran, montrant la calligraphie

Plaque d'adresse en deux (grands) éléments, au-dessus des taquets de commande des jeux, de chaque côté, en lettres gothiques sur fond noir. A gauche :

Gegründet 1827

A droite :

Wetzel & Sohn

A St-Martin, sur une autre console "tardive" de la maison Wetzel on trouve une plaque unique, mais avec le même libellé.

Transmission:

pneumatique tubulaire.

Sommiers:

Sommiers à membranes (1895). La disposition est spécifique : derrière la façade se trouve le sommier des basses du grand-orgue (jusqu'au g'), puis, derrière celui-ci, les basses du récit (à nouveau jusqu'au g'), et au fond la pédale. Les dessus des manuels (gis'-f''') sont situés sur 2 sommiers à part dans le soubassement de l'orgue (qui est ajouré pour ne pas étouffer le son).

Pour un "coup d'essai" au pneumatique, et avec le recul, c'était plutôt réussi : l'instrument a donné satisfaction, et connut un sort bien plus enviable que celui - mécanique - de St-Martin (aujourd'hui à l'abandon). Mais, indépendemment des techniques utilisées, la veille maison Wetzel était sur le déclin. Peut-être qu'en suivant la voie de Kriess ou Roethinger (assembler des orgues sur la base de composants Weigle ou Laukhuff, en concentrant la valeur ajoutée sur l'architecture et l'harmonisation) elle aurait pu trouver un renouveau ? Mais l'expérience de Lipsheim resta sans suite. Il ne reste pratiquement rien de la production Wetzel d'après 1895. Le chef d'oeuvre de Strasbourg, St-Louis (contemporain de l'orgue de Lipsheim), restera un magnifique "chant du cygne". Edgard réussit à faire "vivoter" la veille maison "fondée en 1827" jusqu'en 1944. Sans plus.

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Références Sources et bibliographie :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670268001P02
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