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Les orgues de la région de Strasbourg
Strasbourg, St-Louis
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1973 degr > Dégâts
Partie instrumentale classée Monument Historique, 20/11/2018.
Buffet classé Monument Historique, 30/12/1982.
L'orgue Wetzel de Strasbourg, St-Louis-en-ville.
Photos du 15/04/2023 et du 08/08/2023.L'orgue Wetzel de Strasbourg, St-Louis-en-ville.
Photos du 15/04/2023 et du 08/08/2023.

Cet orgue de Charles et Edgard Wetzel est un parfait témoin de la grande époque de l'orgue romantique alsacien. En raison de nombreuses spécificités, il constitue une pièce unique, à la fois de œuvre de la maison Wetzel et du patrimoine de la région. Depuis 2023, il a retrouvé sa voix, qui est à coup sûr une des plus belles de Strasbourg !

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L'orgue Pierre Delorme,
vers 1715
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Historique

Le premier orgue de St-Louis a été construit vers 1715 par Pierre Delorme. [IHOA] [Barth] [Mathias]

A sa construction, en 1687, l'église St-Louis était connue sous le nom "Saint-Louis-des-Français", évidemment tant en l'honneur du Roi Soleil que de Louis IX, mais aussi pour la distinguer de St-Louis à la Citadelle, où le culte a été assuré par des Récollets entre 1685 et la Révolution. [PMSAVS77STLOUIS]

Ce sont les Chanoines de Saint-Augustin qui desservaient la paroisse St-Louis nouvellement établie. Pierre Delorme (Orléans 24/07/1666 - Bouquenom 11/05/1728), était un frère Convers au service des Augustins. Son orgue le plus connu est celui du Bouquenom (Sarre-Union), le suivant dans sa production.

Voici la composition de l'orgue Delorme de St-Louis:

Il s'agissait d'un orgue un peu plus petit de celui qu'il réalisa ensuite au Bouquenom : pas de 16' manuel, pas de Mutations en 16'. Par contre, il y avait un clavier d'écho, probablement constitué d'un dessus de Cornet. On retrouve l'Angélique, qui est une Trompette "décalée" de deux octaves qui ne parle que dans les deux octaves graves. On note aussi l'absence d'un 16' à la pédale.

Comme beaucoup d'orgues du 18ème - ceux des Silbermann faisant exception - l'instrument parait avoir été de bien piètre qualité. D'ailleurs, tant André que Jean-André refusèrent de l'entretenir, une fois que son auteur était parti pour le Bouquenom. C'est Joseph Waltrin qui en assura - entre autres - l'entretien. En 1725, l'organiste de St-Louis s'appelait François Joseph Schmitt. [PMSAVS77STLOUIS]

Suite à des travaux de plâtrage à l'édifice, en 1757, c'est Georg Friederich Merckel qui fit des travaux. [PMSAVS77STLOUIS]

Ce qui, probablement, ne rendit pas l'orgue meilleur...

En 1770 il y eut encore des travaux à l'édifice, menés par l'architecte Christiani. Pour l'orgue, à nouveau, on sollicita Jean-André Silbermann, qui, à nouveau déclina. Si bien que c'est Johann Peter Toussaint qui fit des travaux, avec son fils Nicolas. [PMSAVS77STLOUIS]

En 1791 (la date n'étonnera pas ceux qui font la différence entre "Histoire de France" et "Histoire de Paris"), c'est cette fois Sébastien Krämer qui fut chargé de l'entretien. [PMSAVS77STLOUIS]

...un autre facteur du 18ème "controversé" (cf. Bischoffsheim), mais à nouveau un choix "socialement" logique : en effet, en 1788, l'organiste de St-Louis, Jean Sébastien Klingenmeyer, avait épousé la sœur cadette de Krämer. L'accord de l'orgue fut donc attribué au beau-frère, fait adoubé par un certificat de Dietrich, maire de Strasbourg. [PMSAVS77STLOUIS]

Klingenmeyer resta organiste à St-Louis jusqu'au 31/05/1791, et on connaît même le nom de son successeur : Joseph Labory. [PMSAVS77STLOUIS]

Mais à partir de la fin 1792, l'histoire de Paris rattrapa l'histoire de Strasbourg. Cela commença par la chasse aux "symboles royaux" (à l'autel, à la chaire, à la tribune...). On le sait : quand on dégrade les œuvres d'art ou qu'on brûle des livres, en général, ça finit mal. A St-Louis, cela continua par le "remplacement" des Augustins par un curé "jureur", puis, comme on sait, par les spoliations et les persécutions.

L'église fut vendue le 31/05/1795 à un voisin, l'imprimeur François Reinhard, qui disposait d'un atelier contigu ; pensant faire une bonne affaire, il ajouta par là son nom à une longue liste de profiteurs. [PMSAVS77STLOUIS]

Le 15/01/1798, le mobilier de l'église (l'orgue Delorme, mais aussi les autels, stalles, banc et confessionnaux) a été vendus au "citoyen" Neff de Rechtenbach. [PMSAVS77STLOUIS]

La localité de Rechtenbach, située juste au nord de Wissembourg, était alors en Alsace. Elle s'appelle aujourd'hui Schweigen-Rechtenbach (Rhénanie-Palatinat), mais se trouve toujours juste au nord de Wissembourg. La géographie est têtue.

Comme la plupart des instruments ayant connu les charrettes de la Révolution, l'orgue Delorme y fut remplacé bien avant la fin du 19ème siècle.

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L'orgue de facteur inconnu (1804)
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Historique

Revenons à St-Louis. L'imprimeur Reinhard, sûrement conscient d'avoir fait une coquille, revendit l'édifice à un certain Grasselly. Ce dernier semble avoir eu de bonnes intentions en voulant la rendre au culte. De fait, il la loua un moment à la paroisse. Mais, en faillite, il chercha en 1804 à en revendre le mobilier, et on apprend à cette occasion que celui-ci comprenait "une orgue portative". Et les comptes de la paroisse le confirment : il y avait effectivement un organiste à St-Louis en 1804 ! On ignore la provenance du petit orgue. [PMSAVS77STLOUIS] [IHOA]

La malheureusement, cette belle résilience fut vite brisée : dans la nuit du 15 au 16/05/1805, l'imprimerie Reinhard prit feu, ainsi que l'église St-Louis (attenante), qui fut totalement anéantie. "Bien mal acquis..." Grasselly ne put en revendre que les ruines. La paroisse St-Louis fut temporairement hébergée à la cathédrale. [PMSAVS77STLOUIS]

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L'orgue Conrad Sauer,
1829
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Historique

A partir de 1825, l'architecte Nicolas Jean Villot reconstruisit l'église, qui fut consacrée par l'évêque le 13/08/1827. Pour l'orgue, on s'adressa à Conrad Sauer, qui construisit pour St-Louis son dernier orgue, un instrument de 22 registres achevé en 1829 par son fils Théodore. [IHOA] [PMSAVS77STLOUIS]

Voici la composition originale supposée de l'orgue Sauer (c'était un strict "8 pieds" ; l'absence du grand dessus de Cornet semble être un oubli dans le relevé, car on voit mal un orgue de ce style privé de ce jeu) :

L'orgue Sauer à Ingwiller.
Photo de Franck Lechêne, 02/08/2010.L'orgue Sauer à Ingwiller.
Photo de Franck Lechêne, 02/08/2010.

L'orgue Sauer nécessita bien vite des réparations, effectuées en 1833 par George Wegmann. L'entretien passa ensuite logiquement à ce facteur, qui dut à nouveau intervenir en 1840. [PMSAVS77STLOUIS]

En 1843, Wegmann étant de plus en plus critiqué, on s'adressa aux maisons Stiehr et Martin Wetzel pour transformer l'instrument, qui, à l'évidence, ne donnait pas satisfaction. C'est Wetzel qui eut le marché en 1845, et procéda au remplacement du Quintaton par un Bourdon 16', et du Nasard du positif par un Salicional 8'. Il plaça aussi un Gemshorn 4' au positif. [PMSAVS77STLOUIS]

Il y eut de nouvelles réparations en 1869, menées par Charles Wetzel [PMSAVS77STLOUIS]

Et une autre réparation - conséquente - fut à nouveau nécessaire dès 1881. [PMSAVS77STLOUIS]

En 1893, les travaux à l'édifice (tribune) nécessitèrent le démontage de l'orgue Sauer, qui ne fut jamais remonté à St-Louis : en 1896 on le vendit à Ste-Madeleine d'Ingwiller. Le déménagement fut effectué par Charles Wetzel, pour lequel ce ne fut qu'une maigre consolation, puis qu'il avait projeté de construire un orgue neuf pour Ingwiller. [PMSAVS77STLOUIS] [IHOA] [ITOA]

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Historique

L'orgue actuel de St-Louis-en-ville a été réalisé par Charles et Edgard Wetzel en 1895. [IHOA] [ITOA]

Charles Wetzel (1828 - 1902)Charles Wetzel (1828 - 1902)

Avec 24 jeux sur 2 manuels et pédale, ce n'est pas un très grand instrument, en tous cas pas selon les standards "de ville". Mais c'est le plus grand construit par la maison Wetzel.

Il fut reçu par Théodore Thurner (Marseille), Ernest Münch et Marie-Joseph Erb le 28/08/1895.

Marie-Joseph ErbMarie-Joseph Erb

L'inauguration

L'inauguration festive n'eut lieu que plus tard, le 06/02/1896. Dans le programme, firgurent : [PMSAVS77STLOUIS]

- Le "Grand Chœur" et l' "Elévation" de Clément Loret ("12 pièces d'orgue", œuvre non publiée à l'époque), et la "Sortie" de Guilmant (a priori celle de "L'Organiste Liturgiste", op. 65), par Doeffler (Strasbourg, St-Louis).

- La "Marche sur un thème de Haendel" de Guilmant (a priori "Pièces dans différents styles pour orgue, vol. 1, Op. 15, no 2"), par L. Huber (Strasbourg, Cathédrale)

- Une symphonie de Widor - on ne saura pas laquelle - par Ernest Münch (Strasbourg, St-Guillaume)

- Une improvisation de Théodore Thurner (Marseille)

- "Gebet Fantasie" (op. 45) de Julius Bellmann, par Koerner (Erstein)

- La 2ème sonate de Mendelssohn (op. 65 - 2), par A. Schatz (Strasbourg, Temple-Neuf)

- La 2ème fantaisie (en Mib M, op. 54) de Moritz Brosig (Breslau), et le "postlude" en Sol M de J.S. Bach, par Sutter (Wasselonne)

Le choix de Moritz Brosig (1815 - 1887) est sûrement loin d'être anodin. Cet organiste et universitaire (cathédrale et université de Breslau, aujourd'hui Wrocław, en Silésie) de confession catholique, militait pour la beauté de la liturgie. Sans dogmatisme, d'ailleurs : Brosig s'est peu à peu éloigné du Mouvement Cécilien, qu'il trouvait parfois trop radical. L' "école de Breslau" eut une influence considérable ; dans l'essence, elle vise à produire une alternative de qualité à la démagogie musicale. Elle était très fidèle à Mendelssohn, et, là aussi, le fait que, dans le programme, la pièce de Brosig vient après une œuvre de Mendelssohn n'est sûrement pas dû au hasard.

Ernest MünchErnest Münch

Un orgue atypique. Et alsacien

L'influence de Cavaillé-Coll est évidente : console, architecture, Flûte harmonique. D'autres choses (en particulier les anches, mais aussi certains fonds) ne sont pas du tout "parisiennes". D'ailleurs, le buffet indique clairement le lignage de la créature : quatre tourelles rondes "françaises" à entablement, mais des plates-faces doubles, clairement d'Outre-Rhin. La "double culture" est ici parfaitement assumée et revendiquée.

L'orgue Wetzel de St-Louis est avant tout un "vrai" symphonique alsacien. Il a été réalisé juste à l'aube d'une époque qui cherchera d'autres voies : ce sera bientôt l'avènement de la fameuse Réforme Alsacienne de l'Orgue. Un temps où les évolutions techniques et esthétiques ont été extrêmement rapides, et où les discussions concertant la facture d'orgues était volontiers conflictuelles mais ouvertes.

C'est donc finalement un des derniers "grands symphoniques" (même avec seulement 25 jeux). Il n'est vraiment pas "post-symphonique" (aucun jeu au-dessus du 4', aucune Mutation)... sauf pour ses accouplements à l'octave (II/I 4' et 16').

Cinq (magistraux) fonds de 8' au grand-orgue, deux ondulants au récit (avec trois 8' et surtout pas de Principal). Trompette au grand-orgue, et Basson-Hautbois au récit. Il n'y a que 4 anches en tout, dont la Bombarde et la Trompette de pédale. Et, bien sûr, il y a les deux incontournables Flûtes 4'.

La console est très française, avec ses commandes à pied. Et la transmission est dotée du Graal de cette esthétique, une Machine Barker. Celle-ci constituait avant tout une alternative à la transmission pneumatique, qui aurait donné à l'orgue un côté "germanique" que certains auraient préféré, d'autres détesté. Avec le recul, on sait que la maison Wetzel avait fait le bon choix : les pneumatiques ne devinrent parfaitement maîtrisées - et plus faciles à mettre en œuvre - qu'à partir de 1899.

Un impact culturel considérable

C'est sûrement à St-Louis que le petit monde de l'orgue strasbourgeois prit conscience de son nécessaire aggiornamento. Il était plus que temps de mettre fin à l'autarcie instaurée après la Révolution. De ce point de vue, le Haut-Rhin, avec la maison Martin et Joseph Rinckenbach avait une énorme avance. Il faut quand même noter que l'année de la construction de l'orgue de St-Louis, celui de Mulhouse, St-Joseph avait déjà 8 ans !

Mais ce que l'on retient aussi, c'est ouverture du monde de l'orgue de 1895. Dire que certains ont voulu nous vendre du "protectionnisme allemand"... Ce monde querelleur, émotif, volontiers conflictuel, aux avis toujours prononcés (et souvent excessifs), avec son désir perpétuel de briser les règles et son amour de l'exception et du paradoxe, est tout sauf politique. Il est en fait très ouvert, et décidément plein de gouaille. Le chapitre suivant de l'histoire de l'orgue strasbourgeois sera celui des "églises de garnison" (St-Paul et St-Maurice) : on n'avait pas fini de s'engueuler sur le chemin du resto ! Le chapitre encore suivant, adressant la relation de l'orgue alsacien avec les post-romantiques français (Charles Mutin), par contre, ne s'écrira pas à Strasbourg, mais à Guebwiller en 1908.

L'orgue Wetzel de St-Louis fut entretenu en 1913 par Edmond-Alexandre Roethinger. (Alors qu'Edgard Wetzel était encore en activité.) [PMSAVS77STLOUIS]

C'est probablement à cette occasion que la soufflerie a été munie d'un ventilateur électrique. En fait, Edgard Wetzel avait bien rédigé un devis le 30/10/1912, qui portait sur la pose d'un ventilateur, mais aussi une re-composition de la Fourniture et le remplacement de l'anche 16' de pédale par une Gambe 16' (Salicetbass). Mais Ernest Münch et Adolphe Gessner s'y opposèrent, et le marché alla à Roethinger. Les travaux ont été reçus par Marie-Joseph Erb. Roethinger semble avoir rencontré des difficultés avec avec la Machine Barker, une technique que, forcément, il maîtrisait peu. Léon Ringeissen se montra peu satisfait de la transmission en 1914. [PMSAVS77STLOUIS]

Notons - car il y a eu beaucoup de désinformation sur le sujet - que le problème n'était absolument pas la machine Barker, mais bien la compétence des facteurs locaux dans le domaine. De fait, les seuls facteurs alsaciens capables de régler une Barker à l'époque étaient fort probablement Martin et Joseph Rinckenbach. Mais ils étaient Haut-Rhinois, alors, à Strasbourg, forcément... Le seul instrument qu'ils ont posé à Strasbourg fut l'orgue (tellement regretté) de St-Jean (1902, détruit par faits de guerre en 1944), un projet voulu, porté et réalisé par Marie-Joseph Erb.

D'ailleurs, pour St-Louis, Marie-Joseph Erb ne renonça pas : en 1914, il proposa de changer la console et la transmission, ainsi que de refaire la boîte expressive. Il ne semble jamais avoir apprécié cet instrument, sûrement bien trop "parisien" à son goût. [PMSAVS77STLOUIS]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorité le 12/02/1917. On sait qu'en 1934, l'orgue avait encore sa composition d'origine : c'est probablement à cette date que la façade a été remplacée, par la maison Wetzel. [IHOA] [PMSAVS77STLOUIS] [Visite]

L'orgue de St-Louis passa le second conflit mondial sans dégâts. Mais, comme tant d'autres, il n'eut pas eu la chance de traverser sans encombre les "Trente furieuses" - l'époque noire de la facture d'orgues - entre 1950 et 1980. En 1956, Curt Schwenkedel élabora un effrayant projet de "Silbermanisation" : [SchwenkedelDO]

Heureusement, une partie de ces verrues devaient être greffées sur des sommiers supplémentaires. Le grand-orgue devait enfler à 12 jeux, et se trouver totalement déséquilibré vers l'aigu, avec ce Clairon, cette Cymbale, et la Fourniture en 1'1/3. La Gambe a été supprimée (trop romantique), et le Salicional échangé avec le Cor de nuit 4' du récit. Le récit fut transformé en positif "intérieur", devait payer le plus lourd tribu à l'affligeante doctrine du "Jeu de Tierce" : il fallait "pouvoir jouer Couperin" partout et tout le temps, ce qui explique aussi le Cromorne (un vrai Cromorne, pas une Clarinette), totalement incongru dans cette esthétique. Dans ses notes, Curt Schwenkedel fait même figurer les compositions de ces improbables Mixtures. [SchwenkedelDO]

La pédale aussi a souffert : comme en de nombreux autres endroits, le Violoncelle 8' - un jeu emblématique de l'orgue alsacien - a été remplacé (ou "recoupé) par un inutile 4'.

L'instrument y gagna des voix criardes, et perdit certains de ses plus beaux attraits : les deux Gambes manuelles, l'Unda-maris, et la cohérence de sa composition, éliminées dans un jeu de chaises pas musicales du tout. Il semble que finalement, dans un moment de lucidité, le Cromorne ait été placé au grand-orgue (épargnant le Basson-Hautbois), sûrement à la place de cet absurde Clairon, jamais réalisé. Tout comme l'anti-symphonique Principal 8' du récit. Par contre, plus de Flûte 4', mais un doctrinaire Prestant à la place. Il y eut une autre suppression qui a paru anodine à certains, mais ne l'était pas du tout : celle des accouplements à l'octave.

Ainsi défiguré, l'orgue Wetzel n'était plus que l'ombre de lui-même.

En 1973, il y eut un vol de tuyaux. Plutôt de bon goût d'ailleurs : avec 3 rangs de la Fourniture du grand-orgue et le fameux Cromorne disparus, l'orgue était presque mieux qu'avant... Sauf que le Bourdon 8' de Wetzel disparut aussi. (Une erreur du Robin des Voix ?) [ITOA]

En 1981, c'est Paul Adam qui fut chargé de la réparation. [IHOA]

A en juger la composition de 1986, c'est donc lui qui remplaça le Bourdon 8', les rangs de la Fourniture. Il ne remit pas de Cromorne... préférant placer une Cymbale 3 rangs sur la chape correspondante. (Rappelons qu'il y en avait déjà une au second clavier, déjà largement suffisante pour rendre sourds tous les animaux sensibles aux ultra-sons. Mais apparemment, on devait supposer qu'il faut absolument deux Cymbales. Logique : une pour taper sur l'autre.)

L'orgue de St-Louis, mutilé en 1956, défiguré par deux Cymbales, mais restant d'une esthétique diamétralement opposée à celle prônée par la "dictature baroque", n'était "plus à la mode". Même avec ses jeux aigus, c'était "un vieil orgue romantique"... Mais le buffet, bien que fort peu mis en valeur à l'époque, attira l'attention, et fut classé le 30/12/1982. En 1986, l'inventaire des orgues d'Alsace accorda une photo en pleine page (certes en noir et blanc) à ce somptueux buffet !

Toujours en 1986, inventaire technique des orgues d'Alsace relève un grand-orgue de 10 jeux (comme à l'origine), avec le Bourdon 8' "neuf", le Cor de nuit 4' en location (donc pas de Flûte octaviante) et une Cymbale de 3 rangs qui "remplace le Cromorne". (Fallait-il qu'elle soit douée...) Et pas de Cornet. Le récit avait 9 jeux (8 à l'origine), avec Cymbale, deux Mutations, mais plus d'Unda-maris ni de Flûte 4' : il y avait un Principal 4'. [ITOA]

La console en 2002.
C'est souvent face aux vieilles photos que l'on mesure le chemin parcouru.La console en 2002.
C'est souvent face aux vieilles photos que l'on mesure le chemin parcouru.

En 2002, présenté au public à l'occasion des Journées du Patrimoine, l'orgue faisait peine à voir, avec son buffet sombre et poussiéreux, la composition mutilée, et ses pastilles en plastique collées au bout des tirants de jeux. Comme souvent à l'occasion de cette manifestation, on ne devait pas jouer l'orgue, "pour ne pas déranger" (!) ceux qui visitaient le "vrai" patrimoine.

Wind of change

Heureusement, une prise de conscience apparût, et une mobilisation prit forme. Le 04/12/2016 fut organisé un concert au profit de la restauration de l'orgue, avec Guillaume Nussbaum aux claviers, l'Ensemble Trécanum, et la schola grégorienne de la paroisse. On retient l'interprétation d'une cantate intitulée "Une Joyeuse espérance" composée par Bernard Lienhardt. De plus, en 2017, l'orgue accompagnait régulièrement la Schola grégorienne lors de concerts et messes. Cette mobilisation s'amplifia avec le projet de rénovation de l'édifice, qui eut un succès exceptionnel. [VWeller]

La rénovation de l'édifice a été menée entre 2015 et 2017, en commençant par le chœur, puis la nef. Les trois tableaux de Martin Feuerstein représentent des épisodes de la vie de Saint Louis (1901-1904) ont également été restaurés. En dehors de l'orgue, le mobilier néo-baroque est dû à Théophile Klem (1893) : chaire, autel, retable, statues de Saint Louis, Saint Augustin et Sainte Thérèse d'Avila. L'inauguration a eu lieu en octobre 2017. L'endroit est fabuleux.

La partie instrumentale de l'orgue Wetzel a été classé monument historique le 20/11/2018. (Le buffet était déjà classé depuis 1982.)

Puis, pour l'orgue aussi, la "Joyeuse espérance" prit corps : il a été restauré dans son état de 1895 par la manufacture Quentin Blumenroeder en 2023. [StLouisVille]

Il ne faut pas se leurrer : les dégâts de l'opération 1956 avaient été conséquents. Et on peut dire que cet orgue revient de loin. Il n'en est pas moins à nouveau authentique, car les indices permettant de déduire les dispositions d'origines étaient toujours lisibles.

Bénédiction, présentation et inauguration ont eu lieu du 16/04 au 02/06/2023. [StLouisVille]

Le buffet

"- T'y arrives, toi ? 
- Ben ouais, regarde !""- T'y arrives, toi ?
- Ben ouais, regarde !"

Le buffet, en chêne, est l’œuvre de Paul Klein. La maison Wetzel en a fourni le dessin à cinq tourelles : la centrale est la plus grande, plate et dessinant un arc plein cintre ; les quatre autres sont de forme classique française : rondes, à 5 tuyaux, avec un entablement. Des plates-faces doubles, donc plutôt "germaniques", relient les tourelles. La façade est cintrée : la tourelle centrale est en encorbellement au-dessus de la console.

Cette "alliance" de styles en fait un buffet profondément alsacien.

L'ornementation est constituée de culots et de claire-voies pour les tourelles latérales, de jouées, et de rinceaux pour les plates-faces. Il y a des pots sur les tourelles intermédiaires, et des guirlandes en chaînettes entre les tourelles extrêmes et la centrale. Ce sont des angelots qui "amènent" ces guirlandes. Cette dernière est ornée d'un couronnement particulièrement élaboré, avec 4 angelots, des volutes, et, en fleuron, un éventail de tuyaux d'orgue (bien sûr muets).

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console est tellement "Cavaillé-Coll"
qu'on peut se demander si la boutique de l'avenue du Maine
n'achetait pas ses consoles chez Wetzel...La console est tellement "Cavaillé-Coll"
qu'on peut se demander si la boutique de l'avenue du Maine
n'achetait pas ses consoles chez Wetzel...

Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde, à pommeaux tournes et porcelaines (celles d'origine ont été supprimées en 1956), placés en trois gradins de part et d'autre des claviers. Les tirants du récit sont en haut, ceux du grand-orgue sur les gradins intermédiaires, et ceux de la pédale en bas. Il n'y a toujours eu que 7 jeux de pédale, mais il y a deux trous pour tirants bouchés (un de chaque côté) au gradin inférieur. (Peut-être que quelqu'un a rêvé trop fort à une Trompette de récit et un Quintaton 16' ?) Claviers blancs, le premier à frontons droits et le second à frontons biseautés.

Les commandes à pied sont constituées de 12 pédales-cuillers à accrocher (11 en service), repérées par des étiquettes colorées. Le code de couleur est : bleu pour le grand-orgue, rouge/rose pour le récit et vert pour la pédale. Les abrévations sont constituées de la première et des deux dernières lettres du mot à abréger. De gauche à droite : "Tse : I" (TirasSE I, I/P), "Tse : II" (II/P), "Ael : I" (AppEL grand-orgue, I/I), "Ant" (AppouplemeNT, II/I), "Ant : G" (Grave, pour II/I 16'), "Ant : A" (Aigu, pour II/I 4'), vient ensuite la pédale basculante pour l'expression du récit, puis "Tti" (TutTI pour "Appel combinaisons général"), "Cns : I" (CombinaisoNS g.o.), "Cns : II", "Cns : P", "Tlo" (TrémoLO) et "Tra". La dernière pédale, prévue pour un effet d'Orage non réalisé, ne sert pas.

Par "Combinaisons", il faut comprendre "appel anches" dans le sens d'une registration romantique française (la registration "Anches", incluant les Mixtures et petits jeux). En fait, il s'agit de la commande de la seconde laye, tous les sommiers étant à double laye, avec une "laye de fonds" et une "laye des anches". Ainsi, les jeux de combinaisons sont :

- Pour le grand-orgue : la Trompette et le Plein-jeu.

- Pour le récit, le Basson/Hautbois et le Cor de Nuit 4'.

- Pour la pédale, la Bombarde et la Trompette.

Expression du récit par pédale basculante, située au centre de la console. A l'exception des repérages, l'ensemble de cette console est authentique. Les montants et les modillons sont délicatement sculptés.

Pupitre détachable.

La plaque d'adresse est constituée de lettres en laiton paraissant incrustées dans la planche supérieure de la console. (En fait, il s'agit quand même d'une pièce rapportée.) Elle dit fort sobrement :

Ch. Wetzel & Fils
STRASBOURG

Ordre et repérage des pédales :


Tse:I
I/P

Tse:II
II/P

AEL:I
I/I

ANT
II/I

ANT.G
II/I 16'

ANT:A
II/I 4'

TTI
Tutti

CNS:I
Comb.I

CNS:II
Comb.II

CNS:P
Comb.P

Tlo
Trémolo

Tra
/ (Orage)
Transmission:

Mécanique à Machine Barker. Celle-ci est placée dans le soubassement, juste derrière la console.

Sommiers:

Sommiers à gravures, d'origine, à double layes.

Tuyauterie:

La tuyauterie est plutôt de facture symphonique française. Mais les fonds, à commencer par la Flûte "majeure" de grand-orgue, sont très alsaciens ; les Gambes aussi. Les tuyaux des jeux d'anches ont probablement été fournis par une maison parisienne, à l'exception notable de l'anche 16' de pédale, qui est très spécifique. Cette Bombarde, très forte, n'est pas non plus une "Posaune" et son usage est pratiquement limité à fonder le Tutti de l'orgue.

Ces commandes à pied sont, en quelque sorte, l'ADN de l'instrument.Ces commandes à pied sont, en quelque sorte, l'ADN de l'instrument.

Sites Webographie :

Culture Activités culturelles :

Références Sources et bibliographie :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670482039P04
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