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Les orgues de la région de Marckolsheim
Marckolsheim, St-Georges
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L'orgue Muhleisen de Marckolsheim, le 12/03/2016.L'orgue Muhleisen de Marckolsheim, le 12/03/2016.

Marckolsheim a été une terre de facteur d'orgues : Antoine Herbuté, aubergiste du lieu, a en effet réussi à construire entre 1829 et 1846 une bonne dizaine d'instruments neufs, et effectua de nombreux entretiens conséquents. Ce deuxième quart du 19ème siècle connut une demande très forte en orgues neufs. Telle que les ateliers Stiehr et Callinet ne pouvaient pas tout fournir. Or, il faut le reconnaître, la facture d'orgues française avait pris un retard conséquent sur le reste de l'Europe après la Révolution. Alors que l'on commençait à maîtriser les souffleries efficaces et performantes et des architectures innovantes, l'Alsace continuait à construire des orgues sensiblement de la même façon qu'au 18ème (mais où les Salicionaux remplaçaient les Tierces). Et s'en satisfaisait : soufflets cunéiformes, pédaliers de 18 notes, absence de tirasses ne posaient pas de problème. On levait même les bras au ciel dès que que quelqu'un évoquait un troisième manuel. Du coup, il devenait possible, pour un amateur très motivé, de "se lancer" dans le métier. Et ce malgré le début des contrôles tatillons d'une Administration omnipotente. "Malgré", ou peut-être "grâce" ? Car bien sûr, pour faire "avancer son dossier", face à des décideurs totalement incompétents, le "lobbying" et les réseaux sont cent fois plus efficaces que la réalisation d'orgues de qualité !

Il ne reste rien de l'orgue qu'Herbuté construisit pour Marckolsheim. Il fut pratiquement reconstruit par Stiehr, puis par Martin et Joseph Rinckenbach. Et ce qu'il en restait disparut dans les flammes en 1940. Mais, une fois de plus, on ne peut s'empêcher de penser que la dynamique produite par les orgues disparus contribue à l'élaboration d'un patrimoine vivant de qualité. Ainsi, en lisant "Salicional" et "Unda maris" à la console du superbe instrument construit ici par la maison Muhleisen en 1965, on se dit qu'Herbuté, Stiehr et Rinckenbach n'ont pas travaillé pour rien.

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L'orgue de facteur inconnu (1698)
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Historique

Le premier orgue de Marckolsheim fut installé en 1698 : il venait de Sélestat, Ste-Foy. [IHOA]

C'est parce que là-bas, un orgue neuf avait été construit par le fameux le frère Lai d'Ebersmunster. On ignore l'origine de l'instrument du 17ème siècle qui fut déménagé à Marckolsheim.

En 1748, on voulut acquérir un autre orgue d'occasion. [IHOA]

C'est Jean-André Silbermann qui avait eu vent de l'affaire. Il précise qu'il s'agissait de l'ancien instrument de Hermolsheim (que Johann Georg Rohrer était en train de remplacer par un neuf). Il est probable que les Récollets l'avaient déjà acquis d'occasion, et l'instrument avait donc sûrement "beaucoup vécu". [ArchSilb]

En 1792, Marckolsheim faillit participer au trafic d'orgues confisqués aux congrégations religieuses par la Révolution. [IHOA]

En janvier de cette année, on envoya en effet quelqu'un à une grande vente, à Colmar, où des orgues "au nombre de 8 ou 9, seront sans doute vendus à un prix modique". [IHOA]

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L'orgue de facteur inconnu (1808)
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Historique

On ne sait pas si un orgue réquisitionné fut acheté, mais il est sûr que Marckolsheim disposait d'un instrument en état de marche en 1808, car on connaît le nom de son organiste : François-Joseph Wassner. [IHOA]

En 1834, l'instrument, dont on ignore si c'était celui de Sélestat ou un autre acquis pas la suite, fut réparé par Antoine Herbuté, qui, rappelons-le, est un "enfant du pays". Cette réparation, conséquente, est d'ailleurs curieuse, quand on sait que l'édifice allait être reconstruit deux ans plus tard. [IHOA] [PMSAEA69]

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L'orgue de facteur inconnu (1839)
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Historique

En 1839, alors que s'achevait la construction de la nouvelle église, Antoine Herbuté y installa un orgue provisoire, qui resta jusqu'en 1842. [IHOA]

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L'orgue Antoine Herbuté,
1842
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Historique

En 1842, c'est fort logiquement l'aubergiste-facteur d'orgues de Marckolsheim, Antoine Herbuté, qui a réalisé un instrument pour la (grande : 55m x 22m) église achevée en 1839, et dont les plans étaient dus à Frédéric Kuhlmann. [IHOA] [PMSAEA69]

L'architecte rédigea un projet d'agrandissement de l'orgue avec construction d'un buffet monumental s'accordant avec l'architecture de l'église néo-classique (la plus grande construite par cet architecte). Le ministre de l'intérieur approuva ce projet le 5 juillet 1839 (8600 francs). Les plans sont perdus, mais le devis, conservé, nous offre la description complète du buffet : le buffet du grand-orgue était traité de manière identique que celui de Grendelbruch (projet initial de 1829), avec un avant-corps à colonnes et un fronton central. Un ajustement sommital au-dessus du fronton devait recevoir un cadran d'horloge. Le buffet du positif était de la même architecture, sans fronton, identique à celui de Sermersheim. [FBaumann]

En 1854, il y eut une réparation, probablement par Sébastien Thomann, d'Illheuseren. [IHOA]

Que l'on vit travailler à Guewenheim. Mais cette intervention ne fut probablement pas suffisante :

Dès 1858, c'est cette fois à la maison Stiehr que l'on demanda de réparer l'instrument. [IHOA] [PMSAEA69]

Le prix correspondait au remplacement de la soufflerie, de la mécanique et des sommiers. Ce qui ne laissait de Herbuté que la tuyauterie et le buffet... Ce travail fort conséquent a été commenté comme étant ce qu'il fallait à cet orgue "pour le rendre jouable". [IHOA] [PMSAEA69] [PMSSTIEHR]

Cela sous-entend que l'instrument de Herbuté ne l'était pas. Mais il faut noter qu'il était l'aboutissement d'un projet fort chaotique, qui avait commencé par la construction d'un buffet destiné à abriter la partie instrumentale de l'ancien instrument. En même temps, Kuhlmann, qui agissait en maître d'oeuvre, avait été remplacé par Antoine Ringeisen. Or, il est probable que ce dernier, que l'on sait très à l'aise avec les orgues, a significativement relevé le "niveau d'attente". En particulier, il demanda un buffet en chêne, et pas en sapin. Dommage... c'est par là qu'on avait commencé ! De fait, il s'agissait probablement d'un travail d'amateur passionné, ce qui ne préjuge en rien de la qualité, mais dont les inconvénients évidents sont des délais et des coûts imprévisibles, puis une maintenabilité douteuse.

Il y eut encore une réparation 1894, par Joseph Antoine Berger, le successeur des Callinet à Rouffach. [PMSAEA69]

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Historique

L'orgue fut reconstruit en 1914 par Martin et Joseph Rinckenbach. [IHOA]

On sait très peu de choses de cet opus 149 de la maison d'Ammerschwihr. Précédent celui de Muespach, ce devait être l'avant-dernier orgue Rinckenbach construit avant le conflit mondial. Cette fois, Marckolsheim avait acquis du vrai "travail de pro". Il aurait pu durer ; il survécut à une guerre, mais pas à la seconde.

L'orgue fut totalement détruit par faits de guerre le 10/06/1940, avec l'édifice, ainsi que l'horloge, qui était l'opus 1 de Jean-Baptiste Schwilgué (1813). [IHOA]

Il en reste peut-être quelques tuyaux : dans les années 30, le positif de la chapelle Ste-Odile du Mont Ste Odile a vu sa tuyauterie manquante complétée, chez Roethinger, par des éléments de stock, dont on dit qu'ils venaient de Marckolsheim. Roethinger avait-il retiré un Nasard de l'orgue Herbuté/Rinckenbach ?

Incendiée au cours du conflit, l'église fut totalement rasée pour faire place à un "projet urbanistique" issu des délires de l'administration nazie. Il y eut par la suite une église provisoire (le bâtiment est toujours là : c'est la salle des fêtes de la rue Poincaré). Ce n'est qu'en 1961 qu'Albert Horn et Auguste Sigrist construisirent le bel édifice actuel. On y replaça la Vierge à l'enfant (15ème), les fonts baptismaux romans (12ème), et (à la fin du siècle) la fameuse statue de Saint-Georges (1913) qui ornait le fronton de l'ancien édifice. Pour l'orgue, pas de doute : on sollicita à nouveau un professionnel renommé !

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Historique

En 1965, Georges Emile Walther (manufacture Muhleisen) construisit l'orgue actuel, qui a été inauguré par Michel Chapuis le 06/06/1966. [IHOA] [ITOA] [Muhleisen1991] [LORGUE]

En 1960, la maison Muhleisen était devenue une SARL dont les principaux associés étaient MM. Ernest Muhleisen et Georges Emile Walther. Gaston Kern faisait encore partie de l'entreprise. L'orgue de Marckolsheim est contemporain de celui d'Ingwiller, église protestante.

Avec ses 27 jeux sur deux manuels et pédale, l'instrument présente de nombreuses caractéristiques communes aux orgues de l'époque : transmission mécanique, buffet autoporteur de grandes dimensions, architecture interne "à la Dom Bedos", sommiers à gravures et composition conçue pour faire la part belle au répertoire classique et aux pièces contrapuntiques. Les "référents" du monde de l'Orgue étaient alors Marcussen, et, au moins en Alsace, Michel Chapuis.
Mais, d'un autre côté, cet instrument n'est pas un néo-baroque "mainstream" : il est doté d'un second clavier expressif et d'une Unda maris. La maison Muhleisen apportait ici sa propre version d'un style néo-baroque "adouci", qui était d'ailleurs aussi pratiqué par Curt Schwenkedel (Drusenheim, ou Rittershoffen, sans Unda maris, mais avec chamades).

Il y eut un relevage, par la manufacture Muhleisen en 1992, et l'harmonisation fut retouchée. [IHOA]

L'instrument a été relevé en 2016 par Richard Dott. [RDott]

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2016
Grand-Orgue, 56 n. (C-g''')
Etain
Derniers tuyaux ouverts et coniques
C c f f' c'''
1'1/3 2' 2'2/3 4' 5'1/3
1' 1'1/3 2' 2'2/3 4'
2/3' 1' 1'1/3 2' 2'2/3
1/2' 2/3' 1' 1'1/3 2'
C c f c' f' c'''
1/2' 2/3' 1' 1'1/3 2' 2'2/3
1/3' 1/2' 2/3' 1' 1'1/3 2'
1/4' 1/3' 1/2' 2/3' 1' 1'1/3
Cuivre
Cuivre
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Entailles d'accord
Flûté
Au ton
C f f' f''
2/3' 1'1/3 2' 4'
1/2' 1' 1'1/3 2'2/3
1/3' 2/3' 1' 2'
1/4' 1/2' 2/3' 1'1/3
Pédale, 32 n. (C-g')
Façade en cuivre
Entailles d'accord
Au ton
C
2'
1'1/3
1'
2/3'
Bois puis spotted ; assez douce
Spotted
I/P
[Visite] [RLopes]
Console:
La console en fenêtre. Photo de Martin Foisset, 12/03/2016.La console en fenêtre. Photo de Martin Foisset, 12/03/2016.

Console en fenêtre frontale, fermée "en portes de cave" (inclinées). Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de pastilles blanches, disposés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers. Claviers blancs, à frontons légèrement biseautés. La pédale basculante d'expression est placée en position centrale. Commande des tirasses et de l'accouplement par pédales-cuiller à accrocher, en fer forgé, disposées à droite de l'expression ; "Tir / G.O." (I/P), "Tir / Réc." (II/P), "Réc. / G.O." (II/I).

Plaque d'adresse blanche à lettres noires, placée sur le montant gauche, sous les tirants et au niveau du second clavier.

E. Mühleisen
Manufacture de Grandes Orgues
Strasbourg - Cronenbourg
La plaque d'adresse. Photo de Martin Foisset, 12/03/2016.La plaque d'adresse. Photo de Martin Foisset, 12/03/2016.

Ordre des tirants à la console :

Soubasse
16'
Principal
8'
Principal
4'
Fourniture
4 rgs.
Bombarde
16'
Trompette
8'
Montre
8'
Prestant
4'
Quarte
de Nazard
2'
Principal
1'
Mixture
4 rgs.
Cymbale
3 rgs.
Bourdon
16'
Bourdon
8'
Flûte
à cheminée
4'
Quinte
2 2/3'
Tierce
1 3/5'
Trompette
8'
Clairon
4'
Salicional
8'
Flûte
à cheminée
8'
Unda maris
8'
Prestant
4'
Doublette
2'
Larigot
1 1/3'
Cymbale
4 rgs.
Cromorne
8'
Sommiers:

à gravures.

Soufflerie:

à plis. La boîte du ventilateur est logée dans l'espace séparant le buffet du mur du fond.

Tuyauterie:

En majorité coupée au ton, mais quelques entailles d'accord, surtout dans les basses. Bourdons à calottes mobiles. Biseaux sans dents.

Le grand-orgue est logé au centre, derrière la façade, il est diatonique. Ordre des chapes depuis l'arrière (accès) vers la façade : Cymbale 3 rangs (les anches sont en chamade), Sifflet, Fourniture 4 rangs, Tierce, Quarte, Flûte à cheminée 4', Quinte, Prestant, Bourdon 8', Bourdon 16', Montre 8'.

Au récit, la Cymbale 4 rangs est sur la première chape (arrière, côté accès), et devant le Cromorne. Sommiers diatoniques.

La pédale est aussi diatonique, puisque logée dans les côtés du buffet (où la façade est en cuivre). Les basses sont logées orthogonalement au grand axe du buffet.

Détail des Chamades. La Trompette 8' est en haut,et le Clairon de 4 pieds, donc deux fois plus court, en bas.Photo de Roland Lopes, 25/04/2007.Détail des Chamades. La Trompette 8' est en haut,
et le Clairon de 4 pieds, donc deux fois plus court, en bas.
Photo de Roland Lopes, 25/04/2007.

L'acoustique du lieu, très réverbérante, ne rendait pas le travail d'harmonisation facile, surtout quand l'objectif est d'assurer une bonne lisibilité à la polyphonie. C'était donc un véritable tour de force de rendre cet instrument aussi attrayant. C'est vrai aussi bien depuis la nef que depuis la console (le côté "enveloppant" de l'acoustique étant cette fois à compter parmi les avantages). Bien sûr, il y a l' "ambiance" : l'architecture spacieuse, à la fois impressionnante et respectueuse de l'humain, un éclairage particulièrement réussi. Et il y a aussi la silhouette des chamades, parfaitement à l'aise dans leur rôle de "canons de la paix" ; elles sont déjà très sonores - par leur promesse - quand elles ne jouent pas. Et sont plutôt du genre qu'on ne tire que quand on a sorti tout le reste ; d'ailleurs, il n'y a pas de Cornet. Les années 1960, une époque de recherches, donc de tâtonnements, ont produit le pire comme le meilleur. Le meilleur, et c'est logique, était atteint dans le "100% neuf". Et l'orgue de Marckolsheim en fait à coup sûr partie.

L'instrument est particulièrement à l'aise dans les pièces contrapuntiques, et dans le répertoire contemporain. Ce qui, finalement, est peu courant, les années 60-80 ayant souvent préféré le répertoire classique français. Cet instrument compte assurément parmi les plus agréables à jouer et à entendre laissés par la seconde moitié du 20ème siècle. Il reste à souhaiter qu'il soit plus souvent utilisé en concert, avec un public nombreux, car il mérite vraiment d'être découvert.

Culture Activités culturelles :

Références Sources et bibliographie :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670281001P06
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