Cet orgue date de 1870 : c'est le début d'une période de fortes mutations qui va frapper bon nombre de facteurs alsaciens. Pour certains, comme Martin et Joseph RINCKENBACH, les belles années dureront encore longtemps. Pour d'autres, comme les CALLINET, cela se conclut rapidement par le départ vers d'autres cieux. Pour les STIEHR et les MOCKERS, ce fut le début d'une longue agonie, où furent produits des instruments excellents mais sûrement peu appréciés de leurs contemporains. Car les auditeurs voulaient des Jeux colorés, les organistes / chefs de choeur des Consoles indépendantes et les experts des transmissions pneumatiques. La Maison Stiehr-Mockers fit délibérément le choix opposé.

L'orgue Stiehr de Riedseltz est le second du lieu. Le premier avait été posé en 1763 par Johann Carl BAUMANN. C'est Jean-André SILBERMANN qui donne cette information dans Elsassiche Orgeln. La soufflerie de cet orgue était sûrement située dans les combles, car elle posa des problèmes lors de travaux entrepris en 1858. Au milieu du 19 ème siècle, l'instrument était usé et fatigué, et Riedseltz voulait un nouvel instrument. Le projet mit environ 10 ans à mûrir, et on confia la réalisation à la Maison Stiehr-Mockers, alors dirigée par Félix Mockers.

     A Riedseltz, il n'y avait pas beaucoup de place sur la tribune, et il fallut avoir recours à diverses astuces. Le dessin du buffet est original, tout en longueur, mais bien proportionné grâce à 3 Plates-faces 4 et Tourelles, dans un style très "Haut-Rhinois".

Le buffet. Remerciements à Jean-Luc IFFRIG.

     En 1887, et en 1905, Louis Mockers intervint pour compléter la Pédale de 18 à 27 notes, remplacer le Hautbois du Récit par une Voix céleste, et poser un Violoncelle à la Pédale (à la place de la Trompette).

Ces deux jeux sont d'un alliage "économique" (spotted). Le malheureux Louis Mockers, si fidèle à la tradition (il réalisa le sommier de complément de Pédale comme ses prédécesseurs de la maison Stiehr, avec des vis en bois pour fermer la Laye), il devait souvent acheter ses tuyaux à une fabrique... Il est aussi probable que ce soit Louis Mockers qui décala le Nasard 2'2/3 en Flûte ouverte 4'.

En 1909, Louis Mockers revint pour changer la soufflerie.

En Juillet 1917, les tuyaux de façade ont été réquisitionnés, puis remplacés (certainement en 1928) par une façade neuve, en étain, mais d'assez piètre qualité, et munie d'entailles de timbre.

En 1928, Edgar WETZEL plaça un ventilateur électrique. A partir de là, l'instrument ne fut plus entretenu régulièrement, et fut victime de la poussière et des parasites, mais aussi d'un accordeur incompétent qui, pour rehausser le Diapason, malmena sérieusement la tuyauterie.

La traction mécanique, extrêmement solide, était encore qualifiée de "Bonne traction mécanique" par P. Meyer-Siat en 1967 (alors qu'il n'y a pratiquement pas eu de travaux la concernant). L'excellent état de conservation de cet instrument a motivé son classement, en 1980, puis celui de son Buffet deux ans plus tard.

Quant à la Console, elle fut victime d'un parasite bien curieux, mais aussi assez répandu : les fils électriques, desservant leur lot d'interrupteurs et éclairages.

     Bien sûr, en 1992, il fallut songer à redonner à l'orgue sa jeunesse. Ceci fut fait par Richard DOTT, à l'époque installé à Munster.
Le projet consistait en une restauration complète, en gardant toutefois l'étendue de Pédale à 27 notes.

• Le Buffet, abîmé par des éclats d'obus, et dont certaines parties manquaient (dans les plafonds et cloisons) a été restauré. Une porte arrière, brisée, avait été conservé : elle a été réparée et servit de modèle pour reconstruire les autres qui avaient disparu.
• Les pièces en bois de la charpente et de la tuyauterie ont été traitées contre les nombreux parasites qui avaient élu domicile dans l'instrument.
• Les jeux en Spotted posés par Louis Mockers ont été supprimés et remplacés par un Hautbois et une Trompette de Pédale neufs, construits d'après les modèles d'Ottersthal (Hautbois) et Munchausen (Hautbois et Trompette).
• Le Nasard a été restauré (et les 7 tuyaux manquants suite au décalage ont été reconstruits). Il manquait - comme souvent - le rang de Tierce 1'3/5 dans le grand Cornet, ainsi qu'une partie du rang aigu de la Fourniture.
• Une Façade neuve, de très bonne facture cette fois (étain 85 %), a été reconstruite.
  

     L'orgue a été inauguré le 21/06/1992 (jour de la Fête de la Musique) par Patrice et Yannick HEINTZ, Jean-Luc IFFRIG et Marc SCHAEFER, avec la participation des "Choeurs joyeux" de Riedseltz et de l'Ensemble Vocal Universitaire de Strasbourg.

Mécanique : Suspendue, Sommiers à gravures, de Stiehr.
Il y a un Tremblant doux.
Les Bourdons ont des calottes mobiles (d'origine) et la Gambe des entailles de timbre et des freins (sauf dans les aigus).

(1) Composition de la Fourniture :

Webographie :

• Le site Internet de Richard DOTT: http://manufacture.orgue.free.fr

Sources :

• "[Riedseltz,] les travaux de restauration", par Richard DOTT, facteur d'orgues.
• "Les orgues de Riedseltz" par Marc SCHAEFER, technicien-conseil et Jean-Luc IFFRIG, organiste.
• Caecilia 1992-5
• P. MEYER-SIAT, "Stiehr-Mockers", AEA XX (1972-73)
• Archives Silbermann.