Contemporain des magnifiques orgues CALLINET d'Oltingue et de Bettlach, l'instrument de Hésingue devait, lui aussi, être un instrument d'exception. Mais il a été détruit. Pas par faits de guerre. Pas par incendie accidentel. Uniquement par désintérêt et incurie.

Buffet vide = cadavre d'orgue      Les "Buffets vides" sont rares en Alsace. L'immense majorité des communes préservent et valorisent leur Patrimoine, conscientes de l'intérêt qu'il représente, et surtout de l'irréversible vacuité qui résulterait de sa disparition.      Mais deux ou trois communes font exception : il y a un tel "cadavre d'orgue" à Goersdorf, St-Martin (car on a cru suffisant d'y installer une chose électronique qui "imite à la perfection le son de l'orgue à tuyaux"). A Hegeney, reste un Buffet vide de Moeller, mais là-bas, l'orgue fut victime de pillages durant la guerre, et la situation est beaucoup plus excusable.

     A Hésingue, on orne donc l'église St-Laurent avec le cadavre d'un instrument de musique. Mais ici, c'est encore plus amer, car ledit cadavre est celui d'un orgue qui devait compter parmi les plus beaux de France. L'époque de 1839 à 1844 est en effet le véritable âge d'or de la facture d'orgues Haut-Rhinoise. Elle a connu l'association des frères Callinet, dont le rayonnement allait jusqu'à Marseille. Leurs orgues sont aujourd'hui encore étudiés, et servent de modèle pour de nombreuses constructions neuves.

     C'est Hamel, qui dans son ouvrage de référence, parle de l'orgue Callinet de Hésingue. Il indique que l'orgue avait 1 clavier, et 18 registres. Il indique aussi le prix : 5400 Frs.

Pour 6000, Blotzheim s'était fait construire un instrument de 20 registres et 2 claviers. Pour 4500, Bourbach-le-Bas avait eu 16 registres (15 Jeux). Il ne saurait être question de "négociation" : les célèbres Devis des Callinet déterminaient le prix avec une rigueur toute mathématique. La légendaire droiture de Joseph Callinet n'eut pas permis de procéder autrement. La Composition peut donc pratiquement être déduite du prix.

     La Composition devait beaucoup se rapprocher de celle de Bourbach-le-Bas. Les 3 Jeux supplémentaires, plus chers que la moyenne (900 Frs les trois) étaient probablement :

• un Clairon ou un Basson/Hautbois (dans les 200 Frs),
• un Bourdon 16' (à nouveau dans les 200 Frs), bien que les instrument à 1 seul Manuel fondés sur 16' fussent assez rares (on connaît toutefois l'exemple de Soultzbach-les-Bains).
• et peut-être un Violoncelle de Pédale (160 Frs, ou un Clairon, pour à-peu-près le même prix).
  

On peut donc risquer l'hypothèse suivante, le 18 ème "registre" étant le Tremblant doux :

     Les 35 tuyaux de façade de l'orgue Callinet furent réquisitionnés par les autorités allemandes en Mars 1917.

En 1922, comme en de nombreux autres endroits, Hésingue céda à la lubie du tout-pneumatique, même sur d'aussi petits instruments. Edmond-Alexandre ROETHINGER pneumatisa l'orgue, et ajouta un second clavier, portant le tout à 22 Jeux. Il compléta sûrement aussi la Pédale. L'orgue étant devenu trop encombrant pour son Buffet, deux Plates-faces extrêmes furent ajoutées pour masquer les tuyaux supplémentaires ; mais ceci ne fut fait qu'en 1951.

     En 1973, la tuyauterie Callinet devait probablement encore être là, même si les Sommiers avaient à l'évidence été perdus. En d'autres endroits, on a Restauré avec bien peu de matériel originel. A Hésingue, le Buffet fut vidé de ses tuyaux et Sommiers pour laisser la place... aux quatre haut-parleurs d'une chose électronique.

On ne sait pas ce qu'est devenue la Parie Instrumentale, et surtout la tuyauterie qui, si elle avait survécu, serait à l'heure actuelle assurément Classée. En attendant que la conscience de Hésingue se réveille, les musiciens passeront leur chemin.

Sources :

• P. MEYER-SIAT "Les Callinet, facteurs d'orgues à Rouffach, et leur oeuvre en Alsace" ISTRA, 1965