La parenté avec l'orgue de Schwerwiller est évidente : même composition (sauf la pédale en octaves aigües qui reste spécifique à Scherwiller), et les buffets sont analogues (Scherwiller a toutefois une tourelle centrale de 10 tuyaux prismatique). Pour parvenir à la même composition, qu'il appréciait donc beaucoup, Joseph RINCKENBACH alla jusqu'à offrir à Steinbourg la Voix humaine...

Steinbourg, le 15/08/2003

Le premier orgue de Steinbourg avait été placé par Georges WEGMANN dans l'ancienne église. L'instrument fut reçu le 12/06/1845 par UNGERER et GAST, ainsi que par le Maire ROTT. Après la construction de l'église actuelle, l'orgue y fut remonté par MOCKERS, mais il n'était pas suffisant pour un édifice deux fois plus grand que celui pour lequel il avait été conçu. En juin 1917, ses tuyaux de façade ont été réquisitionnés.

     En 1919, lors de l'établissement des devis, Louis Mockers, Franz KRIESS et Joseph RINCKENBACH étaient en concurrence pour remplacer l'orgue Wegmann.
Les Experts étaient François-Xavier MATHIAS et Marie-Joseph ERB, et Louis Mockers, un des derniers à résister contre la folie du "tout pneumatique" fut évidemment éliminé :
"L'orgue de Steinbourg devant être construit avec le système pneumatique tubulaire..."

Le conseil municipal, sous la direction du maire KLEINCLAUSS, choisit Joseph Rinckenbach le 07/09/1919. Mais Rinckenbach avait beaucoup de travail. L'atelier mulhousien BOEHM / HUEBER apporta son concours. En raison de l'inflation des prix des matières premières, il fallut demander une révision du devis, et tout cela prit beaucoup de temps. Entre temps, les Souffleries électriques devenaient courantes, et Joseph Rinckenbach en proposa une pour Steinbourg, qui reçut donc d'origine un ventilateur électrique. Le Buffet est de la maison KLEM de Colmar.

     L'Opus 154 des Rinckenbach fut finalement reçu le 11/04/1922, avec force éloges des experts. Rinckenbach devait effectivement être content de sa réalisation : il y ajouta même à ses frais une Voix humaine.

Malgré les difficultés rencontrées lors de sa conception, l'instrument était une réussite, et il eut un succès incontestable. Marie-Joseph Erb déclare, entre autres propos dithyrambiques :

"un instrument puissant, majestueux et brillant... le grand orgue est d'une sonorité fondamentale; le positif, qui forme seul un bel orgue est d'une noblesse et, dans ses anches, d'une puissance brillante... les anches et le plein-jeu sont parfaits."
[Joseph Rinckenbach est l'un]"des meilleurs facteurs d'orgues de notre temps."
"Cet orgue de Steinbourg est un des instruments les mieux réussis des ateliers Rinckenbach."

     Les 34 jeux étaient à l'origine répartis sur 2 claviers / Pédalier (exactement comme à Scherwiller). La façade était en zinc (d'origine) et la transmission pneumatique tubulaire avec Sommiers à Membranes. En voici la Composition :

     Mais le système pneumatique ne fut pas entretenu, et devint bientôt impraticable. Il aurait fallu changer les Membranes. Le retard atteignait de 1/8 de seconde (toute latence dépassant 125ms est une latence perceptible et gênante), et s'ajoutait à un fonctionnement de plus en plus erratique. L'instrument joua une dernière fois le "Haec Dies" à Pâques 1991, et fut démonté le 25/11/1992.
F. JAMBERT, organiste à Steinbourg, rapporte avec un mélange de peine et d'humour :
"En été, c'était la chaleur, la sécheresse; en hiver, le froid et l'humidité le faisaient "tousser", siffler ou cracher des sons ou des bourdonnements un peu sauvages et indésirables qui me gênaient, me stressaient, me rendaient malheureux et me hantaient jusque dans mon sommeil [...] d'année en année, l'orgue pneumatique devenait 'poitrinaire'."

     On demanda donc à Gaston KERN de reconstruire l'instrument. Il fallut prendre bon nombre de décisions importantes. Les lignes directrices, conseillées par Robert PFRIMMER, expert diocésain, ont été les suivantes :

• passage à la traction mécanique
• pour éviter une mécanique trop lourde, (et pour donner plus de liberté au jeu), il a été décidé de passer à 3 claviers,
• pour compléter les Harmoniques, cette fois sur 3 plans sonores, il a donc fallu ajouter des jeux. (Des jeux aigus et des Anches).
• La tuyauterie de Rinckenbach a été conservée au maximum.
• L'esthétique devait être conservée.
  

     Voyons cette re-composition de l'instrument :

Au Grand-orgue

Fondé sur 16 pieds bouché (Bourdon de 16'), ce clavier de 11 jeux n'avait pas de Mixture, et un Basson 8' comme seule Anche.

• il y avait à la fois un Salicional et une Viole de gambe. Ce Salicional a donc été transféré au nouveau clavier (Positif expressif).
• il y a été ajouté une Fourniture 5 rgs (!),
• une Trompette 8',
• et un Clairon 4'.
  

Au Récit expressif

Fondé sur 16 pieds bouché (Quintaton de 16'), ce clavier de 16 jeux comportait à la fois une Unda-maris et une Voix céleste, une Flûte à cheminée et une Flûte harmonique , ainsi qu'une Batterie d'Anches complète (Bombarde 16'/ Trompette solo 8'/ Clairon 4') adossée d'un Basson/Hautbois et d'une Voix humaine.
Ce clavier a été séparé en deux. Le nouveau clavier, un Positif expressif, allait servir de "clavier de Bombarde", et accueillerait donc la Batterie d'anches et le fondement 16', le Récit restant fondé sur 8'. Ont donc été transférés au Positif :

• le Quintaton 16', le Principal 8'
• la Flûte à cheminée 8'
• l'Unda-maris 8'
• la Fugara 4' (puisqu'il y avait deux 4')
• la Batterie d'Anches, avec une nouvelle Trompette (la Trompette Solo restant au Récit)
• ...et la Fourniture 4-5 rgs
  

Le nouveau clavier, un Positif expressif reçut donc tous ces jeux du Récit (sauf la trompette solo), plus le Salicional du Grand-orgue, et reçut un Flageolet 2' neuf.

A la Pédale

on supprima le Bourdon 16'.

Du point de vue des Accouplements, il y a les 3 Tirasses, et le Grand-orgue peut tirer les deux autres claviers. Par contre, pas d'accouplement Récit/Positif (permettant de reconstituer un Récit "entier") ni les accouplements "à l'octave" qui sont pourtant fondamentaux sur un orgue post-romantique. La nouvelle Console à 3 claviers est "en fenêtre", donc intégrée dans le Buffet.

L'orgue, de retour à Steinbourg, put parler à nouveau lors de la Veillée Pascale, le 02/04/1994. Il a été inauguré le 08/05/1994 par Jean GUILLOU. En souvenir de cette inauguration assez exceptionnelle, une vitrine a été posée à la tribune : elle contient l'affiche du concert et un tuyau d'orgue.

Reste que, avec la destruction des Sommiers à Membranes d'origine, c'est toute l'esthétique de cet orgue d'exception qui a disparu. Ces Sommiers ("Taschenladen"), distribuent l'air dans les tuyaux de façon toute particulière, fondamentalement différente de celle des Sommiers "à Gravures", surtout lors de l'attaque. L'harmonie de Joseph Rinckenbach était intimement liée à ce type de Sommiers. C'est donc, bien que la tuyauterie a été réutilisée, un orgue neuf de 1994 qu'il y a aujourd'hui à Steinbourg. Une Restauration dans l'état de 1922 nécessiterait la construction de Sommiers à Membranes neufs, ce qui n'est aujourd'hui pas à la portée de la plupart des facteurs. De plus, elle coûterait au moins ce qu'à coûté la reconstruction en mécanique... Reste que, si l'on veut un jour parvenir à hisser à nouveau l'orgue de Steinbourg au niveau des chefs d'oeuvre de Rinckenabch qui lui sont contemporains (Ingersheim, Scherwiller, Hindishem, mais aussi Cernay), il faudra forcément un jour y penser. Mais ce n'est probablement pas pour demain.

Ordre des tirants à la Console :

• Le site Internet de Steinbourg, conteant en particulier des pages sur l'histoire de la localité, sur l'église et sur l'orgue.