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Les orgues de la région de Lapoutroie
Fréland, église de l'Assomption de la B.V.M.
1917 degr > Dégâts
Fréland, l'orgue Louis-François Callinet.
  Les photos sont de Martin Foisset, 12/06/2021.Fréland, l'orgue Louis-François Callinet.
Les photos sont de Martin Foisset, 12/06/2021.

Appelée "Urbach" dans le passé, la localité de Fréland est connue dans le monde de l'orgue alsacien car elle abrite l'un des tous derniers instruments des Callinet de Rouffach. L'orgue précédent, fourni par Joseph Chaxel en 1826, n'ayant visiblement pas donné satisfaction, on le vendit à peine 50 ans plus tard, et c'est à Louis-François Callinet que l'on commanda l'instrument que l'on peut voir aujourd'hui.

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L'orgue Joseph Chaxel,
1827
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Historique

En 1826-1827, Joseph Chaxel posa le premier orgue de Fréland. [Barth] [IHOA] [ITOA] [HOIE]

Chaxel était en concurrence avec Valentin Rinkenbach et François Callinet. Il était le moins cher, et son orgue (II/P 24r) a été reçu le 25/11/1827 par Von Esch (Colmar). [Barth] [PMSCALL]

L'orgue a été relevé par Antoine Herbuté en 1841. La réception eut lieu de 16/08/1841 par Martin Vogt (Colmar), et Jean Baptiste Thomas, qui était alors organiste à Fréland. [IHOA] [Barth] [HOIE] [PMSAEA69]

En 1877, François Antoine Berger déménagea l'instrument à St-Augustin de Bischwiller (on peut encore y voir le buffet, qui abrite plusieurs jeux de Chaxel). [IHOA] [ITOA] [Barth] [HOIE]

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L'orgue Louis-François Callinet,
1877 (instrument actuel)
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Historique

C'est en 1877 que Louis-François Callinet construisit le dernier "Callinet d'Alsace" encore visible aujourd'hui. [IHOA] [ITOA] [HOIE]

L'orgue de Fréland a failli être posé par les frères Wetzel, mais leur projet de 1873 (avec console latérale, mais plutôt conséquent : II/P 13+7+6j) n'a pas été réalisé. Le devis Callinet date du 17/02/1875 et l'accord du 01/05/1875. [Barth] [PMSRHW]

Louis-François était déjà installé à Vesoul depuis 1872 (le devis est d'ailleurs signé depuis cette ville), mais les ateliers de Rouffach n'étaient pas désaffectés, puisque le contremaître de Claude-Ignace, François Antoine Berger, les avait repris. Ce dernier contribua probablement à la construction de l'orgue de Fréland, au moins en prêtant ses locaux. En tous cas, c'est lui qui s'occupa de déménager l'orgue Chaxel. Voici la composition prévue par le devis (le récit expressif est appelé "positif") : [PMSCALL]

L'orgue fut reçu le 08/09/1877 par G. Kern (Colmar) et Eugène Thomas (Fréland, 06/11/1841 - Ste-Marie-aux-Mines, 11/10/1918 ; alors organiste à Ste-Marie-aux-Mines). [Barth] [PMSCALL]

En 1903, Martin Rinckenbach procéda à ce qui devait à l'origine être un relevage. Mais trois devis furent rédigés (28/06/1903), dont au moins deux correspondant à des transformations. C'est le troisième qui fut retenu. [ITOA] [Barth] [HOIE] [PMSCALL]

Ces travaux incluaient une modification de la Mixture pour en faire une Mixture-tierce progressive, grave (2'2/3) et sans reprises (un rang de 4' commençant à c, les rangs de 2'2/3, 2' et 1'3/5 complets, et une quinte 1'1/3 apparaissant sur f). La pédale étant dépourvue de Soubasse 16', il fut décidé d'y remédier, en utilisant la chape du Clairon (et en décalant). Si la tirasse n'existait pas déjà, elle fut ajoutée à ce moment. Au grand-orgue, il fut décidé d'enrichir les fonds, en remplaçant la Doublette par un Dolce 8'. Le tout était accompagné d'une garantie de 10 ans. [ITOA] [Barth] [HOIE] [PMSCALL]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 26/05/1917. [IHOA] [ITOA] [HOIE] [PMSCALL]

La maison Edmond-Alexandre Roethinger fit un relevage, et plaça une nouvelle façade en 1927. Un ventilateur électrique fut aussi installé à cette occasion. (Cela n'avait pas été fait plutôt, parce que l'électricité était souvent coupée le dimanche.) [ITOA] [Barth] [HOIE] [PMSCALL]

Le 06/06/1944, Georges Schwenkedel fit une réparation. [IHOA] [Barth]

En 1966, on demanda à Curt Schwenkedel une nouvelle intervention, qui faillit être une transformation d'envergure, mais fut finalement assez limitée : un Clairon 4 a été posé au récit expressif à la place de la Clarinette à anches libres (Callinet), le Dolce de Rinckenbach fut remplacé par une Doublette. La Soubasse fut conservée. [IHOA] [ITOA] [GBois]

De fait, l'orgue avait été démonté dès 1959, à l'occasion de travaux à l'édifice, et il était prévu de le faire reconstruire totalement, en "néo-classique". L'instrument resta en cet état plusieurs années. Malheureusement, le plafond de l'édifice fut abaissé lors des travaux (en oubliant totalement des conséquences sur l'orgue, qu'elles soient acoustiques ou simplement géométriques). Au remontage, il n'y avait plus assez de hauteur pour les tourelles latérales ! On opta pour une solution radicale : abaisser les tourelles latérales en supprimant le cylindre à la ceinture du buffet (le culot restant en place). Mais cela ne suffisait toujours pas : il fallut aussi en supprimer les contournements. Notons qu'il existe un dessin de Louis-François Callinet montrant le buffet dans son état originel (ou au moins prévu par le devis). [PMSCALL] [ITOA]

L'orgue a été relevé en 1990-2001 par Antoine Bois. Il y eut une pré-inauguration par Maurice Moerlen, le 25/11/1990 (avant la réception, qui n'eut lieu que le 09/08/2001). [IHOA] [Caecilia]

La Clarinette Callinet (à anches libres), qui avait été remplacée par un Clairon en 1966, a cette fois été remplacée par une Clarinette à anches battantes : les corps sont en étain 75%, anches à larmes pour les 25 premiers tuyaux, puis anches cylindriques. [GBois]

Le buffet

Le buffet en chêne, de 5,80 m de haut sur 5m de large d'après le devis, est caractéristique de la production des Callinet d'Alsace : 4 tourelles, les deux du centre étant légèrement plus petites. Les trois plates-faces dessinent des arcs. Les culots des tourelles s'ornent de feuilles d'acanthe, et la ceinture du buffet est parcourue d'une frise de dards. Une galerie ajourée à motifs floraux marque le haut des plates-faces et coïncide avec les claires-voies des petites tourelles. Ce sont aussi des fleurs qui ornent les coins supérieurs des plates-faces, tandis que des frises à oves soulignent les arcs. Pas d'angelot. Malheureusement, les couronnements des grandes tourelles n'ont pu être remontés après le démontage de 1959 en raison d'une incroyable bévue de l'architecte.

Photo-montage représentant le buffet dans ses proportions originelles. (Sans les couronnements.)Photo-montage représentant le buffet dans ses proportions originelles. (Sans les couronnements.)

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console en fenêtre.La console en fenêtre.

Console en fenêtre frontale. Tirage des jeux par tirants de section carrée à pommeaux munis de porcelaines, placés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers. Les nom des jeux du grand-orgue figurent en noir, ceux du récit en rouge, et ceux de la pédale en bleu. Claviers blancs, à frontons droits.

L'accouplement et la tirasse sont commandés par tirants. Il n'y a qu'une commande à pied : la pédale basculante commandant l'expression du récit (d'origine), placée à droite.

Transmission:

Mécanique suspendue.

Sommiers:

A gravures, de Claude-Ignace Callinet (1877). Le grand-orgue est diatonique, sur 2x2 sommiers, en "M" (basses aux extrémités). Le nom des jeux est écrit sur la passerelle centrale. Le récit est également diatonique, en "M". Il est situé juste derrière le grand-orgue, sous une arche. La pédale est à l'arrière de l'orgue, également en "M", et accessible depuis l'autre côté.

Tuyauterie:
Une vue sur un des 4 sommiers du grand-orgue.
De gauche (accès) à droite (revers de la façade) :
le Clairon, la Trompette, la Fourniture à 4 rangs, la Doublette,
le Bourdon 8', le Nasard, la Gambe 8', la Flûte harmonique 4',
le Bourdon 16', la grande Flûte harmonique 8',
le Prestant, et la partie sur le vent de la Montre 8'.Une vue sur un des 4 sommiers du grand-orgue.
De gauche (accès) à droite (revers de la façade) :
le Clairon, la Trompette, la Fourniture à 4 rangs, la Doublette,
le Bourdon 8', le Nasard, la Gambe 8', la Flûte harmonique 4',
le Bourdon 16', la grande Flûte harmonique 8',
le Prestant, et la partie sur le vent de la Montre 8'.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
Depuis en haut à gauche (fond) à en bas à droite (accès) :
le Principal 8', la Voix céleste, la Flûte harmonique 8',
la Flûte harmonique 4', le Salicional 8', la Gambe 4',
le Bourdon 8', le Hautbois et le Cromorne.Une vue sur la tuyauterie du récit.
Depuis en haut à gauche (fond) à en bas à droite (accès) :
le Principal 8', la Voix céleste, la Flûte harmonique 8',
la Flûte harmonique 4', le Salicional 8', la Gambe 4',
le Bourdon 8', le Hautbois et le Cromorne.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
De gauche (revers du grand buffet) à droite (accès) :
la Flûte 16' (tout à gauche : ce n'est pas une cloison ;
elle placée plus bas, on en voit une bouche sous le câble),
la Soubasse 16', aux bouches arquées, est de Rinckenbach,
elle est placée derrière la Flûte 8' et des postages
l'alimentent depuis la chape devant cette dernière,
puis la Flûte 8' (en bois avec des bouches droites),
le Violoncelle 8' en étain et avec des freins,
la Flûte 4' également métallique, et enfin la Trompette.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
De gauche (revers du grand buffet) à droite (accès) :
la Flûte 16' (tout à gauche : ce n'est pas une cloison ;
elle placée plus bas, on en voit une bouche sous le câble),
la Soubasse 16', aux bouches arquées, est de Rinckenbach,
elle est placée derrière la Flûte 8' et des postages
l'alimentent depuis la chape devant cette dernière,
puis la Flûte 8' (en bois avec des bouches droites),
le Violoncelle 8' en étain et avec des freins,
la Flûte 4' également métallique, et enfin la Trompette.

Sites La fin des Callinet d'Alsace

Après avoir construit l'instrument de Fréland, Louis-François disparut peu à peu du monde de l'orgue : on le revit travailler en 1877 à St-Amarin (sur l'orgue de son père et de son oncle qui avait déjà remplacé celui de Dubois), en 1879 à Mulhouse, Ste-Marie-Auxiliatrice (sur l'orgue de son oncle), et en 1882 à Guewenheim. Il était encore installé à Vesoul en 1884 : il en revint pour construire son orgue de Largitzen (1884), dont il ne reste rien, l'église ayant été détruite pendant la guerre de 1914-18.

En 1885, Louis-François fit paraître une publicité dans la revue Caecilia. Il revint encore en 1886 pour accorder l'orgue de Mollau, et une dernière fois en 1887 pour toucher la caution de garantie de Guewenheim.

En 1877 à Fréland, Louis-François livra un orgue certes réellement en rupture avec la pesante "tradition" alsacienne : ce n'est plus un orgue "de transition" (pré-romantique, post-classique... ce style a eu beaucoup de noms), mais réellement un orgue romantique. Mais... en 1877 ! Quand on pense que c'est seulement juste 4 ans plus tard que Joseph Merklin posa un orgue résolument symphonique à Obernai. Or, il y a un monde d'écart entre l'orgue de Fréland et celui d'Obernai. Alors que l'Alsace n'était plus une "chasse gardée" (depuis 1857), et que la concurrence pouvait jouer, Louis François dût bien sentir que son avenir à Rouffach était bien compromis ; il devait forcément mesurer l'écart entre sa facture et celle d'Eberhard Friedrich Walcker par exemple. Il devait avoir compris que la "fidélité aux traditions" de la maison de Rouffach s'était transformée en un sérieux atavisme. Cela ne se voyait pas forcément, car il n'était pas seul dans ce cas : les héritiers de la maison Stiehr, après des décennies d'un marché abondant et finalement peu exigeant, étaient tout autant à la traîne et voyaient aussi leur avenir s'assombrir.

Certains ont vu dans le déclin des maisons Stiehr et Callinet l'influence de méchants "experts" (forcément d'origine allemande), chevilles ouvrières de quelque complot germanique visant à éliminer la séculaire facture alsacienne. D'autres ont qualifié de "décadence" la période qui venait de s'ouvrir après 1871. Ces idées préconçues, il faut bien le dire un rien nationalistes (qui passaient bien dans les années 1960-1970) sont devenues de vrais clichés. Ils ne résistent pourtant pas longtemps à l'étude des faits : lesdits experts (Sering, Wiltberger, Rupp) étaient tout sauf des prosélytes de "l'orgue germanique" : c'étaient des esprits ouverts, enthousiastes, et qui tenaient la facture romantique française en très grande estime. Il est révélateur de constater que quand la maison Walcker construisait un orgue pour l'Alsace, c'était souvent un instrument adapté aux spécificités régionales. Et, en matière de facture d'orgues allemande, on peut difficilement trouver plus francophile que la maison Gebrüder Link.

Le plus saisissant dans tout cela, c'est que, si l'Alsace s'ouvrit - fort peu, finalement - aux facteurs allemands (Walcker, mais surtout les frères Link) après 1857, c'est bel et bien un alsacien qui s'affirma, et devint leader de la facture symphonique dans la région jusqu'en 1914 : Martin Rinckenbach. Le "tsunami allemand" n'arriva jamais ; au contraire, on assista à une bénéfique ouverture d'esprits, une part de mélange de styles, et, finalement, à l'émergence du style post-symphonique alsacien, incarné par Joseph Rinckenbach, Edmond-Alexandre Roethinger et Georges Schwenkedel. Parfois, en matière artistique, il est bon que les "dynasties" prennent fin.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680097001P02
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