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Les orgues de la région de Kaysersberg
Niedermorschwihr, St-Gall
Partie instrumentale classée Monument Historique, 11/07/1990.
Buffet classé Monument Historique, 28/07/1970.
Niedermorschwihr, l'orgue Silbermann.
Photo de Roland Lopes, 09/07/2004.Niedermorschwihr, l'orgue Silbermann.
Photo de Roland Lopes, 09/07/2004.

L'orgue de Niedermorschwihr est sûrement l'un des mieux conservés des Silbermann d'Alsace. En tous cas, c'est un des plus attachants. C'est sûrement dû à une histoire atypique, fort différente du scénario qui s'est répété en de nombreux autres endroits. En matière d'orgue, comme on le verra, Niedermorschwihr est une "exception culturelle".

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L'orgue Carl Franz Schweitzer,
vers 1715
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Historique

Le premier orgue de Niedermorschwihr a été construit ou installé vers 1715 par un certain Carl Franz Schweitzer. On n'en sait pas beaucoup plus. L'instrument a été réparé en 1759 et 1765. [IHOA]

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Historique

En 1805, Joachim Henry amena à Niedermorschwihr l'orgue André Silbermann, 1726, de Colmar, Dominicains. (i.e. le premier Silbermann du lieu.) [IHOA] [HOIE] [AC1969]

L'histoire de la confiscation des biens des Dominicains de Colmar est déjà différente des autres, car l'église (désaffectée) a dans un premier temps été soustraite à la cupidité des profiteurs et des spéculateurs, au moins jusqu'en 1796. Le mobilier - donc l'orgue - a été préservé. Ce n'est qu'en 1803, quand la ville de Colmar décida de racheter l'édifice pour en faire une Halle aux Blés (achat entériné en 1807) que l'orgue devint disponible à la vente. Donc dans des conditions beaucoup moins violentes que ce qui s'est passé au cours les années précédentes. Il a été acheté par Niedermorschwihr le 11/08/1803, et entreposé dans une grange jusqu'à ce que la nouvelle église soit prête à l'accueillir. [AC1969] [ITOA]

La composition d'origine est connue. On n'y trouvera, on s'en doute, pas l'ombre d'une surprise :

Une première chose qui distingue Niedermorschwihr des autres communes ayant acquis un orgue confisqué à des congrégations religieuses par la Révolution est que ce n'est pas l'appât de la "bonne affaire" qui semble avoir été le déclencheur. C'est la reconstruction de l'église (nef et chœur, conçus par Germain Michel Messier ; le célèbre clocher avec sa flèche vrillée ayant évidemment été conservé). Avec le nouvel édifice, on allait devoir de toutes façons remplacer l'orgue de 1715.

Or, en 1805, se faire construire un orgue neuf était difficile, car la facture d'orgues française était totalement "à la ramasse" : les organiers les plus doués avaient émigré, les autres changé de métier. Aller "adopter" un orgue issu de la tourmente révolutionnaire était justifiable, mais si on avait sûrement conscience que - du point de vue moral au moins - cela constituait du pur recèle.

D'ailleurs, dans l'immense majorité des cas, ces orgues conçus pour des couvents, volés, revendus, promenés en charrette, mutilés et bricolés, se sont avérés complètement inadaptés à un usage paroissial. Ils ont été transformés ou entièrement remplacés dès que possible. En clair, les "merveilleux chefs d'œuvre du 18ème", tant adulés par l'organologie du 20ème siècle, ne donnaient pas satisfaction. Et à peu près plus personne n'en voulait. Niedermorschwihr est "l'exception qui confirme la règle". Il faut dire que la présence d'une pédale (à peu près) complète (2 octaves) rendait l'instrument beaucoup plus pérenne que ceux qui étaient affublés d'un petit pédalier de 13, 18 ou 20 notes (et donc en pratique injouables).

Entre 1805 et 1892, l'instrument ne fut apparemment réparé qu'une seule fois, en 1827-1828, et encore, on ne sait pas par qui. [ITOA] [HOIE]

65 ans sans entretien, c'est bien entendu impossible. Ces instruments sont fragiles, en particulier en ce qui concerne la soufflerie et la mécanique. Et le fait qu'on n'ait pas retenu le nom de celui qui est intervenu en 1827 est révélateur : ces réparations n'étaient juste pas consignées. Il y a comme ça, encore aujourd'hui, beaucoup d'instruments qui "s'entretiennent tout seuls", sûrement parce que des organistes ont un don pour effectuer quelques réparations : si ça ne se voit pas, c'est que c'est bien fait ! Mais ce qui est significatif, c'est qu'on ait pas gardé trace - elles sont pléthoriques en d'autres endroits - de projets visant à modifier l'instrument au cours des deux premiers tiers du 19ème siècle.

En 1892, Martin Rinckenbach fit une transformation. (D'ailleurs qualifiée de "réparation" par l'Inventaire historique de 1986.) [HOIE] [IHOA]

Il faut se souvenir qu'après 1870, la vie musicale en Alsace avait radicalement changé, dans les églises en particulier. Les formations musicales dispensées par les Ecoles Normales étaient de très grande qualité, menées par de grands musiciens. Les organistes disposaient d'un sérieux bagage musical, d'un répertoire, et souvent d'une grande motivation. Dès lors, deux choses devenaient vraiment bloquantes : un diapason trop bas (empêchant beaucoup de projets musicaux avec d'autres instruments), et une pédale trop réduite. C'est pour ça qu'on se lançait dans des travaux - et évidemment pas suite à l'ingérence de méchants experts allemands téléguidés par la Prusse tels qu'ils étaient fantasmé par l'organologie de la fin du 20ème... A nouveau, Niedermorschwihr fit exception en 1892, car l'orgue n'avait pas été transformé avant.

Qui dit répertoire renouvelé dit registration. Il manquait à Niedermorschwihr les jeux généralement installés durant les deux premiers tiers du 19ème : Gambes et Flûtes ouvertes. On fit le choix de commander à Martin Rinckenbach une Gambe, un Salicional, une Flûte harmonique 8', une Trompette de pédale et une Voix céleste. Et de nouveaux sommiers de pédale (5 jeux de 27 notes). Il fallait aussi moderniser la console, et bien sûr remplacer la soufflerie et accorder l'instrument au diapason normal.

Plus contestable fut le déplacement du buffet de grand-orgue, de 50 cm vers l'arrière. Mais la motivation de ce déplacement devait être essentiellement d'ordre pratique : il devait y avoir une grande chorale, et peut-être même des instrumentistes.

Il est fort probable qu'avec ces 5 jeux de Martin Rinckenbach, le plus grand facteur d'orgues alsacien de tous les temps, l'instrument n'a jamais été meilleur. Certes, il n'en reste que deux (le Salicional et la Trompette de pédale), quand on connaît le son et l'harmonie produits par les jeux perdus (ailleurs), on se dit que c'était vraiment le meilleur qui puisse arriver à cet instrument, car ils devaient être un complément grandiose au reste.

En 1933, Alfred Berger dota l'instrument d'un ventilateur électrique. [HOIE]

Il y eut une réparation en 1951 par Ernest Muhleisen. Il s'agissait probablement de réparer des dégâts causés par la guerre. Mais le fait d'avoir pu attendre jusqu'en 1951 est à nouveau significatif : soit ces dégâts n'étaient pas très importants, soit on avait trouvé un moyen de parer au plus pressé. [IHOA] [ITOA]

Puis une autre intervention en 1961, toujours par Ernest Muhleisen. Mais là, 5 jeux ont été remplacés. [IHOA] [ITOA]

On fit le choix plus que contestable, au grand-orgue, de placer un Clairon 4' plutôt qu'une Voix humaine. Et, fort malheureusement, 3 jeux de Rinckenbach ont disparu : la Gambe, la Voix céleste, et surtout la Flûte harmonique 8' (!). [ITOA]

Bilan

Tout à fait en ligne avec son "exception culturelle", Niedermorschwihr a évité à la fin du 20ème siècle à son orgue une de ces "reconstructions néo-baroques" alors en vogue.

Elles ont souvent consisté en des reconstructions par des facteurs de l'époque, prétendant "respecter" ou "retrouver" le "caractère Silbermann" (et autres fadaises). Mais en fait surtout à "ré-écrire l'histoire" en éliminant le 19ème siècle, qui pourtant, en Alsace, fut beaucoup plus fécond que le 18ème. Le "retour à la pureté originelle", dans 99% des cas, c'est de la poudre aux yeux.

Que peut-on souhaiter aujourd'hui à ce superbe témoin de l'histoire de l'orgue en Alsace ? Un simple relevage, et surtout pas une "Silbermanisation" (claviers noirs, "esprit retrouvé", etc...) privant encore un peu plus cet instrument des apports ultérieurs. En tous cas, de conserver les deux jeux et les sommiers de pédale de 1892. Il faudrait aussi au moins envisager, sans pousser de grands cris d'orfraie, un retour à la belle configuration de 1892. Elle n'est pas d'origine, mais a déjà existé, et représente la volonté de Niedermorschwihr à la fin du 19ème. Au moins celle-ci aurait un grand intérêt patrimonial et musical. Alors qu'un Silbermann "authentique" (?) de plus, on en a déjà des dizaines, qui sont objectivement de plus en plus difficiles à valoriser.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 1991
Positif de dos, 51 n. (C-c''')
Muhleisen
C c c' c''
1' 1'1/3 2' 4'
2/3' 1' 1'1/3 2'2/3
1/2' 2/3' 1' 2'
Grand-orgue, 51 n. (C-c''')
Rinckenbach
C c c' c''
1'1/3 2' 4' 8'
1' 1'1/3 2'2/3 5'1/3
2/3' 1' 2' 4'
Muhleisen
Muhleisen ; à la place de la Voix humaine
Echo, 51 n. (c'-c''')
Ouverte
Muhleisen
Pédale, 27 n. (C-d')
Muhleisen
Rinckenbach
Transitive
[ITOA]
Console:

Console en fenêtre frontale, de Martin Rinckenbach. Tirants de jeux de section carrée à pommeaux munis de porcelaines. (Les porcelaines sont bien plus lisibles que des étiquettes, qui se retrouvent cachés par les tirants sortis.) Claviers blancs. Ils ont tous 51 notes, bien que les sommiers s'arrêtent au do (c''').

Transmission:

Mécanique suspendue pour le grand-orgue. Mécanique suspendue sans abrégé pour l'écho. Mécanique à équerres pour le positif (car le grand-orgue en est éloigné de 50 cm par rapport à la configuration d'origine).

Sommiers:

Sommiers à gravures, d'origine au grand-orgue, au positif et à l'écho, ce dernier étant situé dans le soubassement. De Rinckenbach pour la pédale.

Soufflerie:

Réservoir à plis, de Rinckenbach.

Références Sources et bibliographie :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680237001P02
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