Il s'agit de l'orgue que Jean-André Silbermann construisit en 1762 pour le chœur catholique de l'église protestante St-Pierre-le-Jeune de Strasbourg, et fortement modifié en 1848 par la maison Stiehr, de Seltz.
Historique
C'est en 1865 que la maison Stiehr amena à Soultz-les-Bains l'orgue Jean-André Silbermann, 1762, de Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath.. [IHOA] [Barth] [PMSAM80]
Ce qui explique les clés sur le fleuron :
Voici la composition d'origine :
Avant son déménagement, l'instrument avait déjà été modifié à Strasbourg : en 1837 par George Wegmann (ajout d'une Montre 8' de 39 notes au manuel, et pose d'une Trompette de pédale de 13 notes), et en 1848 par la maison Stiehr, qui avait remplacé l'écho par un positif et étendu la pédale à 20 notes (sommiers neufs). Le positif était doté d'une chape libre, pour une évolution ultérieure. [Lobstein] [HOIE] [Barth] [PMSAM80] [SoultzBains2008]
Une fois de plus, on constate que les premières modifications sur cet instrument du 18ème siècle ont été effectuées bien avant 1870, donc bien avant la "période allemande". Le mythe de l'intervention de méchants experts mandatés par l'impérialisme culturel allemand est le produit d'une désinformation menée à la fin du 20ème siècle. Même les transformations effectuées après 1870 avaient souvent déjà été prévues bien avant. Si ces orgues ont été modifiés, c'est qu'ils étaient inadaptés. En 1863 à Strasbourg, cet instrument l'était tellement qu'on avait décidé de le remplacer par un neuf.
A son arrivée à "Sulzbad", l'orgue était le premier de l'église, qui avait été construite en 1846. [Barth]
L'arrivée à Soultz-les-Bains
C'est le curé Louis Meyer (1811 - 1893) qui est à l'origine de cet achat : son frère, organiste à Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath., avait demandé et obtenu un orgue Stiehr pour sa tribune. L'orgue de 1762 avait été racheté par la maison Stiehr, et était disponible. [PMSAM80] [SoultzBains2008]
La maison Stiehr a encore fait d'autres modifications, soit en 1848, soit lors du déménagement : une Gambe au grand-orgue, remplacement de la Trompette manuelle, Salicional et Fugara 4' neufs au récit, et un Violoncelle pour la pédale. D'autres tuyaux, dans des jeux plus anciens, sont aussi de Stiehr. [PMSAM80]
Voici un schéma montrant les déménagements :
Marie-Joseph Erb à Soultz-les-Bains
Soultz-les-Bains est un lieu de villégiature, qui, en 1874, a accueilli le jeune Marie-Joseph Erb (16 ans à l'époque). Erb raconte : "[L'abbé Meyer,] le curé de cet endroit, m'ayant entendu toucher le mauvais orgue de son église, me demanda de remplacer son organiste les dimanches suivants. C'est ce digne prêtre qui décida mon père à ne pas me lancer dans le commerce, mais à m'envoyer compléter mes études musicales à Paris à l'école Niedermeyer." Effectivement, Erb entre en 1874 à l'école Niedermeyer. Et, oui, il n'avait pas du tout apprécié l'orgue Silbermann / Stiehr, qu'il trouvait mauvais. Or, moins de 10 ans après son déménagement et les travaux de Stiehr, ne ne peut pas dire que l'instrument avait souffert d'un manque d'entretien. [SoultzBains2008]
Un orgue évalué bien bas
Ce n'était pas la première fois que cet orgue Silbermann / Stiehr avait été évalué de façon très critique : en 1863, Théophile Stern avait rendu un rapport très négatif, et justifié : problèmes de mécanique, de soufflerie... Et Joseph Wackenthaler confirma cette position.
A l'époque, le pedigree Silbermann seul ne suffisait pas pour qu'un instrument soit déclaré "chef d'œuvre" : pour sûr, Stern et Wackenthaler n'étaient pas des fayots distribuant des évaluations de complaisance ! Ils disent ce qu'ils pensent, ce qui donne à leurs rapports une grande valeur. Il est probable que de leur point de vue, les travaux de 1865 avaient laissé l'instrument dans une configuration un peu "au milieu de gué". (Par exemple avec cette pédale de 20 notes.) En tous cas, ils devaient y voir une réalisation un peu "pragmatique", semblant plus définie par ce qu'on pouvait faire facilement que par un vrai projet musical. Le tout mal servi par des techniques vieillottes.
En 1895, l'orgue a été réparé par Aloïse Lorentz, de Souffelweyersheim. [IHOA]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 04/04/1917. [IHOA] [HOIE] [SoultzBains2008]
En 1930, Franz Kriess remplaça la façade et posa deux Bourdons 16' : un pour la pédale, et un manuel. Les travaux ont été reçus par Martin Mathias le 16/02/1930. [IHOA] [PMSAM80] [SoultzBains2008]
Voici la composition en 1980 :
Les travaux de 2008
En 2008, l'orgue a été confié à la maison Daniel Kern (ateliers de Hatmatt) : retour à la composition de 1848, rallongement des tuyaux pour obtenir un diapason de 410Hz à 10°C. A la console, les étiquettes de Kriess ont été supprimées, pour dégager celles de Stiehr (qui elles-mêmes recouvrent celles de J.A. Silbermann). Décapage du buffet, mise en vernis, restitution de la polychromie des armoiries de St-Pierre-le-Jeune. [PVBlanchard] [RLopes]
Hélas, cent fois hélas... la pédale n'a pas été étendue : elle est restée à 20 notes.
Pendant le démontage, des feuillets de papier des années 1741-1759 ayant servi à assurer l'étanchéité des souffles ont été retrouvés. Ils constituent une sorte de capsule temporelle, et ont fait l'objet d'un relevé photographique. [SoultzBains2008]
L'inauguration a eu lieu du 19/09 au 21/09/2008 : [PVBlanchard] [RLopes]
- 19/09/2008 : conférence de Daniel Kern sur les travaux menés.
- 20/09/2008 : présentation de l'instrument par Christian Lutz et Marc Schaefer.
- 20/09/2008 : concert de Marc Schaefer. J. Pachelbel : 3 Fugues sur le Magnificat, F. Couperin : Fugue (Messes des Couvents, 2nd Kyrie), F. Couperin : Récit de Cornet (Messe des Couvents, 2nd Sanctus), J.S. Bach : Fantaisie en ut majeur (BWV 570), J.S. Bach : Komm, Gott Schöpfer, Heiliger Geist (BWV 667), J. Brahms : Schmücke dich, o liebe Seele (Op.122 n°5), E. Rupper : Fugue en ré majeur
- 21/09/2008 : opération portes ouvertes.
- 21/09/2008 : concert de Sylvain Ciaravolo. L.N. Clérambault : Suite du 2ème ton, G. Boehm : Partita sur "Freu dich sehr o meine Seele", G. Boehm : Vater Unser in Himmelreich, D. Buxtehude : Praeludium en sol mineur (BuxWV 163), D. Buxtehude : Wie schön leuchtet den Morgenstern (BuxWV 223), J.A. Reincken : Fugue en sol mineur, J.S. Bach : Fantaisie et Fugue en la mineur (BWV 904), J.S. Bach : In Dulci Jubilo (BWV 751) (en bis).
Le buffet
Le buffet appartient à une série dont le dessin semble remonter à 1736 et destiné à un projet (non abouti) pour Neuf-Brisach :
- Colmar, Dominicaines (Unterlinden) (1738, aujourd'hui à Eschentzwiller),
- Sélestat, Dominicaines de Sylo (ancien hôpital St-Quirin) (1750, aujourd'hui à Sundhouse)
- Guebwiller, Dominicaines (Engelpforten) (1771, dont le buffet est aujourd'hui à Walbach),
- Colmar, Catherinettes (1772, aujourd'hui partiellement conservé à Altkirch).
Comme les autres, ces buffets n'ont pas été réalisés par les ateliers de Jean-André Silbermann, mais ont été sous-traités. (Voir l'attribution des buffets des orgues Silbermann.)
Caractéristiques instrumentales
Diapason : La 410Hz à 10°C. Tempérament égal.
Sources et bibliographie :
Photos du 29/01/2004 et des 20-21/09/2008, données sur l'inauguration.
Photos du 20/09/2008.
Photos de mars 2001.
205. Soultz-les-Bains depuis 1863, 21 Jeux, 2 Clav. Péd., sommier méc., traction méc., soufflerie électr.
SULZBAD (= Soultz-les-Bains), Kt. Molsheim. - 1840, Liste, ohne O. - Diese kam erst 1865, eine Silbermann O., von Jung-St. Peter in Strassbg, wohl erhalten, zu schwach f. diese Ki. Dank der Hilfe des Organisten dieser Strassb. Ki., dessen Bruder, Ludwig Meyer, Pf. von S. war, konnte S. die O. erwerben. Vgl. E. EHRHARD, Histor. Skizze der Pfarrei S., Molsheim 1908, 44 f. - O. mit 21 Reg., 2 Clav., Ped. MATHIAS 45. - Rep. von Lorenz aus Suffelweyersheim, 1895. Vfr. (1895), 382.
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