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Les orgues de la région de Rosheim
Boersch, St-Médard
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Boersch, le buffet Verschneider abritant l'orgue Roethinger de 1928.
Les photos sont du 14/06/2025.Boersch, le buffet Verschneider abritant l'orgue Roethinger de 1928.
Les photos sont du 14/06/2025.

Dans le beau buffet Jean-Frédéric Verschneider, 1865, de Boersch se trouve aujourd'hui un orgue Roethinger de 1928. Cela explique la composition très néo-classique actuele. Mais Boersch, pour le monde de l'orgue, c'est aussi la localité d'origine du chanoine Médard Barth, historien de l'Alsace et de ses orgues. L'histoire des orgues de Boersch commence au début du 17ème siècle.

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L'orgue de facteur inconnu (1622)
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Historique

Un premier instrument est attesté à Boersch en 1622. On en ignore la provenance. [IHOA]

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L'orgue Hans Jacob Aebi,
1663
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Historique

En 1663, c'est probablement Hans Jacob Aebi qui posa un orgue, dont on ne sait pas grand chose. Peu après 1713, l'instituteur-organiste Johann Feger (de 1708 à 1731) voulait un orgue neuf. [IHOA] [Barth] [PMSAM83CRosheim]

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L'orgue Daniel Cräner,
1727
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Historique

En 1727, c'est Daniel Cräner qui fournit un positif (Montre en 2'), qui semble avoir été la source de bien des tracas (malgré sa transmission forcément mécanique...) : [IHOA] [PMSAM83CRosheim] [ArchSilb]

Une première réparation dès 1737, par Frantz Adam [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

Une autre en 1742, par un certain Johann Vierengel. [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

En 1749 et 1756, plutôt que d'engager une fois de plus un facteur d'orgues, on demanda à un employé des forges de Klingenthal d'arranger les soufflets. [PMSAM83CRosheim]

Il y eut encore un entretien en 1757, par Georg Friederich Merckel, sûrement plus destinée à fournir un peu de travail à ce dernier qu'à obtenir un orgue pleinement jouable. Nouvelle réparation en 1756. [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

Tous les orgues du 18ème n'étaient pas des chefs d'œuvre, loin s'en faut...

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L'orgue Johann Peter Toussaint,
1775
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Historique

Après la construction de la nouvelle église, en 1771, on se décida pour un orgue probablement neuf, livré en 1775 par Johann Peter Toussaint. [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

Toussaint est l'auteur du (trop ?) fameux orgue de Lautenbach. Son orgue de Boersch ne devait pas vraiment être apprécié, puisqu'en 1865 le bois servit à construire une armoire, et le reste fut vendu. (Notons que l'orgue de Lautenbach, lui non plus, ne donnait absolument pas satisfaction...)

D'après une lettre du frère M. Bernard, l'instrument de Boersch avait 14 jeux, avec un seul manuel de 51 notes. C'est surprenant pour un orgue de 1775, et laisse penser qu'il y a eu une extension de 49 à 51 notes. La pédale n'avait que 13 notes. Le buffet avait 2m60 de large et 5m de haut. (Ce qui confirme qu'il s'agissait, en 1775, d'un orgue neuf, car ce buffet ne venait vraisemblablement pas de l'ancienne église de Boersch - démolie en 1769 - où Cräner n'avait placé qu'un positif.) [PMSAM83CRosheim]

Bien qu'il fut mécanique (donc à la fiabilité censée être éternelle, sans entretien et tout...), les réparations se succédèrent : d'abord en 1817, par Michel Stiehr. [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

En 1832, le facteur Adam Blum installa l'orgue dans l'église rénovée en 1830. En 1838 on songeait déjà à remplacer le vieil orgue de 14 jeux "en très mauvais état", par un neuf de 20 jeux. La maison Stiehr fit un devis, mais le projet n'aboutit pas. [IHOA] [Barth] [PMSAM83CRosheim]

Et en 1846, nouvelle réparation par la maison Stiehr, [IHOA] [PMSSTIEHR]

En 1863, le maire de Boersch écrivit au sous-préfet, et signala que "L'orgue se trouve dans le plus mauvais état et il n'y a plus moyen de le réparer. Je propose un orgue neuf." [PMSAM83CRosheim]

...et on ne voulait pas d'un Stiehr.

Le projet de Joseph Merklin

On fit appel à Joseph Merklin, qui se rendit à Boersch (sur le chemin de Bâle) fin mars 1863. Il rédigea un devis daté du 22/05/1863. [PMSAM83CRosheim]

Merklin avait déjà une solide réputation en Alsace, car ses orgues de Blotzheim, Wintzenheim (1861), Strasbourg, clinique de la Toussaint, Wittelsheim et Le Bonhomme avaient été très appréciés. Il faut dire que la comparaison avec la production alsacienne des années 1860 était sans appel, puisque les facteurs locaux s'entêtaient à vouloir construire des orgues comme en 1830... Une fois de plus, on remarque les conséquences de ce qui fut décidément l'évènement le plus marquant de l'histoire de l'orgue alsacien : 1857, l'acte de naissance de l'orgue romantique.

Le 30/05/1863 on décida d'ajouter au devis initial une anche 16' de pédale. Voici la composition de cet orgue, "de rêve", mais qui n'a jamais été construit :

La console devait être indépendante, face à la nef. Cette composition est fortement inspirée de celle de Wintzenheim, mais un peu plus réduite. On y retrouve une caractéristique parisienne vraiment pas alsacienne : un récit dépourvu d'octave grave. Dans une région aussi attachée au répertoire contrapuntique, c'était souvent un "dealbreaker". De plus... il manquait la Voix céleste. Et surtout, c'était très, très cher... Trop cher. L'affaire ne se fit pas. Mais on avait un Plan B. [PMSAM83CRosheim]

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Historique

En 1865, Boersch reçu un orgue neuf de Jean-Frédéric II Verschneider, dont le magnifique buffet subsiste. [IHOA] [PMSAM83CRosheim]

Verschneider avait été choisi suite à l'éviction de Merklin. L'idée était de construire le même orgue qu'à Sigolsheim (reçu le 16/07/1863). Tout paraissait simple, et le marché entre la commune et Verschneider a été passé le 18/09/1863 suite à l'approbation du conseil municipal. [PMSAM83CRosheim]

Tracasseries administratives

Mais c'était compter sans la fameuse Doctrine officielle instituée par la préfecture du Bas-Rhin en 1857. Charles Morin (architecte en chef du département) annula le traité sous prétexte qu'il y avait trop de jeux ! La norme définissait le nombre de jeux, puis même la composition, en fonction de la surface de l'édifice. Pour 470m2, le nombre de jeux maximal était de 29. L'orgue de Sigolsheim, donc le projet pour Boersch en proposait 30... Et évidemment, personne à Sigolsheim (Haut-Rhin) ni à Puttelange (Moselle) n'était au courant de cette monstruosité administrative. Georges Krempf, travaillant chez Verschneider, demanda à voir l'architecte d'arrondissement Antoine Ringeissen à Sélestat pour tirer les choses au clair. Il dut amputer le projet d'un jeu... [PMSAM83CRosheim]

Bien sûr, on chercha à vendre le vieil orgue Toussaint. En vain. Finalement, pour en faire quelque chose, on transforma son buffet en armoire. [PMSAM83CRosheim] [Barth]

Ce qui confirme une fois de plus qu'en Alsace, on ne jette pas un meuble comme ça...

C'est à cette époque (1865) que Jean-Frédéric Verschneider perdit son frère Michel (né en 1821), qui avait été harmoniste chez Ducroquet puis Merklin-Schütze à Paris, et s'était ensuite associé à Barker pour monter sa propre affaire. Comme Verschneider s'était engagé financièrement dans son entreprise, il avait d'importantes affaires à régler pour récupérer ses parts. De fait, c'est son épouse Laure-Florence qui répondit au maire de Boersch le 22/05/1865. (Laure-Florence reprit d'ailleurs les activités de Jean-Frédéric après sa mort, devenant une des seules femmes à diriger une manufacture d'orgues.) Dans ce courrier, elle indique que l'orgue est bien en cours de construction, et que le buffet est presque achevé. [PMSAM83CRosheim] [IOLMo]

L'orgue fut finalement reçu par Joseph Wackenthaler et Théophile Stern, en novembre 1865. Mais l'organiste de Boersch n'était pas content de l'instrument. (Peut-être avait-il été frustré par le choix du "Plan B" ?) Il en parla au maire, qui alerta Antoine Ringeissen. C'étaient surtout des problèmes d'accord (mal décrits), puis, plus tard, on souligna que "le dessus du buffet n'est pas recouvert en menuiserie et que la corniche de façade n'est pas retournée sur les côtés." En clair, soit il y avait des rancœurs et il s'agissait de prétextes, soit l'instrument n'était pas globalement satisfaisant, mais qu'on avait du mal à préciser pourquoi. Mais, de fait, l'orgue ne donna pas satisfaction. [PMSAM83CRosheim] [Barth]

En 1886, l'orgue aurait été ré-harmonisé par Delacroix, de Paris (progression du Plein-jeu "à la Cavaillé-coll" et mise en place de freins harmoniques). [Barth]

Cette fois, le résultat fut apprécié : Eine "Vollständige und sehr vorteilhafte Umgestaltung der Orgel". [Barth]

Médard Barth

En 1886 aussi naquit Médard Barth, grand historien des églises et des orgues d'Alsace, qui se distingue par sa grande ouverture d'esprit.

Médard Barth (16/11/1886-26/03/1976)Médard Barth (16/11/1886-26/03/1976)

Médard Barth aime les orgues, et les fait aimer. Il aime *tous* les orgues : les classiques, les romantiques, les grands, les riches, les pauvres, les instruments d'accompagnement, les "mécaniques" et les "pneumatiques", peu importe. On comprend que, pour Barth, l'important n'est pas comment un orgue fonctionne. C'est ce qu'il fait vivre aux gens. Il remit en vigueur l'expression "L'Alsace, le pays des orgues" (originellement attribuée à Aristide Cavaillé-Coll, lequel savait de quoi il parlait, mais n'avait pas encore tout vu...) Barth fit même de "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert" le titre de son ouvrage fondamental sur le sujet. Un titre dont on tronque souvent le "au 19ème siècle", qui rappelle pourtant que l'Alsace devint le pays des orgues au 19ème. Il appela "Orgelfreudigkeit" l'extraordinaire attrait des alsaciens du 19ème pour l'orgue.

Médard Barth a donc dû connaître, dans sa jeunesse, l'orgue Verschneider. Il ne semble pas être intervenu dans les décisions ultérieures de sa paroisse natale.

Pie Meyer-Siat critiquant Médard Barth

On le sait, l'animosité entre les historiens de l'orgue était bien réelle. Entre ceux qui confisquaient les sources et ceux qui prenaient un malin plaisir à aller chercher la moindre erreur chez l'adversaire - pour la monter en mayonnaise - on peut estimer que la plupart passaient plus de temps en chamailleries qu'à consulter des sources. Médard Barth, assurément, n'était pas de ceux-là. Mais Pie Meyer-Siat, dans son article sur Boersch, laisse parler son aigreur avec une ironie fort déplacée : "Nous pensions que Médard Barth, le célèbre historien, originaire de Boersch, avait vu tout cela avant d'écrire l'histoire des orgues de son lieu de naissance (AEA 196S, p. 160-162) ; il n'en est rien, hélas !". C'est ça, le monde de l'orgue. [PMSAM83CRosheim]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 01/05/1917. [PMSAM83CRosheim]

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Historique

En 1928, Edmond-Alexandre Roethinger plaça un orgue neuf dans le buffet Verschneider. [IHOA] [ITOA]

L'instrument était bien entendu pneumatique à l'origine. Ce qui est intéressant, c'est que dans l'album photographique de la maison Roethinger (paru en 1935), on trouve la photo d'une console en construction :

Cette photo a très bien pu être prise en 1927-1928. Les caractéristiques de cette console (nombre de dominos et accessoires) correspondent bien à l'orgue de Boersch de 1928, et à aucun autre Roethinger connu de l'époque. C'est donc presque à coup sûr la console d'origine (aujourd'hui disparue car remplacée par un modèle électrique) de l'instrument de 1928.

L'instrument a été électrifié en 1953 par Max Roethinger. Malheureusement, à cette occasion, la belle console de 1928 a disparu. L'instrument a aussi été "néo-classisé", comme en témoigne la Cymbale du récit. [ITOA]

L'orgue a été relevé par la maison Koenig en 2002 (démontage, nettoyage, remise en état, notamment du grand-orgue et des anches). La compostion est restée inchangée. [Visite]

Le buffet

Le culot de la tourelle de droite.
Le cylindre à la hauteur de la ceinture du buffet, au-dessus du culot,
est caractéristique des buffets Verschneider.Le culot de la tourelle de droite.
Le cylindre à la hauteur de la ceinture du buffet, au-dessus du culot,
est caractéristique des buffets Verschneider.

Le beau buffet à 5 tourelles ressemble beaucoup à celui de Traubach-le-Haut, sans les couronnements des tourelles. Mais la hauteur des tourelles diffère un peu : à Boersch, la centrale est bien plus haute.

Boersch (1865) Boersch (1865)

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console Roethinger de 1953.La console Roethinger de 1953.

Console indépendante dos à la nef, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux par dominos blancs, placés en ligne au-dessus du second clavier, et groupés par plan sonore. De gauche à droite : le grand-orgue, le récit, la pédale, les accouplements et le Trémolo. La combinaison libre est commandée par des paillettes basculantes situées au-dessus de chaque domino. Les accouplements sont donc programmables.

Commande doublée des accouplements et du trémolo par pédales/cuillers à accrocher. De gauche à droite : "Oct.gr.II/I", "Oct.aig.II/I", "CopulaII/I", "Tirasse Récit", "Tirasse Grd. Orgue". Viennent ensuite les pédales basculantes du crescendo ("Crescendo gen.") et de l'expression du récit ("Expression II"). A leur droite, la pédale d'appel du trémolo.

Commande des aides à la registration par poussoirs, placés à gauche sous le premier clavier : de gauche à droite : les 4 combinaisons fixes, l'annulateur (poussoir noir) et l'appel de la combinaison libre. Cadran linéaire de crescendo, gradué de 0 à 10, placé à droite à hauteur des dominos. Voltmètre, placé à droite un peu plus haut que les dominos, gradué jusqu'à 25V, et montrant 18V en marche.

Plaque d'adresse en lettres métalliques incrustées, placée à droite à hauteur du premier clavier, et disant :

E.A.Rœthinger
Strasbourg
La plaque d'adresse Roethinger à Boersch.La plaque d'adresse Roethinger à Boersch.

Cette console est du même modèle qu'à Fellering (1948), Mackenheim (1950), Niederhaslach (1952), (1952), Wissembourg (1953), Friesenheim (1955), Diebolsheim (1955). Il y en avait aussi une, très belle, à Ebersheim (1951), mais celle-ci a été récemment supprimée au cours d'une n-ième "mécanisation néo-baroque".

Transmission:

La transmission a été électrifiée, des électro-aimants commandant les pilotes de la traction pneumatique juste sous les sommiers :

Le tirage électro-pneumatique des notes.
Chaque électro-aimant commande un petit soufflet-relai (la plupart sont oranges,
mais il y en a un blanc, car il a été remplacé). Ce soufflet enfonce alors le pilote,
la petite tige filetée munie d'un écrou en cuir juste au-dessus.
A ce moment, le vent est envoyé dans les tuyaux dont le jeu est sélectionné par la registration.Le tirage électro-pneumatique des notes.
Chaque électro-aimant commande un petit soufflet-relai (la plupart sont oranges,
mais il y en a un blanc, car il a été remplacé). Ce soufflet enfonce alors le pilote,
la petite tige filetée munie d'un écrou en cuir juste au-dessus.
A ce moment, le vent est envoyé dans les tuyaux dont le jeu est sélectionné par la registration.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670052001P05
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