Jean Frédéric Verschneider (de Puttelange : ses cadets Georges et Nicolas étaient installés à Rémering) plaça à Linthal ce joli petit instrument en 1861.
Historique
La présence d'un orgue dès 1818 est attestée par le payement d'un organiste. En 1840, il est question d'un instrument "provisoire". (Qui l'était donc depuis au moins 22 ans, et le resta encore 20 ans.) On en ignore la provenance. [IHOA] [PMSSUND1984]
Historique
C'est en juin 1862 que fut posé l'orgue Jean-Frédéric II Verschneider de Linthal. [PMSSUND1984]
Son esthétique est encore un peu "pré-romantique", malgré la date de 1862. Mais il n'y a ni Fourniture, ni Mutations. La séparation de l'anche manuelle en basse + dessus est une habitude de la maison Verschneider, qui était également fréquemment pratiquée en Alsace par Valentin Rinkenbach.
Cette coupure est particulièrement utile sur un orgue à un seul manuel, en conjonction avec le fait que le Cornet ne parle que dans le dessus. Cela permet, par exemple, de jouer l'anche (solo) dans les basses et le Cornet (solo aussi) dans les dessus.
Il n'y a pas de tirasse, mais, contrairement à beaucoup d'instruments pré-romantiques, la pédale n'est pas limitée à 18 notes : elle dispose de deux octaves complètes (et donc l'orgue d'un vrai répertoire).
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 10/04/1917. [PMSSUND1984]
Une nouvelle façade a été posée en 1924, probablement par la maison Berger de Rouffach. [PMSSUND1984]
Il y eut un projet, établi le 18/05/1928 par Georges Schwenkedel, pour remplacer les jeux d'anches : la Trompette manuelle par un Cor anglais, et la Trompette de pédale par un Violoncelle. [PMSSUND1984]
Pie Meyer-Siat affirme que ce projet n'a pas été réalisé. De plus, au cours d'une visite menée en 1968, il estima l'orgue authentique, à l'exception de la façade, et le remplacement supposé d'un Nasard par la Flûte 4', qui aurait été effectué en 1896 ou 1924 par la maison Berger. [PMSSUND1984]
Mais, de fait, les deux Trompettes Verschneider ne sont plus dans l'orgue actuel. Et, comme toutes les porcelaines ont l'air authentiques, il est peu probable que l'orgue ait été doté d'un Nasard à l'origine. La Gambe non plus n'est pas d'origine, puisqu'elle est en zinc, mais elle est très belle. [Visite]
Il y eut un relevage en 1984, mené par Gaston Kern. [IHOA]
Le buffet
Le buffet a été réalisé par la maison Ginsberger et Herrmann. Il n'est pas sans rappeler celui de Flaxlanden, avec ses plates-faces divisées en deux verticalement. Celui de Linthal est doté de belles jouées. [ITOA]
Il y a d'intéressants couronnements en palmes (homogènes avec le reste de l'édifice : voir le sommet des colonnes) conservés à la tribune. Une partie est toujours en place sur les tourelles, mais masquée par des coffrages. On voit les palmes sur des photos anciennes (par exemple celle de inventaire Pervieux jointe au dossier Palissy), mais il difficile de dire si elles sont d'origine.
Une autre spécificité de ce buffet vient des têtes de paons sculptées sur les claires-voies. Les ornements représentant des figures animales de sont pas très courants. Il y a bien sûr l'exemple du somptueux buffet d'Andlau (ours, oiseaux, chimères), ou les crocodiles de Sengern, mais l'essentiel de l'ornementation des buffets d'orgues est végétale ou florale. Ces têtes de paon peuvent être rapprochées des têtes de volatiles visibles sur le buffet de Griesheim-près-Molsheim.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant horizontal. (Pas de partie rampante.) Tirants de jeux de section ronde à grandes porcelaines, placés en ligne au-dessus du clavier. Les porcelaines sont blanches, et le nom des jeux figure en noir. Il y a des "séparateurs" calligraphiques, au-dessus et en-dessous du nom du jeu (quand il y a une hauteur en pieds, celle-ci en remplace le point central), sauf pour le Cornet et le dessus de la Trompette manuelle, où les séparateurs sont remplacés par des losanges. Notons que c'est un Cromorne qui se trouve sur la chape de la Trompette manuelle. Clavier blanc. Il n'y a pas de commande à pied.
C'est l'archétype de l'orgue "de campagne" du milieu du 18ème. Ces instruments sont aussi attachants qu'atypiques : tout semble un peu expérimental et pragmatique. Surtout si on ose les comparer à la production des leaders de l'orgue européen de l'époque (Walcker et Cavaillé-Coll).
Cet instrument rappelle ce que l'orgue alsacien doit aux Verschneider : de vraies souffleries, et surtout une ouverture sur le reste de l'Europe. On distingue en particulier une certaine influence d'Abbey. Car si on compare cette fois l'orgue de Linthal à ceux des facteurs locaux, il fait presque figure de vitrine technologique ! En effet, les Verschneider ne vivaient pas dans le passé, comme Joseph Callinet ou les maisons Stiehr de Seltz. La "fidélité aux traditions" ne signifiait pas forcément abuser des atavismes.
Il est fort probable qu'au moins dans la vallée de Guebwiller, cet instrument a eu un impact significatif : si Buhl reçut son superbe orgue Koulen en 1892, Murbach son Rinckenbach en 1906 et Guebwiller son Mutin en 1908, c'est bien parce que les esprits avaient été ouverts dès les années 1860. On peut même se dire que si l'orgue Louis Mockers d'Orschwihr est tel qu'il est (i.e. un Stiehr qui ne ressemble pas à ceux de 1820), c'est - au moins un peu - à cause du Verschneider de Linthal. Une fois de plus, on vérifie que c'est au fond des vallées (Husseren-Wesserling, Le Bonhomme, Barembach, Saales), et pas dans les villes, que l'orgue alsacien a grandi.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Georges Gully.
Photos du 04/07/2021.
im68000470 ; la notice a été écrite sur la base d'une visite effectuée en 1967, quand l'origine de l'instrument n'était pas connue. L'hypothèse proposant son attribution aux Callinet est fausse. La date ("vers 1840") également. On apprend que l'instrument est "basé sur la traction mécanique"... qu'il dispose d'un clavier "normal", et qu'il est "basé sur le principe du huit pieds" : verbiage caractéristique des années 60 où on voyait des "principes" partout, et où l'évaluation de la valeur de l'un orgue reposait entièrement sur son âge supposé ("Plus c'est vieux, mieux c'est") et le fait qu'il soit "mécanique" (les autres étant à éliminer sans réfléchir). Notons tout de même que cette notice donne la composition.
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