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Les orgues de la région de Guebwiller
Orschwihr, St-Nicolas
1917 degr > Dégâts
Partie instrumentale classée Monument Historique, 22/01/1982.
L'orgue Stiehr d'Orschwih.
Photo Creative Commons, d'Espirat, 25/12/2022.L'orgue Stiehr d'Orschwih.
Photo Creative Commons, d'Espirat, 25/12/2022.

Cet orgue est un "Stiehr tardif", c'est-à-dire construit par la vieille maison de Seltz dans le dernier quart du 19ème siècle, à une époque où elle était clairement dépassée par les évènements, mais essayait quand même de s'adapter, avec des approches très spécifiques. C'est un instrument d'autant plus intéressant qu'il est absolument authentique, à part ses tuyaux de façade. C'est un livre ouvert sur la facture d'orgues en Alsace à la fin du 19ème.

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L'orgue de facteur inconnu (1817)
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Historique

Un premier orgue a été placé à Orschwihr à la fin de la Révolution, en 1817. [IHOA] [Barth]

On ignore la provenance et le constructeur de cet instrument, mais on sait que le buffet avait 3 tourelles et 2 plates-faces, que le manuel avait 54 notes, et la pédale 18. On connaît sa composition en 1881, au moment de son déménagement :

L'instrument a été déménagé à St-Nicolas de Friesenheim par la maison Stiehr en 1882. [IHOA]

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Historique

L'orgue Stiehr-Mockers d'Orschwihr a été inauguré le 06/12/1881, le jour de la fête de Saint-Nicolas (à qui l'église est consacrée). L'accord, rendu possible par une subvention de la commune, a été passé le 27/02/1881 avec Léon Stiehr et Louis Mockers. [IHOA] [ITOA] [Barth] [PMSSTIEHR]

Le renouveau de la maison Stiehr

Il y a un pédalier (presque) complet (2 octaves) et un récit expressif : la maison Stiehr semble être enfin sortie d'une interminable période "de transition", marquée par une forte demande d' "orgues pour instituteurs" avec des pédales limitées à 18 notes et conçus... comme en 1820. Il faut dire que le marché de l'orgue alsacien avait connu plusieurs décennies de forte demande, avec une concurrence quasi inexistante, les communes s'adressant naturellement au facteur desservant leur zone géographique.

Pour mesurer l'ampleur du phénomène, il faut se souvenir qu'en 1878, la maison Stiehr a encore construit un orgue avec positif de dos (Uhlwiller). Cela a été présenté, à la fin du 20ème siècle, comme un "courageux attachement aux traditions" (!), mais en fait, cela trahissait un retard considérable, tant technique qu'esthétique, conséquence de plusieurs décennies de repli sur soi.

Or, après 1870, le remarquable enseignement de la musique pratiqué par les Ecoles Normales avait porté ses fruits. Et la nouvelle génération d'organistes, bien formée et inspirée par de grands musiciens comme Friedrich Wilhelm Sering et Henri Wiltberger, voulait jouer des orgues adaptés, ce qui est compréhensible. Or, les orgues "de transition" construits en Alsace avant 1870 n'étaient plus adaptés. Ni au répertoire, ni à l'usage, car les organistes-chef de chœur avaient besoin d'une console indépendante, et pas de jouer avec la tête dans une armoire.

A Orschwihr, la maison Stiehr se réveille, et démontre une réelle volonté de renouveau. L'instrument fait beaucoup penser à celui de Westhouse (1897), où Louis Mockers signe un orgue attachant, adapté à son temps, où certaines solutions techniques font parfois sourire. Parce qu'elles démontrent qu'il n'avait aucune idée de comment réaliser certaines choses "modernes" qui avaient déjà 30 ou 40 ans. La maison Stiehr, trop longtemps isolée de la facture européenne, souffrant d'évidentes lacunes en compétences, devint inventive. Un trait qui lui était jusqu'alors totalement inconnu !

A côté des progrès bienvenus, certaines choses sont maladroites : une pédale sans tirasse, nécessitant pas moins de 7 jeux sur 26. Une tirasse aurait permis de se passer de Trompette de pédale, et d'utiliser les ressources correspondantes pour enrichir le récit.

A Game of Cases

Médard Barth a retrouvé dans les archives Stiehr un dessin de buffet à deux plates-faces et trois tourelles à entablement, avec la grande au centre. Les 5 éléments sont munis d'arcs plein-cintre, les claires-voies devant dessiner cet arc pour les tourelles. Ce dessin porte la mention "Orschwihr" au dos. Mais il n'a rien à voir avec l'orgue qui a été construit pour Orschwihr. [Barth] [PMSSTIEHR]

Le dessin portant "Orschwihr" au dos,
ressemblant à l'orgue de  (1875).Le dessin portant "Orschwihr" au dos,
ressemblant à l'orgue de Zinswiller (1875).

Les buffets Stiehr constitués de trois tourelles rondes avec la plus grande au milieu ne sont finalement pas très courants. Ils abritent surtout des orgues construits avant 1833 : Roppenheim, Hoerdt, Gresswiller, Guewenheim. On peut y voir l'influence de Ferdinand Stieffell.

Le buffet correspondant à ce dessin paraît être celui de Zinswiller (1875), bien que la décoration supérieure des plates-faces soit différente.

Ce qui est intéressant, c'est que le dossier de Zinswiller, contient lui aussi un dessin de buffet, non réalisé, dont le "coup de plume" est très voisin de celui portant Orschwihr au dos. Il est plus conventionnel, car les tourelles sont plates, et celle du milieu est la plus petite. Ce dessin représente très fidèlement l'orgue réalisé à Sparsbach (1872).

Il est donc possible que le buffet de Zinswiller ait été à l'origine prévu pour être identique à celui de Sparschbach, et finalement réalisé avec un dessin plus "début 19ème", qui a été apprécié et qu'on a voulu reprendre à Orschwihr. Et comme il est probable qu'une version "3 tourelles" aurait été trop petite pour la composition d'Orschwihr, on peut expliquer le passage à quatre.

Le dessin de projet pour Zinswiller,
ressemblant au buffet de  (1872),
clairement de la même plume que le précédent.Le dessin de projet pour Zinswiller,
ressemblant au buffet de Sparsbach (1872),
clairement de la même plume que le précédent.

Flûte harmonique

On trouve donc à Orschwihr une Flûte harmonique de Stiehr. Et aussi un jeu dont l'appellation "Voix céleste" est lourde de sens : la maison de Seltz appelait "Jeu céleste" certains Salicionaux (non ondulants). Comme il n'y a pas de Gambe avec laquelle jouer cette "Voix céleste" pour la faire onduler, il est fort probable qu'il s'agissait bien d'un Salicional, et pas d'une Voix céleste. Soit la maison Stiehr ne savait pas ce qu'est une Voix céleste, soit elle faisait semblant de ne pas le savoir... Un autre trait semble directement issu des orgues de campagne de la première moitié du 19ème siècle : la coupure de l'anche en basse+dessus, avec deux tirants à la console.

L'orgue a été réparé en 1897 par Joseph Antoine Berger. [PMSSTIEHR] [ITOA]

L'instrument a donné totale satisfaction : il n'a jamais été modifié. C'est un des derniers grands orgues construits à Seltz, et l'un des plus authentiques.

Trop tard, trop de retard

Mais ce ne fut pas suffisant pour sauver les vielles maisons de Seltz. Il y eut un raté épique de Stiehr-Frères en 1886 à Barembach : l'instrument était tellement peu apprécié qu'en 1902, sa partie instrumentale était déjà remplacée. On imagine l'effort financier... qui prouve que vraiment, "ça n'allait pas du tout". En 1891 mourut Léon Stiehr. Puis il y eut deux beaux instruments de Louis Mockers à Schweighouse-sur-Moder (1894) et Westhouse (1897). Trop tard : en 1897, Martin Rinckenbach était parfaitement à l'aise avec le style symphonique, et produisait des orgues comme celui de Bréchaumont, qui jouent quand même dans une autre ligue... La même année, la maison Eberhard Friedrich Walcker signait son orgue de l'église protestante de Saverne. L'année précédente, la maison Dalstein-Haerpfer avait livré son orgue de Mulhouse, St-Paul. Là aussi, du point de vue de la facture, on est dans un autre monde. En 1898, Edmond-Alexandre Roethinger a réalisé son orgue de Woerth. En voyant cela, il était clair que les commanditaires n'allaient plus hésiter longtemps.

L'orgue d'Orschwihr raconte donc une histoire : celle de la fin de la maison Stiehr, mais aussi celle de l'entrée des facteurs alsaciens dans une époque, féconde, imaginative, souvent surprenante, caractérisée par un total renouveau.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 27/03/1917 [IHOA]

La façade a été remplacée après 1926, mais on ne sait pas par qui. [IHOA]

En 2004, l'orgue a été relevé par Antoine Bois, d'Orbey. La façade a (de nouveau) été remplacée par une neuve. L'instrument a été reçu en mai, et la bénédiction eut lieu le samedi 05/06/2004, avec Daniel Roth aux claviers. [JNStrasser]

Le buffet

Le buffet est idéalement adapté à sa partie instrumentale : les quatre tourelles sont une tradition alsacienne (plutôt Haut-Rhinoise, d'ailleurs), que la maison Stiehr aime décliner avec les deux tourelles latérales plus petites que les intermédiaires. La configuration habituelle est de placer les deux petites tourelles au centre, ce que l'on retrouve pour les Stiehr de Zillisheim (1841, c'est bien en Haute-Alsace que la maison Stiehr a trouvé cette inspiration), Riedisheim (1853), Helfrantzkirch (1858), Wisches (1859), Illkirch-Graffenstaden (1866), Bischwiller (1867), Riedseltz (1870, tourelles aux différences de hauteur réduites), Birlenbach (1876). Mais les 4 tourelles ont aussi été réalisées "à l'envers", c'est-à-dire avec les grandes tourelles au centre : Hoerdt (1847), Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath. (1865), La Robertsau (1866), Bernardswiller (1869, version néo-gothique), Ottersthal (1869 version en tiers-point), Nothalten (1871), Minversheim (1877), Munchhausen (1878), et Orschwihr (1881).

Un buffet "fidèle aux traditions", donc, caractéristique de la maison de Seltz. Mais l'ornementation, très néo-classique, en fait un écrin idéal pour un orgue des années 1880.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 1986
Grand-orgue, 54 n. (C-f''')
Récit expressif, 54 n. (C-f''')
(C-c')
(cis'-f''')
Pédale, 25 n. (C-c')
Appelle Cornet, Mixture, Trompette du I, et anches de pédale
Retire Cornet, Mixture, Trompette du I, et anches de pédale
[PMSSTIEHR] [ITOA]
Console:

Console en fenêtre. Tirants munis de porcelaines. Claviers blancs.

Transmission:

Mécanique suspendue.

Sommiers:

Sommiers à gravures, d'origine.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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