L'édifice, depuis 1790 église paroissiale, était autrefois l'abbaye Ste-Richarde d'Andlau, fondée en 880. C'est un endroit chargé d'histoire, et l'église remonte pour partie au 11 ème siècle. Après la crypte, ce sont le coeur et croisée du transept qui sont les éléments les plus anciens. La nef a été reconstruite à la fin du 17 ème. Les escaliers menant aux tribunes datent de 1445 ; c'est l'un d'eux qu'il faut emprunter pour accéder à l'orgue, situé sur la tribune nord (à gauche du coeur).
Historique
Le premier orgue du lieu fut construit par Dietrich Wagner en 1617. [IHOA] [PMSDBO1976]
Il est fort peu probable que cet instrument ait survécu aux destructions du milieu de 17 ème siècle... Celui qui a été réparé en 1704 par Michel Cräner était donc probablement un autre orgue. Mais on n'en sait pas beaucoup plus.
On vit Wagner travailler à Obernai en 1616, et aussi à Benfeld en 1634.
Outre l'abbatiale, Andlau (et Eichhoffen) se dotèrent d'églises paroissiales. A St-Fabien-et-Sébastien (l'actuelle école élémentaire), on plaça en 1735 le deuxième des Positifs Silbermann, construit en 1717 pour Mme d'Andlau (Doublette en montre, avec une plate-face "aveugle" - muette ? - amovible). Il était encore à Andlau en 1776.
L'église St-André (église du cimetière) "hors-les-murs", consacrée à St-André reçut en 1770 (1768 ?) un orgue construit par Jaque Besançon, de Kaysersberg. Après la reconstruction de cette église, en 1780, c'est Jean Nicolas Toussaint qui remonta l'orgue (il était sur place pour achever l'orgue de l'abbatiale). L'instrument partit en 1866 pour la paroisse voisine d'Eichhoffen, puis en 1896 pour Harskirchen, St-Nicolas, où l'on peut encore voir son buffet (remanié). [Barth]
[ArchSilb]
Historique
Un orgue avait donc sûrement été construit par un facteur inconnu, avant 1704... [IHOA]
...en tous cas, la présence d'un instrument est attestée en 1704 par la réparation menée par (Jean) Michel Cräner. [IHOA]
En 1716 l'instrument fut réparé par Joseph Waltrin. [IHOA]
En 1724, Michel Cräner et son fils Jean Daniel revinrent réparer les "deux" orgues. [IHOA]
On apprend donc qu'il y avait à l'époque un orgue de choeur. C'est celui (ou un de ses successeurs) fut vendu en 1825 : on le sait car cette vente servit à payer la réparation du grand-orgue ! [IHOA] [PMSDBO1976]
La dernière réparation de cet orgue, qui remontait peut-être au 17 ème (l'instrument, prévu pour 8 jeux, en avait 10 dans le buffet, et était en outre muni d'une pédale), a été menée en 1767 par Johann Peter Toussaint, de Westhoffen, dont le fils fournira par la suite un instrument neuf, qui intégra la tuyauterie de l'ancien orgue dans le nouveau positif de dos. [IHOA] [Barth] [PMSDBO1976] [ArchSilb]
Historique
En 1780, Jean Nicolas Toussaint construisit donc un orgue neuf, en plaçant l'ancien en balustrade pour en faire un positif de dos. [IHOA] [Barth] [PMSDBO1976]
L'instrument a été réparé en 1825 par Joseph Chaxel. [IHOA] [PMSDBO1976]
Une autre réparation eut lieu en 1843, réalisée par Sébastian Thomann de Freiburg. [IHOA] [PMSDBO1976]
En 1855, c'est Antoine Berger qui intervint. [IHOA] [PMSDBO1976]
En 1867, l'orgue a été réparé par Joseph Andlauer (qui était peut-être apparenté à Koulen ; ce qui expliquerait la suite). Ignace Andlauder était organiste de 1830 à 1867. [IHOA] [PMSDBO1976]
Historique
En 1880, Andlau reçut un orgue neuf construit par Heinrich Koulen. [IHOA] [Barth]
Koulen était alors "l'étoile montante" de la facture alsacienne. Elève de Merklin, il avait donc été formé au coeur de l'école romantique française. L'acquisition d'un instrument aussi prestigieux s'explique par le fait qu'il s'agissait d'un don : il a été offert par le docteur Joseph Alexis Stoltz (1803 - 1896), ancien doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. Le marché fut signé le 09/12/1879. [PMSDBO1976]
Koulen avait construit son orgue sur la tribune du fond de la nef. L'instrument fut inauguré le 14/09/1880, jour du millénaire de Ste-Richarde, et le procès-verbal de réception (daté du 16/09/1880) fut très élogieux, surtout au sujet des qualités sonores de l'instrument ("eine der besten Orgeln des Elsass"). La réception avait été menée par Ignace Andlauer (celui de Haguenau), en présence d'Auguste Andlauer (Paris), d'Eugène Andlauer (prêtre et organiste à Eguisheim), du président du conseil de fabrique Alexandre Gilliot et d'autres membres du clergé. On loua en particulier les anches "à la française". Après la réception, Auguste Andlauer joua des pièces de Bach, Lemmens, ainsi que quelques unes de ses propres compositions. L'enthousiasme n'était pas feint : l'orgue fut ensuite joué par Klein (Rouen), Auguste Jolly (Nancy, St-Epvre), Marie-Joseph Erb (Selestat St-Georges), Bachmann (Bouxwiller), Spenner (Neuwiller), Auguste Steiner (Dambach puis Guebwiller), Edmond Weber (qui avait été élu "meilleur pianiste de Strasbourg") et Auguste Bopp (Sélestat et Haguenau) : l'instrument commençait à tenir sa place dans le paysage organistique alsacien ! [Barth] [PMSDBO1976] [RMuller]
Le buffet est de Jean Weyh. [Palissy] [Barth]
On doit à la maison Weyh, de Colmar, d'autres mobiliers ou peintures d'église (et travaux de verre) en Alsace, par exemple à Woerth, Walheim ou Ingersheim.
Lors de la construction de l'orgue Koulen, l'organiste s'appelait Conrath. Il officia jusqu'en 1897. Son fils Edmond Conrath tint les claviers jusqu'en 1920. De 1924 à 1974, l'orgue fut tenu par Eugène Brucker. [PMSDBO1976]
En 1935, l'orgue a été déplacé sur la tribune vers le transept nord. C'est peut être à cette occasion que la distance entre la console et le buffet a été modifiée (elle est aujourd'hui très importante - dans les 6 mètres -, et inhabituelle pour un orgue à transmission mécanique). [IHOA] [ITOA]
En 1974, c'est donc un orgue pratiquement authentique que Robert Kriess répara et, malheureusement, transforma. [IHOA] [ITOA]
Kriess remplaça le Tuba 16' de pédale (jeu pourtant caractéristique de Koulen, qui donne sa spécificité à l'instrument) par une Bombarde, et découpa la paroi droite du récit (pour qu'il ne soit plus expressif). Les volets avaient été déposés ; ils ont été replacés ultérieurement (après 1986) mais ne peuvent plus faire leur usage. C'est peut-être lui, aussi, qui remplaça le Violoncelle de pédale par un étrange 4' de facture standard. La Gambe d'amour 4' du récit a peut-être un moment été décalée en 8 pieds. Elle est en 4' à Matzenheim, et elle figure aussi en 4' au devis. [ITOA]
Le seul Tuba 16' de Koulen encore en place en Alsace est à l'église protestante de Mittelhausen. Les grandes boites-pied de ce Tuba semblent conservées à côté de l'orgue, mais pas les résonateurs.
Malheureusement, l'opération affecta aussi probablement les râteliers, puisque des tuyaux d'anche, depuis, se sont déformés et littéralement couchés sur les autres.
A un moment, les tuyaux du Basson 16' du grand-orgue (anches libres) ont été déposés. Ils sont rangés à gauche, au fond de la tribune, et de facture très spécifique (voir ci-dessous). [Visite]
Une autre modification a été apportée sans aucun souci du respect de l'esthétique d'origine de l'instrument (après 1986) : le remplacement de l'indispensable Voix céleste du récit par une Tierce 1'3/5 (qui n'a rien à faire dans un orgue romantique). Plus grave : les Voix célestes n'ont souvent pas d'octave grave, or la Tierce actuelle est complète, et c'est le Quintaton qui n'a plus d'octave grave. Donc, c'est probablement sur la chape du Quintaton que cette Tierce a été posée, tandis que les tuyaux du Quintaton rejoignaient la chape de la Voix céleste... entraînant la perte de la précieuse octave grave du Quintaton ! Pourtant, la Voix céleste était encore là en 1986, et bien d'autres travaux conservatoires auraient pu être faits à cet orgue au lieu de continuer à le dégrader ! [Visite]
Le buffet
L'ornementation du buffet est particulièrement élaborée, et renvoie au langage pictural et à la symbolique romanes. Les éléments non-figuratifs voisinent avec les motifs floraux et les animaux (ou chimères).
Des visages (rappelant les modillons que l'on trouve sur de nombreuses façades romanes) arborent différentes expressions ; ils ont de grandes oreilles (celles-ci symbolisent la faculté de recevoir le message).
Les frises renvoient à celles de l'extérieur de l'église : on retrouve par exemple les deux dragons mordant leurs queues entrelacées ; ils dessinent une sorte de bretzel, ou le "8" couché du symbole "infini" : l'entrelac est symbole d'infini ou d'éternité.
Il y a aussi des oiseaux (spiritualité), liés avec des serpents (prudence). Les deux ours (Andlau) semblent affronter des dragons (combat) (sur l'orgue, ils n'affrontent pas le héros Bianco, le 19 ème semblant refuser - à part les visages - toute représentation humaine).
Les joues de la console figurent des chimères ailées, entrelacés, et retournés tête en bas (représentant la conversion dans la symbolique romane ; cela se lit donc "conversion spirituelle perpétuelle").
Les motifs cannelés (damiers), eux, rappellent le chevet de l'abbaye romane de Murbach. On les retrouve aussi à Rosheim (où il voisinent avec les deux dragons qui se mordent la queue - "combat éternel" - , placés en chapiteaux de pilastres). Le damier est apparenté à l'escalier, et symbolise les étapes à gravir pour parvenir au salut.
Caractéristiques instrumentales
C | c | g | a' |
2'2/3 | 4' | 4' | 4' |
1'1/3 | 2'2/3 | 2'2/3 | 2'2/3 |
- | 1'1/3 | 1'1/3 | 1'1/3 |
- | - | 1'1/3 | - |
Console indépendante dos au choeur (face à l'orgue). Tirants de section ronde à pommeaux tournés à porcelaines, les noms des jeux figurant en gothique (en Français mais sans les accents), disposés en gradins de part et d'autre des claviers. Claviers blancs, récemment replaqués en plastique. Touches du récit biseautées, mais droites au grand-orgue. Pédales (cuillers) repérées par des porcelaines vissées au-dessus du second clavier : dans l'ordre :
- "Forte general du 1-er Clavier"
- "Accouplement de la Pedale au 1-er Clavier"
- "Introduction des jeux de combinaisons du 1-er Clavier"
- "Decouplement de la machine pneumati=que du 1.er Clavier".
- Suit le cadran circulaire du crescendo (dont il manque l'aiguille), et faisant figurer le nom des jeux du grand-orgue : dans l'ordre : 0, Bourdon 8', Gambe 8', Bourdon 16', Montre 8', Flûte.M. 8', Flûte , Prästant, Doublette 2', Grand jeu 3 1/3, Basson 16', Trompette 8', Clairon 4'. Ce crescendo était commandé à l'origine par un rouleau ("Rollschweller") et non une pédale basculante.
- "Tremblant du 2-em Clavier"
- "Accouplement de la Pedale au 2-em Clavier"
- "Accouplement du 1-er Clavier au second"
- "Forte general du 2-em Clavier"
Suit la grande cuiller de l'expression du récit (sans porcelaine).
Mécanique à équerres : elle chemine sous le long espace qui sépare la console du buffet, puis est renvoyée verticalement après la cloison du buffet. Sous le récit se trouve la machine Barker pour le grand-orgue, l'effort étant alors distribué par abrégés. Tirage des jeux pneumatique (soufflets tirant les registres par un balancier à côté du sommier).
Sommiers à gravures et registres, pédale à cônes ("Kegellade"). On retrouve la même disposition qu'à Neuf-Brisach et Melsheim. C'est la "signature" des orgues Koulen mécaniques, puisque cette solution sera à nouveau adoptée à Erstein, Fessenheim-le-Bas, Ingenheim et Lampertheim. Après 1890, tous les sommiers de la maison Koulen sont à cônes, puis il passa au pneumatique dès 1892.
Deux fois deux sommiers (diatoniques) pour le grand-orgue, sur les côtés. Les deux sommiers dédiés aux "jeux de combinaisons" sont en arrière, et les deux autres juste derrière la façade ; une passerelle les sépare, de chaque côté. Un grand sommier chromatique pour le récit, en position centrale et en hauteur, disposé orthogonalement à la façade, basses au fond. Les aigus sont donc en avant, derrière les volets basculants commandés par la cuiller d'expression (hors d'usage lors de la visite ; de toutes façons, la paroi droite (Cis) du récit est découpée). Pédale au fond, disposée en mitre.
Tuyauterie de très belle facture, en étain et différentes essences de bois (le choix variant en fonction de la hauteur des tuyaux). Entailles de timbre (sauf extrême aigu), Bourdons à calottes mobiles. Quand les écussons sont rapportés, ils sont parfois de forme ogivale. Nombreuses bouches arquées. Biseaux à dents fines.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Mme Bianchi pour la visite.
im67005794
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