L'église protestante de Geudertheim est dotée d'un instrument très intéressant, issu de la maison Stiehr en 1844, et fort adroitement complété par Heinrich Koulen en 1891.
L'église de Geudertheim était placée sous le régime du "Simultaneum" entre 1749 et 1900, date à laquelle fut construite l'église catholique St-Blaise (où se trouve un orgue exceptionnel de la maison Grebüder Link). L'organologie fit pas mal de confusions entre les deux édifices.
Historique
Geudertheim est célèbre dans le monde de l'orgue pour avoir reçu, en 1715, un petit orgue d'André Silbermann. [IHOA] [PMSSTIEHR]
Le petit orgue a été réparé en 1747 par Johann Peter Toussaint. [IHOA]
En 1818 par Louis Geib. (D'importants travaux.) [IHOA] [PMSSTIEHR]
En 1827 par Johan Jacob I Moeller. [IHOA]
En 1833 par Martin Wetzel. [IHOA]
On imagine les commentaires, si l'instrument avait été à traction pneumatique... "pas fiable", "incessantes réparations", "décennies de tracas", etc... On connaît par cœur le vocabulaire de cette désinformation. (En fait, ces schémas "d'orgue pas fiable" sont juste la conséquence d'une bonne documentation de l'entretien...)
En 1842, l'église (servant toujours aux deux confessions) fut reconstruite. Et dès 1843, l'orgue fut vendu à l'église protestante de Weiterswiller. [IHOA]
...où en 1903 on préféra le remplacer par un harmonium.
Historique
En 1844, la maison Stiehr-Mockers plaça un orgue neuf dans l'église simultanée neuve (l'actuelle protestante) de Geudertheim. [IHOA] [PMSSTIEHR]
Le marché est daté de 24/10/1841 (20 jeux, avec positif intérieur) et fut approuvé par la commune le 06/06/1842. Mais on se mit à ergoter pour savoir s'il ne valait pas mieux un positif de dos. En fait, c'est l'architecte d'arrondissement qui voulait un positif de dos ! (Bien sûr, ce n'est pas lui qui allait être obligé de jouer avec la tête dans une armoire, et en plus coincé entre deux buffets...) Si bien que la préfecture n'approuva que le 11/05/1843. L'orgue fut reçu le 11/04/1844. La pédale n'avait que 18 notes à l'origine. [PMSSTIEHR]
Le Tuba
En 1891, l'instrument fut confié à Heinrich Koulen, qui ajouta un jeu remarquable : un de ses célèbres Tubas 16', à anches libres. [IHOA] [ITOA]
Koulen, injustement discrédité par l'organologie alsacienne germanophobe de la fin du 20ème siècle, se révèle une fois de plus - sur la base de ce qu'il a laissé à Geudertheim - comme un "grand" de la facture alsacienne. [Visite]
Ce Tuba 16' - à anches libres - était un de ses jeux emblématiques. Il donne une fondamentale ronde et profonde, un peu comme une Posaune. Il n'y en a malheureusement que deux qui aient été conservés en Alsace : celui-ci et celui de l'église protestante de Mittelhausen. Il y en a aussi un dans le pauvre orgue d'Andlau, mais il est démonté.
On trouvait également un Tuba de Koulen au collège St-Joseph de Matzenheim, à Grendelbruch, à l'église protestante de Westhoffen (dans sa version 32 pieds), ainsi que dans l'ancien orgue de Kunheim. Ils ont tous disparu, victimes d'une époque où on était pas conscient de la valeur des choses, et où on éliminait tout ce qui était original, avec l'argument "C'est pas comme ça qu'il faut faire, je vais vous montrer, moi", ou, pire : "C'est d'après 1870."
Koulen plaça aussi une Voix céleste, qui n'a malheureusement pas été conservée. Il compléta la pédale à 27 notes (avec un sommier chromatique), et renouvela la soufflerie. [ITOA]
Ce fut une opération exemplaire : doté d'un pédalier utilisable et d'une bonne soufflerie, l'orgue pouvait jouer du répertoire. Et ce Tuba ajoute une touche d'originalité à un instrument, sinon somme toute assez banal. La rondeur de cette fondamentale est particulièrement bien adaptée à un orgue "de transition" (entre les styles classiques et romantiques).
Il y eut une réparation assortie de petites transformations, en 1933, effectuée par Georges Schwenkedel. [IHOA] [ITOA]
Schwenkedel visita l'instrument le 17/06/1933, et nota "Orgel mecanische Stiehr oder Wetzel". Il nota la composition suivante :
Bien entendu, un relevage était prévu, ainsi que la pose d'un ventilateur. Et la Voix céleste devait être remplacée par un 2'2/3. Schwenkedel note aussi que la Trompette est mauvaise et qu'il faudra la remplacer par une neuve. Idem pour le Basson/Hautbois du positif. [SchwenkedelNB]
Schwenkedel nous livre ici une évaluation totalement franche des anches Stiehr. D'abord sans langue de bois, puisqu'il s'agit de ses notes personnelles, et ensuite avec une totale impartialité, car il n'avait pas formellement statué sur l'auteur l'instrument ("Stiehr ou Wetzel"). Donc, quand il dit que les anches étaient mauvaises... ben, elle étaient mauvaises.
Finalement, il remplaça l'anche du positif. Et la Voix céleste de 1891 par une Quinte de récupération, constituée de tuyaux Stiehr. Mais pas la Trompette du grand-orgue. [ITOA]
En 1966, Pie Meyer-Siat nota la composition, qui était la même que l'actuelle.
Il y eut à nouveau une réparation en 1982, par Paul Adam. [IHOA]
L'orgue a été relevé en 2011 par Christian Boetzlé, d'Organis Nobilis. [Visite]
Le buffet
Le "buffet-caisse" (parfaitement rectangulaire) est caractéristique de la production de la maison de Seltz à l'époque. Cette forme simple visait évidemment à limiter les coûts. Il y a 3 plates-faces, la centrale étant plus large et moins haute que les latérales, pour pouvoir être surmontée d'un cartouche ornemental. Au centre de celui-ci se trouve une figure d'Apolon (identifiable à cause des lauriers).
Il est apparenté à ceux de Hoffen (1846, avec profusion de motifs "antiques") ou Handschuheim (1849, réduit en largeur, et où on retrouve deux fois l'ornement avec l'Apollon).
Car c'est bien par l'ornementation que l'on donnait de l'attrait à ces buffets aux lignes un peu minimalistes : en haut, il y a une corniche avec une frise, et à la ceinture, une frise figurant des poissons et des éventails sur base de coquilles St-Jacques.
Caractéristiques instrumentales
Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section carrée à pommeaux tournés, placés en deux colonnes de part et d'autre des claviers. Les jeux sont repérés par des plaquettes rectangulaires vissées, qu'on peut dater de 1933. Le fond est blanc pour le grand-orgue, rosé pour le positif, et bleuté pour la pédale, et le nom des jeux d'anches apparaît en rouge. Claviers blancs. Le clavier supérieur (positif) a des poignées pour commander l'accouplement par tiroir.
Mécanique suspendue.
Sommiers à gravures, sauf complément de pédale à cônes. Il y a 2 sommiers pour les manuels, à gravures intercalées (il n'y a donc pas deux plans sonores). 2 sommiers diatoniques + 1 chromatique de 9 notes (fis-d') pour le pédale.
Pendant longtemps, dans le monde de l'orgue, l'évocation de Geudertheim produisait invariablement des : "Ah, dire qu'il y avait un Silbermaaann, là-bas ! Quelle affaire... quelle affaire..." Souhaitons que cela devienne plutôt : "Ah oui, là où il y a le beau Stiehr avec un Tuba de Koulen, et un Link authentique !" C'est quand même plus enthousiasmant.
Car avec cet instrument plein de caractère (doté de son précieux Tuba de Koulen), et le magnifique orgue Link de l'église St-Blaise, Geudertheim dispose de deux éléments patrimoniaux de très grande valeur. Comme quoi, en matière de patrimoine alsacien, il n'y a pas que les maisons à colombages...
Sources et bibliographie :
Remerciements à Jean Gay.
Photos du 14/08/2020
GEUDERTHEIM, Kt. Brumath. - Simultaneum 1749-1900 (Bau der kathol. Ki.). Vertrag von Andreas Silbermann f. d. Gde, abgeschlossen 15. IV. 1715. Es war eine O. mit 8. Reg., nur ein Positiv in die Chorbrüstung eingebaut. Im J. 1746 oder 1747 rep. Joh. Peter Toussaint von Westhofen die O. WÖRSCHING 106. - Rep. von Stiehr 1880. Ebenda 106, Anm. 143. - Seit 1900 ist die Silbermann-O. durch ein pneumat. Werk mit 10 Reg. der Firma Gebr. Link in Giengen a. d. Brenz (Württbg) ersetzt. Trotz Beibehaltung vieler Pfeifen von Silbermann hat das neue Werk von 1900 den Silb.-Charakter verloren. Feststellung v. Louis GINTER, 1935. Ebenda, Anm. 144.
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