Voici l'opus 45 de Martin Rinckenbach, d'Ammerschwihr. Il date de 1894, et c'est un précieux témoin de la facture symphonique alsacienne.
Historique
Un premier orgue a été placé à Buschwiller après 1840 et avant 1869. C'était probablement un orgue d'occasion. En 1888, il était inutilisable, et en 1892, le curé le décrivit comme "misérable" ("armselig"). [IHOA] [PMSSUND1986] [Barth]
Historique
C'est en 1894 que Martin Rinckenbach construisit son opus 45 pour Buschwiller. Il était installé dans l'ancienne église, qui datait de 1762. [IHOA] [PMSSUND1986] [Barth]
Le conseil municipal prit sa décision le 04/02/1894.
C'était un projet pour un orgue de 12 jeux. C'est toujours sur un "noyau" de jeux communs que Rinckenbach définit ses compositions, auquel on en ajoute d'autres suivant les priorités locales. L'origine romantique française de l'esthétique ne fait aucun doute, mais les fonds sont souvent spécifiques. Deux concessions ont été acceptées : pas d'anche, et un récit non expressif (donc pas de Voix céleste).
Ces récits de 3 jeux nous indiquent ce qui est fondamental pour le style à ce plan sonore : un Bourdon 8', un jeu Gambé (Salicional 8') et la Flûte harmonique 8', qui est la "star" de cette composition. Surtout pas de Principaux ! S'il y avait eu plus de ressources, nul doute que les jeux suivants auraient été un (très alsacien) Violoncelle de pédale, et une Trompette pour le grand-orgue. (Voir Niffer).
On trouvera sur la page consacrée aux compositions des orgues Martin Rinckenbach de 1874 à 1898 plus de détails sur cet art de structurer les orgues.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 13/03/1917. [PMSSUND1986]
La façade a été remplacée en 1923, et la soufflerie dotée d'un ventilateur électrique. [PMSSUND1986]
Cette façade (l'actuelle) est tellement belle et bien harmonisée qu'on la dirait d'origine. D'ailleurs, l'inventaire technique des orgues d'Alsace note "Façade d'origine en étain." Mais les détails sur la réquisition et le remplacement (dates) ne laissent guère de doute. On ne sait pas qui est l'auteur de cette façade, mais elle pourrait bien être de Joseph Rinckenbach, ce qui expliquerait sa qualité et sa parfaite intégration dans l'instrument. Si c'est le cas, on pourrait dire que cet orgue est 100% authentique. [Visite] [ITOA]
L'orgue Rinckenbach (et le fameux autel de 1690) ont été transférés dans la nouvelle église en 1934. [PMSSUND1986]
Il y eut un entretien en 1950. [PMSSUND1986]
En 1986, Christian Guerrier procéda à un relevage. [ITOA]
Le buffet
Le dessin de ce buffet est l'un des favoris de la maison d'Ammerschihr. Il a été employé une première fois à Buethwiller en 1883. Le buffet est constitué de trois tourelles plates, la centrale étant volontiers un peu plus petite que les autres, et de deux plates-faces doubles. Ce dessin présente l'intérêt de bien s'adapter aux tribunes de faible hauteur. On lui connaît plusieurs variations, en jouant sur la taille de la tourelle centrale. Le style du meuble à Buschwiller se situe entre le néo-roman et le néo-classique.
A Meistratzheim (1894), le dessin est pratiquement le même qu'à Buschwiller (1894). A Lauw (1893), la tourelle centrale est encore plus petite. A Hoenheim (1885), Mussig (1894) et Houssen (1897) on trouve une version avec la tourelle centrale plus grande.
A Werentzhouse (1889), Ettendorf (1908), Bourg-Bruche (1908), St-Louis-Bourgfelden (1899), Dessenheim (1901), on trouve une version où les tourelles sont munies de gâbles, et parfois les plates-face triples.
Caractéristiques instrumentales
C | c | c' |
2' | 2'2/3 | 4' |
1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
1' | 1'1/3 | 2' |
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés munis de porcelaines, disposés en deux gradins de part et d'autres des claviers. Les porcelaines sont à fond blanc, et le nom des jeux est écrit en noir pour le grand-orgue, en rouge pour le récit, et en bleu pour la pédale. Le tirant de la Gambe est presque effacé ("Gamba 8'" ?) Suivant une habitude de Martin Rinckenbach, les tirants de la pédale sont en haut à gauche. Claviers blancs, frontons biseautés au récit. Commande des accouplements par pédales-cuillers à accrocher, en fer, repérées par de grandes porcelaines à liséré doré (d'origine) sur un support tourné : à gauche : "Pedal koppel (I/P), à droite : "Manual koppel" (II/I). Le banc (d'origine) est une évolution du modèle dont les montants présentent une forme de lyre ; il y a trois "cordes".
Plaque d'adresse en position centrale, au-dessus du second clavier, en métal incrusté sur fond noir, encadré :
Le nom et "Ammerschweier" sont en cursives, et "Ammerschweier" ondule entre deux lignes.
Mécanique à équerres.
Sommiers à gravures. Pour les manuels, ils sont diatoniques en "M" (basses aux extrémités). La pédale est diatonique en mitre (basses au centre).
Ordre des chapes du grand-orgue, de l'accès vers la façade : Mixture, Gambe, Flûte 4', Bourdon 8', Bourdon 16', Octave, Montre.
Ordre des chapes du récit, de l'accès vers l'avant : Flûte 8', Bourdon 8', Salicional 8'.
A la pédale, le Principal 8' est devant la Soubasse.
Alors bien sûr, il n'y a "que" 12 jeux, et pas d'anche. Mais c'est un vrai orgue symphonique, et chacun de ces jeux est une totale réussite. Leur choix et leur harmonisation permettent l'exécution d'un vaste répertoire, il suffit de jouer avec les couleurs.
Même sur ses plus petits instrument, Martin Rinckenbach s'impose décidément comme le plus grand des facteurs d'orgues alsaciens, toutes époques confondues.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Roland Herrmann.
Photos du 07/08/2021 et données techniques.
"Buschweiler 12"
175. Buschwiller Rinckenbach, 12 Jeux.
BUSCHWILLER, Kt. Hüningen. - Die Pf. brachte die Mittel f. d. neue O. von 1894, von Rinckenbach, auf. Vfr. 38 (1895), 38. - Im J. 1840, ohne O.; 1892 (Visit.-Bericht) mit « armseliger O. ». - In Liste Wiltberger (Nr. 45) ist die Angabe auf Buschwiller, nicht auf Buchswiller, zu beziehen. Hier mit 12 Reg., 2 Clav., wie auch in Liste Rinckenbach, wo richtig Buschwiller.
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