Le vieux sanctuaire de Friesen (il remonte pour partie à 1771 et hérite d'une tradition d' "église mère" des environs) eut beaucoup à souffrir des deux guerres mondiales. Le clocher a dû être reconstruit en 1949, puis l'intérieur refait. L'orgue actuel, posé en 2012, est l'oeuvre de la maison Garnier, comme celui d'Ueberstrass Notre-Dame (Grünenwald).
Historique
C'est un peu avant 1829 que Joseph Chaxel construisit le premier orgue de Friesen. [FriesenFaitsEx] [FriesenCM] [DRouschmeyer]
Le fait est rapporté par un registre/chronique tenu par les curés de Friesen, et en particulier par Antoine Dangel (de 1892 à 1927) : "Joseph Chaxel, facteur d'orgues et d'instrument à Benfeld, a fait ici à Friesen les orgues de notre église en 1829. Deux registres ayant été confectionnés déjà, elles ont été jouées pour la première fois un dimanche après la moisson." En fait, en 1829, des travaux d'aménagement de la tribune rendus nécessaires par la présence de l'instrument attestent sa présence, ce qui porte à croire que l'orgue Chaxel a été livré un peu avant. [FriesenFaitsEx]
C'est confirmé aussi par une délibération du conseil municipal de 1829 : "Les CM des communes de Friesen, Hindlingen et Ueberstrass extraordinairement assemblés sous la présidence des maires, Srs Müller, Fischer et Wadel, votent un supplément de 800,- francs pour le jeu d'orgues de la paroisse (à la somme de 5150,- francs du devis initial), au profit du Sieur Chaxel, facteur d'orgues à Benfeld (qui aurait éprouvé une perte d'environ 2000,- francs pur matériaux et salaires de plusieurs ouvriers)." [FriesenCM]
En 1834, l'instrument a été entretenu et accordé par Adam Blum "de Rosheim". [FriesenCM]
Il s'agit certainement d'Adam Blum, facteur semi-itinérant que l'on vit oeuvrer à Bischoffsheim en 1832 et Fegersheim en 1852. Il a aussi entretenu l'orgue de Liepvre en 1848, 1849, 1851, et on le retrouve même tout au nord de l'Alsace, travaillant à Wissembourg, église luthérienne St-Jean en 1851.
En 1864, lors de travaux à l'édifice, c'est le facteur suisse Ursanne Lanoir (1808-1879), de Cornol, qui s'occupa de l'orgue. [FriesenCM] [ChronologieJurassienne]
Lanoir, pratiquement autodidacte, seul facteur du Jura suisse à l'époque, a travaillé notamment à Cornol, Péry, Courtelary, Porrentruy, Fahy, Damvant, Coeuve, Goumois, les Pommerats. Son orgue de Goumois a été préservé, mais c'est probablement le seul ; il est situé en France, bien que la commune soit à cheval entre la France et la Suisse. [ChronologieJurassienne] [OrgueEtVitraux]
L'orgue a été repris par la maison Rinckenbach en 1902, mais on ne sait pas s'il a été réinstallé autre part. [FriesenCM]
Si Rinckenbach a replacé cet ancien instrument ailleurs, ce serait un candidat possible pour l'explication du mystère de Rottelsheim (installation d'un orgue d'origine inconnue en 1905, de facture compatible avec celle de Chaxel). La maison Rinckenbach a posé un orgue à Dauendorf en 1904, et les deux localités sont distantes de 10 km.
Historique
En 1902, Friesen acquit un orgue de Martin et Joseph Rinckenbach, plutôt important, puisqu'il avait 22 jeux (liste Lapresté 1938, "dépliant" Lapresté et liste de Médard Barth), soit avec le Tremblant, 23 "registres". [IHOA] [Barth]
Le projet s'inscrivait dans une rénovation complète du sanctuaire, mené à la fois par Friesen et Ueberstrass (travaux à l'édifice de juin à décembre 1901). C'est le 10/02/1901 que fut prise la décision de remplacer l'ancien orgue et non de le faire réparer : "On renonce à la réparation de l'orgue, mais par contre on fera construire un instrument selon devis du 17 octobre 1900 établi par le facteur d'orgue Rinkenbach pour un montant global de 6650 M. Ce prix sera réduit à 6000 M, selon déclaration orale de Rinckenbach, après cession du vieil orgue. Les CM souhaitent expressément que l'offre Rinckenbach soit soumise à un examen technique et complétée, dans le cas où l'instrument s'avérerait trop faible pour l'église." [FriesenCM] [FriesenFaitsEx]
C'est Henri Wiltberger (école normale de Colmar) qui fut nommé pour procéder à cette expertise. Le 31/03/1901, après réception de ses propositions, on se décida pour un instrument un peu plus grand : "Le maire donne connaissance d'un avenant au projet de construction d'un orgue par Rinckenbach, selon propositions de Wiltberger, Directeur impérial de la musique à Colmar. Il en résulte un surcoût de 1210 M, auxquels s'ajoutent 400 M (obligation d'utiliser l'armoire n° II), soit un coût total de 761[0] M. L'avenant est adopté à l'unanimité." [FriesenCM]
Cet avenant n'était donc pas négligeable : +24%. Dans la chronique, le curé Dangel donne le prix du buffet ("armoire No 2") : 750 Mk. Etant donné qu'il était 400 Mk plus cher que celui du projet initial, ce dernier ne coûtait que 350 Mk. Le projet revu par Wiltberger était non seulement plus grand que l'original, mais le buffet, vu la différence de prix (plus du double) devait être beaucoup plus travaillé et orné.
L'orgue fut reçu par Wiltberger et Gloess (Mulhouse, qui reçut aussi en 1928 l'orgue Roethinger de Zillisheim). Un compte-rendu est paru dans l'"Oberelsässische Landeszeitung" en avril 1902, dont voici le texte. [OELZeitung]
L'instrument décrit dans l'article est disposé sur 2 manuels (dont un récit expressif) et pédale ; il est naturellement à traction pneumatique, avec 23 registres et 4 accouplements : les deux tirasses, II/I et II/I en octave graves (II/I 16'). Il y avait 5 combinaisons fixes (pp, p, mf, f et ff). [OELZeitung]
La composition n'a pas été retrouvée, mais l'instrument devait être très voisin de celui de Kogenheim (23 jeux / 24 registres), et on peut imaginer que c'est la Quinte 2'2/3 du récit qui n'avait pas été placée à Friesen. Avant l' "amendement Wiltberger", le projet devait ressembler à ce qui a été construit à Mitzach. Ce devait être, selon les habitudes de la célèbre maison d'Ammerschwihr, un orgue de très grande qualité.
Endommagé par faits de guerre en 1944, l'instrument ne fut malheureusement pas déclaré réparable, et on préféra le remplacer. [IHOA]
Historique
En 1958, Curt Schwenkedel posa ici l'opus 120 ou 127 (selon les sources) de la maison strasbourgeoise, caractéristique des "dommages de guerre". [IHOA] [ITOA]
L'instrument était néo-classique de conception, avec toutes les concessions qu'il fallait faire à l'époque. Par contre, du point de vue de la console, on laissait s'exprimer toutes les fantaisies permises par l'électricité.
L'instrument est à rapprocher de celui de Huningue. Et pourtant, 14 ans séparent ces deux réalisations. L'esthétique néo-classique, alors généralisée, avait produit des schémas très stables, très typés, et faisait usage de techniques éprouvées. Changer les choses n'était pas facile, à un moment où les matériaux étaient rares et chers, et où les priorités étaient dictées par la nécessité de rendre les instruments endommagés propres à servir le culte. La composition de l'orgue de Friesen était presque celle de Huningue, duquel on aurait retiré le positif de dos. Il y avait aussi, à la pédale, une Grande quinte 10'2/3, destinée à constituer un 32 pieds acoustique par battements avec la Flûte 16'. C'était tout de même un peu "décalé" dans le contexte. Par contre, il n'y a plus le fameux Cornet de Pédale, présent à Huningue.
On ne peut s'empêcher de penser qu'après l'orgue de la maison d'Ammerschwihr perdu lors du conflit (dont on connaît la qualité des contemporains), l'instrument de Schwenkedel, avec son lot de solutions compliquées utilisées de façon un peu désespérée, devait faire bien pâle figure. Quelque part, on savait bien qu'il s'agissait d'une solution temporaire. Elle dura quand même 54 ans.
L'orgue a été démonté en 2012. [DRouschmeyer]
La console (et donc, comme elle est électrique, des éléments de la transmission) de cet orgue devrait prochainement reprendre du service, car elle va servir à redonner vie à l'orgue d'Altkirch, St-Morand.
Caractéristiques instrumentales
indépendante, dos à la nef.
Historique
En 2011-2012, Ivo et Boris Garnier construisirent un instrument neuf pour Friesen. [IGarnier]
L'orgue a été terminé en mars 2012. C'est le grand-frère (même s'il est né après...) de celui de Notre-Dame (Grünenwald). Le succès qu'a connu ce dernier (achevé en 2005) a dû fortement inspirer l'instrument neuf de Friesen.
Le buffet
De forme élancée, le buffet est à trois tourelles. Celle du centre, la plus grande, est en tiers-point, alors que les autres sont plates. Des volets adaptés au buffet permettent de masquer les tuyaux, comme c'était courant dans l'orgue médiéval (on fermait pendant le Carême) (voir Ribeauvillé). Ces volets produisent aussi un effet "porte-voix". L'ornementation est constituée de couronnements très aériens, ainsi que d'importantes claires-voies, caractéristiques de la maison Garnier : Strasbourg, transept de St-Paul (1976), Ottrott (1977), Wolfisheim (1980), Riedisheim (1986), Rosenwiller (1998), et bien sûr Ueberstrass (2005).
Caractéristiques instrumentales
Tous les jeux sauf la Soubasse sont "libres", c'est-à-dire partagés entre les trois plans sonores. Chacun a trois tirants. Du coup, il n'y a évidemment ni tirasse ni accouplement.
Console en fenêtre frontale. Il y a donc 19 tirants (6 x 3 + la Soubasse).
Webographie :
Activités culturelles :
Sources et bibliographie :
Avec la photo de l'orgue de 2012.
Remerciements pour la documentation historique.
Avec les données techniques de l'orgue de 2012.
Avec la photo de l'ancien orgue Schwenkedel.
L'orgue Chaxel de Friesen a été placé par erreur sous "Friesenheim" (Benfeld). La confusion peut provenir du fait que le village de Friesen portait lui aussi le nom de Friesenheim à la fin du 17ème siècle, début du 18ème siècle.
Localisation :